La maison à travers la grilleJean-Pierre Vivet1991

Histoire d'une famille bourgeoise entre 1890 et 1970, ce roman se situe tout entier dans une grande maison - "Les Tilleuls" - avec un jardin, à la lisière de Paris. On y voit se succéder quatre générations : des naissances, des mariages, des deuils. Les chambres de la maison s'emplissent et se vident. Il y a des arrivées et des départs, des projets et des déceptions, des disputes et des bonheurs. Presque un siècle d'histoire familiale s'écoule ainsi, que l'Histoire majuscule - deux guerres et comme une révolution - marque peu, au fond : il est vrai que presque tous les personnages sont des femmes, qui ont d'autres préoccupations.
A l'origine, un homme a fait le projet d'installer sa future famille - pour toujours pense-t-il - dans cette maison. A la fin, la vieille demeure n'est plus qu'un grand bateau vide qui fait eau de toute part. Elle est vendue, démolie.
Mais - autre projet - un petit-neveu du fondateur, pour donner un sens à sa vie, à entrepris d'écrire l'histoire de cette famille et de cette maison - ou d'une famille et d'une maison qui leur ressembleraient. Est-ce le livre que voici ?
Deux particularités font de "La maison à travers la grille" une entreprise littéraire unique : toute l'histoire se passe entre les murs de la propriété familiale et elle est constituée presque entièrement de dialogues.
Dès qu'un personnage quitte la maison, on le perd de vue : on ne sait ce qui lui arrive que par ce qu'en dirait les uns et les autres, ceux qui demeurent. D'où un étrange climat d'envoûtement : il maintient constamment à l'esprit le projet chimérique du fondateur ; il est aussi le reflet du destin de personnages qui tournent en rond à l'intérieur de leur vie, au milieu de rêves qui se réalisent rarement tandis que gagne la vieillesse.
Des personnages qui ne font guère que parler. Mais mesure-t-on la place que la parole tient dans une vie ? C'est elle qui souvent déclenche l'événement ; c'est elle qui dévoile les caractères, même quand elle est mensongère ; c'est à travers elle, surtout, que chacun s'efforce de retenir un présent qui s'enfuit comme de sortir d'une solitude irrémédiable.
Le temps qui passe est le sujet de tout grand roman. Le déchirement du présent qui devient passé, les personnages de cette histoire l'expriment à tout instant. De quoi faire un roman à nul autre pareil, modèle - pour ne pas dire plus - de finesse, de subtilité et d'intelligence.