[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #101 06 Mai 2021 08:54:18

    Bonjour,

    Finalement je n'ai pas eu le temps d'ajouter mes 3 thrillers hier... et entre-temps ce sont deux livres supplémentaires qui se sont ajoutés! :O
    je vais commencer comme promis par les thrillers.

    Attention, je ne les propose pas dans l'ordre de fin de lecture, car alors je devrais terminer par le moins bon! Je commence au contraire par celui qui m'a le moins plu, qui est aussi celui que j'avais commencé en premier lieu... mais finalement terminé après les deux suivants! (vous avez suivi? =D bravo! ;) )

    Voici donc d'abord le plus décevant, sans doute parce que j'avais entendu beaucoup de bien de cet auteur... et là, bof-bof, je ne peux dire mieux! (mais je le dis en plus long dans mon avis =D):

    L'illusion de Maxime Chattam
    Un petit 14/20, ok ce n'est pas si terrible, mais je m'attendais vraiment à donner une note bien plus élevée!

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    Synopsis : Bienvenue à Val Quarios, petite station de ski familiale qui ferme ses portes l'été.
    Ne reste qu'une douzaine de saisonniers au milieu de bâtiments déserts. Hugo vient à peine d'arriver, mais déjà, quelque chose l'inquiète. Ce sentiment d'être épié, ces "visions" qui le hantent, cette disparition soudaine...
    Quels secrets terrifiants se cachent derrière ces murs?
    Hugo va devoir affronter ses peurs et ses cauchemars jusqu'à douter de sa raison...
    Bienvenue à Val Quarios, une "jolie petite station familiale" ou la mort rôde avec la gourmandise d'une tempête d'été.


    Mon avis :
    Ça fait déjà un moment que j’avais entendu parler de Maxime Chattam, mais n’avais jusqu’à présent jamais eu envie de le lire. Il a fallu que ce dernier opus sorte chez Belgique Loisirs… et waouh la montagne en couverture ! je ne pouvais que craquer… et voilà : c’est une relative déception, et qui n’est même pas lié au fait que je viens de terminer deux thrillers qui m’ont vraiment beaucoup plu : en fait j’avais commencé celui-ci avant, mais je l’avais provisoirement laissé de côté car je n’en voyais pas le bout. Eh oui, il m’est arrivé un truc assez rare quand je lis : soit je n’accroche pas dès les premières pages, et alors soit j’abandonne, soit je me force jusqu’au bout ; soit j’accroche et je termine dans un temps plus ou moins raisonnable. Mais ici, j’aimais bien mais « sans plus », et en arrivant autour des 68%, je me suis rendu compte à quel point je m’ennuyais… et comme une copine m’avait proposé une LC sur un autre livre entre-temps, j’ai donc quitté mon ennui, bien décidée à y revenir un jour, mais plus tard ! Le temps de lire encore un autre thriller, et nous y voilà.

    Alors, commençons par le positif car c’est quand même un aspect indéniable de ce livre : la plume est vraiment très maîtrisée et addictive. Maxime Chattam écrit bien, il n’y a aucun doute là-dessus : on est dans un (très) bon niveau de français, des phrases construites et réfléchies, çà et là même des découvertes de vocabulaire ; bref c’est parfait, tout ce que j’aime quand je lis un livre écrit directement en français ! Quant à l’addiction, c’est ce phénomène que plusieurs ont relevé déjà il me semble : l’auteur sait où il va et met en œuvre les différentes astuces pour y arriver. Je pense par exemple à l’incursion dans les pensées d’Hugo, notre personnage principal : toujours marquées en italique, elles donnent un certain rythme au livre, et « accompagnent » réellement le lecteur aux côté d’Hugo, on a l’impression d’être son confident tout à coup, et petit à petit on en vient presque à attendre ces passages. C’est aussi cette technique de terminer un certain nombre de chapitres en suspension : laissant le lecteur avec une découverte d’Hugo qui n’est pas partagée, une source de frayeur qui n’est pas révélée… et qui n’arrive qu’au chapitre suivant, dans le meilleur des cas ! Si bien qu’on passe à ce chapitre suivant, on est même « forcé » de le faire ;) et puis on le lit tout entier quoi qu’il en soit, et ainsi les pages se tournent encore et encore…

    Mais cette grande maîtrise n’empêche pas un certain essoufflement, le sentiment que ça traîne en longueur et que c’est interminable. Pendant les deux premiers tiers, je n’ai jamais vraiment trouvé ce thriller haletant : certes il arrive quelques anicroches à Hugo, mais rien qui soit vraiment flippant, car pour moi c’est trop dans l’invraisemblable, sans parler du fait que Hugo ne cesse de se répéter que c’est son imagination qui lui joue des tours… tant et si bien qu’il finit par en convaincre le lecteur (moi en tout cas) ! Or, même s’il y a bien quelques aspects « réels » quelque peu gênants, ça me semblait un peu léger pour faire un bon thriller. Et ainsi passent les pages, entre le besoin irrépressible de les tourner, et le sentiment qu’on s’enlise, car il ne se passe rien de transcendant et encore moins d’haletant, on a tout au plus le sentiment d’un vague malaise. Mais, au risque de me répéter : ce malaise semble surtout présent dans la tête d’Hugo, à qui je n’ai jamais réussi à m’attacher du coup, pas plus qu’au livre, que j’ai donc finalement laissé de côté.

    Et ce n’est pas de chance : maintenant que j’ai terminé ce livre, je me rends compte que ça bouge enfin… juste après le chapitre auquel j’avais mis ce livre en pause ! Oh, je n’irais pas jusqu’à dire que ça devient tout à coup passionnant, mais les divagations d’Hugo prennent une autre tournure, les choses s’accélèrent, et même s’il ne m’est toujours pas vraiment sympathique, on finit par trembler pour lui et se poser des tas de questions sur tous les autres personnages – ce que lui s’escrime à faire depuis le début, en vain. Sans vouloir spoiler, le revirement final est digne de ces mauvais policiers qui ont tendance à m’horripiler : malgré les nombreux indices qui ont été semés tout au long du livre, dont certains que j’avais bien relevés, on est dans une révélation finale fracassante que la lectrice lambda ne pouvait devenir, ni même envisager dans un coin de mon esprit, à moins de l’avoir tordu… car on retombe dans le travers d’invraisemblance qui a marqué tout ce livre ! Et au final, je ne peux m’empêcher de penser : « Tout ça pour ça !? » Il me reste à tenter (peut-être) un autre Chattam : s’il est si connu, c’est bien qu’il a écrit au moins un vraiment bon livre ? Mais celui-ci, définitivement, n’est alors pas à la hauteur de certains de ses prédécesseurs.





    Le suivant est d'un tout autre genre, et au passage on change de continent. Il m'a été proposé en LC (enfin, pas à moi personnellement =D ) et m'a aussitôt attirée... et c'était une très, très bonne idée... d'autant plus que je l'avais acheté quelques jours plus tôt, attirée par la couverture qui appelle bien des souvenirs! ;)

    Du bruit dans la nuit de Linwood Barclay
    Un bon 18/20!

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    Synopsis : « Un thriller psychologique empreint de folie et d'humour noir, riche de twists à la Gillian Flynn et d'un suspense si intense que vous n'oserez plus fermer l’œil de la nuit. Paul Davis n'est que l'ombre de lui-même : huit mois plus tôt, ce professeur de littérature à l'existence sans relief a vu un assassin transporter des cadavres de femmes dans le coffre de sa voiture. Depuis, Paul subit les assauts d'un violent syndrome de stress post-traumatique.
    Comment se libérer de cette nuit d'horreur ? Pour l'aider, son épouse l'encourage à coucher sur le papier les pensées qui le rongent et lui offre, pour ce faire, une vieille machine à écrire. Mais bientôt, aux images cauchemardesques de ses nuits viennent s'ajouter des bruits étranges, le tac tac tac frénétique des touches d'un clavier. Et plus inquiétants encore sont les messages cryptiques, tapés par la machine, que Paul découvre au petit matin.
    Somnambulisme ? Machination ? Démence ? A moins que les victimes du tueur ne s'adressent à lui pour réclamer vengeance ? Avec le soutien d'Anna White, sa charmante psychiatre, Paul s'enfonce dans les méandres d'une enquête aux soubresauts meurtriers... »


    Mon avis :
    Petit craquage en librairie car la couverture m’avait attirée… mais je ne connaissais pas du tout cet auteur qui semble pourtant pas mal productif. En plus il est canadien, pays à l’honneur pour le challenge « En 2021, je voyage » : je n’ai pu résister à me l’offrir. Et waouh ! je suis bluffée ! On a là un thriller psychologique intense et surprenant.

    L’histoire commence directement sur les chapeaux de roue, et ne laisse quasi jamais le lecteur respirer, sans pour autant l’asphyxier non plus. Il y a une tension constante et qui va même crescendo, mais pas de scène spectaculaire, et pourtant ce n’est jamais lassant. Je dirais même que la plus grande partie du livre (les deux premiers tiers, voire un peu plus) raconte une histoire relativement linéaire : on suit le cheminement de Paul avec un intérêt croissant ; on s’interroge sur les indices semés çà et là et on se fait peu à peu une idée de qui pourrait être en cause, mais sans jamais aucune certitude, car d’autres éléments semblent indiquer le contraire…

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    jusqu’au double retournement final – je n’en dis pas davantage car ce serait un spoil, ça l’est déjà en partie… ah mais ouf je l’ai mis sous bannière ! ;)

    C’est un peu comme si l’auteur jouait avec le lecteur : devinera, devinera pas ? mais au final c’est lui, et lui seul, qui tient toutes les ficelles, et nous mène par le bout du nez… pour notre plus grand plaisir !

    A mes yeux (de simple lectrice, je n’ai rien d’une spécialiste), la réussite de ce livre tient à deux éléments principaux. D’une part, l’analyse des relations entre les personnages est ciselée avec une grande finesse alors que, paradoxalement, je n’ai pas trouvé les personnages en tant que tels extrêmement fouillés. On prend leur histoire au moment M, on a quelques vagues éléments de leur biographie, juste ce qu’il faut pour qu’on les considère comme des gens normaux, le type d’à côté qu’on croise tous les jours et à qui on dit bonjour car on le trouve sympa, mais dont on ne sait rien au final. En revanche, les interactions des uns avec les autres sont présentées avec une minutie extraordinaire : on joue un peu au voyeur, on les regarde avec un bout de sourire aux lèvres ou avec des frissons ; on est entré chez eux dans leur quotidien, dans leur maison, dans leur voiture. L’auteur nous invite vraiment au milieu d’eux comme un personnage invisible qui compte les points, qui mène l’enquête avec Paul, qui se demande s’il va finir par craquer pour sa psy un peu fragile (et réciproquement) et aurait presque envie que la réponse soit oui… mais au final on se perd quand même. C’est du grand art !

    D’autre part, l’écriture est très rythmée, et bénéficie d’effets qui accentuent ce tempo. Je pense notamment au fait que tout est présenté par un narrateur omniscient, mais qui se penche tour à tour sur les différents personnages (essentiellement sur Paul, sur son épouse Charlotte ou sur Anna la psy, mais aussi sur plusieurs autres) avec une telle « proximité » à chaque fois, qu’on a l’impression de lire un véritable roman choral. Or, ce sentiment d’avoir le point de vue des uns et des autres à tour de rôle donne une dynamique incontestable au roman. Et je pense aussi à cette façon de raconter les événements : Linwood Barclay alterne des scènes où il « montre » les événements (comme je disais plus haut : on a vraiment l’impression d’y être avec les protagonistes), avec des dialogues entre ces personnages, où ils parlent entre eux d’un quelconque événement marquant qui s’est passé dans leur passé plus ou moins récent. Et là, l’effet est au moins aussi marquant, car ces personnages parlent alors forcément de quelque chose qu’ils connaissent – mais le lecteur pas encore ! Dès lors, on se fait des conjectures, on suit le dialogue avec l’avidité de l’enquêteur sur le point de résoudre son énigme, et tout à coup, au détour d’un mot, d’une phrase, paf on a compris et on est tout content… pour que la phrase suivante démente aussitôt le schéma qu’on s’était fait. Alors on continue pour en savoir plus, et on ne peut plus s’arrêter.

    Ce livre est un page-turner au sens littéral du terme - mon traducteur en ligne préféré propose « livre passionnant », ah ah ! ce n’est pas faux mais c’est plus que ça : on ne peut plus s’arrêter de tourner les pages, et à force de les faire défiler on a presque la sensation de cette encore qui colle aux doigts… comme j’ai parfois eu autrefois avec cette vieille machine à écrire sur laquelle ma maman écrivait ses lettres officielles. Cette vieille machine sur laquelle j’ai usé mes doigts lors de mes tout premiers cours de dactylo, avant que mes parents me fassent le cadeau d’une « machine électronique », une révolution à l’époque ! Cette machine qui, dans le livre, devient vraiment un personnage à part entière – mention, d’ailleurs, pour la rencontre de l’antiquité avec le gamin de 9 ans : non seulement c’était « montré » avec cette excellence déjà relevée, mais en plus je voyais tellement mon petit de 8 ans (ou même mes ados) dans une situation similaire, à mourir de rire !

    Ainsi donc, on est très loin d’un thriller angoissant ou ultra-palpitant, ceux qui espèrent du sang et des boyaux (même s’il y en a un peu), passez votre chemin ! Mais l’auteur mène un jeu psychologique endiablé et soutenu, à la façon d’un marionnettiste surdoué un peu fou, dont on attend une nouvelle surprise au détour de chaque page… car au final le lecteur est l’un de ses pantins au même titre que les personnages du livre. Un régal !




    Enfin, nouveau changement de continent, et cette fois on tombe sur un opus tout à fait original, qui ne plaira pas forcément à tout le monde car c'est quand même vachement différent des thrillers à l'américaine ou à la française auxquels on est bien davantage habitués, mais moi j'ai adoré!

    Ma soeur, serial killeuse d'Oyinkan Braithwaite
    Et un autre 18/20

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    Synopsis : Korede s’est donné pour mission de protéger sa cadette envers et contre tout, et ce n’est pas une mince affaire. Non contente d’être la plus belle et la favorite de leur mère, Ayoola a aussi la fâcheuse habitude de tuer ses amants. Ainsi, au fil du temps, Korede est devenue experte pour faire disparaître les traces de sang et les cadavres. « Seulement, avec Femi, ça fait trois. Et à trois, on vous catalogue serial killer… » À l’instar d’une Jane Austen des temps modernes, Oyinkan Braithwaite interroge les liens du sang, tout en pratiquant une critique en règle de la société nigériane : sa corruption, ses différences de classe, son machisme exacerbé…
    Une comédie noire et décalée, aussi mordante que glaçante.


    Mon avis :
    Korede, jeune infirmière dans un hôpital réputé de Lagos au Nigéria, est secrètement amoureuse d’un médecin avec qui elle travaille, Tade. Elle vit avec sa mère et sa sœur Ayoola, jeune fille au caractère fantasque, qui marque surtout par sa très grande beauté qui fait tourner la tête de tous les hommes. En tant qu’aînée, Korede protège et même surprotège Ayoola, quoi qu’il arrive… même le pire : les trois meurtres que la jeune femme a déjà commis, ce qui fait d’elle techniquement une tueuse en série. Lorsque, au détour d’un passage à l’hôpital, Ayoola attire le regard de Tade, au grand désespoir de Korede, le lecteur se trouve face à la question : comment tout cela va-t-il finir ?

    Ainsi, ce sont deux thrillers psychologiques que je termine à 24 heures d’intervalle. Certes, ils sont très différents, pas de vraie comparaison avec « Du bruit dans la nuit » de Linwood Barclay terminé un jour plus tôt. Mais celui-ci est tout aussi réjouissant et complètement bluffant !

    D’abord, le contexte n’a rien, mais alors rien du tout à voir ! Je crois bien que, à l’exception de « Allah n’est pas obligé » d’Ahmadou Kourouma, que j’ai lu autrefois, que j’avais adoré mais qui n’a rien d’un thriller, c’est bien le premier livre que je lis d’un auteur – en l’occurrence une auteure – d’Afrique subsaharienne. Je suis beaucoup plus habituée aux écrivains francophones européens ou aux nord-américains qui, même s’ils se différencient les uns des autres par divers détails, sont quand même pour la plupart issus d’une culture plutôt proche de la mienne. Là, c’était une plongée dans l’inconnu. Et comme je le disais, je suis abasourdie… mais positivement !

    Le lecteur entre de plain-pied dans cette ambiance africaine, et plus particulièrement nigériane, sans doute aidé par certaines idées préconçues inévitables sur ce continent, mais aussi par cette façon qu’a l’auteure d’exposer les choses d’une façon tellement naturelle et sincère, on ne peut qu’accrocher et se laisser guider. Ainsi, l’auteure n’hésite pas à dénoncer certains travers de la société dans laquelle elle vit. Elle évoque par exemple la corruption généralisée d’une police sous-payée, à travers une scène très réaliste, toute empreinte d’un humour délicat, qui rend la chose presque légère, alors qu’on sait au fond (et on le ressent à travers ses mots) que c’est terrible. On a aussi un certain nombre de passages sur la domination de l’homme en tant que père de famille, avec même l’une ou l’autre scène assez dure ! Mais je ne les ai pas tellement ressenties comme une domination patriarcale qui définirait la société nigériane (même si ce n’est pas impossible, ça flotte dans l’air en filigrane), mais davantage comme la toute-puissance d’un homme particulier dans une ambiance familiale bien précise, et c’est tout aussi glaçant.

    Mais surtout, l’auteure donne vie à quelques portraits de femmes bien campées, probablement typiques d’une certaine idée qu’on a de la mamma africaine. C’est même plus : elle n’hésite pas à exagérer cette image, en montrant cette femme, la mère, qui souhaite plus que tout caser ses filles, et de préférence avec un homme riche (le bonheur potentiel n’étant qu’un bonus qui n’entre pas dans l’équation), ou qui se soumet avec une certaine rigidité à cette tradition profondément ancrée de bien recevoir ses hôtes, au risque de se ruiner, et quels que soient les désagréments que cela entraîne. Les plus jeunes sont moins stigmatisées : Korede est sur la voie d’une certaine émancipation, néanmoins elle ne parvient pas à prendre son envol, car son attachement profond à sa petite sœur la retient encore et encore… tandis qu’Ayoola, elle, semble vivre sa vie sans aucune attache de quelque sorte que ce soit !

    On a là l’un des thèmes majeurs de ce livre (à mon sens), bien au-delà de ses côtés africanisants : le poids des choix que l’on pose. Les diverses décisions que Korede va prendre ne sont pas anodines, et auront des conséquences qu’elle n’avait pas forcément prévues (et qui ne sont pas non plus trop joyeuses : il y a de l’humour comme dit plus haut, mais il y a aussi du drame dans ce livre !), mais qu’elle va bien devoir assumer d’une façon ou d’une autre, entrant ainsi dans une chaîne de choix qui en entraîne un autre-  etc. jusqu’où est-on capable d’aller ? Je ne vais évidemment pas donner la réponse pour Korede (si seulement il y en a une =D ), mais de façon certaine, à un quelconque moment de sa lecture, voire lors de plusieurs passages, le lecteur se pose la question de ses propres choix dans la vie…

    Pour le reste, venons-en à l’écriture : la plume est incisive et fluide, rendant ce livre très agréable et facile à lire. L’enchaînement de chapitres très courts lui donne un rythme indéniable. En outre, l’auteure nous raconte cette histoire, selon un procédé que j’ai quelquefois évoqué déjà : on m’avait appris en atelier d’écriture, après avoir fait le plan de son livre, à découper les différents chapitres prévus (au sens littéral : on coupait vraiment les titres des différents chapitres en bandelettes ;) ) et puis les mélanger… et voir ce que ça donne ! Évidemment, le résultat d’un tel mélange pouvait, devait même, être ensuite remanié, pour donner sens à l’ensemble, le jeu maîtrisé des flashes back permettant d’éviter un récit trop linéaire qui deviendrait lassant.
    Mais alors, ici, un tel procédé aurait été poussé à l’extrême : non seulement les chapitres ont été complètement mélangés et vraisemblablement pas remaniés, mais comme en plus ils sont très courts (comme je disais plus haut), c’est toute une série de micro-événements qui apparaissent dans le désordre le plus complet, comme si c’était un vent de folie qui avait mêlé les bandelettes… ou alors l’auteure a un sens du suspense extraordinaire !

    En effet, une grande partie de ce livre ne ressemble pas à un thriller ! À part les meurtres perpétrés par Ayoola, dont l'un ouvre le livre et qui jette ainsi directement ce livre dans la catégorie des polars et autres, on a plutôt un roman de littérature contemporaine à portée sociétale – la société nigériane en filigrane, et les relations entre femmes (au sein d’une même famille) en particulier. Pourtant, de façon imperceptible qu’on ne réalise qu’après avoir bien avancé dans le livre, la tension est bel et bien montée ; les secrets d’Ayoola que Korede préserve coûte que coûte sont réellement dignes d’un thriller. Et tout cela n’est jamais vraiment dit, mais tellement habilement suggéré ! Et le lecteur fait le reste du travail : on accepte la suggestion, on la replace dans le contexte qu’on remet spontanément dans l’ordre… et on comprend presque brutalement à quel point l’auteure nous a menés en bateau ! Sous des dehors presque innocents (qui n’ont vraisemblablement pas plu à tous les lecteurs, quand je lis certains commentaires…), ce thriller est en réalité complètement glaçant ; ce livre est vraiment remarquable en son genre !

  • Julie86

    Grand chef libraire

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    #102 06 Mai 2021 18:48:39

    Coucou par ici!

    Ton polar nigérian me tente bien! Il a l'air très original! Je le note ;)

    Dernière modification par Julie86 (06 Mai 2021 18:48:46)

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #103 08 Mai 2021 00:03:00

    Bonsoir,

    Pour ne pas accumuler davantage de retard, je vais ajouter dès maintenant mes deux dernières lectures, toutes deux terminées mercredi et les commentaires ont été écrits dans la foulée... mais avant, il y a un truc qui me turlupine ces derniers jours, je me suis déjà épanchée sur Discord mais voilà, maintenant que je suis "apaisée" j'aimerais quand même vos avis / retours d'expérience...

    Voilà: début avril j'ai écrit un commentaire un peu dur et certainement très négatif pour un livre qui était entaché de fautes d'orthographe, de syntaxe, de français tout simplement! pour une intrigue relativement plate - une romance sympa mais qui ne révolutionne pas le genre! Et j'avais mis une note de 02/20...

    Et voilà: il y a quelques jours j'ai reçu un mp de l'auteure... dans lequel elle m'insulte!!!

    Est-ce que ça vous est déjà arrivé? Ici sur Livraddict??
    Certes, j'ai déjà lu que ça pouvait arriver sur les blogs ou autres canaux d'expression livresque plus personnels - mais moi je n'en ai même pas, juste ce modeste suivi parmi tant d'autres... et je suis assez active car je lis beaucoup et j'aime garder une petite trace de ces lectures, or LA me semble parfait pour cela :heart: avec un minimum de partage, mais disons que je n'ai pas (et ne cherche pas) une visibilité extraordinaire!
    Bref, j'ai été très choquée sur le coup, un peu plus tard j'ai rigolé (mais jaune quand même), puis je me suis "vengée" (j'ai mis le même avis à peine corsé sur Amazon et sur Babelio, et toc!); maintenant je suis "redescendue" mais ça ne m'a pas laissée indemne..

    Si ce "débat" vous inspire... =D Peut-être existe-t-il déjà ailleurs sur le forum? - j'avoue, je n'ai pas regardé!

    Et maintenant passons donc à ces deux dernières lectures, complètement différentes: une légère un peu décevante, et une beaucoup plus intense, parfois presque difficile (et j'ai pris plus de temps que ma moyenne pour arriver au bout), mais magnifique!

    Quand on s'y attend le moins de Chiara Moscardelli
    Un sympathique 14/20 mais sans plus...

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    Synopsis : Penelope a trente-six ans, quelques kilos en trop, une vie amoureuse désespérément inexistante, un job pas très épanouissant d'attachée de presse pour Pimpax – LA multinationale de la serviette hygiénique –, et elle est de surcroît affligée d'une maladresse quasi légendaire.
    Comment se sortir de l'impasse ? En s'en remettant au dicton de sa grand-mère : « C'est quand on s'y attend le moins que l'amour vous tombe dessus. » Ou, en l'occurrence, qu'on le percute à vélo. Car le jour où elle renverse le ténébreux Alberto, lui brisant la jambe au passage, Penelope en est certaine : ils sont faits l'un pour l'autre.
    Et lorsqu'elle le recroise dans les locaux de Pimpax, le doute n'est plus permis. Mais quelque chose cloche : le bellâtre se fait appeler Riccardo et semble avoir tout oublié de sa tendre assaillante. Pourquoi tant de mystères ?
    N'écoutant que son courage, notre Penelope se lance dans une folle enquête à la poursuite du prince charmant fuyant et, pourquoi pas, du grand amour...


    Mon avis :
    J’avais choisi ce livre car, pour au moins deux challenges liés au printemps, il me fallait trouver une couverture rose… Après une brève recherche, celui-ci avait attiré mon regard, avec sa couverture sympa et originale à défaut d’être vraiment belle, raison pour laquelle je l’ai choisi plutôt que d’autres. Mais en le refermant, je ne sais toujours pas très bien jusqu’à quel point je suis atterrée…

    Oh, ce livre n’est pas mauvais-mauvais – ou, pour le dire autrement : j’ai lu bien pire, certes dans un autre genre, assez récemment ! Mais ce qui est plus qu’agaçant, c’est que ce livre est un concentré de trop nombreuses références à la chick lit et/ou à ces comédies sentimentales et autres acteurs considérés comme « beaux », dont un certain nombre d’Italiens qui évoqueront peut-être quelque chose pour les lectrices de la VO, mais qui pour moi lectrice francophone, tombent complètement à plat ! Déjà, à la base, je ne regarde pas trop ce genre de films (je ne dis pas ça pour les dénigrer ! c’est juste que ce n’est pas ce que j’aime…), mais en plus ces séries italiennes ne sont pas parvenues jusque chez nous, ou alors de façon confidentielle ! Or, le traducteur n’a fait aucun effort d’explication. Je ne lui demande d’aller coller des photos des différents acteurs cités… mais n’était-ce donc pas possible de mentionner en note du traducteur que le fameux Comte Ristori (personnage qui est évoqué le plus souvent parmi tous ces noms inconnus), par exemple, est issu de la série télévisée Elisa (voyez sa page Wiki) … dont tout le monde a entendu parler n’est-ce pas ? (j’ai dû faire une recherche… et en mettant jute « Ristori » comme mot-clé, je suis tombé sur un homme politique français, mouais…)

    Je sais que c’est peut-être un choix éditorial, indépendant du traducteur… il n’en reste pas moins que c’est vraiment dommage ! La traduction, ce n’est pas juste retaper des phrases dans une autre langue, c’est aussi partager la culture de « l’autre » avec ceux à qui on s’adresse qui parlent la même langue que nous. Et ici, cet aspect de partage avec les autres francophones est un flop total.
    À décharge du traducteur, cependant : s’il avait dû mettre des « notes du traducteur » explicatives, il y en aurait eu une dizaine par page ! J’exagère à peine… En effet, indépendamment de ma méconnaissance de ce type de littérature ou de films, les allusions à ces acteurs / personnages sont beaucoup, beaucoup trop nombreuses – à croire que l’autrice avait besoin de se rassurer en mettant des noms prétendument connus un peu partout dans son livre, au lieu de laisser parler son imagination et celle de son lectorat, et au final c’est incroyablement lassant !

    Outre cette abondance de références de peu d’intérêt, ce livre est truffé de similitudes avec d’autres livres ou films du genre, et le plus évident est incontestablement Bridget Jones (livre que j’avais adoré, soit dit en passant, et le film plutôt pas mal aussi), et de ce stéréotype de la femme qui ne peut exister pleinement que si elle rencontre l’homme de sa vie – une croyance fortement implantée dans l’esprit de Penelope, l’héroïne, depuis l’enfance et accentuée par ce qu’on perçoit comme une certaine mentalité ancestrale de son Italie du Sud, elle qui est originaire de Bari dans les Pouilles.

    Les similitudes sont donc nombreuses : Penelope comme Bridget est décalée, sentimentale, maladroite, affublée d’amis improbables dont l’inévitable homo sympathique très caricatural, avec un boulot qui n’est pas à la hauteur de son talent, etc. Mais là où Bridget incarnait une certaine nouveauté, avec une légèreté liée à cet humour britannique teinté de dérision, on a ici une répétition juste assez différente pour ne pas tomber dans le plagiat (et encore ! mais bon, je ne suis pas juriste après tout…), et un humour qui semble constamment forcé, surjoué ; l’autrice en rajoute des tonnes pour essayer de faire rire, mais pour moi en tout cas, c’est loupé ! Parmi ces tentatives ratées d’humour, il y a par exemple une critique pseudo-humoristique constante sur la façon de vivre à Milan, qui serait très « rigide », du moins en comparaison avec ce que Penelope aurait connu à Bari. C’est peut-être rigolo une fois ou deux, même pour qui ne connaît pas Milan, mais à nouveau : ça se répète tout au long du livre, on finit par se demander si l’autrice aime vraiment cette ville qu’elle a pourtant mise en scène ! Pour moi qui n’y connais rien, j’imagine tellement aisément que les Milanais.e.s qui auraient lu ce livre, doivent ressentir la même chose que moi quand je râle sur un livre truffé de « blagues belges »… Inutile, cliché et lassant !

    La seule chose qui sauve le livre, finalement, et qui s’écarte quelque peu de tous les stéréotypes précités, c’est que l’autrice a mêlé à tout cela une vague histoire aux allures d’enquête. On est très loin d’un Policier, et je ne vais certainement pas demander d’ajouter une telle catégorie à la fiche BBM, mais on a quand même une intrigue qui a de vagues réminiscences de cosy mystery. Dans ces moments-là, on peut profiter pleinement d’une plume qui n’est généralement ni agréable ni fluide, alors qu’elle pourrait si facilement l’être ! mais empâtée dans tous les défauts cités plus haut. Quoi qu’il en soit, on ne peut lui retirer le fait qu’elle est alors enlevée… et on a envie de savoir le fin mot de cette histoire ! A vrai dire, on devine assez rapidement ce qui se trame, mais on a tout à coup besoin de le lire noir sur blanc. Peut-être parce que c’est dans cette intrigue seule que l’autrice écrit avec naturel, sans forcer cet humour qui apparaît tout à coup alors qu’on ne l’attend plus !

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    Je pense notamment au moment où le trafic de cocaïne, qui se passait par le biais de serviettes hygiéniques parfumées à la lavande, est révélé : là c’est léger, on trouve cet humour « l’air de rien », et c’est probablement le seul passage qui m’a fait vraiment sourire !



    Ainsi donc, je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai passé un mauvais moment, mais si j’étais professeure d’écriture créative (par exemple =D ), mon commentaire à côté de la note aurait indubitablement été « peut mieux faire », et en attendant, je ne le recommande pas.





    Sublime Royaume de Yaa Gyasi
    Un tout bon 18/20!

    <image>

    Synopsis : Gifty, américaine d'origine ghanéenne, est une jeune chercheuse en neurologie qui consacre sa vie à ses souris de laboratoire. Mais du jour au lendemain, elle doit accueillir chez elle sa mère, très croyante, qui n’est plus que l'ombre d'elle-même et reste enfermée dans sa chambre toute la journée. Grâce à des flashbacks fort émouvants, notamment sur un frère très fragile, nous découvrons progressivement pourquoi la cellule familiale a explosé, tandis que Gifty s'interroge sur sa passion pour la science si opposée aux croyances de sa mère et de ses ancêtres.

    Mon avis :
    Pour commencer, la petite histoire : j’avais repéré cette couverture depuis un moment en librairie (et, non : pas à cause des cosses de pavot ! je n’ai identifié ces dernières que tout récemment grâce à une complice d’un challenge qui se reconnaîtra si elle lit ceci ;) ; moi je croyais naïvement que c’étaient des fleurs stylisées...) ; j’avais donc repéré la couverture, mais ce livre faisait partie de ceux qui m’attirent l’œil dont je lis le 4e, et puis que je repose sans me décider, et ça a même dû arriver plusieurs fois ! (ce n’est pas que je perde la boule, mais je lis tant et tant de 4e de couverture lors de mes passages en librairie, que finalement je ne retiens pas tout par cœur, tout simplement !) Et puis, c’est encore une fois le destin appelé bibliothèque qui a tranché : visite sans but précis dans le catalogue des nouveautés, il y était et en disponibilité immédiate, j’ai donc tenté !

    Il n’y a pas vraiment d’histoire dans ce livre, ou alors elle est réduite au minimum, au profit d’une longue introspection dans le passé de Gifty, la narratrice, au fil de divers flashes back présentés dans un certain désordre, mais où le lecteur se retrouve sans trop de mal. C’est l’histoire d’une petite fille née aux États-Unis de parents ghanéens, dans une famille qui compte déjà un frère aîné. Le père retourne au Ghana alors qu’elle est toute petite et n’en revient jamais ; la mère est profondément croyante et participe à tous les services religieux de son Assemblée, ne se laissant jamais impressionner par son statut de mère célibataire, qui plus est Noire dans un Sud trop indolent pour être vraiment raciste. Sous ce modèle, Gifty est elle aussi une petite fille très pieuse, écrivant son journal intime adressé à Dieu, vénérant son grand frère, et respectant profondément sa mère malgré l’absence de marques d’affection entre elles. La mort brutale de ce frère adoré et pourtant plein de promesses d’avenir va lui révéler la profondeur du silence de ce Dieu, et changer à jamais sa façon de voir le monde, jusqu’à faire d’elle une chercheuse en neurosciences. Son objet d’études, menées entre autres avec des souris, porte sur les mécanismes du cerveau qui mènent (ou non) aux addictions et autres dépressions…

    On pourrait croire que ce livre est une version romancée de l’éternelle dichotomie entre religion et sciences. Certes, cet aspect des choses est bien présent, mais l’autrice va bien plus loin que ça ! D’une part, elle démonte réellement cette religion, sans jamais le renier pourtant ; cette religion qui a bercé son enfance jusqu’au plus intime, mais qui a aussi fait d’elle une jeune fille vivant dans la culpabilité avant même de commettre le moindre péché, et profondément consciente de tant et tant de contradictions – ne serait-ce que : à travers les commérages des « bons chrétiens » qu’elle surprend par hasard, ou encore les différences de « style » d’un pasteur à l’autre ou, de façon encore plus frappante, d’un pays à l’autre, lorsqu’elle retourne (si l’on peut dire, puisqu’elle n’y avait jamais été) brièvement au Ghana, l’été de ses 11 ans.

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    J’ai adoré ce passage du pasteur John, assez rigoriste, qui devient tout à coup beaucoup plus humain quand sa propre fille tombe enceinte à 16-17 ans…

    Pourtant, à travers ce questionnement constant, ses doutes, ses avancées scientifiques et la défense de sa foi pure d’enfant dont elle garde une certaine nostalgie, cette « religiosité » reste à jamais présente au cœur de la chercheuse qu’elle est devenue.

    Son étude scientifique quant à elle est menée avec rigueur et excellence – du moins, l’héroïne est présentée comme telle, mais en plus, l’autrice a vraiment fouillé le sujet, qui est détaillé dans un langage vulgarisé abordable, néanmoins très technique ! Précision pour les amis des animaux : Gifty précise à un moment donné, en parlant avec un autre personnage, qu’elle utilise des souris pour certaines expériences si et seulement si toutes les autres techniques possibles ont pu être utilisées ; que le but ultime est de comprendre le fonctionnement du cerveau –afin de trouver un médicament, une technique qui permettrait d’enrayer les addictions, car de telles expériences ne peuvent se faire sur un cerveau d’un être humain vivant… mais que cela ne veut pas dire qu’elle considère d’une quelque façon que ce soit l’humain comme supérieure à ses souris. Elle s’est prise d’une réelle affection pour « ses » souris ! Et en tout cas, Gifty est persuadée envers et contre tout que son étude n’est pas vaine, qu’un jour plus ou moins proche elle verra des résultats concrets.

    Un petit paragraphe, assez désespéré mais tellement réaliste, résume à mon avis tout l’esprit du livre : « Mais cette tension, cette idée que nous devons nécessairement choisir entre la science et la religion, est fausse. J’avais été accoutumée à voir le monde à travers l’objectif de Dieu, et quand cet objectif s’est obscurci, je me suis tournée vers la science. L’un et l’autre sont devenus pour moi des moyens valables d’y voir clair, mais en fin de compte, l’un et l’autre ont échoué à remplir totalement leur fonction : apporter la clarté, donner un sens. »

    Le tout est écrit dans une langue absolument extraordinaire, d’un niveau plutôt soutenu, et il faut s’accrocher à plus d’un endroit sur le contenu ! C’est que les notions scientifiques abordées, comme dit plus haut, sont certes vulgarisées, mais il y aurait de quoi faire tout un exposé sur le sujet ! Ce n’est pas du tout mon domaine, et je dois bien avouer que certains passages me sont à peu près passés par-dessus la tête, et j’ai dû les relire pour les comprendre un minimum. Quant aux aspects religieux, l’autrice part visiblement du principe que son lecteur a un minimum de connaissances bibliques… Elle cite de nombreuses références, qui sont quelque peu expliquées, mais pas de la même façon que les aspects neurologiques me semble-t-il.
    Un exemple : « Je ne sais pas pourquoi Jésus a ressuscité Lazare d’entre les morts, tout comme je ne sais pas pourquoi certaines souris cessent d’appuyer sur le levier et d’autres pas. » Alors, oui : dans les chapitres précédents, Gifty a expliqué en long et en large en quoi consistent ses expériences, et cette histoire de levier –que je ne vais pas expliquer ici : lisez ce magnifique livre !- est quelque chose que le lecteur « maîtrise » à ce stade du livre. En revanche, Lazare arrive là comme un cheveu dans la soupe et ne sera pas davantage expliqué, pas plus que les références de ce texte ne seront citées (ce qui aurait été un début). Or, en-dehors d’un public « averti », qui connaît l’histoire de Lazare?...

    Bref, ces passages de la Bible (car elle cite des passages de l’Ancien Testament, pas que les Évangiles !) sont beaucoup plus « intuitifs » et, à vrai dire, je me suis bien un peu retrouvée dans cette petite fille tellement pieuse qui parlait à son Dieu – dans un contexte complètement différent, j’ai moi aussi pratiqué l’église que j’ai connue plus qu’à mon tour, j’ai eu moi aussi une « période mystique » autrefois, et j’ai connu un détricotage progressif similaire de tout ce qui avait fait ma foi pendant longtemps… mais je n’ai pas connu d’épisode aussi dramatique que la perte d’un grand frère, et je ne me suis pas tournée vers la science ! :O Tout cela pour dire : quand je lisais ces passages-là, qui résonnaient de façon tellement personnelle, je me suis quand même demandé comment un lecteur moins « averti » pouvait appréhender ces parties-là…

    Et à part ça, j’adore le titre ! Transcendant Kingdom en anglais, trop bien (comme dirait ma fille ;) ) traduit en Sublime Royaume (car « transcendant » n’aurait pas résonné de la même façon à l’oreille, or c’est important aussi, et le synonyme choisi s’applique tout aussi bien à ce livre)… mais de quel Royaume s’agit-il ? Il faut savoir que Gifty mentionne une et une seule fois le mot « royaume » dans le corps même du livre, presque par hasard ; pourtant tout le monde sait ( ?) que les chrétiens, toutes subdivisions confondues, parlent du Royaume de Dieu / des Cieux. Mais ce Royaume n’est-il pas aussi celui que son frère a rejoint bien trop jeune, à cause de cette impression de sublime, de transcendance qu’il pouvait offrir ? et qui reste une menace constante pour tant d’autres grands frères, car on comprend encore bien mal les mécanismes du cerveau qui conduisent à la recherche d’un tel royaume, les recherches de Gifty (qui, d’après les remerciements en fin de livre, ont réellement été menées !) ne sont que le début de tout un processus…

    Bref, un très beau livre mais qu’il faut savoir apprivoiser, l’esprit suffisamment ouvert pour découvrir toute une série de notions en neurosciences, certes accessibles mais pas évidentes pour autant, pour moi c’était une totale nouveauté ; et pour se (re)plonger, en réalité, dans sa propre relation à la religion, ça fait réfléchir et éventuellement se souvenir, ce n’est pas un exercice difficile en soi… mais pour moi ça a eu un écho très personnel, il faut pouvoir l’accueillir car ça secoue bien un peu.
  • domi_troizarsouilles

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    #104 12 Mai 2021 23:15:17

    Bonsoir,

    Visiblement mon dernier post n'a inspiré personne :lol: mais ce n'est pas bien grave, voici la suite de mes lectures en tout cas, deux énormes coups de coeur pourtant très différents!

    Si la bête s'éveille de Frédéric Lepage
    Un tout bon 19/20, j'ai vraiment apprécié!

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    Synopsis : Adam et le singe capucin se regardent droit dans les yeux. Lui ne voit plus en Clara un animal, mais un homoncule, une sorte d’enfant dépravé, une version dégradée et corrompue de tous les ancêtres de l’homme. L’animal en lui jauge l’homme en elle. Ce regard si sombre lui fait perdre ses repères. La peur le gagne, non celle des sévices qu’elle va lui faire subir, mais l’épouvante de ne plus savoir à quelle catégorie du vivant il appartient.
    Adam, un jeune enquêteur du NYPD victime d’un inexplicable règlement de compte. Un crime atroce commis dans un immeuble maudit, le Dakota. Un singe auxiliaire de vie, censé aider le flic. Et soudain, entre eux, une haine incompréhensible. Le cauchemar peut commencer...
    Arrive-t-on, lorsqu’on cherche l’animal en l’homme, à confondre les assassins ? Le mystère sera-t-il résolu avant que la bête s’éveille ?
    Récit haletant, inattendu et terriblement original, Si la bête s’éveille est un véritable page-turner. Frédéric Lepage dompte les mots comme personne.


    Mon avis :
    Cette fois c’est un vrai coup de cœur : en librairie à cause de cette couverture à dominante rouge (ma couleur préférée) et cette triplette de singes dans ces postures devenues universelles – je ne dis rien, je n’entends rien, je ne vois rien ; ces fameux trois singes de la sagesse ! Oh, je ne l’ai pas acheté à la première occasion, au contraire : je l’ai pris et repris bien plus d’une fois, avant de chaque fois le redéposer, jusqu’à me décider un jour brutalement à le prendre… en format Kindle !
    Et c’est tout autant un coup de cœur à la lecture !

    Alors, disons-le d’emblée : on a là un 4e de couverture accrocheur, mais qui ne représente qu’une infime partie de l’intrigue. Adam, jeune flic surdoué au NYPD, s’apprête à déménager avec Angelina, sa compagne et supérieure hiérarchique. Victime d’un supposé mais inexplicable règlement de compte, le voici tétraplégique. Une association lui propose l’aide de Clara, jeune singe capucin, dans le cadre d’une expérience portant sur la capacité à ces presque-humains à devenir assistants de vie, lors de sa lente convalescence, ponctuée de succès inespérés mais désespérément lents. Parallèlement à ça, Angelina est accaparée par un meurtre terrible et inexplicable (lui aussi) dans un pavillon de luxe. Et de là, partent toute une série de questions : les deux affaires seraient-elles liées ? Que s’est-il réellement passé, dans chacun de ces deux crimes ? Que va devenir Adam ? Que va devenir le couple Adam-Angelina ? Et quel rôle va jouer la très présente Clara dans tout cela ?
    C’est ce que je disais : le 4e de couverture présente une infime partie de l’histoire entre Adam et Clara, sans doute la plus sordide… mais qui ne dure guère plus de quelques pages ! Pour le reste, l’auteur mène le lecteur là où il le veut comme il le veut. Il sème des indices à plus d’un endroit, certains sont même tellement « gros » qu’on se demande comment on a pu passer à côté, et pourtant... Par moments, ce sont même des révélations entières qui surgissent, et alors le questionnement continue mais un peu différent : vont-ils s’en sortir malgré tout ?

    Ainsi, l’auteur nous entraîne dans une double intrigue très rythmée, très visuelle aussi, peut-être grâce à l’usage constant de l’indicatif présent dans des chapitres assez courts, et cette technique bien connue qui consiste à monter les choses plutôt qu’à les décrire. Mais au-delà de la pure technique, souvent synonyme de réussite par elle-même, il y a aussi tout l’art du conteur ; c’est une écriture efficace, précise, mais aussi parfois presque poétique, chantante, d’un niveau correct et parfois plus soutenu, sans jamais perdre le lecteur. Ce dernier passe beaucoup, beaucoup de temps aux côtés d’Adam ; on vit à son rythme, on a mal pour lui, on voudrait récupérer avec lui, on adore Angelina et sa volonté farouche de l’aimer malgré tout, tout en s’en trouvant quelque peu agacé, etc.

    Certes, le couple composé de deux flics, l’homme subalterne avec la femme de pouvoir, n’est pas une nouveauté (on a notamment la série policière télévisée « Tandem », mais je pense que c’est loin d’être le seul exemple !), mais est traité ici avec un focus évident sur Adam. En effet, si le narrateur omniscient se penche régulièrement sur l’un ou l’autre des personnages, sans vrai « tour de rôle » toutefois, tout en subtilité, c’est indéniablement Adam le personnage principal, et c’est à lui que le lecteur s’attache d’emblée, grâce à son histoire qui est contée dès le prologue, puis ce terrible crime dont il est victime, ses doutes, ses progrès, sa relation à Clara, sa formidable intelligence, son sens aigu de la justice qui le pousse parfois hors des clous (ou en tout cas à la limite). Tous les autres personnages paraissent un peu comme des satellites qui gravitent autour de lui, même les plus importants, qui sont Angelina qu’on admire bien un peu, l’ami Maxime qui sert la part presque philosophique que ce livre aborde quelques fois à travers des messages d’espoir et d’aller vers l’avant, et Clara bien sûr. Quant aux autres personnages, notamment les différents policiers de l’équipe d’Angelina, qui ont des tâches pourtant bien précises dans la résolution de ces deux enquêtes, non seulement je me suis bien moins attachée à eux, mais en plus j’ai eu du mal à les distinguer les uns des autres. Ce n’est qu’au fil des pages qu’on comprend mieux qui est qui, et quel rôle il/elle joue exactement.

    Et bien entendu, comme le laisse supposer le synopsis mais de façon tronquée, le personnage de Clara a un rôle bien particulier à jouer, au 1er degré très certainement, dans cette relation homme handicapé – singe assistant, très inhabituelle et dès lors tout à fait originale. L’auteur souligne bien que, si tout le monde trouve désormais « normal » que les aveugles puissent avoir un chien-guide, ça n’a pas toujours été le cas, c’était même une grande nouveauté plutôt mal perçue au début ; et désormais les singes pour un tétraplégique… Mais on passe aussi assez vite à un 2nd degré, à tout ce qu’Adam va entreprendre pour mieux comprendre son assistante de vie, et appliquer à ces enquêtes auxquelles il reprend part peu à peu, toutes ses découvertes éthologiques, sur cette part primale de la bête qu’il y a en chaque être humain  … Non seulement il présente des scènes, toujours très visuelles, de comportement animalier d’une façon claire et très abordable, mais en plus, un peu insidieusement, il pousse le lecteur à se demander comment il est / agit dans sa propre vie : que devenons-nous si la bête [en nous] s’éveille ?...

    C’est par moments glaçant ou très triste, c’est parfois intellectuel mais tout à fait abordable, mais c’est surtout remarquable, un vrai polar jubilatoire où chaque mot a sa place, où le lecteur enquête aux côtés de son policier préféré et se réjouit avec lui de ses succès, époustouflé de cette façon qu’il a de n’en faire qu’à sa tête pour arriver à une résolution finale sur les chapeaux de roue, façon scène de cinéma à grand spectacle. Brillant !





    L'oiseau bleu d'Erzeroum de Ian Manook
    Également 19/20 :heart:

    <image>

    Synopsis : L’odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien.
    1915, non loin d’Erzeroum, en Arménie turque. Araxie, dix ans, et sa petite sœur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs. Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leur laissant la vie sauve.
    Jusqu’à ce que l’Histoire, à nouveau, les précipite dans la tourmente. Séparées, propulsées chacune à un bout du monde, Araxie et Haïganouch survivront-elles aux guerres et aux trahisons de ce siècle cruel ? Trouveront-elles enfin la paix et un refuge, aussi fragile soit-il ?
    C’est autour de l’enfance romancée de sa propre grand-mère que Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, a construit cette inoubliable saga historique et familiale. Un roman plein d’humanité où souffle le vent furieux de l’Histoire, une galerie de personnages avides de survivre à la folie des hommes, et le portrait poignant des enfants de la diaspora arménienne.


    Mon avis :
    Livre magnifique et horrible !
    Je l’avais repéré dès qu’il est sorti en librairie, je connaissais déjà le nom de l’auteur (sans en avoir jamais lu pour autant, mais j’ai l’un ou l’autre de ses Policiers dans ma PAL ou en WL), et la jolie couverture ainsi que le titre m’ont bien attirée. Il a suffi qu’une copine suggère une LC pour que je craque. Je l’ai finalement commencé un peu plus tard que prévu, mais il n’est jamais trop tard pour lire un livre pareil, même s’il laisse un goût mêlé d’horreur et d’espoir dans le cœur.

    C’est que ça commence très, très fort ; j’ai eu la nausée pendant au moins les 3-4 premiers chapitres, qui est revenue ensuite par moments, même si c’est surtout le début qui plombe l’ambiance, qui est vraiment insoutenable. On ne continue à lire que parce qu’on sait que c’est une histoire vraie, et plus particulièrement que, si l’auteur nous conte ici l’histoire de sa grand-mère, c’est qu’elle a bien survécu à toutes ces horreurs… et donc l’espoir est déjà là, mais si ténu qu’il faut s’accrocher pour ne pas le laisser filer.

    Bref, ça parle du génocide arménien en pleine 1re guerre mondiale, par les Ottomans, c’est-à-dire les Turcs très largement assistés par les Kurdes (aujourd’hui victimes à leur tour, mais c’est une autre histoire), et dans le silence assourdissant et l’inaction répugnante des puissances occidentales, plus intéressées à sauvegarder leurs intérêts financiers qu’un peuple de rastaquouères, aussi chrétiens qu’ils soient. Le pouvoir ottoman a organisé une véritable épuration ethnique des Arméniens, trop riches et pas assez musulmans à leur goût, les expropriant dans un simulacre de déplacement, mais les routes conduisaient surtout vers une mort certaine, très clairement voulue et organisée. Les nazis n’ont rien inventé, certains même disent qu’ils se sont inspirés de l’organisation de ce génocide méconnu, pour le porter à un paroxysme beaucoup plus « célèbre », hélas, quelques années plus tard…
    Ainsi, Ian Manook raconte l’histoire de sa grand-mère, âgée de 10 ans lorsqu’elle voit sa mère tuée sous ses yeux, et cette terrible marche de la mort, d’un réalisme macabre, particulièrement insoutenable car on sait que ce sont des faits réels, et le fait de les avoir (à peine) romancés ne les rend pas moins horribles. Il souligne aussi les (tellement rares) mains tendues de quelques Turcs, parmi les militaires encadrants ou les populations locales, ceux-là même au risque de leur propre vie.

    L’histoire s’allège ensuite peu à peu (si l’on peut dire), on quitte les charniers pour s’attacher davantage à quelques personnages principaux : Araxie (qui est donc la grand-mère de l’auteur) et sa sœur de cœur Haïganouch, mais aussi Haïgaz et Agop, les deux jeunes combattants arméniens, élevés comme turcs, dont le chemin va croiser plusieurs fois celui des jeunes filles ; ainsi qu’une galerie de personnages récurrents dont certains paraissent tellement excessifs qu’on ne sait plus trop bien s’ils sont bien réels, ou si c’est là la touche vraiment romanesque, bien nécessaire pour que « ça passe ». Avec eux tous, on suit les soubresauts de l’Histoire de l’entre-deux-guerres (le roman s’arrêtant juste après le début de la 2e guerre mondiale en 1939) ; on s’approche de très près d’une pseudo-neutralité américaine, de l’esprit d’accueil des Français non dénué d’un racisme latent, de la volonté de ces immigrants de devenir français tout en gardant le meilleur de leur propre culture, et aussi les premiers congés payés ! ;)  ; on voit aussi les débuts de l’ascension de Hitler, et les mises en garde de-ci, de-là, mais dont personne parmi les puissants des nations occidentales n’a vraiment voulu tenir compte… On n’oublie pas la création d’une véritable république arménienne, mais au sein d’une URSS dans une de ses périodes les plus noires.

    Le seul tout petit bémol à tout cela, s’il en faut un, c’est que l’auteur laisse parfois entendre que les Arméniens « étaient là avant » [les Turcs] – oh ! il ne le dit pas aussi clairement, mais c’est quelquefois sous-entendu, comme s’il voulait appuyer l’horreur du génocide vécu par son peuple, chassé par un autre alors qu’ils étaient les premiers, et depuis très longtemps, sur cette terre qu’ils ont fait fructifier. C’est sans aucun doute très vrai, et ça mérite d’être mentionné... mais en même temps, c’est un jeu dangereux. Ce genre de pensée me dérange toujours bien un peu, particulièrement en ces jours de nouvelles insurrections à Jérusalem… où une partie de la population juive d’Israël trouve normal qu’on tue des Palestiniens jusque dans leurs mosquées parce que le Mont du Temple serait « à eux » ! Tant que des hommes continueront de se battre pour un bout de terre, trop souvent sous des prétextes religieux, les meurtres de masse (jusqu’au génocide) pourront continuer. C’est comme si on n’apprenait jamais rien du passé : si on revient à ces événements récents en Israël, les victimes d’hier sont devenus les bourreaux d’aujourd’hui, et le prétexte des uns et des autres est toujours largement justifié !
    Tout ça pour dire : ce génocide arménien est bien assez épouvantable par lui-même, il n’a pas besoin de justifications du genre pour tenter de le rendre encore plus inacceptable. Tout est d’ailleurs résumé, en quelque sorte, dans ce passage cynique du chapitre 7 :
    « – Chacun sait que c’est vous qui dirigez ce pays, monsieur le ministre, et vous serez tenu pour responsable de ces crimes autant que les autres. L’Histoire vous jugera.
    - L’Histoire, monsieur l’ambassadeur, ce sont les vainqueurs qui l’écrivent, et les crimes, dans l’Histoire, sont toujours ceux des vaincus. Ceux des vainqueurs s’appellent des victoires. »

    Et on ne peut que se réjouir de ce qui ne les Ottomans ni les nazis n’aient gagné la guerre !

    Ainsi donc, c’est un roman fort et vrai, plein de scènes aussi dures que réalistes, mais l’espoir d’une vie meilleure n’est jamais loin, cette vie qui se dessine peu à peu malgré bien des péripéties. Et l’auteur est terrible : il faut absolument une suite à ce livre! On a envie de savoir maintenant, comment cette famille va traverser une nouvelle guerre, et si certains personnages qui ont été séparés vont se retrouver.

  • domi_troizarsouilles

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    #105 14 Mai 2021 01:14:45

    Bonsoir,

    Je continue mes lectures...

    Au carrefour des étoiles de Clifford D. Simak
    J'ai mis le minimum pour que ce soit quand même "bon", soit 15/20.

    <image>

    Synopsis : Etrange demeure que cette ferme Wallace, qui se dresse sur une falaise escarpée du Wisconsion. Une ferme aux fenêtres aveugles, vieille de plusieurs siècles et cependant intacte, comme si le temps n'avait nulle emprise sur elle. Enoch Wallace, son propriétaire, vie là, de toute éternité semble-t-il.
    Or, c'est par cette maison — cette station — que transitent les voyageurs de l'Espace : les Thubains, masses globuleuses et bavardes, les Lumineux de Véga XXI, rayonnant d'ondes heureuses, d'autres encore...
    Depuis bientôt deux ans, Claude Lewis — agent des Renseignements déguisé en ramasseur de gingseng — enquête et tourne autour de la ferme...


    Mon avis :
    Voici un autre livre emprunté auprès de ma bibliothèque communale virtuelle, attirée que j’ai été par la couverture, mais sans aucune idée de ce que c’était. Je l’avais même a priori assimilé à de la littérature jeunesse… avant de parcourir quelques commentaires et m’apercevoir qu’il n’en est rien ! (même si, de façon assez évidente, ce livre conviendrait sans aucun souci à un public ado, pas à 12 ans certes, mais quelques années plus tard pourquoi pas ?) En fait, j’ai même découvert que ce petit livre inoffensif avec sa couverture bleutée aux jolies planètes, qui m’avaient bel et bien induite en erreur, est ce que l’on considère désormais comme un classique de la science-fiction !

    Cela dit, même si j’ai lu récemment quelques livres du genre, et que j’ai lu autrefois l’un ou l’autre archi-connu, comme le 1er tome de Dune, que je prévois toujours de relire… un jour…, idem pour l’un ou l’autre Asimov mais là j’ai même carrément oublié les quelques rares titres, je n’y connais rien aux classiques SF, et celui-ci ne m’a pas exactement emballée.
    On a une intrigue assez légère, très bien résumée dans le synopsis, mais qui s’étire sur des pages et des pages, alors qu’elle aurait pu être résolue sur la longueur d’une nouvelle. De plus, elle n’est pas hyper-passionnante, pour une raison qui a fini par m’agacer quelque peu : l’auteur fait sans arrêt référence à des concepts (tels que les mathématiques par exemple), des objets, des langues, des façons de penser etc. qu’il entrevoit grâce aux différents extraterrestres qu’il croise dans sa station, mais ce n’est jamais développé, et c’est même pire : c’est encore et encore présenté comme inaccessible à l’esprit humain. Alors, ok, ça se conçoit, mais ça donne peu à peu l’impression d’un manque d’imagination, comme si l’auteur n’avait pas pu (ou voulu) développer davantage, au risque de paraître obsolète avec le recul – même si je doute que l’auteur ait pensé à la postérité en écrivant ceci ? quoi qu’il en soit, on reste ainsi en permanence dans un certain vague. Or, ce flou associé au manque d’action, ça a un petit côté frustrant ; heureusement que le livre s’arrête après un peu plus de 200 pages !

    Tout le reste –tout ce qui n’est pas l’intrigue même, c’est-à-dire la majorité du livre- est une ode à la nature, au temps qui passe en changeant les techniques mais pas fondamentalement les hommes, et à la compréhension les uns des autres malgré les différences, et dès lors l’acceptation, une espèce de non-racisme intergalactique. Et, en filigrane qui ne cesse d’enfler, on a surtout le refus de la guerre, la préservation de la paix, une paix mondiale et intergalactique, quel que soit le prix à payer pour cela… C’est beau, c’est bien un peu philosophique, et ça compense quelque peu la frustration citée plus haut, même si ce n’est pas suffisant pour que ce livre soit vraiment une totale réussite comme j’aurais pu espérer.

    Si finalement je le trouve quand même « bon », c’est aussi grâce à cette référence à la force spirituelle universelle, à laquelle tous les êtres de la galaxie devraient pouvoir se connecter, grâce à un artefact appelé le Talisman à défaut d’un meilleur mot (encore cette référence au fait que les mots dépassent ce que le terrien pourrait saisir). Ledit artefact n’est qu’un prétexte qui donnera lieu à un tout petit minimum d’action dans ce livre, mais à mes yeux il n’a pas de réelle importance. C’est surtout cette force spirituelle qui m’a interpelée, qui est parfois appelée du seul mot « la force »… et nous voilà partis pour une certaine guerre des étoiles ! :) Il faudrait sans doute une étude plus approfondie pour savoir jusqu’à quel point certains éléments de ce livre, et certainement cette force, ont influencé ma saga cinématographique préférée – dont le 1er épisode, parlant de l’ordre de sortie de ces épisodes bien sûr, est apparu sur les écrans environ 14 ans après la parution originale de ce livre ! Mais en tout cas, ça ne pouvait que me plaire !
  • domi_troizarsouilles

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    #106 15 Mai 2021 21:47:35

    Bonsoir,

    Mon suivi n'a plus trop de succès... :pleur: mais ce n'est pas bien grave, je continue mes lectures, n'est-ce pas ça le principal? ;)

    Voici donc, cette fois, un livre un peu plus moyen (par rapport aux précédents) mais bien sympathique quand même, surtout si on aime le genre:

    Zards, tome 1: Le réveil du sorcier de François Villard
    Pour moi il est bon mais sans plus, donc 15/20.

    <image>

    Synopsis : Tom Néro se préparait à prendre la succession du cabinet de livres anciens de son père adoptif lorsqu’il découvre être le détenteur d’un extraordinaire don. Suite à une « Renaissance », nom du phénomène qui a favorisé l’éclosion de ses pouvoirs, Tom a désormais la possibilité générer de puissantes « fractales », des rayons d’une infinie beauté mais terriblement dangereux et difficilement maîtrisables. Il est alors contacté par une communauté secrète composée d’hommes et de femmes possédant les mêmes pouvoirs que lui. Après des débuts marqués par la méfiance, commence alors pour Tom une période d’initiation ponctuée d’incroyables aventures. Mais au moment où il prend la mesure de sa destinée hors du commun, un événement inattendu place Tom devant un terrible dilemme qui a pour enjeu le destin de l’Univers.
    Avec leur étrange pouvoir, on a souvent comparé Tom et ses semblables à des « Sorciers », des « Wizards ». Au fil du temps, de cette dénomination, ils n’ont gardé que la dernière syllabe. C’est ainsi que ces êtres sont connus sous le nom de « Zards ».


    Mon avis :
    J’avais trouvé ce livre en cherchant quelque chose qui soit tout à la fois Fantastique et Policier ou, à défaut, Fantastique et un éventuel autre genre, de telle sorte que sa lecture serve pour plusieurs challenges, tant qu’à faire… Je ne sais plus trop comment je suis tombée sur celui-ci, mais ce qui est certain, c’est que je me suis aussitôt arrêtée dessus pour une raison basique : je trouve la couverture vraiment magnifique, dans une couleur qu’on ne trouve pas si souvent que ça, tous genres confondus. De plus, la note actuellement dithyrambique que lui ont donné les lecteurs de LA, soit 17,9 de moyenne en seulement 7 votes, laisse rêveur !
    N.B.: avec mon "petit" vote en plus, on retombe à 17,5/20... =D

    Et pourtant, je suis relativement mitigée ; pas tout à fait déçue, mais en tout cas je ne vais pas contribuer à une note aussi élevée. Certes, en lisant les commentaires ici ou là, je m’y retrouve plutôt moi aussi. On a un postulat de départ assez convenu, et pourtant on sort d’un schéma trop traditionnel : c’est la paire de jeunes sorciers (d’origine extraterrestre, tant qu’à faire) qui se découvrent des pouvoirs extraordinaires, et a priori incontrôlables, et dans la foulée découvrent aussi qu’ils sont entourés d’obscurs rivaux, et même deux factions elles-mêmes antagonistes pour corser les choses. Cela donne une intrigue assez linéaire malgré quelques flashes-back, mais originale par rapport à ce qu’on pouvait attendre ! On a aussi quelques voyages à travers la forêt de Fontainebleau, Paris et même un vieux château en Écosse, le tout grâce à des rebondissements plus ou moins inattendus qui font qu’on n’a –vraiment- pas le temps de s’ennuyer. Et puis il y a ces fameuses fractales : pour moi une découverte, je n’en avais jamais entendu parler – en tout cas pas de cette façon – mais l’auteur est convaincant, et dès qu’il en parle, quelle que soit l’action qui les provoque, on est avec lui béat d’admiration devant leur beauté, on a envie de les voir nous aussi, peut-être même de les toucher du bout du doigt, et tant pis si elles sont dangereuses !

    Par ailleurs, les personnages sont suffisamment attachants pour qu’on les suive, même quand l’intrigue même n’intéresse plus autant – pour des raisons que j’évoquerai plus bas. Ce sont surtout Tom et sa sœur jumelle Angeline (parfois surnommée Évanne, mais je n’ai jamais compris ni le lien entre ce diminutif et son prénom, ni les rares personnes qui sont autorisées à l’utiliser, et alors pourquoi…) ; ce sont donc eux les personnages principaux, entourés de toute une galerie d’autres, moins fouillés mais bien campés. Paradoxalement, c’est Tom, sa fougue, son sens de la justice (ou de la vengeance ?), son attachement à ceux qui lui sont chers, qui attire tous les regards… si bien qu’on se demande pourquoi c’est sa sœur, vers qui les spots sont beaucoup moins tournés pourtant, qui va hériter des pouvoirs les plus puissants, qui en plus ne se révèlent que bien plus tard… Un avant-goût pour un prochain tome? Dommage aussi que la gémellité de ces deux-là n’ait pas été davantage exploitée : on les voit comme frère et sœur, qui s’aiment et se détestent (gentiment) tout à la fois, c’est un grand classique bien rendu (j’en ai un exemple constant sous les yeux à la maison !)… mais qui reste (à mon avis) superficiel en ce qui concerne une relation plus intime qu’on devrait pouvoir trouver entre deux jumeaux, surtout dans un contexte aussi particulier.

    Pour le reste, à mes yeux, l’ensemble du livre pêche par ce bon vieil adage disant que « le mieux [que l’on remplacera ici par « trop »] est l’ennemi du bien ». Il y a trop de révélations toutes plus incroyables les unes que les autres – on veut bien que ces fameux zards soient des demi-sorciers d’origine extraterrestre, on veut bien que certains des rivaux soient parés d’un exosquelette monstrueux, on veut même bien que certains morts ressuscitent… mais tout cela est déjà tellement « gros » qu’on est très vite, très proche d’un sentiment de « trop ». Et en effet, à partir d’un certain stade, quand ce genre d’événements (je ne vais pas révéler les autres, ce serait du spoil, je suis déjà à la limite) ne cessent de se succéder, au fil de ces rebondissements précités, eux aussi très nombreux, trop… on finit par se sentir un peu essoufflé, on n’adhère plus à cette histoire exubérante qui défie toute logique depuis le début, et qui en rajoute des tonnes, si bien que l’ensemble se ternit irrémédiablement en perdant beaucoup de sa saveur et de sa magie. Au rebondissement suivant, au lieu de haleter avec les personnages mis à mal, on se demande tout à coup : « Encore ? n’exagère-t-il pas un peu ? »
    Je suis bien consciente, tout simplement, que c’est peut-être moi qui ne suis pas (ou plus) capable d’apprécier un tel déferlement d’actions alambiquées. Il y a mon âge, indéniablement je ne suis plus une young adult depuis un certain nombre d’années ; mais c’est peut-être aussi l’effet d’avoir lu tout récemment deux livres tellement exceptionnels en leur genre, qu’un autre (celui-ci donc) un peu moins relevé ne pouvait tenir la comparaison, et dès lors paraître moins bien qu’il n’aurait été, si je l’avais lu après deux flops par exemple… Mais voilà, ce sont là les hasards de la lecture !

    Cela dit, je pense que je ne suis pas seule en cause dans cette légère dépréciation, l’auteur est quelque peu « coupable », lui aussi ! Outre l’excès finalement peu convaincant de péripéties, la forme n’est pas tout à fait à son top : on est typiquement dans une autoédition qui aurait mérité un peu plus de soin. Oh ! j’ai lu bien pire, mais c’est quand même dommage… Il y a ici et là quelques coquilles, des fautes évidentes de relecture trop rapide, comme au début du chapitre 18 : « Comment vous te sens-tu ? » - ce n’est pas la seule, elles ne sont pas hyper-nombreuses, mais elles auraient pu/dû être évitées ! Et, malheureusement, il y a un certain lot de fautes d’orthographe ; je ne les ai pas comptées, à la grosse louche je dirais qu’il y en a une grosse vingtaine sur tout le livre, c’est-à-dire de toute façon trop. Pire : c’est toujours le même type de fautes, essentiellement une confusion entre les substantifs et les adjectifs de nationalité (l’un prenant une majuscule, l’autre pas, mais ici tout est en minuscules…), et les trop classiques non-accords (ou accords farfelus) des participes passés conjugués avec avoir… En outre, ces fautes, comme je disais relativement peu nombreuses, ont tendance à s’accélérer vers la fin du livre, comme si l’auteur s’était tellement emballé pour donner une fin digne de ce nom à son livre, qu'il n'a plus pensé suffisamment aux « détails annexes »… pourtant bien importants pour un produit fini de qualité !

    Et pour ne rien arranger, c’est un autre détail mais qui m’agace passablement, car je suis très sensible à cela : on a l’inévitable personnage belge qui aurait son « accent belge » - ah le cliché tellement typiquement français ! Quand donc les auteurs français, qui se targuent d’avoir compris quelque chose à la Belgique, retiendront-ils qu’il n’y pas un accent belge, et certainement pas celui qu’ils s’escriment à imiter mais qui ne ressemble à aucun accent connu en Belgique ? L’auteur ici pousse jusqu’à créer un « humour belge » qui serait typique dudit personnage… je cherche encore à quoi il fait référence ! Mais bon, l’épilogue m’a consolée, si on peut dire : il n’y a pas que les Belges qui en prennent pour leur grade, je cite : « Un policier australien qui avait des notions de français ? C’était aussi étonnant que pertinent dans ce cas précis. » Certes, on sait que les anglophones ont tendance à ne parler qu’anglais, c’est un fait avéré… mais ici transformé en un cliché qui englobe gratuitement toute une profession, c’est vraiment regrettable, même sous le couvert d’un pseudo-humour.

    Ainsi donc, j’ai moyennement apprécié cette lecture originale mais aux événements tellement exagérés qu’ils perdaient toute crédibilité, toute adhésion de la lectrice que je suis ; je regrette les fautes d’orthographe et les clichés. Par contre, j’ai été vraiment séduite par ce monde de fractales, leur beauté, et j’ai bien envie d’en découvrir davantage… même si cela ne suffira pas forcément à me conduire jusqu’au 2e tome.
  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #107 16 Mai 2021 02:07:46

    L’autoédition n'excuse pas les fautes, je trouve, il y a moyen de trouver quelqu'un pour nous relire avant publication...  Ça m'aurait fait décrocher, perso.  Dommage car cette histoire de fractales semble originale.
  • zoeline

    Bookworm

    Hors ligne

    #108 16 Mai 2021 10:36:30

    coucou
    je suis admirative de  ta facon de donner ton avis,  ce n'est pas mon style de lecture mais ton avis a frotter ma curiosité
    passe un bon dimanche
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #109 21 Mai 2021 09:00:04

    Bonjour à tous,

    Deux lectures terminées en deux jours!
    L'un de mes commentaires est déjà prêt depuis plusieurs heures, mais j'ai eu des journées tellement chargées... puis le soir je participe ici ou là, mais j'ai alors l'esprit trop "brumeux" pour venir mettre un nouvel avis ici: même s'il est déjà rédigé, je préfère le relire, ne serait-ce que pour traquer les fautes d'inattetion.

    zoeline a écrit

    je suis admirative de  ta facon de donner ton avis,  ce n'est pas mon style de lecture mais ton avis a frotter ma curiosité


    Merci zoeline, je prends plaisir à écrire ces quelques commentaires - j'aime bien écrire en général! :) et c'est encore plus motivant quand je suis encouragée! :pink:
    Et je n'oublie pas que je dois me pencher sur certains points de notre challenge binômique ;) : j'espère que le long week-end à venir (en Belgique le lundi de Pentecôte est resté férié) va me permettre de dégager un peu de temps...

    Grominou a écrit

    L’autoédition n'excuse pas les fautes, je trouve, il y a moyen de trouver quelqu'un pour nous relire avant publication...  Ça m'aurait fait décrocher, perso.  Dommage car cette histoire de fractales semble originale.


    Mais tellement Grominou! c'est d'autant plus gênant qu'il existe des tas de plateformes où les auteurs qui optent pour l'autoédtion peuvent trouver bêta-lecteurs et autres correcteurs tout à fait gratuitement! Certes, il est possible que ces correcteurs ne soient pas si bons que ça, après tout ils ne sont pas forcément "professionnels"...

    Tiens, le livre suivant m'a fait penser à toi ;) et une phrase en particulier, que je cite d'ailleurs. Moi qui parlais de "français bizarre" en parlant du français parlé au Canada ;) , j'ai trouvé trop drôle cette autrice américaine (et vivant au Canada) qui se moque gentiment de l'accent des Anglais!

    Bref, voici:

    Tu me dois un meurtre d'Eileen Cook
    Un petit coup de coeur à 18/20!

    <image>

    Synopsis : Kim, dix-sept ans, a une furieuse envie de meurtre sur la personne de Connor, son ex petit ami, qui l’a quittée pour une autre. À présent qu’elle est coincée avec les deux tourtereaux dans l’avion pour leur voyage scolaire à Londres, elle confie cette envie d’étriper Connor à Nicki, la sympathique jeune fille assise à côté d’elle. Amusée, Nicki se propose de débarrasser Kim de son ex, en échange de quoi Kim la débarrasserait de son insupportable mère. Le crime parfait ! Une fois à Londres, Kim oublie Nicki… jusqu’à ce que Connor meure en tombant sur les rails depuis un quai de métro. Accident ? Suicide... ou meurtre ? D'autant plus qu’une note déposée à l’hôtel rappelle Kim à sa promesse faite dans l’avion...

    Mon avis :
    Voici encore un livre-craquage sur le site virtuel de ma bibliothèque, joliment appelé « Lirtuel », et franchement une belle découverte ! D’ailleurs, je suis assez étonnée de voir qu’il a eu un succès nettement plus mitigé sur les diverses plateformes de lecteurs (avant ma propre note, on était à 14,8/20 sur LA, où on a 6 votes mais seulement 1 commentaire développé ; et 3,22/5 (c’est-à-dire 12,88/20 !) sur Babelio), qui le jugent donc tout au plus moyen, voire même carrément faible ! Cela dit, les commentaires (surtout sur Babelio du coup), même les négatifs, sont très inégaux, si bien qu’il est difficile de tirer une conclusion générale de ce côté-là.

    Quant à ce que je pense, moi… ;)
    D’abord, il faut savoir et garder en tête que c’est un livre destiné aux ados, l’éditeur précise à partir de 13 ans… et pour une fois je suis tout à fait d’accord : je le passerais à mon ado de 13 ans et demi sans aucune hésitation. On part ainsi en voyage pédagogique à Londres, UK, auquel participent une petite dizaine de jeunes (d’environ 17 ans) de divers lycées de Vancouver, Canada. Parmi eux, la jeune Kim digère mal sa rupture d’avec Connor, d’autant plus que c’est pour le suivre, lui, qu’elle a choisi de s’inscrire à ce voyage… auquel il participe avec sa nouvelle conquête ! Mais surtout, on comprend très vite que Kim est une jeune fille « différente » : intéressée par les sciences et la recherche, probablement plus intelligente que la moyenne, et mal à l’aise dans les relations sociales en général car en plus, très souvent, elle doute d’elle-même. Pour autant elle n’est pas malheureuse, mais clairement une part d’elle souffre de sa différence et cherche à s’intégrer le moins mal possible, tandis qu’une autre part apprend peu à peu à s’affirmer comme elle est, elle : tout un apprentissage ! Bref, elle m’a fait penser (en partie au moins) à la jeune fille que j’ai pu être au même âge qu’elle… et j’y vois aussi, toujours en partie certes mais ces pans-là sont tellement réalistes, quelque chose de mon fils précité. Dès lors, je ne pouvais que m’attacher à ce personnage tellement représentatif d’une certaine jeunesse mal comprise par ses contemporains, et qui oscille sans cesse entre ce désir d’appartenance à un groupe et cette émergence d’une personnalité propre, tellement typique de cet âge de la vie ! Les mots de l’autrice sont terriblement justes à ce sujet.

    A part ça, oui c’est un thriller, un vrai de vrai, mais un thriller soft : ici pas de sang à profusion, pas de boyaux, pas d’ambiance glaçante qui crée des cauchemars la nuit, même pas tout à fait de suspense insoutenable à trouver un coupable lorsque Connor meurt dans un accident de métro – suicide ou meurtre ? la question est évoquée quelquefois, mais n’est vraiment pas centrale dans ce livre.
    En revanche, on a une tension constante, une impression de malaise qui va crescendo, et qui tourne essentiellement autour du personnage de Nicki, cette jeune fille, elle aussi différente et intelligente, mais tellement libérée et bien un peu cynique ! Kim la croise par hasard à l’aéroport au départ de Vancouver, elles se retrouvent ensemble dans l’avion, et c’est là que Nicki va proposer à la lycéenne un marché « pour rire »… ou peut-être pas finalement : chacune tue la personne gênante de l’autre, un crime parfait où aucun lien ne peut être fait ! Ladite Nicki est soit tarée, soit complètement retorse ; elle apparaît à différents moments, là où Kim ne l’attend jamais, comme un lapin surgit du chapeau d’un magicien, et parfois c’est limite improbable mais ça fait partie du jeu ! Ainsi, lorsque les deux jeunes filles se retrouvent à Londres, elle ne tarde pas à rappeler à Kim qu’elle doit remplir sa part du marché, maintenant que Connor et mort (mais l’a-t-elle vraiment poussé sur les rails du métro ?...), et tuer la propre mère de Nicki, prétendue alcoolique qui lui gâche la vie… Nicki avance ses pions avec un aplomb et une conviction terribles, toute une argumentation sensée et rationnelle qui, bien qu’elle manque terriblement d’empathie et de « bon sens », n’est peut-être pas tout à fait fausse… et c’est là que le lecteur comprend que lui aussi s’est laissé manipuler par cette Nicki, car bien sûr son raisonnement, qui va toujours un peu plus loin dans le glauque, est tout à fait inacceptable !

    Par ailleurs, on a autour de ces deux-là toute une série de personnages secondaires nettement moins fouillés mais plus ou moins sympathiques. Connor ressort quelquefois, bien sûr, malgré son décès assez tôt dans le livre, et pas forcément comme on s’y attend. Le jeune Alex quant à lui, secrètement et puis de plus en plus ouvertement amoureux de Kim, est attendrissant et parfaitement crédible ; lui le geek scolarisé à la maison, surprotégé par ses parents à cause de ses nombreuses allergies, tout aussi pataud que Kim dans les relations, et pourtant très « vrai », les parties qui lui sont consacrées paraissent très justes et touchantes ! C’est lui qui tient ouverte en permanence la porte de l’espoir, celui que non Kim n’est pas folle, du moins pas aussi tordue que l’énigmatique Nicki et, de façon plus générale, que l’amour est possible même pour des ados pas tout à fait comme les autres. Cliché peut-être, mais ça fait du bien, cet Alex est la bonne humeur constante du livre, c’est du pur feel good !

    Puis on a les autres participants au voyage, les quelques policiers impliqués mais finalement peu présents ; on citera aussi les inénarrables parents de Kim – avec eux on touche à la PMA et, dans une espèce de cliché mais qui sonne tellement réel, les « dérives » que ça peut entraîner en termes de désir d’enfant parfait, surtout quand il n’y en a qu’un, et que cet enfant (en l’occurrence Kim) ne répond pas à l’image parfaite de la petite fille bien girly…
    Bref, au risque de me répéter : ce sont des sujets d’actualité, une plongée dans un groupe d’ados somme toute assez banal, mais confronté à la mort de l’un des leurs dans des circonstances quant à elles pas banales du tout.

    Et avec ça, l’autrice peut se targuer d’une écriture pétillante qui accroche dès le début, débordante d’un certain humour léger, qui fait sourire à plus d’un passage. Bon, j’avoue : l’autrice américaine, désormais résidente au Canada (anglophone), se moque gentiment des Anglais et de leur accent – une auteure française résidant au Canada (francophone) aurait-elle fait les mêmes allusions sur les Belges, j’aurais sans doute été plus hargneuse, vous me connaissez maintenant ! ;) Cela dit, on est quand même loin (il me semble) de certaines blagues belges tellement stéréotypée, quand on lit un passage comme : « De temps à autre, cette réalité me frappait : j’étais à Londres, j’allais au théâtre, je sortais boire un verre, les gens avaient un accent étrange. Cette vie n’avait rien à voir avec la mienne. » Et ce n’est là qu’un exemple très typé ; de façon générale, je dirais plutôt que l’autrice parvient à créer une ambiance très ado-cool mais sans cette exagération de « parler jeune » comme j’avais relevé (avec regret) dans certaines de mes lectures plus récentes ; elle s’adresse à des jeunes, certes, dans un langage sans chichi, mais elle les considère comme suffisamment cérébrés pour proposer une histoire entraînante d’un bon niveau.

    De plus, malgré cette légèreté dans le ton du roman, la tension ne cesse d’augmenter pour Kim, et dès lors pour le lecteur qui a pu s’attacher à elle. On tourne les pages sans même s’en rendre compte, tellement on a envie de savoir jusqu’où ça va aller : Nicki va-t-elle encore longtemps « harceler » sa victime ? quel nouveau tour va-t-elle trouver pour la pousser à commettre ce meurtre qu’elle lui « doit » ? Et comment l’intelligente mais bien désarmée Kim va-t-elle s’en sortir ?
    Inutile de dire que le lecteur averti peut deviner la clé du crime assez tôt dans le livre – pas dès le début, soyons sérieux, mais même moi qui reste très naïve malgré une assez grande consommation de polars et autres thrillers, j’ai eu des doutes sur certains points, plus rapidement que je n’aurais pensé. Pourtant on continue de suivre l’avancée de Kim, toute attachée elle aussi à comprendre le pourquoi du comment de ce qui ne tourne pas rond chez Nicki ! Mais à nouveau, je n’ai pas eu l’impression que cette découverte est essentielle pour l’autrice, qui propose une résolution malgré tout inattendue (ou pas) et quelque peu bâclée ; son propos se trouve bien davantage dans le cheminement de la pensée de ces deux jeunes filles qui s’affrontent, et en filigrane l’observation presque entomologique d’un microcosme d’ados en semi-liberté, loin de leur environnement habituel.

    En conclusion, je pense que ce roman est un petit bijou pour la jeunesse, très typiquement pour les ados bien davantage que du young adult, qui permet d’entrer dans un monde qu’on a peut-être oublié mais qui revit grâce à cette plume enjouée, pleine de bonne humeur et qui parvient pourtant à créer une ambiance de plus en plus tendue, façon thriller sans grand effroi, mais thriller quand même. Une vraie réussite, j’aurai plaisir à découvrir d’autres livres de cette autrice !

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (21 Mai 2021 09:01:23)

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #110 23 Mai 2021 22:58:14

    Bonsoir!

    Comment allez-vous?
    Ici, je termine courageusement les challenges du mois de mai, avec un accent vers quelques auteurs sud-africains pour le chouette En 2021, je voyage..., l'Afrique du Sud étant à l'honneur... et je regretterais presque d'avoir tardé à m'y mettre, tant je suis conquise par deux lectures simultanées mais vraiment emballantes: Jusqu'au dernier de Deon Meyer et Recettes d'amour et de meurtre de Sally Andrew.
    Je suis aussi engagée dans plusieurs LC, dont deux au moins via le chouette challenge des Pages de Belle: En équilibre de Morgane Moncomble et Les oubliés du dimanche de Valérie Perrin; puis aussi le très beau Mille femmes blanches de Jim Fergus dans une LC directement sur LA; et enfin Les miracles du bazar Namiya de Keigo Higashino pour le Book Club de week-end prochain!

    Bref, au moins 6 livres à lire durant les 7 prochains jours - dont deux (bien) commencés quand même, un à peine entamé et trois même pas encore ouverts: c'est jouable mais ça va être serré! On verra bien, du moment que ça reste plaisir...

    En parlant de plaisir: petit retour à la littérature SFFF, pour beaucoup de bonheur de lecture car, même si tout n'est pas coup de coeur, j'ai passé de bon moments! Voici deux titres que j'ai terminés à quelques jours d'intervalle, et que je n'ai pas encore pris la peine d'ajouter ici:


    La curiosité de Stephen Kiernan
    Un tout bon 17/20

    <image>

    Synopsis : Projet Lazare: ressusciter les morts.
    Quelle surprise pour Kate Philo et ses coéquipiers lorsqu'ils trouvent, au cours d'une mission scientifique dans l'océan Arctique, un corps conservé dans la glace puisque plus d'un siècle. L'homme d'abord baptisé "Franck" puis plus sobrement "Sujet Numéro Un", est ramené à la vie grâce à une technique révolutionnaire - jusqu'alors testée sur des sardines et autres petites créatures marines.
    "Sujet Numéro Un" s'appelle en réalité Jeremiah Rice.
    Né en 1868, marié, père d'une fillette, il était juge dans la petite ville de Lynn, non loin de Boston. Il aimait le Base-ball et les livres. Il a perdu la vie - sa première - en 1906, lors d'une expédition vers le pôle Nord.
    Tandis que la presse s'emballe, Jeremiah, soutenu par Kate, dont il va peu à peu se rapprocher, découvre avec stupeur l'Amérique des années 2000. Il ne sait pas encore que ses jours sont comptés...


    Mon avis :
    Voici l’exemple-type d’un livre que j’ai acheté et même lu pendant ma longue panne de lecture qui a duré une quinzaine d’années – il est sorti chez France (et donc aussi Belgique) Loisirs tout fin 2016, je présume que j’ai dû l’acheter au 1er trimestre 2017, les livres FL ayant une durée de vie limitée ; en revanche, quand l’ai-je lu ? c’est plus difficile à cerner, disons que ça fait tout au plus 3-4 ans. Mais c’est aussi ce livre typique que j’ai ensuite laissé traîner au milieu des autres, sans distinguer les lus des non-lus, et sans aucune trace de ce que j’en ai pensé à l’époque, puisque je ne tenais alors aucun suivi, de quelque façon que ce soit !
    Et ainsi, dès les toutes premières pages, j’ai su que je l’avais déjà lu. J’aurais certes pu en rester là et passer à autre chose mais, d’une part, je m’étais engagée à la lire pour un challenge et j’avais envie d’en garder un souvenir « frais » pour pouvoir cette fois donner un avis en connaissance de cause et, d’autre part, j’avais le vague souvenir qu’il ne m’avait pas déplu, alors pourquoi pas ?

    Et je confirme que ce livre a un charme tout empreint de désuétude et d’une certaine mélancolie, mais aussi d’une vraie beauté, sans épargner le lecteur qu’il pousse à la réflexion.
    Je ne vais pas refaire un résumé : celui proposé par l’éditeur est déjà bien assez réaliste et quelque peu spoilant. En revanche, il ne précise pas qu’on a là un roman choral à quatre voix, et c’en est un très réussi car, si on retrouve indéniablement la patte de l’auteur dans chacune de ces quatre voix, elles sont suffisamment différenciées pour qu’on ait l’impression d’un vrai quatuor… de plus en plus discordant ! c’est aussi à travers ces quatre voix que l’auteur soulève des thèmes sensibles, ceux-là mêmes qui font réfléchir, on ne peut pas reposer ce livre sans avoir l’esprit en ébullition !

    La première et véritable héroïne du roman est la jeune Kate Philo, chercheuse en biologie moléculaire, passionnée par son travail comme une scientifique autant idéaliste qu’idéalisée (mais je sais d’expérience qu’il en existe pour de vrai !). Elle ne vit que pour la découverte, repousser ses propres limites de la connaissance, affuter encore et encore sa curiosité (tiens donc !), avec un vague sentiment de « carrière », mais qui semble passer en dernier lieu. Elle s’exprime ici à la 1re personne du singulier, avec un souci pédagogique constant et une grande sensibilité, car en plus elle est soucieuse de partager le fruit de son travail avec autrui, tout simplement. Elle a cette particularité de rester détachée en (presque) toutes circonstances, ce qui lui donne une grande force intérieure et provoque bien un peu l’admiration. Il y a un magnifique passage à la fin du livre, qui résume l’état d’esprit de Kate, elle dont la 2e passion est l’enseignement de cette science qu’elle aime tant, et qui est tout à la fois une forme d’hommage à tous ces enseignants qui aiment ce qu’ils font : « (…) je me soucie peu de savoir si les élèves retiennent tous les faits. Ce que je veux, c’est cultiver leur curiosité. Oui, ce vieil ami est toujours là, toujours aussi puissant : le simple désir de savoir. Si ces jeunes gens ne savent pas la différence entre xylème et phloème, leurs espérances universitaires et leurs futures carrières n’en souffriront pas. Mais leurs vies dépendront entièrement de leur capacité d’émerveillement, de leur sensibilité à la beauté. »

    L’autre personnage principal est –évidemment !- ce fameux homme congelé, l’ex-juge Jeremiah Rice, réanimé 100 ans après sa disparition grâce au « projet Lazare ». Lui aussi s’adresse à la 1re personne du singulier, dans un style « d’époque » plutôt bien rendu, et qui lui donne dès lors une grande crédibilité. Avec lui, on redécouvre la valeur de l’intimité – que signifie être un objet d’étude, surtout lorsqu’on est un être humain ? – et la valeur des petites choses de la vie, du quotidien, dont on ne se rend pas toujours compte mais qui deviennent si importantes quand on en est privé. Mais plus encore, aux côtés de Jeremiah on voit d’un autre regard notre société actuelle. Oh ! jamais il n’est question de « c’était mieux avant », les seules pensées nostalgiques vont vers son épouse et sa fille qu’il a perdues dans la force de l’âge, et qu’il regrette tant d’avoir ainsi « abandonnées » bien malgré lui. Néanmoins, il observe notre monde moderne avec étonnement et parfois perplexité – comme par exemple ce paradoxe que les gens se touchent désormais pour tout et pour rien (le livre date de bien avant le covid !) dans la vie de tous les jours, et semblent avoir une sexualité débridée qui s’étale au monde sans plus aucun frein, ce qui n’était pas le cas 100 ans plus tôt ! mais il relève aussi leur incroyable solitude : seuls face à leur écran d’ordinateur pour « communiquer », seuls dans leurs danses en gestes désarticulés dans les discothèques malgré quelques effleurements… Il ne critique jamais, il est trop civilisé (évidemment, ça aurait été plus difficile de créer une telle ambiance si l’homme décongelé avait été un rustre !) ; comme Kate, il est animé de cette curiosité qui l’a amené à partir en exploration vers le Pôle Nord, d’où il n’est jamais revenu… et désormais, c’est lui qui est devenu « la curiosité » que l’on s’arrache, que l’on exhibe, que les paparazzis poursuivent…

    Comme on peut le deviner, les deux autres voix sont nettement moins sympathiques.
    On a Daniel Dixon, également à la 1re personne du singulier. Journaliste raté, au physique repoussant, s’exprimant toujours à la limite d’une certaine grossièreté, mais aussi animé de blessures d’enfance qui le rendraient presque touchant par moments, il représente d’une façon souvent caricaturale, mais bien menée, tous les excès d’un journalisme de foire. Avec lui, c’est la recherche du scoop, et quand il obtient l’exclusivité sur le projet Lazare, il se vautre dedans en entretenant une désinformation chronique, que ce soit par la reproduction naïve et aveugle de ce qu’on veut bien lui laisser dire (lui si facilement manipulable à condition d’avoir le scoop !) ou, lorsqu’il est finalement discrédité, par la mise en place d’un dossier créé de toutes pièces, mais étayé de fausses preuves à partir d’éléments disparates et tronqués de ce qu’il a vu / enregistré / photographié au fil des jours… et que la majorité des autres journalistes va gober comme véridique ! et dès lors reproduire à son tour. C’est toute la manipulation d’une certaine presse, et la crédibilité aveugle du public qui sont indirectement mises en cause avec ce personnage peu attirant.

    Enfin, il faut parler d’Erastus Carthage, le directeur de ce fameux projet Lazare. Scientifique génial, il a déjà fait son petit chemin dans le monde de la recherche et on parle même de prix Nobel. Cependant, ce génie scientifique est bien loin de l’image de la chercheuse représentée par Kate et sa curiosité. On peut espérer qu’il y a bien quelque chose de cela, sinon pourquoi aurait-il embrassé une telle carrière ? mais cela n’est même pas évoqué ; ici, c’est le chercheur vénal, qui s’intéresse à la science dans la mesure où elle lui donne pouvoir, reconnaissance universelle quel qu’en soit le prix, et bien sûr autant d’argent que possible ! Il est ignominieux avec son personnel, imbu de lui-même jusqu’à l’extrême et, pour accentuer cette impression, il ne s’exprime jamais qu’à la forme d’un « vous majestatif » : Il parle de lui-même en se vouvoyant ! C’est même pire que le plus connu nous majestif, utilisé jusqu’il y a peu (et peut-être encore aujourd’hui, mais j’ai un petit doute) par le Roi des Belges dans certains textes officiels ; ou qu’un Jules César qui a écrit ses mémoires en parlant de lui à la 3e personne du singulier. Cette forme carrément exagérée ferait presque sourire si elle ne dégoulinait pas de suffisance ; c’est un coup de maître de l’auteur !
    Bien sûr, Carthage n’a pas davantage de respect pour Jeremiah que pour les scientifique qui travaillent sous ses ordres : pour lui, Jeremiah n’est pas une personne, mais un objet qui restera jusqu’au bout le « Sujet Numéro Un »…

    Ces quatre voix définissent donc l’avancée de l’intrigue, dont je ne dirai rien de plus au risque de spoiler. Elles soulèvent encore d’autres thèmes sociétaux divers et variés, un peu trop peut-être pour être tous cités dans cet avis qui est déjà bien long ! ;) Elles n’échappent pas, quelquefois, à quelques longueurs – je n’irais pas jusqu’à dire que certains passages sont inutiles, on ne se lasse pas vraiment mais par moments on est quand même à la limite du pesant. Pourtant, tout se tient et tout trouve sa place jusqu’au final que j’ai trouvé aussi triste que grandiose ; mais l’auteur va parfois très loin dans les détails, notamment scientifiques, qui sont certes intéressants, mais qui auraient pu être un tout petit peu plus résumés pour garder un bon rythme.

    Et à côté de ça, on a aussi l’inévitable (?) romance entre Kate et Jeremiah – romance qui n’ira jamais jusqu’à l’acte, pourtant évoqué… et j’avais le souvenir que cela m’avait « manqué » lors de ma première lecture, à une époque où je ne lisais pourtant pas de littérature de ce genre ! Il fallait donc que je fasse le point sur cela ! Et donc, aujourd’hui, c’est avec des yeux beaucoup plus sereins et touchés que je reconsidère ces passages-là. Comme Kate le dit si bien, il y a différentes façons de faire l’amour, de « connaître » l’autre, pour reprendre les termes de la 1re vie de Jeremiah. Alors, bien sûr, si mon mari venait à vouloir me « connaître » d’une façon aussi philosophique, je crois bien que je ne serais pas tout à fait contente ;) ; mais ici, dans le contexte de l’histoire particulière de nos deux beaux protagonistes, ça paraît incroyablement juste.

    Je ne regrette donc en aucune façon cette relecture imprévue, écrite par une plume fluide et habilement adaptée à chacune des voix de ce choral qui s’oriente vers la dissonance, malgré l’harmonie profonde de ce qui devient un duo. Il ne faut pas y chercher ce grand frisson que certaines œuvres de la science-fiction peuvent apporter, mais bien un récit plein de tendresse, de mélancolie et prônant l’ouverture d’esprit, la curiosité et l’émerveillement pour ces choses simples mais importantes de la vie.





    Rozenn, intégrale (tomes 1 & 2) de Laëtitia Danae
    Une moyenne de 16/20, pour deux tomes un tout petit peu inégaux.

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    Synopsis : Rozenn Kaplang est une djinn. Durant de longues années, son peuple a souffert de la domination des dagnirs, mais si l'esclavage est officiellement aboli, la liberté, elle, garde un goût amer. Et si une union entre princes et princesses de ces différentes tribus permettait de tirer un trait sur un douloureux passé ?

    Mon avis :
    Comme je lis ce livre en intégrale, mais qu’il existe aussi en deux tomes séparés (appelés « livres » par l’auteure), je vais faire comme je l’avais fait pour une autre intégrale : donner un avis séparé pour chacun de ces deux tomes avec une « sous-note », dont je ferai ensuite la moyenne.
    J’avais pour la première fois entendu parler de cette auteure dans le cadre d’un challenge Halloween proposé par la page Facebook d’une lectrice de romances, et même si je n’y vais plus guère (sur Facebook en général !), je me suis souvenue de ce nom à cause de la très belle couverture dudit livre qui avait été mis en avant : « Que la Mort soit Douce ». Je n’ai finalement jamais lu ce livre, et peu à peu oublié jusqu’au nom de l’auteure, puis un jour j’ai vu passer une proposition de LC, cette fois sur LA, pour Rozenn, mais à nouveau je n’ai pas réagi. Cependant, c’est resté dans un coin de ma tête, et c’est à la faveur d’encore un autre challenge, policier cette fois (eh oui !) que je tente enfin l’aventure…

    Livre I

    L’introduction ci-dessus visait à montrer, en fait, que je m’attendais à cette lecture comme à une gentille romance teintée de fantasy. Or, j’ai eu la surprise de découvrir que, non seulement on trouve bel et bien tous les ingrédients qui font une (très) bonne romance - et ce malgré le fait que le genre ne soit pas mentionné sur les fiches BBM -, mais on est aussi convié dans un univers fantasy extrêmement travaillé… et plus encore !

    Pour l’aspect romance, on a un postulat de départ assez classique et attendu, du moins c’est ce que l’on croit : les trois sœurs qui s’aiment d’un indéfectible amour fraternel mais qui deviennent peu ou prou rivales, l’héroïne principale qui refuse de tomber amoureuse de l’ennemi, mais son cœur bat quand même face à tout cet étalage de testostérone, et forcément on a envie de la voir dans les bras du « bad boy » de service. Mais les choses ne sont jamais simples ! Quand le lecteur croit avoir compris ce vers quoi l’auteure l’entraîne, en fait elle part tout à fait ailleurs et on reste pantois – mais chut ! je n’en dirai pas plus… La seule chose que l’on puisse dire, c’est que l’auteure s’y prend admirablement pour jouer avec les nerfs et sentiments du lecteur, en proposant des personnages très « humains » et très réalistes, réussissant à créer des attachements forts : on a envie de résoudre l’énigme avec Odeleen, on s’agace de la frivolité de Daire, on a envie de se rebeller avec Rozenn, avec elle on déteste la peut-être future belle-mère, et on craque pour Cameron… ou pour Callum ?

    Côté fantasy, tout est surprenant et à mes yeux novateur : l’auteure explore et réinvente le monde des djinns, à ma connaissance très peu exploité dans la littérature et autres formes d’art SFFF, et encore plus rarement de cette façon fine et juste. Pour moi, le djinn, c’est l’image sympathique mais complètement loufoque du fameux Génie dans le bon vieux dessin animé de Disney Aladdin, repris de façon magistrale (je trouve) par l’inénarrable Will Smith dans la version filmée de 2019 (et très bien doublé, en plus, par Anthony Kavanagh !).
    Autant dire que, ici, on est très loin de cette vision disneyenne des djinns !

    C’est un peuple raffiné dans une certaine simplicité, proche de la nature, spontané mais prudent, bien entraîné mais peu armé, qui fait bien un peu penser aux elfes ou autres fées des forêts. Organisé en divers royaumes, il tient plus que tout à sa liberté, malgré son asservissement ancestral aux « dagnirs », asservissement qui a plusieurs conséquences, dont la plus visible est qu’ils portent une marque, comme un tatouage, sur la main, et qu’ainsi leur magie est complètement bridée. A l’entrée du livre, ils vivent libres quoique plus ou moins cachés, à vrai dire l’ambiance n’est pas hyper-claire et je pense que ce début un peu trop rocambolesque aurait pu être évité, car il ne sert à rien (je trouve), on commence même par ne rien comprendre ! Heureusement ce n’est guère long, on entre très vite dans le vif du sujet.

    Les dagnirs quant à eux ne sont jamais expressément décrits, mais ils correspondent en tous points à des êtres humains, tout simplement. J’ai consulté vite fait Wiki, qui ne les reconnaît pas, mais suis tombée sur un site qui propose une traduction en allemand (!!) du mot elfique (?) dagnir, qui serait « Töter » ou « Besieger » - c’est-à-dire le tueur ou l’assiégeant (heureusement je connais un peu l’allemand ! confirmé par Google Traduction ;) ). Quand je disais que l’auteure a plus d’un tour dans son sac…
    Bref, lesdits dagnirs sont organisés ici dans un monde très orientalisant : un sultanat, avec son palais des mille et une nuits un peu fantasque (il vit sa vie, d’une façon qui ferait penser aux escaliers mouvants d’un Poudlard), la proximité du désert mais aussi de la mer, le harem du sultan, la place importante de l’épouse et mère, on a même une scène au hammam ! etc. On pourrait croire que c’est presque cliché… mais non ! car en plus, pour bien brouiller les pistes et obtenir totalement l’adhésion du lecteur à une ambiance qui n’aurait rien à voir avec notre monde, l’auteure distribue entre les deux peuples, de façon nette et tranchée, tous ces objets et autres idées préconçues que l’on pourrait avoir d’un monde oriental – alors que moi, lectrice occidentale, j’aurais fait un seul « melting-pot » sans ces subtiles distinctions qui vont loin dans les détails. Par exemple, ce sont les djinns qui utilisent des tapis volants comme moyen de transport vaguement vivants, alors que les dagnirs les ont bannis de leur monde ; ce sont les djinns qui portent des sarouels que l’on associe à cette culture orientale, alors que les dagnirs (du moins au palais) portent –au féminin- robes et autres tenues élaborées qui seraient bien plus approchantes de ce que l’on connaît dans une cour occidentale.

    A côté de cela, on a toute une série d’êtres fantastiques, que l’on peut tenter d’interpréter en des termes plus connus, même si ce n’est jamais réellement « traduit » – citons les shadhavars, qui m’évoquent des licornes (confirmé par l’ami Wiki : c’est « une licorne carnivore du folklore persan qui ressemble à une gazelle mais avec une seule corne creuse ») ; les buraqs, qui seraient plus proches des pégases (encore une fois merci Wiki : le bouraq (sic) « est un sujet d'iconographie fréquent dans l'art musulman, où il est généralement représenté avec une tête d'homme, un corps de cheval, des ailes, et une queue de paon. ») ; les insaisissables auras qui n’ont pas d’équivalent mais que l’on aimerait bien pouvoir caresser – et tous ceux-là vivent aux côtés de beaucoup plus traditionnels chameaux ou autres mules.

    Ce monde quelque peu féérique qui se dévoile au fil des pages n’est cependant pas réellement rose. Ici, on n’a plus de génie prisonnier d’une lampe à huile qu’il suffit de frotter pour le voir surgir et exaucer jusqu’à 3 vœux plus improbables les uns que les autres, mais il est bien question de djinns esclaves d’une façon que le lecteur peut appréhender plus ou moins facilement. Ainsi, les introductions à chaque nouveau chapitre, qui apparaissent comme des documents d’archives et autres extraits de journaux (appartenant tout autant à ce monde de fantasy), laissent entendre que cette forme d’esclavage par enfermement dans un quelconque artefact a effectivement existé, dans un passé pas forcément très ancien, et de façon bien plus élaborée qu’un simple frottement pour libérer le djinn…

    Et peu à peu, on découvre plus en profondeur ce peuple djinn, éternellement asservi aux dagnirs pour son « fluide » - et c’est glaçant ! En effet, on retrouve ici une thématique universelle, et largement illustrée –hélas- à travers l’Histoire : l’asservissement ou autre soumission d’un peuple plus ou moins désarmé par un autre, convaincu d’être supérieur. Et c’est bien là qu’est toute la magie (et le paradoxe) de cette histoire a priori « juste » délassante : en faisant le choix d’avoir ancré un tel thème dans une fiction bien éloignée de notre monde, il semble encore plus vraisemblable, et chaque lecteur peut y retrouver ce qui le touche le plus, sans grande gymnastique de l’esprit et sans risque de se tromper. Que ce soit l’esclavage des Africains par l’homme blanc, l’anéantissement presque total des peuples amérindiens également par l’homme blanc, les divers génocides, ou même l’exploitation des animaux par l’homme en général (pour ne citer que quelques exemples), le lecteur est irrémédiablement confronté à cette bien triste réalité des diverses formes d’asservissement que l’homme a pu inventer et mettre en oeuvre au fil des siècles. Et ça ruisselle ici d’une façon de plus en plus visible et dès lors terrible – sans jamais entrer ni dans l’horreur ou dans le glauque, on reste sur ce fil d’une description presque « romantique » et un peu triste des faits, mais qui pousse indéniablement à la réflexion, et ciel que c’est bien visé !

    Ainsi donc, vous prenez une bonne dose de romance, une encore plus grande dose d’un monde fantasy très détaillé, avec en filigrane très présent, sans jamais devenir étouffant toutefois, un sujet universel poignant que chacun peut interpréter à sa façon sans que ce soit jamais faux, et vous obtiendrez ce très bon premier tome… qui est aussi, il faut bien le dire, surtout une longue introduction sans beaucoup d’action, et pourtant je ne me suis pas ennuyée une seule minute, les pages se tournaient d’elles-mêmes ! Et bien sûr, cela se termine sous la forme d’un tout aussi bon cliffhanger, tellement improbable et tout à coup « actif » que j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un mauvais rêve de Rozenn… mais non : on est bel et bien en route vers le 2e tome, que j’ai d’ores et déjà bien entamé, moi qui ne lis que très rarement les divers tomes d’une même saga à la suite (qu’ils soient sous forme d’intégrale ou non !).

    Ma note pour ce Livre I : 17/20


    Livre II

    Autant j’avais bien aimé le 1er livre, autant celui-ci me laisse un peu plus mitigée. C’est que je le trouve assez inégal. On alterne des passages poignants ou simplement touchants, avec aussi de grands passages de retour à la cour avec toutes ses intrigues. Or, si celles-ci étaient nécessaires et même accrochantes pour planter le décor dans le 1er livre, désormais c’est rédhibitoire, c’est long, ça n’en finit plus et on ne passe jamais à l’action ! Enfin si : il y a quelques passages bien actifs mais qui apparaissent plutôt comme isolés dans une mer d’intrigues qui n’en finissent plus, ou tout à la fin, une scène pré-finale bien animée, mais on est à plus de 90%, quand on a déjà compris dans les grandes lignes et sans risque d’erreur, comment toute cette histoire va se terminer.
    C’est pareil pour la romance principale qui traverse tout le livre, et même toute l’intégrale : dès le début on avait compris vers quoi on allait ! Le livre I ne cessait de démentir les choses pour mieux troubler le lecteur, et c’était plutôt réussi ; ici dans le livre II, les choses sont de plus en plus claires –et crédibles, il faut bien le reconnaître- mais ça évolue façon un pas en avant, trois pas en arrière… et du coup ça aussi, ça paraît long.

    Certes, tout cela n’exclut pas quelques retournements de situation tout à fait inattendus et bien amenés, en parallèle à une constance attendue mais malgré tout prenante de certains personnages – comme le sultan dans sa folie, son fils Cameron dans sa gentillesse ou Daire, la jeune sœur de Rozenn, dans sa naïveté bien un peu coupable. Par ailleurs, comme je disais plus haut, quelques passages sont tellement forts ! Ils émeuvent, comme la rencontre avec Azur, ou font frissonner, comme la visite de l’un de ces « sanatoriums », ce qui m’a fait penser, de façon incontestable : bienvenue chez le Dr. Mengele…

    Ces quelques parties donnent à elles seules suffisamment de souffle pour qu’on poursuive la lecture, en plus de l’appréhension de savoir ce qu’il va advenir des personnages principaux à qui on s’est attachés dès le tout début de l’intégrale. De plus, l’écriture est toujours aussi agréable et fluide, ce qui contribue malgré tout à un petit effet page-turner qui mène à la fin sans trop de mal.

    Il n’en reste pas moins que le rythme général se brise à plus d’un endroit, hélas, si bien que contrairement à l’avis général qui semble avoir préféré le livre II au Ier, moi je suis moins emballée par une fin qui aurait pu être magnifique avec de splendides actions, mais qui se perd finalement dans un mélange de bons sentiments même envers les méchants, et on passe ainsi à côté du vrai spectacle d’une épopée, alors qu’on n’en était pas loin du tout !

    Ma note pour ce Livre I : 15/20

    => soit une moyenne toute ronde de 16/20

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (23 Mai 2021 22:58:55)