[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • Grominou

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    #71 02 Avril 2021 00:51:26

    J'adore le prêt numérique de ma bibliothèque (et oui, quand un livre nous déçoit, au moins on ne l'a pas payé et on ne s'est même pas déplacé pour l'avoir! :lol:).  Quand un livre n'est pas disponible, on peut le réserver, c'est peut-être la même chose chez toi?
  • domi_troizarsouilles

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    #72 03 Avril 2021 00:18:59

    Bonsoir,

    Je continue sur ma lancée...
    ... mais ce ne sont toujours pas Les quatre filles du docteur March, même si j'avance, lentement... :lol:

    Grominou a écrit

    J'adore le prêt numérique de ma bibliothèque (et oui, quand un livre nous déçoit, au moins on ne l'a pas payé et on ne s'est même pas déplacé pour l'avoir! :lol:).  Quand un livre n'est pas disponible, on peut le réserver, c'est peut-être la même chose chez toi?


    Oui c'est tout à fait ça! ;) Et en effet, on peut aussi réserver à ce que j'ai vu, mais je n'ai pas encore tenté... Je regarde de temps en temps le catalogue, et si je trouve un livre qui m'intéresse, à réserver dans un délai raisonnable, je tenterai sans doute! (mais bon, quand la 1re réservation possible est en août alors qu'on était fin mars, je laisse tomber...)




    Et donc, je commence ce nouveau mois par un livre qui m'a terriblement déçue, alors qu'on m'en avait dit beaucoup de bien sur le blog littéraire / page Facebook dédié.e aux romances, qui m'avait fait peu à peu revenir à la lecture l'été dernier. Je n'ai jamais mis une note aussi basse à un livre!

    La vecchia signora de Carla Hay
    02/20...

    <image>

    Synopsis : Giulia, maman dévouée à son fils, consacre ses journées à son activité de traductrice. Une proposition de journalisme vient bousculer son quotidien et elle se promet de n'accepter que la réalisation d'une seule interview, afin de ne pas réveiller le passé.
    Maximiliano, footballeur star de son club en Serie A n'a que sa carrière en tête. Lui, les interviews font partie de son quotidien. Intrigué par cette femme qui ne répond pas à ses avances, il ne compte pas la laisser faire son travail dans les règles.
    Entre eux, les étincelles sont inévitables... Et pourquoi pas le désir ?


    Mon avis :
    Un seul mot pour ce livre : lamentable ! Je n’aime vraiment pas faire une critique négative, je m’efforce toujours de trouver quelques éléments positifs parmi ceux qui sont à améliorer, mais ici on est tellement en-dessous de tout que c’est peine perdue. Je ne comprends même pas comment ce livre peut avoir une moyenne de 17,7/20 (avec seulement 3 votes, certes, et donc avant mon propre vote). Ah ! si : il y a un (et un seul) point positif, la couverture ! ce couple souriant et amoureux, sous un jeu de couleurs particulier, est vraiment réussi et réjouissant ! Par contre, il faut faire abstraction du titre : « La vecchia signora », un titre italien pour une romance en français, mais comme elle se passe à Turin, on passe à la langue locale. Mouais, sauf que ça veut dire « la vieille femme » ; or, dans ce livre, il y a pas mal d’éléments, mais certainement pas de vieille femme ! Certes, on ne connaît pas l’âge de Giulia, la protagoniste principale, mais on peut le calculer : elle a été journaliste, donc elle a fait au moins 4 ans d’études après son bac (on est à 22 ans), elle s’est mariée on ne sait trop quand et au moment du livre elle est veuve depuis 5 ans, ce qui lui fait 22 + 5 = 27 ans dans le plus jeune des cas ! Si ça, c’est vieux, alors je suis dinosauresque !!

    Cela étant dit, je ne vais pas relancer le débat « pourquoi continuer un livre qui ne plaît pas ? ». Outre le fait, déjà expliqué, que j’ai vraiment beaucoup de mal avec l’idée d’abandonner un livre, je dois préciser que celui-ci est en fait une « lecture imposée » pour un challenge. J’aurais pu l’abandonner quand même en expliquant le pourquoi du comment… mais alors, me serais-je vraiment challengée ?

    A part ça, commençons par le pire : l’orthographe ! Certes, on peut trouver çà et là des fautes dans les livres même édités par les maisons les plus prestigieuses, tout le monde en fait, le français est une langue difficile. Mais là, on est tombés sur une championne ! Il y a entre 1 et 3 fautes par page (le livre fait 207 pages, faites donc le calcul), et quand par miracle il n’y en a pas, on se dit qu’on a dû la louper… Eh oui : au bout d’un moment, c’est devenu un jeu (mais ô combien pénible !), on cherche ces fautes (qui ne sont guère difficiles à trouver tant ce livre en est truffé !) et on les surligne, et c’est effarant ! Fautes d’usage, confusion entre conditionnel présent et futur simple à la 1re personne du singulier, méconnaissance de l’accord de participes passés (que ce soit avec avoir ou même avec être), confusion des terminaisons en –er ou –é, incapacité de conjuguer certains verbes (ou quand serrer se conjugue comme servir, mais certains verbes bien plus simples sont eux aussi mal conjugués), incapacité à accorder l’adjectif au nom auquel il se rapporte, absence de concordance des temps et j’en passe… Mon fils de 8 ans, en 3e primaire (CE1) fait moins de fautes que ça même dans un exercice d’écriture spontané ! Bref, c’est au-delà du rédhibitoire, c’est outrageusement agaçant (mais quel manque de respect envers le lecteur !), c’est pathétique.

    Passons à l’écriture, et on reste dans le bas de gamme. On pourrait penser que l’auteure a cherché à imiter un langage oral, même dans sa narration… mais ça ne marche pas ! Les phrases sont généralement mal construites, c’est du français de bas étage. Quelques exemples ? N.B. : je respecte la typographie, l’absence de tirets quand il en faut, les mots collés par erreur etc. : « (…) on a deux journalistes sur le coup mais aucun d’eux ne parlent pas français, alors que toi si. » ; Quand une amie demande à Giulia comment elle se sent : « Super mal. J’ai grave culpabilisé. » ; « L’avoir vue il y a deux jours je sais que ça m’a boosté pour le match » ; « Cela m’a permis de devenir plusfort et vraiment rapproché de ma mère » ; « Tu sais que ce n’est pas question de mon dos, il y a mon nom dans ce putain d’article (…) » ; « Je ne sais pas ce qui se passe à ce moment là mais mon cœur est touché. Qu’il ressente le besoin de me rendre l’appareil. » (là au moins, ce que j’ai ri !!) - ok, vu comme ça, ça a l’air encore supportable (quoique…), sauf que c’est tout le temps, tout le temps, tout le temps de ce niveau-là, agrémenté de quelques putain, merde ou bordel comme on a pu le voir dans au moins un exemple ; bref, c’est lourd, c’est pataud, c’est désagréable.

    Dans le même registre, il faut aussi parler des incohérences. La plus criante : Maximiliano n’est pas un prénom italien !! Choix de l’auteure, d’accord, mais c’est extrêmement maladroit, surtout quand on insiste sur le fait que c’est un joueur bien italien, dans une équipe italienne, dans un pays où certains supporters ont tendance à être racistes. Le vrai prénom, c’est Massimiliano, abrégé en Massi, éventuellement en « Max » à l’anglaise dans certains milieux, mais en aucun cas le prénom original choisi n’est réaliste ! Un tel détail, au milieu d’une mer de fautes de français et de phrases construites à la façon d’une ado attardée, ça ne passe pas, ça n’a cessé de me déranger. Sans parler de l’ami Joaquim qui devient Joachim (et on parle du même personnage !), et ça change plusieurs fois au fil des pages. Et le top du top : si l’auteure affiche une vague connaissance du monde du foot (plus que moi en tout cas), elle n’a pas poussé très loin ses recherches… et notamment en ce qui concerne l’un des coéquipiers de Max, le Belge Zacharie. Dans sa présentation, il vient de Gent (Gand en français, soit dit en passant), ok ; mais quelques paragraphes plus tard, Gent devient inopinément Genk (et le reste par la suite)… Ohé Mademoiselle Hay ! ce sont deux villes différentes !! Et les deux ont un club de foot en division 1, la « Jupiler Pro League » ! Et détail non négligeable : Giulia entre dans ce monde du foot car elle est la seule à pouvoir interviewer ledit Zacharie, car elle parle français, alors que Zacharie, trop nouveau à Turin, baragouine encore en italien. Pas de chance : Gent comme Genk, que Zacharie vienne de l’une ou de l’autre, toutes deux en Belgique certes oui, sont surtout deux villes flamandes… si bien que Zacharie baragouine tout autant le français que l’italien, donc son prétexte de base ne tient pas la route ! (et croyez-moi : les footballeurs belges flamands ne parlent pas français !)

    Quant au contenu… Là aussi je suis plutôt déçue. Je ne sais pas trop si c’est une réaction épidermique à tout ce qui précède, mais je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages, en aucune façon. Giulia, comme dit plus haut, a donc autour de la trentaine, mais agit comme une ado écervelée à l’âme vaguement romantique. On sait assez tôt qu’elle a perdu son mari dramatiquement 5 ans plus tôt… mais par un choix de l’auteure, refuse de le dire à Max car elle ne veut pas paraître vulnérable. Hum… En quoi le fait d’être veuve (depuis 5 ans en plus !) rendrait-il une (plus ou moins jeune) femme vulnérable ?? J’ai (hélas) quelques amies veuves, dont une au moins dans une situation similaire à celle de Giulia, mais aucune n’a jamais eu ce comportement absurde ! Ne pas détailler les circonstances de la mort de son ex, c’est une chose, mais refuser de parler de son veuvage comme si c’était honteux, c’est tout bonnement ridicule à mes yeux, je ne comprends pas ce « choix » de l’auteure ! Max quant à lui est un baratineur très superficiel, il représente un certain cliché du footballeur professionnel, et paf il tombe amoureux en un seul regard et se démène pour cette femme capricieuse qui commence par le rejeter… C’est sympa, c’est typique d’une romance à l’eau de rose, mais c’est très peu réaliste. Et à nouveau : ce genre de postulat de départ aurait pu me toucher dans une romance bien écrite et sans fautes, mais vu le contexte, c’était trop me demander, je ne suis qu’une pauvre lectrice humaine qui s’est massacré les yeux pendant plusieurs heures, il ne fallait pas espérer en plus me séduire avec une histoire aussi peu crédible…

    Je vais quand même essayer de terminer par une petite note positive : l’auteure a l’air de bien connaître Turin et sa région, elle aurait même gagné à insister un peu plus là-dessus, car ça donne de très jolis passages – du moins quand on parvient à faire abstraction de tout ce qui concerne la forme. La fin est également intéressante, car soudain – sans spoiler - on trouve une vraie dimension dramatique qui touche (un peu), et pendant ces quelques pages j’ai même « oublié » de noter les fautes pourtant toujours présentes, mais tout à coup et contre toute attente, le fond avait réussi à effacer les désagréments de la forme.

    Bref, Mademoiselle Hay, si vous me lisez un jour : pour un prochain roman trouvez-vous quelques critiques extérieurs (à votre cercle familial et à toute plateforme « orientée ») avant de publier, car votre maman, votre chéri et vos amis, que vous remerciez, ont clairement laissé parler leur cœur en oubliant leurs cours de français ; et trouvez-vous l’un ou l’autre correcteur sérieux, ne serait-ce que pour l’orthographe et la syntaxe la plus élémentaire ! Le ton choisi n’a besoin que de quelques adaptations pour trouver un peu de fluidité, même s’il faut plus que quelques arrangements pour que ce soit vraiment agréable à lire, et ça ne suffira de toute façon pas si l’orthographe reste aussi pitoyable.

  • Grominou

    Modératrice

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    #73 03 Avril 2021 01:00:59

    domi_troizarsouilles a écrit

    Grominou a écrit

    J'adore le prêt numérique de ma bibliothèque (et oui, quand un livre nous déçoit, au moins on ne l'a pas payé et on ne s'est même pas déplacé pour l'avoir! :lol:).  Quand un livre n'est pas disponible, on peut le réserver, c'est peut-être la même chose chez toi?


    Oui c'est tout à fait ça! ;) Et en effet, on peut aussi réserver à ce que j'ai vu, mais je n'ai pas encore tenté... Je regarde de temps en temps le catalogue, et si je trouve un livre qui m'intéresse, à réserver dans un délai raisonnable, je tenterai sans doute! (mais bon, quand la 1re réservation possible est en août alors qu'on était fin mars, je laisse tomber...)


    Faut pas abandonner!  Selon mon expérience, notre tour arrive souvent plus vite que prévu, car bien des gens ont entretemps changé d'avis, se sont procuré le livre, ou bien ce n'est pas le bon moment pour eux, etc.  De toutes façons, tu ne risques rien (si la réservation est gratuite chez toi aussi, bien sûr!).  Au pire tu ne l'empruntes pas s'il ne te tente plus le moment venu. ;)

  • Cendre

    Gollum littéraire

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    #74 03 Avril 2021 18:21:42

    Oui j'ai lu Les 4 filles du Dr March et c'est très drôle de voir que cette histoire de cheveux se répètent dans plusieurs de tes lectures récentes :)

    Le calcul tout scientifique pour attribuer une note à la trilogie, je suis morte de rire XD
    Bon de ce que je lis sur Chasseuse de vampires, comme tu dis le schéma est classique et je dois déjà finir The Mortal Instruments de Cassandra Clare et de ce que je lis c'est quand même très similaire alors je ne pense pas m'embarquer dans cette saga. En même temps la Bit-lit c'est pas ce qui me passionne le plus dans les lectures de l'imaginaire même si j'ai parfois des bonnes surprises.

    Sinon un livre avec 4/20 et un autre 2/20... et bien tu n'as pas de chance dans ta pioche, ouch.
  • domi_troizarsouilles

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    #75 04 Avril 2021 15:21:37

    Bonjour tout le monde!

    Et joyeuse fête de Pâques, que vous y croyiez ou non, c'est toujours chouette de se souhaiter des choses agréables! :pink:

    Cendre a écrit

    Oui j'ai lu Les 4 filles du Dr March et c'est très drôle de voir que cette histoire de cheveux se répètent dans plusieurs de tes lectures récentes :)

    Le calcul tout scientifique pour attribuer une note à la trilogie, je suis morte de rire XD
    Bon de ce que je lis sur Chasseuse de vampires, comme tu dis le schéma est classique et je dois déjà finir The Mortal Instruments de Cassandra Clare et de ce que je lis c'est quand même très similaire alors je ne pense pas m'embarquer dans cette saga. En même temps la Bit-lit c'est pas ce qui me passionne le plus dans les lectures de l'imaginaire même si j'ai parfois des bonnes surprises.

    Sinon un livre avec 4/20 et un autre 2/20... et bien tu n'as pas de chance dans ta pioche, ouch.


    A vrai dire, je ne suis pas hyper-fan de bit-lit non plus... mais lors de mon retour sur LA je me suis inscrite sans trop réfléchir à un challenge qui est dédié au fantastique et à la bit-lit, sans trop savoir ce que c'était =D et ça a pris toute sa dimension de challenge: découvrir un type de littérature que je connais peu / mal, mais il y a quand même quelques trucs sympas! et je pense que "Chasseuse de vampires" fait partie de ces intéressantes découvertes... à petites doses cependant...

    Pour le reste, c'est vrai que je n'ai pas eu trop de chance. Je me rends compte aussi peu à peu que je continue d'acheter (et désormais aussi emprunter ;) ) certains livres "coup de coeur", mais que au final je lis souvent autre chose, en fonction de mes différents challenges. Oh bien sûr, parfois ces coups de coeur se retrouvent aussi dans mes challenges - et heureusement! puis c'est un peu normal: on s'inscrit quand même en majorité à des challenges susceptibles de nous faire lire des trucs qu'on aime... mais pour le coup, je suis assez mal tombée!
    Bon le 04/20 c'était parce que je n'ai pas du tout accroché à l'histoire, que j'ai trouvée mal construite et/ou mal exploitée; le 02/20 c'était essentiellement sur la forme. J'ai lu beaucoup de romances lors de mon retour à la lecture, beaucoup sont des autoéditions, et parmi celles-ci, un trop grand nombre sont publiées alors qu'elles semblent n'avoir même pas passé l'étape indispensable de la relecture! En l'occurrence, j'avais davantage l'impression de jouer au prof de français que de lire un livre plaisant... et je n'ai même pas été trop sévère, l'autrice s'est condamnée elle-même! J'hésite maintenant à mettre le même commentaire sur Amazon... ou à contacter l'autrice directement (je ne sais pas trop si elle a une page Facebook ou Insta, mais c'est fort probable!), au risque de me faire incendier parce que je ne la caresse pas dans le sens du poil, j'ai lu ici et là que certains auteurs réagissent (très) mal à la critique. On verra bien, il n'y a pas d'urgence: cette auteure (oui oui, mon coeur continue de balancer entre auteure et autrice ;) ) a déjà récidivé avec une autre romance, et je doute que son niveau de français se soit beaucoup amélioré - en tout cas je n'ai pas le courage d'aller vérifier! mais il n'est peut-être pas trop tard quand même, surtout qu'elle n'a pas que de mauvaises idées, mais de la sorte elle se décrédibilise elle-même!...




    Et donc, je l'ai enfin finiiiiiiiiiii !!!
    Vous le verrez ci-dessous: je ne suis pas emballée, même si je reconnais que ce livre a des qualités littéraires. J'ai hésité pour le note: 10, 11, 12? c'est finalement devenu 13, car sur LA, 12 est "mauvais" alors que 13 devient "moyen". Or, je ne pense pas que ce livre soit foncièrement mauvais, il est juste complètement dépassé, et remue des sujets que je trouve désormais peu acceptables - certes, c'est intéressant à lire, et ça doit être replacé dans son contexte. Mais on a aussi notre contexte actuel, qui tend à revenir en arrière sur certains points (je reste horrifiée par ces pays, proches de nous, qui remettent désormais en cause le droit à l'avortement, par exemple); dès lors, je ne peux faire autrement que considérer qu'un tel livre, d'une certaine façon "sexiste" comme on pouvait l'être à une époque, pourrait devenir "dangereux" même à notre époque, entre certaines mains! Dès lors, je ne pouvais décemment pas aller jusqu'à une "bonne" note (qui commence à 15 il me semble).

    Les quatre filles du docteur March, intégrale de Louisa May Alcott

    <image>

    Synopsis : Dans une petite ville du Massachussetts, durant la guerre de Sécession, une famille modeste, quatre jeunes sœurs et leur mère, guette avec inquiétude chaque lettre du père parti au front. Mais rien ne peut arrêter la jeunesse, et la vie continue à façonner les destinées de Meg, l’aînée pragmatique et conformiste, Amy la frivole, Jo, la romancière en herbe et féministe avant l’heure, et la douce Beth, à la santé fragile. De l’enfance à l’âge adulte, confrontées à la découverte de soi, elles partagent une joie de vivre débordante apprenant la sororité, l’amitié mais aussi le sacrifice. Ensemble, ces quatre adolescentes impétueuses sauront réclamer à ce monde bien plus qu’il ne semble pouvoir leur offrir.

    Mon avis :
    J’ai lu ce livre dans le cadre du Book Club du dernier week-end de mars, et j'ai choisi l’édition Gallmeister car elle était présentée comme plus moderne, plus agréable à lire que les plus anciennes. Pourquoi pas ? Mais voilà : d’emblée, je suis agacée ! Gallmeister –éditeur dont j’adore généralement les couvertures, ce qui est un autre argument pour avoir craqué ici ; Gallmeister, donc, semble avoir fait un demi-travail : il ne précise à aucun endroit, ni dans le livre même, ni sur son site, que cette nouvelle édition reprend en fait deux livres différents : « Little women » en effet (et ça au moins c’est noté à l’endroit habituel : sur l’une des premières pages de gauche en bas en petit), mais s’il est bien question d’une « 2e partie » dans la table des matières, il n’est précisé à aucun moment qu’il s’agit en réalité d’un 2e livre, dont le titre original n’est pas non plus mentionné, en l’occurrence « Good wives », généralement traduit par « Le docteur March marie ses filles ». Bref, il s’agit d’une demi-intégrale, sachant que Louisa May Alcott aurait écrit au total 4 livres dans cette saga. Pourquoi ne pas l’indiquer clairement ? Le lecteur a quand même le droit de le savoir ! Heureusement, LA le précise bien, mais le rôle d’une plateforme telle que celle qui nous apprécions tous ici, n’est pas de combler les lacunes d’un éditeur.

    Pour rester sur cette idée d’édition un peu malheureuse, j’ajouterais que, tant qu’à faire une nouvelle traduction et s’en vanter, pourquoi ne pas avoir aussi bousculé le titre (quitte à laisser l’ancien en sous-titre, comme une référence) ? Certes, « Les quatre filles du docteur March » est un titre tellement connu qu’il aurait été délicat d’y toucher ! Sauf que… il n’a rien à voir avec le titre original en anglais, littéralement : « Les petites femmes », tellement plus approprié ! et « De bonnes épouses » pour le 2e tome. De plus, il est complètement erroné : le fameux March n’est pas docteur !! Il est pasteur, engagé dans l’armée nordiste pendant presque tout le 1er livre, et ensuite de retour dans sa famille. Et pour le 2e livre, ce n’est même pas exactement lui qui marie ses filles – mais là, j’ai vu que des éditions plus récentes ont osé modifier le titre traditionnel par « Les filles du docteur March se marient », ce qui est déjà plus correct ! (à part la mention du docteur…)

    Tout ça pour dire : si j’avais su, j’aurais peut-être été moins prompte à choisir cette version-là… Pour rappel =D : je n’aime pas abandonner un livre, je me suis donc réellement forcée à terminer ces 640 pages… alors que j’aurais pu limiter à la moitié, ou même carrément choisir une version adaptée (pour les enfants), pourquoi pas après tout ? Et encore une précision avant d’entrer dans le vif du sujet : comme « tout le monde » (ou presque), j’avais évidemment déjà entendu parler de ce livre, il est même fort possible que ma maman l’ait eu dans sa bibliothèque autrefois (bibliothèque qui s’est réduite à peau de chagrin au fil du temps et des envies de dons de ma maman, mais c’est hors sujet) ; je sais aussi qu’il existe de nombreuses adaptations. Et pourtant, jamais encore je n’avais lu ce livre, ni vu film ou série. Je partais donc en totale novice, sans aucun a priori.

    Eh bien, je n’irais pas jusqu’à dire que je n’ai pas aimé, mais ce n’est pas un livre que je conseillerais à mon entourage, et certainement pas à ma fille ! Je dirais que les 60 à 70 premières pages sont rédhibitoires, j’ai vraiment eu beaucoup de mal à « entrer » dans cette histoire, tant elle est datée, dépassée, surannée. Mais là où certaines sur le BC le comparaient à un bonbon à l’ancienne que l’on déguste  avec bonheur, pour moi ça a été tout autre chose. A travers les différents chapitres du 1er livre, qui sont autant de petits « tableaux » de la vie quotidienne d’une famille pendant la guerre de Sécession, j’ai surtout eu l’impression de lire un remake d’un « catéchisme expliqué aux jeunes filles ». Entre discours moralisateurs et diverses bondieuseries à la sauce protestante de la fin du XIXe siècle, j’ai eu l’impression de relire certains passages que j’ai eus moi-même en catéchisme lorsque j’avais 10 ans (il y a donc un paquet d’années quand même !), avec en plus toute cette dimension « femmes (et jeunes filles) à l’ancienne », c’est-à-dire dont le droit à la spontanéité est très sérieusement bridé, au profit d’une certaine idée de la bienséance et de la soumission à l’homme – d’abord au père, puis au mari – idées que je ne peux pas accepter. Vous me direz qu’il faut faire abstraction du contexte. C’est vrai, et même plus : peu à peu, on arrive à dépasser ces aspects qui déplaisent, et alors on peut se réjouir des petites joies et peines d’une vie de famille : c’est sympathique, plein de bons sentiments en fait ; c’est parfois dramatique et quelques larmes se sont échappées. On s’attache aux quatre sœurs (pour moi, surtout à Jo et à Beth), leurs caractères très différents sont vraiment bien rendus. En outre, c’est effectivement facile à lire, car toutes ces petites scènes peuvent se lire indépendamment l’une de l’autre. De la sorte, si on arrête un moment entre deux chapitres, on n’est pas perdu en reprenant ; le revers de la médaille, c’est que je ne suis pas parvenue à en lire beaucoup à la suite, car au bout d’un moment c’est tout simplement lassant !

    Le 2e livre est dans la continuité et à la fois très différent. Cette fois, ça raconte vraiment une histoire, à travers l’évolution des quatre filles, dont les histoires s’entrecroisent désormais. En outre, l’auteure a dépassé la succession de petites scènes au profit d’une plus grande variété de styles : si l’essentiel reste la narration d’un point de vue omniscient, elle insère désormais des chapitres entiers qui sont faits d’un échange de correspondance, entre Jo ou Amy parties séparément en voyage plus ou moins loin, et leur famille restée à la maison ; d’autres chapitres sont agrémentés de poèmes bien touchants attribués à Jo. Bref, la lecture est désormais plus variée, donnant un ensemble qui ressemble davantage à un vrai roman qu’à une succession de saynètes. Les personnages – surtout Jo et Amy, qui sont indéniablement mises en avant, mais aussi Beth d’une autre façon – deviennent désormais réellement attachantes, et on aime suivre leurs nouvelles « aventures ». Hélas, de façon encore plus étouffante que dans le 1er tome, tout cela est emballé dans un maillage serré de leçons bien-pensantes typiques de l’époque, avec une touche religieuse moins marquée que dans le 1er livre quant à elle, mais toujours bien présente. Pour donner quelques exemples : on a une critique acerbe envers Jo qui serait tellement malheureuse d’écrire des histoires à sensation pour gagner un peu de sous (et de critiquer cette littérature horrible qui pousserait au crime ! moi qui adore lire des policiers et thrillers, je suis une criminelle en puissance alors…) ; ou la façon dont doit se comporter une jeune mère épuisée par de jeunes bébés (des jumeaux en plus) pour que son homme n’ait pas la tentation d’aller voir ailleurs… Si l’idée du partage des tâches, telle que présentée ici, semble assez intéressante tant elle est « moderne » (j’ai même été surprise !), l’angle de vue reste irritant : c’est à la femme que revient la tâche de sensibiliser son mari, et de préférence de façon un peu « voilée » pour que l’homme ne se sente pas forcé, lui qui serait dénué de la capacité à y penser par lui-même… A la réflexion, rien n’a vraiment changé en fait ! ;) Plus gênante est l’idée selon laquelle aucune des sœurs n’est vraiment accomplie en tant que femme si elle n’est pas mariée, il y a même toute une tirade sur les « vieilles filles » - une tirade qui encourage à respecter ces dames, mais qui a des tonalités tellement condescendantes que ça en et désespérant !

    Ainsi donc, il y a indéniablement des qualités littéraires dans ce livre, qui ressortent davantage dans la 2e partie. Mais vraiment, si j’avais su, j’aurais préféré lire un roman abrégé – en espérant qu’il existe vraiment une version  allégée de toute cette lourdeur moralisante, qui rend de nombreux passages réellement indigestes. C’est au point que, comme j’ai bien aimé l’histoire de Jo malgré tout, je ne refuserais pas de lire les tomes 3 et 4… mais alors en version « enfants » que j’espère vraiment dépouillée de ce magma de bienséance à l’usage de la bonne petite femme soumise. 

  • Bouledechat

    Passionné du papier

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    #76 06 Avril 2021 09:59:01

    Coucou ! :)

    Pour ma part je ne l'ai pas lu, mais j'ai vu deux adaptations cinéma que j'ai adoré (une ancienne et une très récente avec Saoirse Ronan, actrice que j'adore), et le message mis en avant dans les films, en tous cas celui que j'ai compris, est l'inverse de ce que tu as ressenti dans ta lecture ! Car on suit beaucoup le personnage de Jo qui justement sort des sentiers battus, pense par elle-même, ne souhaite pas se marier, etc. Je suis donc très étonnée par ton avis (mais je ne suis pas allée en lire d'autres pour l'instant). Penses-tu que l'auteur ait pu justement peindre ce tableau très bien-pensant pour mettre en lumière les personnages qui souhaitent s'échapper de ce carcan ? C'est une idée que j'ai eu en lisant ton avis mais encore une fois, je n'ai pas lu le roman, j'ai simplement les films en tête donc je ne devrais même pas rentrer dans le débat, haha ! =D

    Et puis de toute façon, comme tu le dis, il est extrêmement daté donc il y a forcément des écarts avec nos mentalités actuelles, plus ou moins acceptables quand on y est réactif comme tu sembles l'être. Je regrette pour toi qu'il ait été aussi long !! O_O

    Et le coup du "Docteur", haha, je n'y avais même pas songé, ça m'a fait rire ! XD
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #77 07 Avril 2021 22:45:30

    Bonsoir,

    Trois livres lus ces derniers jours, à ajouter ici! :O
    Mais avant, un peu de blabla ;)

    @Bouledechat : oui en effet, je crois que les adaptations (que ce soit télé, films pour le ciné (si ça existe?) ou livres pour enfants) de cette briquette se sont forcément retrouvées allégées de toute la partie religioso-moralisante! Je ne dis pas qu'elle n'est pas présente du tout, mais elle a dû être rabotée, ou modernisée, ou que sais-je...
    Comme je disais, je n'en ai vu / lu aucune, mais c'est ce que j'imagine aisément, vu que, en effet, le personnage de Jo est très sympathique et relativement "moderne"... et plus encore dès lors que tu fais abstraction de toute l'emballage bien-pensant. CQFD... :pink:

    Et donc, après la mauvaise pioche que tu soulevais @Cendre, cette fois je suis sur une bonne pente ;) : j'ai donné aux trois livres suivants, dans l'ordre, les notes de 16, 17 et 18! Qui dit mieux? En outre, je ne suis pas persuadée de dépasser cela avec ma lecture en cours (qui devrait suivre bientôt, j'ai dépassé les 66%), mais a priori la note finale ne sera pas inférieure à ces trois-ci.

    On commence par le plus ancien et moins bien côté (16/20 quand même hein! ;) ):
    La fille au revolver d'Amy Stewart, 1er tome de la saga policière dédiée à Constance Kopp, première femme shérif aux États-Unis! c'est d'autant plus "touchant" quand on sait que c'est basé sur des faits réels...

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    Synopsis : « Je me suis armée d’un revolver pour nous protéger, raconte Mademoiselle Constance, et très vite, j’ai eu l’occasion de m’en servir. »
    New York Times, 3 juillet 1915.
    Constance Kopp ne correspond à aucun moule. Elle surpasse en taille la plupart des hommes, ne trouve aucun intérêt dans le mariage ou les affaires domestiques, et a été isolée du monde depuis qu’un secret de famille l’a reléguée, elle et ses deux sœurs, dans la clandestinité.
    Un jour, le propriétaire d’une fabrique de soie, belliqueux et puissant, renverse leur carrosse au volant de son automobile… Et ce qui n’aurait dû être qu’un banal litige se transforme en une bataille rangée avec une bande de voyous habitués au chantage et à l’intimidation.
    Elle pourra alors compter sur l’aide d’un shérif progressiste qui, dans l’Amérique puritaine de ce début de siècle, n’hésitera pas à lui confier un revolver...


    Mon avis :
    Ce roman policier historique est complètement déroutant, car il ne répond à aucun code habituellement connu dans ce sous-genre. À mes yeux, la description la plus réaliste serait de dire qu’il s’agit d’un « cosy mystery »… mais à la sauce début du XXe siècle, dans une Amérique en pleine transformation : les industries sont en plein développement, florissantes et leurs patrons richissimes, mais commencent à devoir faire face aux mouvements sociaux ; les femmes sont encore considérées comme inférieures et dévouées (sinon rien) aux hommes mais peu à peu les femmes de caractère ont des occasions de percer ; on se déplace encore en carrioles à chevaux mais les automobiles ont fait leur apparition, pour le meilleur ou le pire, alors que le partage de la route n’est pas encore vraiment régulé. De plus, l’autrice précise que ce livre est en grande partie basé sur des faits réels, réarrangés à sa sauce bien sûr, mais avec une certaine fidélité… et vu le contexte si bien rendu, je la crois sur parole !

    En effet, le lecteur est plongé d’emblée dans l’ambiance de cette époque désormais révolue, à Paterson, petite ville du New Jersey qui tourne essentiellement autour de l’industrie de la soie. On y rencontre une certaine Constance Kopp et ses sœurs, l’austère Norma et la très jeune, apparemment frivole Fleurette. Les trois vivent ensemble dans une ferme un peu à l’écart de la ville, pour diverses raisons qui seront dévoilées peu à peu et qui entretiennent ainsi une espèce d’intrigue secondaire passée qui s’imbrique pourtant parfaitement dans l’histoire principale de l’époque en cours. C’est en leur compagnie que l’intrigue principale se met en place pendant le premier quart du livre, sans qu’il y ait ni enquête ni intervention policière, que l’on désespère même de voir arriver, même si on les « sent » venir. Et puis, peu à peu, sans jamais aucune précipitation (au point que, parfois, on pourrait regretter quelques lenteurs), mais avec pas mal de surprises que je n’arrive pas tout à fait à qualifier de « rebondissements » car ce mot semble alors trop fort, Constance prend confiance en elle, campe sur ses positions à contre-courant, et développe un sens aiguisé de la justice, mais aussi une grande capacité de déduction et une intelligence avisée. Moins attachante a priori que sa jeune sœur Fleurette, elle est néanmoins super-intéressante et on la suit sans plus pouvoir la lâcher !

    La plume de l’autrice rend toute cette ambiance avec une très grande « justesse ». En tout cas, pour moi qui viens de finir Les quatre filles du docteur March, j’ai brièvement eu peur de me retrouver dans le même style de récit, d’autant plus qu’on est à peu près à la même époque et que les choses ne se mettent en place que peu à peu. Mais j’ai vite compris que ce n’est pas le cas ! D’une part, il est très vite évident que quelques années ont passé depuis l’histoire des sœurs March, et si certaines spécificités demeurent, on voit surtout que le progrès (au sens généralement admis du terme) est en route, et on comprend bien qu’il n’y aura pas de retour en arrière… mais sans doute pas mal de problèmes à venir. Quoi qu’il en soit, c’est cette comparaison qui me permet d’apprécier à quel point l’autrice a réussi à faire renaître cette époque sous sa plume, car vraiment on s’y croirait, on vit les événements au rythme un peu longuet mais très réaliste de Constance. Mais au-delà de cet aspect, Amy Stewart est aussi une autrice de notre époque qui écrit sur le passé, dès lors on n’a plus toutes ces lourdeurs d’une écrivaine d’un autre siècle, c’est autrement plus digeste ! Par ailleurs, je pense sincèrement que rendre cette époque est un vrai tour de force : il fallait maintenir cet esprit encore très puritain si typique de ce début de XXe siècle qui crédibilise le tout, tout en s’assurant que la plume reste juste assez fluide pour que ce ne soit jamais déplaisant à lire, et c’est tout à fait réussi : chapeau !

    L’histoire quant à elle, sans être excitante, présente des aspects touchants ou émouvants, très humains parfois, mention au shérif Heath ! Il n’y a pas de meurtre, pas de grande révélation, pas d’indices semés çà et là qui permettraient au lecteur de jouer au limier ; on est davantage dans une enquête qui présente un système judiciaire encore (ou déjà ?) à deux vitesses, auquel les pauvres ne veulent même pas s’adresser car les riches sont sûrs de toujours gagner. Mais toute la magie tient à ce que la résolution de certains, et l’ouverture d’esprit de quelques autres, peuvent faire des miracles même à une époque et dans un pays où ça semblait impossible – et de savoir que tout cela est basé sur des faits réels ne peut que me réjouir énormément !





    Le suivant est complètement différent, apparemment encore très méconnu (pourtant ça fait un moment qu'il est mis en évidence dans ma librairie par exemple), et j'ai lu à son sujet un avis très négatif (et spoilant :x) sur Bablio tout récemment...

    De la vie des poissons en eaux profondes de Katya Apekina

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    Synopsis : Peut-on identifier avec certitude le moment où une vie bascule ?
    Pour Edie et Mae, c'est peut-être le jour où elles doivent aller vivre à New York chez leur père, qui a quitté le foyer familial dix ans plus tôt. Car si l’une prend fait et cause pour cet écrivain tourmenté, l’autre ne souhaite qu’une chose : retrouver leur mère, la fascinante mais si fragile Marianne. Face aux errements et à l'égoïsme des adultes, pourront-elles les sauver d'eux-mêmes sans se perdre en chemin ?
    Leurs récits discordants s’entremêlent à ceux de leurs proches et témoignent d’une vision si différente des événements que l’on en vient à douter. Qui croire parmi les divers acteurs du drame qui guette à mesure que chacun, enfermé dans ses propres convictions, plonge dans les eaux troubles de la mémoire familiale?


    Mon avis :
    J’ai fini ce livre il y a quelques heures et je suis toujours autant incapable de synthétiser clairement mon ressenti dans ma tête… Je crois bien que je n’ai jamais lu un roman aussi déroutant, et qui dégage tout à la fois une telle impression de « force », sans qu’on comprenne encore très bien ce que l’autrice a voulu dire, quel message elle a voulu faire passer, si seulement il y en a un…

    C’est dans un roman choral, avec les voix dominantes des deux sœurs Edith (que tout le monde appelle Edie) et Mae, ados au moment des faits, que cette autrice explore les doutes et incertitudes typiques de cet âge, mais poussées jusqu’au drame ; l’égoïsme (ou pas) d’un père écrivain ; la folie (depuis toujours… ou pas) de la mère, poète contrariée. On entend ainsi les avis divergents des deux sœurs, ainsi que ceux de toute une série de personnes qui gravitent autour d’elles, et qui ont parfois un point de vue diamétralement opposé ; on a aussi des lettres qui émergent du passé et divers documents. Le lecteur a à peine le temps de se faire un avis plus ou moins stable, qu’une nouvelle voix s’ajoute et vient le renverser ; et en même temps les événements s’enchaînent jusqu’au drame, mais en est-ce vraiment un ?...

    L’écriture est extrêmement fluide, d’un niveau plutôt soutenu mais sans exagération ; les chapitres sont subdivisés entre ces différentes voix sur maximum 2-3 pages à chaque fois, si bien que c’est vraiment très aisé et agréable à lire… et même si on s’arrête systématiquement au bout de quelques-unes de ces voix, on finit toujours par reprendre très vite le livre, pour voir où tout cela va nous mener. Et c’est un sentiment proche de l’oppression qui se crée petit à petit, mais aussi une certaine addiction car on ne peut plus le lâcher – malgré quelques petites longueurs ici ou là.

    Je ne pourrais en dire plus sans spoiler, mais ce roman nous entraîne dans les tréfonds de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus dérangé, et ces voix chorales ricochent sur le lecteur d’une façon époustouflante, entre perplexité et envoûtement.





    Enfin, on passe à un "classique" (du moins je crois) de la Fantasy... et pour moi qui en lis relativement peu, c'est une très heureuse découverte, qui lui vaut ses 18/20 sans sourciller!

    La légende de Drizzt, tome 1: Terre natale de R.A. Salvatore

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    Synopsis : Drizzt est un elfe noir né en Outreterre où le pouvoir s'obtient par la guerre ou le meurtre. L'honneur, l'amitié, l'amour n'y ont pas leur place et Drizzt y fait le rude apprentissage d'une vie de servitude.
    Bien qu'il ait été élevé dans un système de valeurs totalement perverti et qu'il soit rompu à l'art du combat, il sait qu'il n'est pas comme les autres. Il aspire à une vie différente et refuse de devenir un assassin au service des siens. Mais pour survivre, Drizzt est obligé de dissimuler et même nier sa véritable nature.
    Jusqu'au jour où il devra se battre seul contre tous!


    Mon avis :
    Il y avait bien longtemps que je n’avais plus lu une telle épopée de Fantasy (même si je n’en suis qu’au tout début), bien sombre, glauque et pleine de magie, tellement qu’on a l’impression de voir les éclairs surnaturels autour de soi ! A vrai dire, ma seule vraie référence en la matière est le Seigneur des Anneaux, que j’avais lu il y a … un peu plus de 30 ans ! :O et ce n’est pas une gentillette « Passe-Miroir » (dont j’ai lu le 1er tome assez récemment) qui peut tenir la comparaison. En outre, j’ai entendu dire que cette saga est en lien avec le jeu « Donjons et dragons ». J’ai bien eu autrefois des proches qui y jouaient de façon enfiévrée, tandis que moi je ne m’y intéressais que de loin et n’y ai jamais joué, si bien que c’était vraiment la découverte d’un monde inconnu.

    C’est un univers extrêmement bien construit, avec ses propres codes développés jusque dans les plus petits détails, tout y est étudié sans faille… et c’est à tel point que, non seulement on a l’impression de sentir cette magie autour de nous comme je disais plus haut, mais on y croit à fond, on est immergé dedans, alors qu’une petite voix dans le cerveau nous rappelle que tout cela est de la pure imagination, et qu’un tel monde (aussi sombre, aussi désespéré, aussi mauvais et pervers) est totalement improbable ! Vraiment ?... En tout cas, on vibre avec Drizzt, on ressent les espoirs et autres agitations de Zaknafein, on déteste les intriguant.e.s des différentes maisons (y compris les propres mère, frère et sœurs de Drizzt, bien sûr), et on s’attache terriblement à Guenhwyvar, qui est finalement le seul être vraiment fiable dans l’histoire – je crois bien que, dans l’état actuel des choses, j’ai une légère préférence pour elle par rapport à Drizzt, qui ne m’est pas encore tout à fait sympathique, il est juste « différent » (dans le bon sens, heureusement !) mais complètement paumé.

    Il faut passer le cap des 20-30 premières pages, au cours desquelles il faut s’habituer à ces noms imaginaires bien compliqués : certains noms sont vraiment inhabituels, dans un mélange de consonnes peu utilisées en français et mélangées d’une façon peu commune – seul « Drizzt » est facile, car il est très court ! D'ailleurs, je n’ai toujours pas retenu la plupart de ces noms : je dois aller revérifier à chaque fois avant de les écrire à mon tour, même s’ils sont mentalement photographiés. Mais ensuite, et sans qu’on s’en rende vraiment compte, on se laisse prendre par cette écriture aussi fluide qu’addictive. L’auteur ensorcelle grâce à un équilibre « magique » entre action et émotion, entre ces batailles et autres moments violents où on entendrait résonner le choc des lames des combattants, et ces autres passages où l’un ou l’autre personnage se trouve seul et se pose des questions… Ce ne sont pas vraiment des « montagnes russes » émotionnelles, c’est davantage de l’ordre d’une tension qui ne se relâche jamais, qui fait parfois battre le cœur jusqu’à des sommets, parce que ça touche (ah ce passage où Drizzt découvre très brièvement le soleil !) ou parce que ça fait trembler, mais plus généralement il déverse un acide lent dans les veines du lecteur, qui s’infiltre petit à petit et fait son œuvre.

    Cela étant dit, à mon sens, ce livre n’échappe pas à certains travers des longues sagas… Très clairement, ce 1er tome est une mise en place des personnages principaux, et probablement de quelques autres qui apparaissent ici ou là, et on devine (on espère même, pour certains !) qu’ils auront un rôle à jouer dans les prochains volumes. Cela provoque parfois une certaine impatience : je ne parlerais pas de longueurs, car à aucun moment je ne me suis ennuyée, mais au bout de certaines scènes je me suis demandé quand tout cela allait enfin « bouger » pour de bon : le lecteur avait compris bien avant la fin, bien avant Drizzt lui-même à vrai dire, qu’il est différent (et je ne spoile pas, c’est marqué dans le synopsis !) et qu’il va vivre un autre destin que celui pour lequel il est né ; or ce nouveau destin tarde un peu trop (à mon goût) à se mettre en route. Mais quand je vois qu’il y a encore 12 tomes après, ça fait un peu peur sur les éventuelles longueurs qu’on risque de rencontrer tôt ou tard… mais on verra bien le temps venu.

    Une dernière réflexion, qui n’étonnera pas ceux et celles qui commencent à me connaître : je me demande quand même, en refermant ce livre (tout virtuel qu’il soit, l’ayant lu en ebook), quelle image de la femme a cet auteur !? Le monde des drows est un matriarcat poussé jusqu’à l’extrême… et toutes ces femmes, quel que soit leur niveau, sont méchantes, violentes, perverses, intrigantes – il n’y en a pas une pour rattraper l’autre ! Les seuls et très rares « bons » pour l’instant sont quelques des mâles ou un animal… Je ne sais pas jusqu’à quel point c’est un choix conscient de l’auteur, mais ça m’interpelle beaucoup, et je me demande si cette vision tellement dichotomique femme/homme va se poursuivre dans les prochains tomes. Car oui, bien entendu, comme je le laissais déjà entendre plus haut : je compte bien poursuivre cette saga !

  • Telesia_

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #78 08 Avril 2021 08:48:18

    Eh beh, 2/20 pour La vecchia signora de Carla Hay c'est vraiment lamentable en effet. J'ai lu tout ton avis, une chose est sûre, je ne lirai jamais ce livre ! pourtant la couverture donne vraiment envie
  • Cendre

    Gollum littéraire

    Hors ligne

    #79 08 Avril 2021 21:26:56

    MDR on sent bien que tu est vénère avec cette histoire de titre des 4 filles du Dr March :ptdr: Je suis d'accord que la société décrite est très empreinte de la vision de "famille parfaite" de l'époque et que ca sent un peu le moisi daté. Aujourd'hui tout ca nous parait bien des chichis pour pas grand chose.
    Je n'ai jamais lu le T2 car le T1 m'avait suffi et comme toi j'avais aimé Jo et Beth. J'ai détesté Amy et Meg était tellement la caricature de la femme parfaite qu'elle me sortait par les trous de nez :D
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #80 09 Avril 2021 01:07:53

    Bonsoir à tous!

    Je passe vite fait car je viens de terminer un nouvel avis... un livre tellement dérangeant, il va me poursuivre longtemps je crois... alors je préfère poster tant que c'est "frais"! D'habitude je laisse un peu décanter, mais dans le cas présent, je pense que la moindre nuit de décantation aura déjà modifié mon ressenti; or, c'est tellement fort que j'ai envie de vous le partager "à chaud", quitte à revenir dessus plus sereinement plus tard. ;)

    Mais d'abord, un peu de "blabla" ;)

    Telesia_ a écrit

    Eh beh, 2/20 pour La vecchia signora de Carla Hay c'est vraiment lamentable en effet. J'ai lu tout ton avis, une chose est sûre, je ne lirai jamais ce livre ! pourtant la couverture donne vraiment envie


    Oui, la couverture est très belle, et si tu lis les commentaires en général, ils sont plutôt positifs - ici ou sur Amazon notamment.
    Mais moi j'ai trouvé l'histoire assez creuse... et les fautes d'orthographe ont toujours été rédhibitoires à mes yeux. Mais alors, avec un tel florilège, c'est juste pas possible!!


    Cendre a écrit

    MDR on sent bien que tu est vénère avec cette histoire de titre des 4 filles du Dr March :ptdr: Je suis d'accord que la société décrite est très empreinte de la vision de "famille parfaite" de l'époque et que ca sent un peu le moisi daté. Aujourd'hui tout ca nous parait bien des chichis pour pas grand chose.
    Je n'ai jamais lu le T2 car le T1 m'avait suffi et comme toi j'avais aimé Jo et Beth. J'ai détesté Amy et Meg était tellement la caricature de la femme parfaite qu'elle me sortait par les trous de nez :D


    En effet! Je me rends compte que, de plus en plus, je lis "avec mes tripes" et je réagis très fort (surréagis peut-être?) à certaines scènes, certains messages dans les livres. Et dans le même ordre d'idées, j'interprète certaines idées avec ce ressenti, je pense que c'est mon droit de lectrice, et ce lieu me semble un lieu de partage... mais je conçois que je peux paraître excessive! :sifflote:

    Pour expliquer mon mea culpa : par exemple, j'ai beaucoup de mal avec tout ce qui touche à la religion de façon un peu trop insistante... peut-être parce que je l'ai vécu, jusqu'à un certain point, à une époque de ma vie, mais que je n'accepte plus les choses comme autrefois. Pas de regret pour cette période de ma vie cela dit... mais je n'ai pas envie de retrouver ainsi un certain "matraquage" (même s'il est très léger) quand je lis, et que c'est donc sensé être du plaisir!

    Ou dans un autre style, je me rends compte que je reviens souvent sur des sujets assez "féministes"... pourtant, dans la vraie vie, je suis bien la dernière des féministes! Enfin, si: le sort des femmes m'interpelle, mais je ne vais pas commencer à me battre dans la rue pour cela, tu vois la différence? Et pourtant, dès qu'un message me touche à ce sujet, là aussi j'ai tendance à m'enflammer ;) et je suis bien incapable de dire pourquoi!
    Il faudra que je me fasse psychanalyser un jour :ptdr: , pour voir d'où me vient cela, pourquoi je réagis comme ça à des éléments qui semblent anodins (voire invisibles) pour la plupart, ou que tout le monde trouve normaux ou justifiés (quelle qu'en soit la justification), alors que moi ça me fait bondir / vomir...

    Je suis peut-être une hypersensible qui s'ignore... ;)

    ... et avec un tel "pedigree", ma lecture terminée ce jour aurait pu être carrément traumatisante, et elle l'est bien un peu! mais elle est aussi (le mot peut paraître étonnant) bouleversante, extraordinaire, peut-être même magnifique en son genre:

    Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica
    18/20 (encore un! je le disais bien: je suis dans un flux de bonnes lectures ces jours-ci!)

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    Synopsis : Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, à partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation. Ce roman est l’histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de « première génération » reçue en cadeau. Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d’élevage est passible de la peine de mort. À l’insu de tous, il va peu à peu la traiter comme un être humain.

    Mon avis :
    Mais quel livre épouvantable... en en même temps extraordinaire ! Une petite citation pour commencer ? À la page 87 du GF : « Ce qui les motive, c’est l’argent ; tout le monde sait que ça paie bien. Mais l’argent passe rapidement au second plan. Ils préfèrent gagner moins et faire quelque chose qui n’implique pas d’avoir à extirper des viscères humains.»

    Le synopsis rend assez maladroitement – à mon sens – ce qui se passe vraiment. Sans vouloir spoiler, c’est bien plus glauque que ce que ça laisse entendre. Tout est vu par le biais d’un narrateur externe centré sur un certain Marcos Tejo – mais il m’a fallu un moment pour identifier son nom, car on parle la plupart du temps en disant tout simplement « il » ou « lui », il n’est présenté que petit à petit. Ce protagoniste improbable est né dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui, jusqu’à ce qu’un virus décime quelques animaux et, dans la crainte que cette maladie se transmette à l’homme, tous les animaux ont été abattus (qu’ils soient sains ou non)… sauf les oiseaux, qui sont devenus « dangereux » et dont on se protège désormais, à défaut de pouvoir les tuer. Et peu à peu, parce que la demande en viande continue, on s’est mis à manger des « têtes d’élevage », qui ne sont autres que des êtres humains. Le synopsis parle de race créée à partir de génomes humains, mais cela n’est mentionné à aucun moment dans le livre même ! En réalité, l’autrice laisse un certain flou à propos de l’origine de ces « têtes », qui sont parqués dans des élevages, dont on organise une reproduction méthodique et certifiée, qui reçoivent divers traitements et subissent diverses expériences pour que la viande soit toujours meilleure, et qui finissent à l’abattoir, mais qui sont bel et bien humains…

    Le cannibalisme est ainsi devenu normal, institutionnalisé même, et ceux qui ne consomment pas cette nouvelle viande sont rares. Que fait Marcos Tejo dans l’histoire ? Employé dans l’un des plus grands et plus prestigieux abattoirs avant ce qu’ils appellent « la Transition », il y est resté après et il est même devenu le bras droit du patron ; il supporte tout cela avec un certain détachement, quelque chose qui ressemble à du dégoût mais qu’il cache en toutes occasions, car il est apprécié et que ce boulot paie bien – or, il a besoin de revenus importants et réguliers à cette période de sa vie.

    J’ai d’abord craint que ce livre soit un énième manifeste pro-vegan à peine déguisé – et je précise de suite : quels que soient mes choix alimentaires, qui ne regardent que moi, je suis assez blasée d’un certain discours ultra-vegan qui a parfois tous les aspects d’un endoctrinement sectaire. Ouf ! assez tôt dans le livre, j’ai compris que ce ne serait pas le cas : le narrateur précise que la piste du véganisme, évoquée au moment de la « Transition », a été abandonnée, car les experts scientifiques auraient fini par conclure que les plantes et autres alternatives ne suffisent pas à combler les besoins en protéines.  On aurait pu croire, aussi, et c’est très certainement le cas, au moins en partie, que ce livre dénonce la condition animale telle qu’elle existe actuellement dans les grands élevages industriels ou dans les abattoirs – divers reportages ont montré suffisamment d’images horribles à ce sujet, mais les choses ne changent pas vraiment, ou alors tellement lentement !

    Alors imaginez ces mêmes reportages tels qu’on vous les écrirait dans un reportage écrit, mais il n’y a plus d’animaux, seulement ces fameuses « têtes d’élevage », qui ressemblent à votre voisin, à votre sœur, à vos enfants… Le mot reportage est tout à fait approprié, car c’est bien de cela qu’il s’agit : c’est un style journaliste, hyperréaliste : on a vraiment l’impression d’y être, de suivre une caméra, qui montrerait des images avec une bande-son explicative assez neutre, avec ce détachement qui caractérise notamment Marcos, malgré l’horreur de ce qu’elle montre. Il n’y a pas de grands effets, pas de sang qui dégouline façon film d’horreur (enfin, si, un peu), juste une réalité dystopique crue, exacerbée par une écriture faite de petites phrases incisives, toujours au présent. D’ailleurs c’est bien simple : par le plus grand des hasards, j’ai lu le chapitre où Marcos fait visiter les abattoirs à deux jeunes candidats ouvriers… juste avant de passer à table ! Ce soir-là, j’ai à peine pu manger… et j’étais encore nauséeuse en allant dormir quelques heures plus tard !

    Et là maintenant, en écrivant ces quelques lignes, alors que j’ai fini ce livre, mon estomac recommence à danser la salsa, je suis en train de boire une tisane digestive par prudence… car le livre est de cet acabit-là en permanence, à travers les différentes visites professionnelles que fait Marcos (au tanneur, au chasseur, à la scientifique qui fait des expériences sur ces têtes d’élevage) ou au zoo qu’il visitait autrefois avec son père, et dont il ne reste quasi rien (et bien sûr pas un animal !), si ce n’est une nostalgie prégnante d’un monde qui semblait alors plus vivant, mais à jamais perdu.

    Mais l’autrice va beaucoup plus loin que cette seule évocation (déjà terrible en soi) des conditions de vie de nos animaux d’élevage ! A travers la dénonciation d’un cannibalisme institutionnalisé, c’est tout notre mode de vie qu’elle remet en cause : notre acceptation de ce qui nous est dicté, par le gouvernement, par les médias ou par nos relations, sans esprit critique, parce que c’est ce que « tout le monde » fait… même rendre acceptable et normal ce qui reste quand même un des grands tabous de notre monde occidental – et heureusement ! Elle pousse le vice plus loin : ce cannibalisme légal prétend rien moins que sauver l’humanité, il est présenté comme nécessaire pour endiguer la surpopulation de la planète ! Pourtant, ce nouveau système n’est guère différent de ce que nous avons aujourd’hui… Il y a toujours les riches (très stigmatisés, stéréotypés dans l’exagération) qui profitent de la situation pour développer leur business annexe ; il y a toujours des pauvres bien pauvres et potentiellement dangereux (ah les « Charognards » !) ; et pour que le tableau soit complet, on a même les scientifiques qui, au nom de la recherche pour l’Humanité, jouent au Docteur Mengele… sans parler de Marcos lui-même, qui est quand même très ambigu, pas vraiment sympathique, et complètement glaçant au final.

    Et ça ne s’arrête pas là ! Malgré cette écriture très précise et analytique comme je disais plus haut, un style toujours très direct et sans aucun détour, qui met les pieds dans le plat de l’insupportable, l’autrice parvient à distiller une émotion forte et vraie, à travers deux thématiques majeures (pour moi du moins), présentes tout au long du livre, qui semblent parfois comme « en arrière-plan » par rapport à toute cette histoire de cannibalisme, mais qui ne cessent de hanter le lecteur : la liberté (ah ce colibri !) et le deuil d’un père devenu fou ou d’un enfant…

    Bref, c’est un livre fort, extrêmement dérangeant, nauséabond, mais d’une certaine façon indispensable !

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (09 Avril 2021 10:04:05)