#80 07 Mai 2018 11:13:22
Bonjour, je me permets de rebondir sur votre discussion concernant la métamorphose et compléter un peu ce que j'ai pu dire dans mon suivi.
Ma première interprétation, très rationaliste et partielle, m'a fait penser à un fils, soutien financier de famille, qui va devenir une complète charge pour sa famille. Pas seulement parce qu'il ne pourra plus subvenir au besoin financier de sa famille, parce qu'il sera devenu une créature honteuse, véritable fardeau moral pour la famille. D'où le rejet, que j'ai trouvé d'autant plus fort chez la sœur. Cela m'a fait pensé à un membre de la famille extrêmement malade, ou à un membre de la famille dont on a particulièrement honte.
Puis deuxième interprétation: il n'y a pourtant aucun mouvement de révolte chez Gregor Samsa. Il accepte tout et le seul sursaut qu'il a eu pour sauvegarder son "humanité" est la conséquence d'une réflexion de sa mère qui exprime son désaccord à enlever les meubles de la chambre. J'ai essayé de comprendre la passivité de Samsa en me disant que s'il accepte ce qu'il subit, c'est parce qu'il est d'accord, on plutôt c'est parce qu'il intègre le comportement ambiant. Il est convaincu qu'il est en effet une charge. Il ne peut plus soutenir financièrement sa famille, il a un aspect dégoutant, il n'est pas présentable à l'extérieur. Il est aussi de son propre avis une branche morte de l'arbre familial. Mais vient l'interrogation: Le rejet est-il la cause du fait qu'il est un monstre ou s'identifie-t-il à un monstre parce qu'il est si violemment rejetté. Je n'ai pas lu "lettre au père" que je lirais au plus vite mais cette réflexion m'a été inspiré par Nabokov qui dans son cours sur ce livre parle d'humain à face de monstre (pour parler de Samsa) et de monstre à face d'humain (pour parler de la famille).
Mais cette idée d'un Samsa qui subirait sa famille m'avait été préalablement inspiré par le fait qu'il découvre, une fois devenu un insecte répugnant, que le père avait gardé quelques économies après sa faillite alors que Samsa fait justement un travail qu'il déteste pour rembourser les dettes de son père. Et lorsqu'il le découvre, sa seule réaction est d'approuver l'attitude de son père qui l'a trompé. On découvre alors que le père de Samsa avait déjà une attitude équivoque avec lui bien avant la métamorphose.
Comme le dit Aealo, il reste pourtant plein de choses sur lequel on pourrait s'attarder: les locataires (dont le rôle reste pour le moins obscur pour moi), l'attitude de la domestique, la relation avec sa sœur et son ambition pour elle, l'insistance du père pour garder son uniforme de travail le soir, etc...
C'est pourquoi j'avais parlé de multiples niveaux de lectures parce que selon sur quoi on se concentre, on peut voir tout autre chose. J'avais par exemple été plus frappé par la relation entre Samsa et sa sœur que sur celle avec le père.
Et puis l'utilisation du fantastique par Kafka rend l'atmosphère toujours très étrange. Les réactions des personnages de Kafka à l'introduction de l'élément fantastique mettent mal à l'aise. On comprend bien pour eux aussi que ce n'est pas quelque chose de normal qui arrive mais leur réception de ce nouveau fait paraît se passer si doucement qu'on a l'impression qu'ils lèvent seulement un sourcil là où la plupart des gens seraient complétement affolés. L'intégration de l'élément fantastique dans la vie quotidienne des personnages se fait si naturellement qu'on en vient à se demander si c'est véritablement fantastique pour eux. ça ressemble un peu au fantastique de Gogol.
Dernière modification par Cachal_eau (07 Mai 2018 11:22:16)