Porte ouverte sur une part de sagesse
Tous peuvent entendre mais seuls les être sensibles comprennent.
<image> Il me semble que c’est par l’intermédiaire de La Grande Librairie que j’ai entendu parler pour le première fois de Khalil Gibran non pas avec ce livre-ci mais avec Le sable et l’écume. Pourtant c’est bel et bien vers Le prophète de Khalil Gibran que mon envie de lecture s’est portée pour découvrir cet auteur libanais.
Que dit donc la prophétie :
Durant toutes ces années, le prophète a côtoyé les collines, conversé avec les vents et murmuré au creux des arbres. Étranger au peuple d'Orphalese, il a pourtant appris à le connaître et à l'aimer. Or, à l'heure de repartir vers sa terre natale, il éprouve une grande tristesse. Car c'est au sein de ce peuple, grâce à tout ce que lui a insufflé ce lieu, qu'il a pu mûrir la sagesse qu'il va désormais dispenser. Et c'est à Orphalese qu'à l'heure de l'adieu, dans un ultime échange, il s'accomplit comme prophète. On l'interroge sur les grandes préoccupations humaines et, inlassablement, il chuchote sa réponse avec tendresse et compréhension, sans dogmatisme.
Il peut être difficile de parvenir à parler d’un livre surtout quand celui-ci ne développe pas une histoire mais des idées…
Le prophète quittant Orphalese, il prodiguera ces derniers propos, ces derniers conseils, ces dernières ‘’leçons’’ au peuple demandeur.
Les sujets dont le peuple souhaite entendre parler sont extrêmement variés : la mort, l’amitié, le temps, la parole, la loi, la douleur, le don, la joie et la tristesse, l’achat et la vente, la connaissance de soi… Et chaque fois, le prophète se pliera à l’exercice.
Quelques-uns d’entre vous disent, « La joie est plus grande que la tristesse », et d’autres disent, « Non, c’est la tristesse qui est la plus grande ». Mais je vous dis, elles sont inséparables. Elles viennent ensemble, et quand l’une est assise seule avec vous à votre table, n’oubliez pas que l’autre est endormie sur votre lit.
Je préfère prévenir de suite, ce livre est une ‘’proposition de réflexion’’ de la part de Khalil Gibran, plus proche de la sagesse (mais j’y reviendrai) que du dogme car il est certain que vous ne pourrez pas être d’accord avec tout. Moi-même je butte sur certaines propositions de point de vue, je pense notamment à certaines réflexions dans Le crime et le châtiment.
Vous vous plaisez à édicter des lois,
Mais vous vous plaisez encore plus à les tourner.
Comme des enfants qui jouent avec application à bâtir des châteaux de sable au bord de l'océan et les détruisent ensuite en riant.
Mais ce n’est pas un dogme et vous êtes libre de puisiez ici ce qui vous intéresse sans devoir prendre le tout. Si certains propos ne vous conviennent pas, il ne faut pas rejeter l’ensemble pour autant… Ce serait se fermer une porte vers de belles parts de recul, pour ne pas dire vers de bons débuts de réflexions pouvant être au final beaucoup plus personnelles.
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Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont fils et filles du désir de vie en lui-même. Ils viennent par vous mais non de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais n’essayez pas qu’ils vous ressemblent. Car la vie ne retourne pas en arrière ni s’attarde à hier.
Car contrairement à son titre, tout n'est pas pleine parole emplie de sagesse. Cependant beaucoup des réflexions et des idées abordées sont riches et intéressantes, ne serait-ce que pour les confronter à notre propre point de vue.
Nous sommes ici face à quelques chose de bien plus fin et réfléchi que du Coelho par exemple (et je n’ai rien de spécial contre lui).
C’est-à-dire que contrairement à ce dernier, les idées que vous rencontrez dans Le prophète sont non seulement métaphorisées de manière agréable mais surtout en quelques sortes ‘’argumentées’’, ‘’justifiées’’, même si ce ne sont certainement pas les termes les plus adéquats. Ici, on ne donne pas l’idée prémâchée tout rond dans le bec.
Ce qui fait que Le prophète donne bien plus l’impression d’une porte ouverte, d’une proposition de réflexion.
Et dans beaucoup de vos discours, la pensée est à moitié assassinée.
Car la pensée est un oiseau de l'espace qui, dans la cage des mots, peut déployer ses ailes mais ne peut pas voler.
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Mais le plus grand des plaisirs de cette lecture réside dans la plume, la tournure, les images qui sont d'une poésie extraordinaire.
Un livre que je relirai, ça ne fait aucun doute.
Aimez-vous l’un l’autre, mais de l’amour ne faites pas des chaines :
Qu’il soit plutôt une mer se mouvant entre les rives de vos âmes.
Remplissez vos coupes l’un pour l’autre mais ne buvez pas dans une seule coupe.
Donnez-vous du pain l’un à l’autre mais ne mordez pas dans le même morceau.
Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun puisse être seul, comme sont seules les cordes du luth alors qu’elles vibrent d’une même musique.
Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l’un de l’autre. Car seule la Vie peut contenir vos cœurs dans sa main.
Restez l’un avec l’autre, mais pas trop près l’un de l’autre : Car les piliers du temple sont éloignés entre eux, et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l’ombre l’un de l’autre.