Serge GainsbourgLucien Rioux1991

Par un triste soir de mars 1991, il a rompu avec l'existence. Une rupture prévisible : depuis déjà un moment, leurs liens s'étaient relâchés, ils n'éprouvaient plus guère d'amitié l'un pour l'autre. S'il croyait encore un peu en elle, c'était pour ses proches, le petit Lulu et la jeune Charlotte, Bambou et Jane... Lui-même s'effaçait, désabusé.
Entre la vie et lui, les rapports avaient toujours été difficiles. Elle lui avait beaucoup donné. Le pire : une enfance traquée, une adolescence ingrate, des échecs picturaux, le goût immodéré de l'alcool et du tabac, et, bien sûr, une angoisse et un désespoir permanents... Et le meilleur : une manière de génie, un talent époustouflant, une exceptionnelle virtuosité dans le maniement des mots et des notes, avec, en prime, la fortune, la notoriété, l'amour des belles que, selon sa propre logique, il n'aurait jamais dû séduire. Autant de dons qu'il aurait pu considérer comme des bénédictions s'il n'avait possédé ce se sens de l'auto-ironie, cette lucidité pessimiste qui, à chaque signe de bienfait, l'amenait à répondre "A quoi bon ?"
En 1986, il nous avait conviés à une promenade dans son univers de créateur, nous guidant et corrigeant de sa main les images aberrantes que nous avions cru y apercevoir. De cette errance commune déjà narrée, des rencontres et conversations ultérieures, est né le présent livre. Un hommage, évidemment. Mais plus encore un témoignage d'amitié. Ceux qui ont connu Serge Gainsbourg en restent marqués pour l'éternité.