@diablounette: Oui, c'est un autre stéréotype qui asticote.... Comme si la condition sine qua non de l'épanouissement féminin résidait dans l'homme ou dans l'enfant. Je me réjouis cependant que la balance penche un peu et que ces stéréotypes soient progressivement renversés, notamment par l'inclusion de personnages queer, qui ne sont plus définis en lien avec un genre en particulier, mais par rapport à eux-mêmes.
@isa: Répondre à ton message maintenant amène une perspective différente. Le déconfinement se fait progressivement, mais il a quelque chose d'artificiel je trouve. On sort mais on a peur de le faire. On sort mais on sait qu'il faudrait pas trop le faire. Et tu as ceux qui s'en foutent comme de l'an 40 et pour qui deux mètres ou trois pouces, c'est équivalent. Les masques n'ont pas encore la cote, mais se voient de plus en plus. On se regarde de travers, on tousse en secret dans son coude. Les terrasses et restos ouvrent à Montréal. Les gens mangent comme s'il était naturel que le serveur ait l'air d'un robot de plastique. Il y a quelque chose de dénaturé. J'ai tenté d'en profiter aussi remarque: je suis allée magasiner au centre-ville. C'est la dernière fois que j'achète sans essayer! :lol: Je vais juste attendre que tout ouvre pour vrai et user mes vêtements en mode écolo forcé!
Comment ça se passe dans ton petit paradis?
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Allô!
Je reviens ici après une pas pire absence (confinement, manque d'énergie, excuse pour aller jouer dehors ou encore pour gamer...) pour placoter lectures!
Ici, c'est beau et chaud. J'ai investi dans un vélo (meilleur achat ever!) et avec mon conjoint, on passe nos temps libres à rouler! C'est tellement grisant! Et vous, qu'est-ce que vous aimez faire durant l'été?
J'avais dit placoter lectures, right? Je divague déjà. Ces derniers temps, j'essaie de me concentrer sur des livres qui sont en lien avec la problématique que je souhaite aborder pour mon projet de maîtrise, soit l'identité (ou la quête de), la dépossession de soi et la maladie mentale (particulièrement le trouble de la personnalité limite, qui brouille l'identité). J'ai l'impression que septembre va arriver plus vite que je m'y attends....
Bref, pour ouvrir le bal, quoi de mieux que
Borderline, de Marie-Sissi Labrèche. Ce roman m'a rappelé Folle, de Nelly Arcan. Je ne suis pas fan d'autofiction, mais j'ai apprécié ce roman pour sa langue et pour la vérité crue qu'elle déployait. Le personnage ne cherche pas à nous masquer sa laideur. C'est un roman qui se joue en intensité, c'en est essoufflant. D'une certaine manière, cela calque l'intensité des émotions que peut ressentir une personne aux prises avec un trouble de la personnalité limite, ainsi que les gestes qu'elle peut poser en lien avec ces émotions. C'est un roman violent, dans sa langue comme dans les actions et les pensées qu'elle décrit.
[...] chaque chose a son numéro, chaque chose en temps et lieu, comme ça les sentiments sont bien gardés. Tandis que moi, c'est le bordel dans mes sentiments. Je me défais et me refais au fur et à mesure que mes histoires se déroulent. Je suis une fille de cirque sur un fil d'argent, sans filet, sur le bord de tomber. Les limtites sont trop floues, je l'ai déjà dit. Je suis boderline. Ce passage m'a parlé pour son rapport aux limites et à l'identité justement. Comme quoi elle ne peut rien appréhender. Son essence même coule entre ses doigts comme du sable, se mêle en tornade qui l'entraîne et la blesse. Rien ne se laisse prendre, n'a de forme concrète qu'on puisse nommer. C'est essoufflant, je l'ai dit.
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Dans un aure ordre d'idées, j'ai lu
Crève, mon amour, d'Ariana Harwicz. Je me le suis procuré et l'ai lu sur un coup de tête après avoir vu le thème dont ça traitait: la dépression post-partum. Encore une fois, on est dans la dépossession de soi, mais pour une raison autre: l'arrivée d'un enfant qu'on ne reconnaît pas. J'ai apprécié l'audace de ce roman de mettre en scène quelque chose qui est terriblement tabou dans notre société. Je ne l'ai pas particulièrement apprécié à cause de sa narration décousue, mais je ne dirais pas que j'ai passé un mauvais moment. Certains passages ont eu un effet coup de poing et montrent que parfois, les choses tiennent à pas grand-chose, justement.
-Je me demande à quel instant le désir de mourir est menacé par le fait de poser son cul sur une chaise et de boire de l'eau.
-Enlever le costume du sommeil, la peau vénéneuse, retrouver l'odorat, des cils. Recommencer à prononcer des mots, à avaler. Je me regarde dans le miroir, je ne ressemble pas à hier. Le quotidien balaie l'envie de mourir et l'envie de mourir balaie le quotidien. Un combat amorphe entre les deux avec pour prix, une poupée de chiffon qui n'a cure d'avoir une âme.
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On reste dans la joie (sic) avec
La petite fille qui aimait trop les allumettes, que j'ai lu parce que
isallysun l'a lu et qu'elle s'étonnait que je l'aie pas encore lu et que je me suis étonnée de pas l'avoir encore lu (c'est beau, les réactions en chaîne). Celui-là, j'en parle peu: le divulgâcher même juste une miette riquerait de ruiner toute la magie cruelle qu'il renferme. La langue est belle, corsée, orale et fabulée. Ça joue sur les jeux de mots, les doubles sens. C'est une tragédie carnavalesque merveilleusement horrible. Pour celleux qui connaissent Sol/ Marc Favreau (si tu connais pas, va voir sur Youtube, c'est merveilleux!), ça rappelle un peu ça, par bouts.
J'ai horreur de la musique. Parce que la musique, tenez-vous bien, c'est une abjection, une pieuvre avide qui se nourrit de nous. Faites-en surgir dans un rayon de cent mètres, et je n'ai plus de coeur, il m'est sorti du ventre où il habite, il éclate par terre sous mon regard désemparé, même si j'ai les yeux fermés, il me revient en élastique dans la poitrine en y perçant un trou de balle, et c'est une plaie qui vit et ressuscite à chaque note, et j'en mourrais de ma mort la plus délicieuse tellement c'est atroce et cruel et éprouvant, comme la vie. ***
Enfin, je viens de terminer
The Perks of Being a Wallflower, de Stephen Chbosky. Je lis rarement du jeunesse: je trouve souvent qu'il y a une vision un peu niaise de la vie en général dans ce type de romans (ou c'est moi qui suis blasée). Remarque, à 15 ans, j'étais vraiment naïve, donc j'imagine que ça colle avec le groupe d'âge visé. Ce n'est pas tant la naïveté du protagoniste qui m'a asticotée (elle m'a touchée en fait. Charlie est un garçon vraiment sensible), mais la manière dont sont dépeintes les relations. Je n'ai pas l'impression que si je me mettais à pleurer par gratitude d'être invitée dans un party, les gens présents audit party trinqueraient en mon honneur. Peut-être que je me suis toujours tenue avec les mauvaises personnes, mais les gens sont pas gentils et compréhensifs juste comme ça (je répète, je suis peut-être blasée) (si t'es sympathique et plein.e de compréhesion, on peut être ami.e.s? :pink: ).
Bref...! Les personnages sont bien contruits, on se prend à s'attacher et à s'identifier à eux. Le roman aborde des thèmes pertinents allant des questionnements banaux de l'adolescence à des sujets plus durs, comme l'homophobie, le suicide ou l'agression. Ce n'est pas un roman qui prend son lecteur pour un imbécile, et ça j'ai apprécié. Les thèmes plus durs ne sont pas édulcorés. Je me suis surprise à me perdre dans des réflexions. Je vous laisse quelques morceaux.
(Honnêtement, à partir de là, je vais commencer à te prendre pour mon journal intime. )We accept the love we think we deserve.Cette phrase m'a renversée. Je veux dire.... Comment sait-on l'amour qu'on mérite? Comment sait-on que ce qu'on a, ce n'est pas justement ce qu'on mérite? Ou qu'on est même chanceux d'avoir ce qu'on a parce qu'on n'en est pas digne? Qu'on serait ingrat de demander plus? Et si au final, on décide qu'on mérite mieux, et qu'on ce retrouve avec rien parce que ce qu'on avait était déjà e mieux qu'on pouvait avoir, qu'est-ce qu'on fait avec ça? La solitude. Le regret. Et à l'inverse, comment sait-on que ce qu'on a, on le retourne bien?
-And I thought that all those little kids are going to grow up someday. And all of those little kids are going to do the things that we do. And they will all kiss someone someday. But for now, sledding is enough. I think it would be great if sledding were always enough, but it isn't.
-Just tell me how to be different in a way that makes sense. To make this all go away. And disappear. I know that's wrong because it's my responsibility
, and I know that things get worse before they get better because that's what my psychiatrist says, but this is a worse that feels too big. Ce feeling... Quand le monde paraît tellement grand qu'il peut nous avaler n'importe quand.
Charlie est passif. He's a wallflower. Il se le fait reprocher un moment donné. Comme quoi toujours te mettre entre parenthèses pour les autres, c'est leur mentir, et te mentir aussi. J'ai entendu cette expression un jour: avoir un caractère entier. Elle me hante encore. Je ne sais pas ce que ça vet dire, avoir un caractère entier. Mais quand tu l'as pas, ça, cette entièreté de ta personne, c'est quoi te mettre entre parenthèses? C'est quoi exister moins alors que c'est déjà ton mode par défaut?
Se mettre entre parenthèses, c'est se mentir à soi comme à l'autre. Mais si c'était l'inverse? Si agir pour moi était un mensonge? Parce que mon propre intérêt, je sais pas c'est quoi si ce n'est de rendre l'autre heureux. Parce que je vois pas le point de l'être toute seule, heureuse. Ni d'être toute seule tout court. Et si le mensonge résidait dans le fait que j'essayait de m'inventer une entièreté que je ne comprends pas? Parce que tsé, c'est un peu brisé en dedans, mine de rien, on a beau faire la wallflower tout ok, reste que la tapisserie a été rapiécée.
Fake it until you make it, they say. Quand l'identitaire est flou, le mettre mettre entre parenthèses, c'est rien. Du vent rien. Rien.
Ce roman c'est naïf j'ai dit. C'est du jeunesse. J'ai trente ans j'en ai quinze. Le hamster tourne. Je vais jeter mes parenthèses.