Une plume catégorie poids lourds
Prix Horizon (2/5)
<image>Toujours dans la suite du Prix Horizon, voici le second livre me parvenant : Quand Dieu boxait en amateur de Guy Boley qui, à la grande différence des autres livres sélectionnés, est le seul dont j'avais déjà entendu parler. Je l'avais aperçu en librairie et il me bottait déjà bien. De plus, on en a encore largement reparlé par après dans différents prix.
C'est donc encore un livre biographique que nous avons là :
Dans une France rurale aujourd’hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide. Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Il sera champion. Le second se tourne vers des écritures plus saintes et devient abbé de la paroisse. Mais jamais les deux anciens gamins ne se quittent. Aussi, lorsque l’abbé propose à son ami d’enfance d’interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui-ci accepte pour sacrer, sur le ring du théâtre, leur fraternité. Ce boxeur atypique et forgeron flamboyant était le père du narrateur.
Une vie particulière en somme! ^^ Alors oui cette vie atypique est plaisante à découvrir, d'abord sa mort, puis l'enfance avec un père absent et une mère qui restera jusqu'au bout un personnage presque détestable par ses préjugés, puis la découverte et les débuts de forgeron, la vie de cheminot en parallèle avec le ring de boxe et enfin Jésus en saynète... De quoi faire pétiller les yeux d'un enfant et lui donner envie de raconter cette histoire qu'il a lui mis beaucoup de temps, trop de temps, trop tard à comprendre... Alors oui, ce n'est pas tout rose mais c'est touchant. Mais toute cette histoire ne parviendrait pas à avoir un tel impact sur le lecteur si elle n'était racontée par cette plume fine : le sens de la formule, de la parole qui touche, de la description imagière, de l'humour, du mot fort. A de mainte reprise, je me suis pris à relire 3 ou 4 fois certains paragraphes pour en apprécier la tournure, déguster leur art de faire mouche aussi bien dans l'humour que dans l'émotion.
Bref, une plume terrible au service d'un hommage touchant.
L'église Saint Martin des Chaprais est assez laide : il est préférable d'avoir la foi avant d'y entrer....
Ni grand vaisseau biblique, ni grand livre de pierre, elle n'est somme toute qu'un gros tas de pierres dans lequel il fait froid.
Quand un monde s'écroule, tous ceux qui vivent dedans, au loin ou à côté, s'en retrouvent affectés. Et s'ils n'en meurent pas, toujours ils perdent pied.
Elle était arrivée à la ville aux alentours de ses vingt printemps en épousant son cheminot de mari, mais elle était demeurée une travailleuse aux mains calleuses une paysanne perpétuellement étonne par les lumières de la cité, un animal traqué au port de tête hautain comme un cheval de parade, à la démarche pesante comme un cheval de trait, à l'orgueil inutile comme un cheval de cirque, à la langue de vipère et au coeur de pierre. Animale, végétale, minérale, force primaire écartelée telle une vallée, secrète telle une source, sombre telle une grotte, vivant comme un pommier produit des pommes et n'habitant depuis la mort de son époux, que deux saisons austères : l'hiver passé et l'hiver à venir. Bref, si on devait la résumer en une seule formule aussi homérique que cristalline : une belle chieuse. Une dépressive surtout, qui avait peur d'avoir raté et sa vie et son fils, ne supportait pas que l'on fasse autre chose que travailler, et ne savait s'exprimer qu'en un langage trivial, rupestre, comme si les paroles ne parvenaient, entre elles, à rien pouvoir faire d'autre que des parties de catch ou des combats d'aurochs.