[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • jelydragon

    Constructeur de PAL

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    #141 31 Août 2021 09:11:13

    Bonjour,

    Tout ce que tu as dit sur JK Rowling est vraiment intéressant. Je suis assez de ton avis, je suis restée assez éloignée du sujet, j'en avais entendu parler bien sur, mais je m'étais dit que c'est tellement facile de sortir des propos de leur contexte ou de les déformer et de faire dire n'importe quoi à quelqu'un.
    JK Rowling est-elle vraiment transphobe ou a juste eu des propos maladroits ? Je ne pense pas qu'on puisse se faire un vrai avis en se fiant seulement aux médias, dans ce cas je m'abstiens de juger.
    En tout cas on ne pourra jamais lui enlever la paternité (maternité ? je ne sais plus ce qu'il faut dire, ça rejoint ton propos sur le fait d'avoir des couilles :lol:) de son oeuvre.
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

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    #142 13 Septembre 2021 13:46:01

    Coucou,

    Décidément je suis incorrigible! j'avais presque réussi à me mettre à jour, c'est-à-dire à avoir ajouté ici tous les avis rédigés sur mes dernières lectures... mais désormais j'en ai rien moins que 16 :O en retard, et finalement il y a un trop grand décalage entre le moment où j'ai lu tel ou tel livre, et le moment où je vous livre mon avis, c'est dommage!

    Du coup, je vous propose aujourd'hui mes trois dernières lectures, et les 13 en attente viendront ensuite, à reculons pourquoi pas, après tout j'en ai encore bien plus que ça en stock, de lectures plus anciennes dont je n'ai jamais partagé mon ressenti!

    On commence par un essai, le type de livre que je ne lis jamais, mais vous allez comprendre:

    La couleur de la justice de Michelle Alexander
    Un malheureux 8/20, eh oui... pourtant ce livre semble (très) bien noté partout ailleurs!

    <image>

    Synopsis : "Il y a plus d'adultes africains-américains sous main de justice aujourd'hui - en prison, en mise à l'épreuve ou en liberté conditionnelle - qu'il n'y en avait réduits en esclavage en 1850. L'incarcération en masse des personnes de couleur est, pour une grande part, la raison pour laquelle un enfant noir qui naît aujourd'hui a moins de chances d'être élevé par ses deux parents qu'un enfant noir né à l'époque de l'esclavage."
    Dans ce livre devenu un classique des luttes contre la prison et le système judiciaire aux Etats-Unis, Michelle Alexander revient dans des pages fulgurantes sur les mutations de la domination raciale et de l'enfermement.
    De l'esclavage aux innombrables prisons actuelles,en passant par la ségrégation de l'ère "Jim Crow", ce livre explore la façon dont en quelques décennies, avec la "guerre contre la drogue", les Noirs et les Latinos ont commencé à être enfermés en masse, jusqu'à dépasser aujourd'hui deux millions de prisonniers. Du quadrillage policier aux cellules, en passant par le profilage racial et une machine judiciaire implacable, l'auteure dévoile tous les mécanismes de cette nouvelle ségrégation qui a créé une nouvelle "sous-caste raciale", une "race des prisonniers".


    Mon avis :
    Avant tout, je tiens à remercier Babelio et les éditions Syllepse, qui m’ont permis de remporter ce livre dans le cadre de l’opération Masse critique non-fiction de juin dernier. C’est assez contradictoire que, pour la première fois que je gagnais un livre dans le cadre d’une telle opération, ce soit un livre dans un genre que je ne lis pour ainsi dire jamais. Seules les fictions m’attirent réellement, je n’ai plus lu d’essai depuis mes études il y a… une vingtaine d’années pour les plus récentes ! J’avais cependant décidé de tenter ma chance, ai choisi quelques titres qui pouvaient m’intéresser, et ai donc remporté celui-ci sur un sujet qui m’intéresse vraiment – en témoignent mes nombreuses lectures (de fiction) qui traitent de près ou de loin de sujets dans la lignée de celui-ci.

    Et voilà : à la réception de ce livre, j’ai d’abord eu un mouvement de recul. C’est qu’il est lourd, peu agréable à la vue : plus de 350 pages écrites en petits caractères ! Quelques pages illustrent le thème (en noir et blanc), tout en séparant les différentes parties, et représentent ainsi le seul aspect visuellement plaisant. Mais cela n’a pas suffi à rendre ma lecture agréable. Plus d’une fois j’ai été tentée d’arrêter, et je l’aurais très probablement fait si ça n’avait pas été un « service presse ». Or, ayant donné mon engagement, j’ai été jusqu’au bout.
    Ainsi, ce livre m’a profondément choquée, dérangée, mais pour autant pas convaincue.

    Choquée, d’abord, car ce qu’il dénonce est absolument terrible, et entre en résonance avec des événements plus récents (survenus après la parution du livre) qui ont choqué le monde occidental : de voir comment une certaine police aux États-Unis traite une partie de sa population. Ici, l’autrice dénonce plus particulièrement l’incarcération de masse des jeunes hommes noirs défavorisés des ghettos urbains essentiellement, résultat d’une politique de la répression de la drogue très active et sur-financée, au détriment de campagnes d’éducation par exemple, et qui vise de fait les populations précitées pour toute une série de raisons liées à l’Histoire de ce grand pays que sont les États-Unis. Le résultat est que toute cette population est mise à l’écart, car les peines-planchers de prison, dès que ça concerne la drogue, sont quasi-automatiques et très longues, ne font pas de distinction pour les mineurs, et créent donc un casier judiciaire aux prévenus, qui se voient ensuite refuser tout un tas de droits élémentaires (du logement au travail, en passant par le droit de vote… ou les bons alimentaires, je ne savais même pas que ça existait, ni comment ça fonctionne !), à vie, ce qui provoque en outre des conséquences négatives diverses et variées sur des communautés entières.

    La lectrice blanche européenne que je suis a parfois eu du mal à bien tout saisir – certes, le langage est tout à fait accessible, mais clairement une connaissance approfondie du système poliltico-judiciaire américain aurait rendu la lecture plus facile, d’autant plus que le cheminement de la pensée de l’autrice, et notamment le découpage en différentes parties du sujet, m’a semblé opaque et plein de redondances (inutiles). Pour ne citer qu’un exemple : les fameuses lois « Jim Crow » sont citées encore et encore, et avancées d’emblée comme si tout le monde savait de quoi il s’agit. Or, moi je ne savais pas, et même si ça n’a pas tellement gêné la lecture (vive Internet et l’ami Wiki !), je déplore que l’édition française ne propose pas la moindre explication, par exemple à travers une préface ou que sais-je – mais ça, ça tient davantage à un travail éditorial qui aurait mérité d’être plus complet, pour rendre ce texte lourd et peu digeste, un peu plus attractif. J’ai aussi regretté les quelques fautes d’orthographe rencontrées dans l’introduction, mais ouf ! je n’en ai ensuite plus trouvé aucune.

    Dérangée cependant, car l’autrice semble parfois tout résumer à un clivage entre, d’un côté, Blancs riches (qui, accessoirement, manipulent les autres Blancs, et notamment les plus pauvres, pour les mettre de leur côté) et, de l’autre côté, Noirs pauvres et délinquants trop lourdement punis. Certes, elle prévient d’emblée que son livre s’attache essentiellement au sort de ces derniers, mais oublie quand même trop facilement toutes les autres populations qui composent son pays, mais cite assez régulièrement « les Latinos », comme pour dire qu’on ne les oublie pas tout à fait, ou peut-être même quand ça l’arrange ? Je me pose encore et toujours la question…

    Mais le plus dérangeant reste l’utilisation carrément abusive du terme de race ! Ce n’est peut-être qu’une question de vocabulaire, mais pour le coup il est extrêmement maladroit, d’autant plus qu’il n’est jamais défini, en aucune façon. D’une part, la majorité des scientifiques s’accordent sur ce point désormais : il n’y a pas de sous-espèce d’Homo Sapiens. Or, ce terme et l’idée qui le sous-tend ont été abondamment utilisés pour justifier le nazisme, l’apartheid en Afrique du Sud ou la ségrégation aux États-Unis – dès lors, ça me semble extrêmement malvenu que quelqu’un qui prétend lutter contre cette ségrégation, laquelle a pris une nouvelle forme légale extrême (dans l’incarcération de masse qui touche essentiellement les Noirs pauvres des banlieues), utilise précisément ce même concept à temps et à contretemps ! D’autre part, quand bien même elle aurait raison (ce que je ne cautionne absolument pas, mais admettons, le temps de quelques phrases) : qu’est-ce qu’un Noir américain ? À partir de quel pourcentage de « sang noir » fait-on partie de cette « race » ? Faudra-t-il recréer quarterons et octavons pour définir qui est concerné ou non ? Ce que je veux surtout dire à travers cela, c’est que, à partir du moment où on crée tout un débat qui semble opposer si durement deux facettes de la population américaine, il aurait été utile de définir chacune de ces parties – pas en termes de « race » qui sont vraiment très peu acceptables, mais en termes réellement analytiques : comment définit-on exactement ces « Africains-Américains » ? que représente chaque groupe, quel pourcentage de la population ? car ces questions en amènent d’autres, plus embêtantes encore, comme par exemple : ces hommes blancs non stigmatisés par la pauvreté sont-ils donc si nombreux qu’ils continuent encore et encore à centraliser le pouvoir réel, malgré la guerre de Sécession terminée il y a plus de 150 ans, malgré le mouvement des droits civiques qui a pourtant été marquant, malgré l’élection et la réélection d’un président noir ?

    Certes, l’autrice avance ses explications à ces différentes questions, mais l’Européenne blanche que je suis, ne comprend pas. C’est que je vis dans une ville multiculturelle (Bruxelles), où il y a certes quelquefois des tensions ; mon pays n’est pas marqué par une Histoire d’esclavage mais bien de colonisation pas toujours reluisante ; quoi qu’il en soit, une intégration progressive des différentes cultures et couleurs de peau, s’est faite sans heurt majeur. Bref, réellement, malgré toute l’argumentation de ce livre, je continue de ne pas comprendre, profondément, comment les États-Unis « en sont restés là » !

    Non, vraiment, elle ne m’a pas convaincue, et je dois dire que d’autres éléments m’ont carrément fait douter du sérieux de l’autrice. De longs passages de ce livre, à différents endroits, s’apparentaient à ce que j’appelle un « verbiage d’avocate » bien davantage qu’à un exposé analytique ; un argumentaire qu’on s’attend à trouver dans la bouche d’un avocat à la défense, mais pas dans un livre sensé, car elle a perdu le bon sens le plus élémentaire pour se perdre dans une défense qui frise l’inacceptable. C’est que l’autrice tend parfois (souvent) à une victimisation abusive des personnes lésées dans le cadre de cette incarcération de masse. Elle cite par exemple ces jeunes (noirs, bien évidemment) arrêtés abusivement parce qu’ils commettaient des infractions mineures au code de la route – alors, oui, c’est abusif d’arrêter des personnes essentiellement noires, alors que statistiquement, toutes les couleurs de peau contreviennent au code de la route… mais elle en arrive à dire que certains écarts de conduite (qui mettent potentiellement la vie d’autres usagers en danger), eh bien ce n’est « pas grave », et ces jeunes n’auraient pas dû être arrêtés. Ben voyons !!... À un autre endroit, elle dénonce ce qu’on appelle communément un « délit de sale gueule » (expression qu’elle n’utilise jamais, pourtant c’est clairement de cela qu’il s’agit) : ce jeune Noir qui se fait interpeller de façon tout à fait abusive par la police dans un car, et qu’on oblige à ouvrir son sac, alors que rien ne le désignait comme coupable de quoi que ce soit – oui, c’est terriblement abusif de la part de la police (même si les lois créées dans le cadre de la lutte contre la drogue le permettent) et il faut le dénoncer… mais quand il s’avère que ce jeune transportait en fait 500 grammes de drogue, qui faut-il encore dénoncer ?? L’autrice a choisi, et défend âprement ce jeune injustement fouillé… mais moi je suis très mitigée. Le délit de sale gueule dans le chef des policiers est bel et bien condamnable… mais transporter 500g de drogue l’est tout autant, oui madame !!
    En permanence, elle minimise les délits commis, et ça, ça décrédibilise complètement son argumentation. Oui, les peines-planchers sont excessivement longues dans les affaires de drogue. Oui, les conséquences de cette incarcération de masse sont terribles pour toute une communauté et il faut les dénoncer, et tenter d’y remédier, je suis d’accord à 200%. Mais oui aussi, quand il y a délit, il y a délit !

    Mais le sommet a été atteint quand, parmi les nombreuses références à l’Histoire, l’autrice élargit son propos à d’autres événements, et notamment à la 2e guerre mondiale, accentuant ainsi son approche très communautariste des diverses thématiques… En clair (je n’ai pas retrouvé le passage mais je sais que je l’ai noté), elle affirme que l’Amérique est entrée en guerre « pour sauver les Juifs d’Europe ». Sérieusement ?? Pour ce que moi j’ai appris dans mes cours d’Histoire, les États-Unis sont entrés en guerre (i) quand leurs propres intérêts ont été attaqués (Pearl Harbour…), alors que les Juifs d’Allemagne notamment étaient persécutés depuis une dizaine d’années déjà, les autres peu après, et que la guerre faisait rage depuis déjà deux ans ; (ii) parce que la Russie très communiste, est apparue de plus en plus comme la menace d’un « péril rouge », il fallait surtout éviter que toute l’Europe le devienne à son tour ! et (iii) accessoirement, les beaux livres disent que les Américains se souciaient de tous les Européens et voulaient rétablir la démocratie face à la folie nazie – seule démocratie qu’ils aient réussi à sauver depuis lors, soit dit en passant, mais l’autrice ne semble pas au courant. Le pire, c’est qu’elle insiste, un paquet de pages plus loin, en résumant la deuxième guerre mondiale au seul Holocauste ! Alors, certes oui, l’Holocauste est un épisode terrible de cette guerre, il faudrait être révisionniste (ce que je ne suis pas !) pour le nier… mais résumer cette guerre terrible qui a ravagé l’Europe à « seulement » cela, c’est faire injure aux milliers d’autres victimes des nazis : comment oublier ces massacres dans les villages de nos campagnes (et ne parlons même pas de la véritable extermination des Russes sur le front de l’Est, avant que la tendance ne s’y inverse), et aussi ces camps qui réunissaient certes Juifs, mais aussi homosexuels et autres résistants, parmi bien d’autres encore. Cette vision toujours très afro-américano-centrée, puis de temps en temps judéo-centrée, est un biais dangereux dans lequel l’autrice s’engouffre sans sourciller, et qui au final désert complètement toute son argumentation juridique.

    En effet, comment peut-on réellement accorder foi aux propos quelque peu vindicatifs d’une autrice qui a une vision si étriquée, et passablement erronée, d’un conflit mondial majeur, qui ne devrait pas souffrir de telles erreurs ? Peut-on réellement souscrire aux arguments d’une telle autrice, quel que soit le sujet qu’elle attaque ? Certes, elle cite de très nombreuses références pour appuyer ses dires, comme ça se fait dans tout essai… sauf que ces références sont pour la plupart invérifiables : qui va aller lire toutes ces sources qu’elle cite (et dont la grande majorité ne sont même pas traduites, en plus). Alors ? comment lui faire confiance ? Par ailleurs, j’ai vu certaines critiques dire qu’elle citait de nombreux chiffres… Pour ma part, à l’exception de quelques pourcentages cités çà et là (au compte-gouttes, comme ses références aux Latinos), je n’ai pas tellement vu de chiffres, de statistiques réellement étudiées, un graphique ou l’autre qui aurait étayé ses théories… ça aurait été pourtant bien intéressant, en plus d'alléger ce texte tellement dense.

    Oui, on veut bien croire que l’incarcération de masse telle que dénoncée dans ce livre est un réel problème, une nouvelle façon d’orchestrer une discrimination « raciale » sans la nommer… mais l’autrice se discrédite elle-même à plusieurs endroits, et ne parvient pas à susciter de réelle indignation chez la lectrice européenne lambda, si bien que la portée réelle de son livre me laisse très dubitative, ses pistes de solution (en toute fin du livre) à la limite du farfelu et, passe à côté du ressenti qu’elle a pourtant fait naître en moi, depuis ma lointaine Europe : ces États-Unis, bien plus qu’une remise en question des lois de type « Jim Crow » sans en avoir le nom, ont besoin d’un réel et profond changement de mentalité, un bouleversement du peuple américain dans son ensemble… ce qui reste apparemment un idéal inaccessible.




    Une enquête de Tannie Maria, tome 2: Vengeance sauce piquante de Sally Andrews
    Un tout bon 18/20!

    <image>

    Synopsis : "Est ce que ça vous est déjà arrivé de vouloir quelque chose très fort? Vous trépignez d'impatience à l'idée de l'avoir, mais à trop courir après, vous risquez de le faire fuir.
    Ou de tomber sur autre chose que vous n'attendiez pas. C'est peut-être par e que j'avais trop faim d'amour que je me suis retrouvée avec un meurtre au menu."


    Mon avis :
    Voici donc la suite des aventures de Tannie Maria, cette journaliste culinaire des cœurs sud-africaine, qui s’était retrouvée embarquée dans une histoire de meurtre malgré elle, et qui dans l’histoire avait fait la connaissance du bien attirant commissaire Henk Kannemeyer.
    Je pense réellement qu’il faut avoir lu le premier tome pour appréhender celui-ci, car des événements survenus dans le précédent sont évoqués à plus d’un endroit mais sans réel « rappel » des choses. Or, pour moi qui ne lis que très rarement deux tomes d’une même série à la suite, j’ai dû faire un petit effort de mémoire pour bien me remettre les choses à leur place. Par ailleurs, on retrouve ici les mêmes personnages qui avaient fait le succès du premier opus, dont sans aucun doute la petite maison de Tanie Maria, avec ses poules, sa vue sur le Klein Karoo, son jardin plein de couleurs fleurs et oiseaux, et surtout ses recettes qui, tout au long du livre, ne cessent de mettre l’eau à la bouche – et donc la plupart sont, comme dans le précédent, rassemblées en fin de volume. Ses collègues – Hattie la très Anglaise et Jessie la journaliste d’investigation – sont toujours bien présentes également, mais également ce fameux Henk qui, du stade de personnage charmant mais un peu secret, est propulsé à une réelle place de personnage principal aux côtés de Maria.

    On ne s’attardera pas trop sur l’intrigue policière même, car ici elle est carrément secondaire et ne suscite même pas vraiment le besoin de découvrir le meurtrier, en tout cas pas comme ce serait le cas dans un polar classique, ou même dans certains autres cozy mysteries dont l’intrigue policière est plus élaborée. Certes, certaines scènes apportent une certaine tension, mais semblent bien détachées de ce qui devrait être l’enquête principale, on comprend que c’est bien davantage un prétexte pour faire avancer l’histoire qu’autre chose ! Même le 4e de couverture est évasif sur le sujet. Sachez seulement qu’il s’agit du meurtre d’un leader charismatique des Bushmen, qui viennent alors de remporter un combat juridique leur permettant de regagner leurs terres ancestrales dont ils avaient été spoliés depuis l’arrivée des Blancs en Afrique du Sud. Eh oui, comme dans le tome précédent, de façon moins marquée mais ça reste bien présent, l’autrice garde un réel ancrage aux réalités de son pays, même si ça semble en arrière-plan, et on ne peut qu’y être sensible.

    Pour le reste, moi qui aime tant les polars, j’aurais pu être déçue par la légèreté de l’intrigue de ce cosy mystery, où l’aspect « cosy » est surtout une ambiance très sud-africaine mais aussi pleine de saveurs, et le « mystery » très secondaire… mais pas du tout ! L’autrice s’est penchée bien davantage sur le passé de Tannie Maria, déjà évoqué dans le tome précédent, mais ici bien des fils sont dénoués au fil des pages, et c’est cela qui tient en haleine tout du long – en fait, c’est son histoire à elle le réel suspense, c’est pour comprendre ce qui s’est passé qu’on tourne les pages ! On (re)découvre une femme forte et fragile à la fois ; on savait déjà que Tannie Maria avait été maltraitée par son ex-mari, décédé depuis quelques années, mais ici on entre avec elle dans sa tête, dans ses souvenirs qu’elle revit réellement à travers ses cauchemars et autres hallucinations, et on a presque l’impression de sentir le souffle de cet homme malfaisant dans notre nuque. De plus, comme dans le tome précédent, on sent le malaise de Tannie Maria par rapport à la mort de cet ex-mari… mais que s’est-il réellement passé ?
    Et là-dessus se greffe sa nouvelle relation avec Henk, qui n’hésite plus à lui dire qu’il l’aime (tout en gardant un bout de cœur pour son ex-femme, qu’il adorait, décédée d’un cancer), qui tente de l’aider et de la protéger – notamment de toute implication dans la résolution du meurtre -certes assez maladroitement. Leur relation grandissante, avec ses hauts et ses bas, les relents du passé de chacun qui se dressent comme autant d’obstacles, tout cela est décortiqué en profondeur, avec un bon sens qui semble tellement évident, un réalisme humain vraiment prégnant. Et donc, j’ai adoré cet aspect beaucoup plus « psychologique » que dans le tome précédent, même si c’est au détriment parfois d’une intrigue policière réelle.

    Quant à la forme, l’autrice continue de parsemer son livre d’expressions en afrikaans, ce qui continue de me plaire beaucoup, car ça participe à la « couleur locale » de ce livre et, par ailleurs, ça ne gêne pas du tout ma lecture car, comme je l’expliquais déjà dans mon commentaire sur le premier tome, l’afrikaans est resté très proche du néerlandais (langue maternelle de ma maman, même si en Belgique on parle plutôt de « flamand », à l’écrit c’est la même langue ! et donc langue officielle de mon pays, que tous les petits francophones de Belgique de ma génération ont appris dès l’enfance, avec plus ou moins de succès certes…). Ainsi, à nouveau je comprenais une grande partie de ces choses spontanément. En outre, désormais, au lieu d’avoir un lexique au bout du livre, on a systématiquement une brève explication en 2-3 mots juste après ladite expression. Évidemment, cela facilite grandement le confort de lecture (qu’on devine l’afrikaans ou non), mais ne permet plus d’expliquer certains concepts aussi bien que dans le lexique du premier tome : c’est un peu dommage, mais c’est un moindre mal !
    Oh ! et mention pour les trois dernières phrases : j’ai adoré !

    Bref, je reste enchantée par les aventures de Tannie Maria, cette ambiance sud-africaine qui paraîtrait parfois presque idyllique mais qui reste attachée à des réalités plus sombres qui apparaissent comme en filigrane, tout en restant une lecture légère et bien agréable, et j’ai hâte que le troisième tome soit traduit et publié en français !





    Le mystère Sherlock de J.M. Erre
    Un bon 15/20.

    <image>

    Synopsis : Meiringen, Suisse. Les pompiers dégagent l’accès à l’hôtel Baker Street. Cet hôtel, charmant et isolé, a été coupé du monde pendant trois jours à cause d’une avalanche. Personne n’imagine que, derrière la porte close, se trouve un véritable tombeau. Alignés dans les frigidaires, reposent les cadavres de dix universitaires. Tous sont venus là, invités par l’éminent professeur Bobo, pour un colloque sur Sherlock Holmes. Un colloque un peu spécial puisque, à son issue, le professeur Bobo devait désigner le titulaire de la toute première chaire d’holmésologie de la Sorbonne. Le genre de poste pour lequel on serait prêt à tuer…

    Mon avis :
    Ce livre avait été proposé en lecture commune sur l’un des challenges auxquels je participe, et je me suis dit : « pourquoi pas » ? c’est que le titre et la couverture (autant celle du poche, qui a été la première que j’ai vue, que celle de l’ebook que j’ai finalement lu) m’intriguaient, ce qui suffisait pour me lancer dans l’aventure. Ma seule vraie crainte était de m’y perdre, car je n’ai jamais lu aucun livre de Conan Doyle – or, si Sherlock Holmes est indéniablement connu dans l’imaginaire collectif, je ne l’ai encore jamais approché de près car, même si j’apprécie beaucoup les romans policiers, je ne suis pas trop attirée par les classiques du genre… En refermant ce livre, je peux dire que cette méconnaissance n’a en rien gêné ma lecture, mais il est bien possible, en revanche, que je sois passée à côté de toute une série de choses – allusions, référence à l’une ou l’autre intrigue, etc. ce qui aurait peut-être rendu ce livre plus « vivant », sans mauvais jeu de mots.

    Cela dit, que l’on connaisse intimement ou non l’univers de Sherlock et autres « concurrents » (on a plusieurs références notamment à Hercule Poirot, et un énorme spoiler sur les « Dix petits nègres » - ah pardon, il faut dire « Ils étaient dix », désormais – où Poirot n’apparaît pas, paraît-il), on comprend très vite que tout le livre est une extraordinaire parodie de ces romans policiers qui mettent en avant le flair lié à la logique d’un enquêteur principal, qu’il le soit de métier ou non, jusqu’à une résolution finale à laquelle le lecteur aurait pu arriver lui-même, si seulement l’auteur lui en laissait la possibilité… mais le fait-il vraiment ?

    Le tout est assaisonné d’un humour, souvent noir, mais pas que, et surtout omniprésent : des tournures de phrases, des calembours et autres jeux de mots, des mots mêmes transformés pour l’occasion, et j’en passe. Contrairement à ce que j’ai lu dans l’une ou l’autre critique, ce n’est jamais de l’humour lourd en tant que tel ! En revanche, pas une seule phrase n’est épargnée, il n’y a pas une seule phrase sans une pointe piquante, un mot qui dérape, une allusion quelconque qui fait sourire – bref, cet humour parfaitement assumé est là tout le temps, tout le temps, tout le temps, au point de frôler parfois l’indigestion, c’est vrai…
    Le plus incroyable quand on considère cette façon d’écrire quelque peu délirante, c’est que l’auteur a pris le parti, en plus, de faire une espèce de roman choral : on a la narration principale qui apparaît comme le journal d’une jeune journaliste qui a réussi à s’immiscer au milieu de ces holmésiens qui briguent la chaire d’holmésologie qui doit ouvrir à la Sorbonne. Mais cette narration est entrecoupée par des « fiches profil » sur chacun des holmésiens, ainsi que certaines explications – toujours introduites de la même façon, par exemple « H comme Holmésien » - destinées au livre « Sherlock Holmes pour les Nuls » que la même jeune journaliste est en train de rédiger. Et chaque style de narration présente quelques menues différences qui indiquent que l’on se trouve effectivement à un autre niveau. Et l’auteur va plus loin encore : plusieurs des holmésiens ont également voix au chapitre, que ce soit Dolorès qui écrit de longues lettres à ce qui pourrait être un confesseur, Durieux qui écrit son propre livre extrêmement guindé, ou Perchois qui écrit quant à lui à son « maître », sans qu’on sache très bien s’il s’agit d’un quelconque mentor extérieur, ou s’il croit écrire à Holmes en personne. Ainsi donc, par-delà ces jeux d’humour cités plus haut, l’auteur parvient quand même à différencier chaque voix, à en faire quelque chose de particulier et de reconnaissable !

    Avec tout ça : inutile de préciser (quoique…) à quel point les personnages sont caricaturaux ! On est même au-delà des stéréotypes du genre, on est plutôt dans une espèce de surréalisme adapté à un pseudo-polar, où on ne cherche même pas à être crédible, mais où le maître-mot serait plutôt : plus tu es déjanté et improbable, mieux tu seras accepté dans ce cénacle burlesque. Car, oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : on est réellement dans le burlesque, tous les codes habituels (du polar classique) sont défiés de façon sidérante. Et cela dépasse le seul cadre des quelques holmésiens et de la journaliste, car les « vrais » enquêteurs et autres secours, qui vont venir libérer ces gens enfermés dans l’hôtel (et tomber sur autant de cadavres), sont eux aussi tous plus douteux les uns que les autres…

    Cela dit, si l’exercice de langue française est remarquable, si l’humour est agréable à condition de le lire par petites doses, ce livre ne m’a pas tout à fait emballée. L’intrigue même, également parodique évidemment, ne suscite qu’un intérêt restreint : on rigole (ou pas) aux nombreux calembours, on observe le microcosme composé de ces holmésiens bloqués dans cet hôtel lugubre, mais, pour ma part du moins, on ne s’intéresse pas vraiment à l’enquête (qui semble menée par la journaliste précitée), on ne se demande pas vraiment qui va être le prochain sur la liste des victimes, alors que c’est au cœur de l’intrigue, d’une façon de plus en plus aiguë, ni même qui est le meurtrier…. On lit ce livre pour sa forme (géniale), pas tellement pour son contenu (finalement assez pauvre) – ou, pour le dire autrement : l’aspect parodie est une totale réussite, mais l’aspect policier est plutôt raté. Sauf peut-être le sursaut final ?

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (13 Septembre 2021 13:47:21)

  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #143 15 Septembre 2021 09:56:56

    Bonjour tout le monde!

    Voilà, je continue de rattraper mon retard - et bientôt un nouvel avis, d'un livre que je viens de terminer ce matin!
    Mais avant, bon, bon, bon...
    Je suis sidérée! J'ai déjà eu le cas d'un auteur qui m'incendiait (en message privé, mais quand même) parce que j'avais osé ne pas apprécier son livre, et pourtant j'avais argumenté par A + B pourquoi il était illisible...
    ... mais voilà que maintenant je me fais incendier pour un simple avis sur un livre!

    C'est que j'ai publié mon humble avis sur Les demoiselles d'honneur préfèrent les kilts sur Babelio...
    Si vous me suivez, vous savez que je n'ai pas trop apprécié, pour diverses raisons exposées dans mon commentaire. Après tout, on ne peut pas plaire à tout le monde, les auteurs (et leurs fans) devraient le savoir. Et pour ma part, comme dans tous mes autres commentaires, je ne prétends en aucun cas énoncer une vérité absolue!! en revanche, c'est personnel, lié à ce que je suis et ressens à un moment précis de ma vie, et ne cherche pas à s'inscrire dans la lignée d'une quelconque pensée dominante.
    Or, il s'avère que ce livre a plu à d'autres: eh bien tant mieux pour elles, et surtout pour l'autrice!

    Mais voilà: dans un premier commentaire sur mon commentaire (!!), je me fais insulter et on me dit d'aller lire Harry Potter puisque ça me plaît tant... (ai-je jamais dit ça??? :grat: )
    Selon un autre commentaire sur mon commentaire, écrit il y a quelques jours mais je ne l'avais jamais vu jusque-là, un peu moins insultant certes, me voilà devenue anti-LGBT...
    Je ne peux rien dire d'autre que ce que j'ai déjà dit: ma vie sexuelle ne regarde que moi, et je ne suis pas intéressée par celle des autres (même si certains trouvent tellement important de publier la leur à cors et à cris sur les réseaux); mais me faire taxer d'homophobe ou transphobe, c'est une première et  "ça me va loin" comme on dit chez nous. Ca prouve en tout cas, si c'était encore nécessaire, que les réseaux se posent en juges implacables (ou en spécialistes de tout et n'importe quoi), et condamnent au moindre mot -sorti de son contexte de préférence- qui ose dire autre chose que ce que veut le peuple.
    Quoi qu'il en soit, ce n'est pas parce que suis discrète sur le sujet de ma sexualité (et ne changerai pas cette ligne de conduite), ni parce que je considère que celle des autres relève de leur vie privée, que ma vie a toujours été rose-bonbon-tout-va-bien!! enfin bref...

    C'était la minute-déception... et là-dessus, j'en profite pour vous partager plusieurs de mes avis en retard, comme je disais "à reculons" par rapport à l'ordre de lecture ;)

    Redemption's ways, tome 1: À deux pas de toi de Thaïs L.
    J'ai mis 16/20

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    Synopsys : Aux prises avec les erreurs de son passé, Eléa s’est enfoncée dans la solitude et la culpabilité. La danse est devenue un exutoire, son unique moyen d’expression. Jusqu’au jour où elle pousse la porte d’un bar, un acte qui vient bouleverser le mode de vie dans lequel elle s’était enlisée. Evan a perdu les personnes les plus chères de sa vie. Fou de colère, il en vient à commettre un geste qui l’envoie en prison. A sa sortie, ses amis sont là, prêts à le soutenir dans sa réinsertion. Mais quand une beauté exotique vient s’immiscer dans sa vie et dérange d’anciennes connaissances, saura-t-il faire les bons choix ? Comment résister quand elle est la seule à savoir vous apaiser ? Comment le repousser quand il est le seul à pouvoir vous comprendre ?

    Mon avis :
    Livre reçu dans le cadre de mon abonnement Boobox, on a là une jolie romance dans toute sa splendeur ! J’entends par là : des héros torturés, c’est-à-dire un homme ténébreux et une fille trop belle, les deux traînant un boulet de passé, mais entourés d’êtres extraordinaires et de quelques malfaisants pour faire bonne figure. Les deux se cherchent, se trouvent et se séparent pour mieux se retrouver. On a quelques scènes de sexe, pas extraordinaires (j’ai déjà lu franchement plus « chaud ») et pas nombreuses, mais qui sonnent juste dans l’ensemble – à la limite, on aurait pu s’en passer, elles n’étaient pas vraiment nécessaires dans le contexte et le livre aurait été tout aussi agréable sans ces quelques détails qui ne m’ont pas profondément chamboulée comme c’est parfois le cas dans des romances mieux écrites à ce niveau-là, mais vraiment « ça passe ».

    Eh oui : les personnages sont assez caricaturaux, sans aucune exception, mais on sait qu’on lit une romance et pas de la haute littérature, donc on fait ce bout de chemin avec eux sans trop se poser de questions. En réalité, ce livre se démarque quand même de tant d’autres romances qui sembleraient formatées - et ce n’est pas une critique anodine de ma part : j’apprécie vraiment de lire des romances, mais clairement, c’est sans doute le genre littéraire dans lequel j’ai trouvé le plus de surprises inattendues… mais aussi le plus de navets indescriptibles ! Certes, ici, je ne parlerais pas d’une super-surprise, on est bel et bien dans un schéma assez convenu avec des héros assez stéréotypés, mais c’est quand même très réussi : l’autrice a réussi à en faire un truc un peu différent.

    D’abord, son choix d’en faire un roman choral, où s’expriment non seulement les deux protagonistes principaux (ce qui est le cas dans beaucoup de romances !), mais aussi quelques-uns des personnages secondaires « forts », donne une autre densité à l’ensemble. Les différents points de vue entraînent quelques répétitions mineures, mais surtout un tableau complet, avec en plus le fait que, si le style de l’autrice reste assez reconnaissable d’un personnage à l’autre, leurs voix se distinguent quand même par l’un ou l’autre détail – c’est suffisamment maîtrisé et du coup « ça marche » !
    Ensuite, le fait d’avoir mis en avait la danse, un peu la boxe, et aussi un projet social pour les jeunes en difficulté, donnent une saveur particulière à ce livre : on sort réellement du je t’aime – je t’aime plus parce que j’ai un lourd passé – je t’aime quand même etc. On regrette qu’Evan soit interdit de boxe car il est en liberté conditionnelle à la suite d’une bagarre dans laquelle il a défiguré quelqu’un ; son mentor a créé un Centre pour les jeunes précités, qui donne envie de faire du bénévolat à leurs côtés ; et surtout, on a envie de rejoindre Eléa sur les différentes pistes ou autres lieux où elle se laisse aller, où son corps, à travers la danse, raconte tout ce qu’elle ne parvient pas à dire. On regretterait presque qu’il n’y ait pas davantage de détails techniques sur ses pas ! – pour ma part je n’y connais rien, mais ça aurait ajouté une petite touche de réalisme.

    Enfin, l’écriture de l’autrice est réellement fluide et agréable. Même si on n’y croit qu’à moitié, même si on voit le schéma classique d’une romance se déployer au fil des pages, on tourne les pages avec l’avidité de savoir ce qui va arriver à chacun des personnages, comment ils vont réussir à aller au-delà de leur passé qui les emprisonne en quelque sorte… et on devine qu’ils vont finir ensemble (comment autrement ?) mais on frémit, on râle contre l’un ou l’autre à chaque nouvelle séparation. L’épilogue en forme de cliffhanger pour la suite est le seul point vraiment négatif à mon sens : il tombe comme un cheveu dans la soupe, assez mal amené par tout ce qui précède (pourtant, il y a eu plusieurs occasions où ça aurait pu être évoqué subtilement), et ne donne pas forcément envie d’aller au-delà, mais c’est vraiment un moindre mal.




    Cueilleuse de thé de Jeanne-Marie Sauvage-Avit
    Et encore un 16/20! ;)

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    Synopsis : Au Sri Lanka, l'ancien Ceylan, Shemlaheila est cueilleuse de thé dans une plantation. Depuis dix ans déjà, elle ploie sous les lourds sacs de feuilles de thé et sous le joug des contremaîtres, mais, à l'aube de ses vingt ans, la jeune femme a d'autres rêves. Elle est bien décidée à partir, à échapper à la condition de celles qui, dans les théiers et dans les maisons, sont au service des hommes. Elle ne sera pas cueilleuse de thé toute sa vie, comme sa mère, comme toutes ces femmes asservies qui n'ont d'autres horizons que les interminables rangées de théiers…
    Du Sri Lanka à Londres, à la découverte d'un pays complètement différent du sien, Shemla va découvrir une autre culture, d'autres personnes et surtout d'autres envies. La cueilleuse de thé qu'elle a toujours été choisira-t-elle de revenir au pays, ou de se créer une nouvelle vie ?


    Mon avis :
    C’est une offre éclair Kindle, ces offres quotidiennes où certains ebooks du géant américain sont proposés à prix réduit, qui m’a fait choisir ce livre, que je n’aurais probablement jamais repéré autrement. Comme en plus il va pouvoir entrer dans au moins un challenge en cours, je n’ai pas trop hésité à le prendre…
    C’est l’histoire de Shemlaheila, jeune femme indienne travaillant dans une plantation de thé au Sri Lanka depuis l’âge de 12 ans, qui marque aussi la fin de la scolarité (et la recherche d’un mari, accessoirement) pour tant d’autres jeunes fille dans son cas. A la mort de sa mère, qui la protégeait de tous les dangers et notamment de la lubricité des hommes, elle décide de tout mettre en œuvre pour atteindre son rêve : devenir vendeuse dans une boutique de thé, plutôt que ce travail éreintant de cueilleuse… et pour cela, elle décide d’aller faire des études de secrétariat / compta, sans trop savoir ce que c’est exactement, en Angleterre !

    Alors, peut-être l’avez-vous compris d’emblée : l’autrice s’est tellement attachée à rendre Shemla touchante, comme une amie que l’on suivrait pas à pas dans son périple, qu’elle a un peu mis de côté un certain souci de réalisme. Qu’une jeune femme assez intelligente, mais sans réelle culture puisqu’elle n’a eu qu’une instruction limitée et ne connaît rien d’autre que son univers de cueilleuse de thé, ait l’idée saugrenue d’aller à l’université en Angleterre, soit… Mais en plus qu’on nous y amène, que Shemla obtienne un visa touristique de 6 mois (ce n’est pas l’espace Schengen qui donnerait ça ! mais l’Angleterre a toujours fait autrement, même avant le brexit, alors disons que ça peut être possible) et qu’elle accède effectivement à la fac – je n’en dirai pas plus sous peine de divulgâcher – c’est tout de suite moins crédible, et pourtant l’autrice nous mène sur cette voie sans sourciller !
    En outre, ladite Shemla est présentée sans l’être tout à fait ; on sait qu’elle est très belle (évidemment !), ce qui est une malédiction en Inde comme au Sri Lanka semble-t-il, qu’elle traîne un lourd secret (qu’on devine à travers les pages) et qu’elle est une femme forte qui veut arriver à son objectif quoi qu’il arrive. Pour le reste, on ne connaît pas trop son caractère. On va la découvrir tour à tour hyper-naïve et combattive, farouchement pudique et puis capable de faire tourner la tête d’un homme sans gêne et presque sans en avoir vraiment conscience ; extrêmement gentille et même un peu bécasse et pourtant fonceuse ; bref, elle est un lot de contradictions, de telle sorte que je serais bien incapable de décrire le caractère de cette femme réellement attachante et que l’on voudrait avoir pour amie… mais dont on se méfierait bien un peu tant elle semble évanescente. Cela dit, indéniablement, avec elle on est presque dans le développement personnel, où il « suffit » de le vouloir pour le pouvoir, avec certes des difficultés, des gens qui vont profiter d’elle (et elle, qui reste extrêmement naïve par ailleurs, se laisse faire les yeux fermés), mais tout est bien qui finit bien n’est-ce pas ? ll y a d’autres aspects de l’histoire d’où le réalisme est cruellement absent, mais je ne peux pas en dire plus sous peine de trop dévoiler.

    Ainsi, il faut vraiment passer outre un certain besoin spontané de réalisme, pour apprécier ce livre « autrement ». Car il y a aussi de très bons points ! Si on le lit comme un récit à la limite d’un joli conte, alors on ne peut qu’admirer la vie de Shemla : on frémit avec elle dans son expérience difficile de cueilleuse de thé, qui n’est pas hyper-approfondie, pourtant on a presque l’impression d’être avec elle en train de cueillir les feuilles, et de peser le sac devenu si lourd en fin de journée, mais c’est ce poids qui définira le salaire quotidien ; sa naïveté dans tant et tant de situations, mais qui est aussi une forme de fraîcheur qui la rend agréable. J’ai particulièrement aimé sa comparaison des sociétés indienne et anglaise – la première ayant rayé les castes de sa législation, alors qu’elles continuent d’exister dans les faits ; la seconde prétendant une totale absence de ségrégation, mais engluée dans ses traditions où les différents classes sociales ne se mélangent quand même pas trop, et mieux vaut être bien blanc…

    En outre, le synopsis ne le dit pas, mais on a en fait trois histoires qui s’entrecroisent plus ou moins : il y a bien sûr celle de Shemla, qui est la principale et la plus attachante, mais on a aussi Pokonaruya, la femme délaissée et battue du kangani, le contremaître de la plantation : aura-t-elle les enfants qu’elle désire plus que tout ? pourra-t-elle échapper au malheur de ce mariage où mari et belle-mère l’exploitent sans aucun amour ? et on a Mohanty, jeune fille de 13 ans à qui Shemla s’est fort attachée, car elle se revoit en elle ; Mohanty rêve de devenir médecin, elle qui a à son tour dû arrêter l’école pour aller cueillir le thé, et voudrait bien accompagner son aînée en Angleterre – comment vivra-t-elle le départ de son « modèle » Shemla, qui lui a promis de revenir pour lui offrir un avenir meilleur ? pourra-t-elle jamais vraiment devenir médecin ?
    Au début on ne comprend pas très bien le pourquoi de ces trois histoires, dont le seul point commun semble être ce fameux et affreux kangani. Puis, au fil des pages, on comprend (et on s’y attche) que ce sont surtout trois portraits de femmes fortes, jeunes et moins jeunes, qui tentent de sortir d’un avenir prédestiné synonyme de malheur, avec leurs propres moyens, leurs faiblesses, et toutes les limitations qu’une société sri-lankaise(où elles vivent) ou indienne (d’où Shemla et Mohany sont issues) leur impose depuis la nuit des temps.

    C’est donc un roman très féministe, sans l’afficher de manière combattive, et sans pathos, mais qui montre par quelques exemples imaginaires, à la limite du conte tirant sur le romantique, sans jamais devenir tout à fait une romance, que tout est possible même quand on part de rien, à condition de le vouloir, et avec l’un ou l’autre coup de pouce de la vie même quand on croit que tout est perdu. La fin particulièrement jouissive, et assez inattendue (quoique…) vient clôturer les trois histoires en un tout qui laissera planer un petit goût de bonheur lié à ce livre. Ce n’est pas de la grande littérature, et le réalisme n’est pas tout à fait au rendez-vous, mais c’est un réel feel good bien appréciable !





    When we were lost de Kevin Wignall
    On reste sur du 16/20

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    Synopsis : Un avion rempli de lycéens s'écrase dans la jungle.
    Qui survivra ? Qui mourra ? Qui deviendra un assassin ?
    Tom, jeune homme solitaire, ne voulait pas participer à ce voyage scolaire au Costa Rica. Tout bien réfléchi, il aurait dû le refuser tout net, car l'avion qui transportait sa classe s'écrase en pleine jungle ! Par miracle, la queue de l'appareil se détache, et dix-neuf adolescents survivent au crash. Perdu au cœur de la forêt tropicale, le petit groupe traumatisé tente de s'organiser. Comment survivre dans cet environnement hostile, entre bêtes sauvages et trafiquants de drogue ? Les circonstances vont transformer profondément chacun des rescapés.
    Qui s'improvisera leader et organisera la recherche des secours ?
    Qui saura chaque jour donner espoir à tous ?
    Qui se transformera en assassin ?


    Mon avis :
    Voici un nouveau livre qui était conseillé dans le « Je bouquine » (je ne sais plus lequel, par contre) de mon fils aîné (14 ans), magazine que je considère comme une référence depuis ma propre adolescence, si bien que je n’ai pas trop hésité à l’acheter, un peu plus à le lire – mais ce n’est pas par manque d’intérêt soudain après l’achat, c’est juste qu’il a rejoint une PAL déjà énorme ! La couverture est mystérieuse, on nous annonce du thriller, et en plus le titre me vaudra quelques bons points dans l’un ou l’autre challenge ! ;)

    Le synopsis en dit déjà beaucoup, mais pas l’essentiel : on a effectivement le crash d’un avion en pleine jungle, et seuls quelques lycéens y survivent presque par miracle. Reste alors à s’organiser, pour survivre, et attendre les secours (improbables) ou s’aventurer dans cette jungle à la recherche d’une solution (tout aussi improbable). Mais bien plus qu’un roman de survie en milieu hostile, ce livre est l’exposé des tensions et des ententes qui naissent dans le groupe, son organisation, ses rivalités, les prises de décision toujours délicates entre le besoin de se mettre en avant de l’un des protagonistes, et le refus de la confrontation, peut-être bien un peu de lâcheté de la part de l’autre.

    Oh ! quelques scènes pénibles ne nous sont pas épargnées ! On n’est pas dans un roman à sensation, l’écriture est même assez froide et sèche ai-je trouvé. Le s19 adolescents sont les seuls rescapés de ce crash, et la carcasse du reste de l’avion (qu’une partie d’entre eux vont rejoindre pour inspection) prouve qu’il n’y a plus aucun espoir pour ceux-là, y compris plusieurs de leurs camarades (car le groupe de départ comptait plus du double de lycéens !). Ce sont des amis qui sont morts, mais on ne voit pas les larmes des survivants, on ne partage pas vraiment leur angoisse ou leur tristesse ; on serait plutôt comme des scientifiques, observateurs géants d’une petite colonie de lycéens-fourmis en plein désarroi, lequel est trop lointain, trop peu exploité pour nous toucher vraiment.
    En revanche, on repère très vite les deux personnages principaux : Tom, orphelin depuis l’accident de ses parents quand il avait 9 ans, solitaire et sans amis car il ne comprend même pas à quoi ça pourrait lui servir, mais apparemment heureux dans sa solitude et dans ses livres. En face de lui, Joel, dont on ne sait presque rien, s’impose comme chef des survivants, car selon lui il fallait bien que quelqu’un prenne les choses en mains… et vu comme certains autres du groupe lui obéissent sans sourciller, presque avec reconnaissance parfois même, il avait peut-être raison ? Sauf que ledit Joel ne prend jamais les bonnes décisions, plus occupé à assoir son autorité qu’à chercher de réelles solutions pour la survie du groupe – certes, on pourrait reprocher à l’auteur une telle vision caricaturale très manichéenne d’une microsociété, mais à la réflexion : est-celle vraiment si peu réaliste ?...

    À côté de Tom, on a toute une série de personnages secondaires importants : Kate la débrouillarde, Barney le geek pragmatique, Shen le futur médecin, ou Alice… En face d’eux, c’est-à-dire parmi ceux qui suivent Joel sans trop réfléchir, aucun des personnages n’est vraiment exploité avec le même intérêt, ils sont à peine effleurés, restant quant à eux secondaires-secondaires, ce qui accentue sans doute le côté manichéen indéniable de ce roman. Ainsi, les « bons » sont très vite reconnaissables et organisés, sans avoir besoin de chef, même si Tom le devient bien malgré lui, sans jamais revendiquer le titre toutefois. Lui qui a toujours vécu en solitaire, se contente de prendre les décisions qui lui semblent bonnes - et évidemment le sont tout au long du livre -, mais jamais il ne s’impose, tandis qu’il fait un réel travail d’introspection sur lui-même et se rend compte que c’est peut-être ce que les autres attendent de lui, qu’il soit le « chef » sans en avoir le titre, et surtout sans le besoin de paraître d’un Joel…

    Pour le reste, les questions en sous-titre sur la couverture sont de la poudre aux yeux, une astuce éditoriale qui me dérange bien un peu – et qui, soit dit en passant, est quasi la même dans la version originale en anglais. Qui survivra / qui mourra ? Ben oui il va y avoir quelques morts, mais une fois encore : l’écriture trop sobre ne permet pas qu’on s’attache à eux, même dans un passage qui aurait pu être mélodramatique, mais qui est juste disséqué de façon analytique sans permettre de réelles émotions – pourtant, ceux qui me suivent, savent que j’ai la larme facile ! Qui deviendra un assassin ? Bon sang ! je ne vais pas divulgâcher (merci à nos amis québécois pour cette expression tellement parlante, et tellement plus jolie que le franglais « spoiler » ! je l’ai apprise aujourd’hui même), mais clairement il n’y a pas d’assassin au sens strict du terme ! J’ai même vérifié par acquit de conscience, et voici ce que me dit Le Robert (consulté en lige ce 7 septembre) : « 1.  Personne qui commet un meurtre avec préméditation ou guet-apens. 2. Personne qui est cause de la mort (de qqn). » Or, ce n’est en aucun cas le 1, et pas tout à fait le 2… c’est vraiment dommage de présenter les choses ainsi, de façon presque racoleuse, alors qu’il s’agit de tout autre chose, peut-être même le vrai drame du livre ! mais à nouveau : en dire plus serait divulgâcher (oui, j’insiste !), alors lisez ce livre pas tout à fait extraordinaire, mais sans aucun doute percutant.

    En un mot : c’est un microcosme de lycéens, mais on croirait tellement voir notre propre société en période électorale, entre les politicards qui se veulent meneurs en criant leur slogans et agitant mille promesses galvanisantes, faux engagements qui ne sont souvent que de fausses solutions aux problèmes des gens, tandis que ceux qui ont de bonnes idées restent à leur niveau « à la base », timorés, se cachant derrière timidité, refus d’engagement public ou toute autre forme de refus de se mettre en avant. Cela donne un résultat indéniablement manichéen qui peut déranger ; pour ma part, je le trouve juste un peu caricatural peut-être, mais tellement réaliste aussi, et représentatif de notre société et de ses (pseudo-)leaders, qui dépasse largement l’histoire imaginaire d’un petit groupe de lycéens perdus !





    Le bureau du mariage idéal d'Allison Montclair
    On varie un peu: 17/20 !

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    Synopsis : Alors que Londres se remet lentement de la Seconde Guerre mondiale, deux femmes que tout oppose s’associent pour monter une société au cœur du quartier de Mayfair, le Bureau du Mariage Idéal. L’impulsive Miss Iris Sparks à l’esprit vif et Mrs Gwendolyn Bainbridge, veuve pragmatique et mère d’un jeune garçon, sont résolues à s’imposer dans un monde qui change à toute vitesse.
    Mais les débuts prometteurs de leur agence matrimoniale sont menacés quand leur nouvelle cliente, Tillie La Salle, est retrouvée morte et que l’homme arrêté pour le meurtre se trouve être le mari potentiel qu’elles lui avaient trouvé. La police est convaincue de tenir le coupable mais Miss Sparks et Mrs Bainbridge ne sont pas du même avis. Afin de laver le nom du suspect – et rétablir la fragile réputation de leur agence – Sparks et Bainbridge décident de mener leur propre enquête. Elles ne savent pas encore qu’elles vont mettre leur vie en danger…


    Mon avis :
    Voici le premier nominé au prix Livraddict que je lis (en sachant qu’il l’est, car j’en ai déjà lu plusieurs autres avant leur nomination !). Et c’est aussi un nouveau représentant du genre désormais tellement à la mode du « cosy mystery ». Pourtant, cet opus m’a semblé tellement différent d’un Agatha Raisin (qu’on ne présente plus) ou des Dames de Marlow (de Robert Thorogood) ou encore des « Rendez-vous avec… » de Julie Chapman, que j’ai eu envie de revérifier ce qu’est un cosy (ou cozy, avec z, apparemment) mystery.

    La définition wikipédesque n’étant disponible qu’en anglais, et parce que je n’ai pas envie de jouer à la traductrice maintenant, je vous propose un article, en français celui-là, qui décrit très bien la chose je trouve – en tout cas, ça correspond réellement à la version anglaise de Wikipedia (dont je vous donne la référence à toutes fins utiles, consultée ce 6 septembre : https://en.wikipedia.org/wiki/Cozy_mystery ). Revenons donc à cet article en français : je ne cite que des extraits, consultés ce même jour, mais il est assez intéressant et se trouve ici : https://alivreouvert.net/2019/10/21/gen … mysteries/ « Comme le nom l’indique clairement, les cozy mysteries sont des mystères dont la lecture évoque quelque chose de cozy. On s’y sent bien, c’est une lecture de délassement. Par opposition aux autres romans policiers, ceux-là ne cherchent pas trop à aller vers un trop grand réalisme. Exit les bains de sang, les descriptions détaillées des scènes de crime ou de violences. Aucune trace non plus de sexe, de drogue ou de rock n’ roll. Des cadavres oui, mais sans saletés, merci bien !
    Ce sous-genre a pris son essor, et les particularités sont devenues plus flagrantes. En clair, il s’agit d’histoires policières qui ont pour point commun d’être menées par des amateurs (…). Dans la majeure partie des cas, il s’agit de femmes qui n’ont pas de lien particulier avec l’activité judiciaire. (…)
    Ces détectives amateurs ont tendance à arriver premiers dans de malheureux concours de circonstances. Ils/elles se retrouvent mêlés à des meurtres et finissent par se lancer dans des enquêtes pour résoudre le mystère ou venir en aide à un ami. C’est un schéma récurrent.
    Autre point commun : les cozy mysteries se déroulent le plus souvent à la campagne. Ou en tout cas au coeur d’une petite communauté de personnes. Un petit village à la campagne où tous les habitants se connaissent : c’est devenu le cadre type pour ces intrigues. »


    Et voilà : ce livre-ci répond bien à plusieurs des critères énoncés ci-dessus, mais seulement en partie. Ce que l’on retrouve : on a deux femmes qui n’ont pas de lien particulier avec l’activité judiciaire, qui sont dans la mire de Scotland Yard par un concours de circonstances dans une histoire de meurtre, et qui vont se lancer dans l’enquête pour résoudre le mystère et venir en aide à, ici, un client qu’elles connaissent à peine (un client de leur agence matrimoniale, s’entend) mais dont le sort les émeut.
    Le reste est plus équivoque : d’abord, on n’est ni dans un village, ni dans un quartier où tout le monde se connaîtrait, au contraire ! On est dans le Londres de l’après-guerre, et l’autrice semble même prendre plaisir à mélanger les différents niveaux sociaux apparemment encore très marqués à l’époque, et à balader ses héroïnes à travers toute la ville ! Gwen est issue de l’aristocratie (ou du moins son ex-mari, décédé à la guerre), tandis que Sparks (car elle n’est que rarement appelée par son prénom, Iris) semble plus proche d’un milieu populaire sans être populeux, et toutes deux vont s’acoquiner avec des représentants d’une classe sociale nettement inférieure, voire interlope ; le tout, comme je disais, en se promenant à travers toute la ville, de la maison avec domestiques de la belle-famille de Gwen, au quartier des docks, en passant par la prison, où l’on se rend en tram d’où l’on observe le paysage.

    Outre ces aspects de brassage géo-culturel, on a aussi un réel souci de réalisme. La ville de Londres en cette année 1946 est présentée sans se voiler la face : la ville est défigurée et porte encore largement les stigmates du Blitz, l’économie est en berne et ne reprend que très lentement, les restrictions continuent et les tickets de rationnements restent précieux et convoités. Alors, bien sûr, on n’est pas dans un drame historique : ces descriptions sont nombreuses et percutantes, mais sont surtout posées comme un décor, pas question de faire pleurer dans les chaumières avec ces parties-là.
    Par ailleurs, en effet on n’a pas de bain de sang et la scène de crime est à peine évoquée. Mais les moments tendus ne sont pas épargnés, à certains passages on tremble (gentiment, mais quand même) quand on voit l’une ou l’autre de nos héroïnes en mauvaise posture ; quant au sexe, là aussi, il n’est pas étalé certes, mais il est bel et bien présent par petites touches très habilement suggérées.

    Tout cela pour dire : ce livre est bien plus qu’un simple cosy mystery ! C’est un réel policier historique, certes de facture plutôt soft, on est très loin d’un thriller et les frissons ne sont garantis qu’en douceur, mais il y a un souci du détail historique évident, et l’enquête policière ne paraît pas surnager comme un prétexte dans l’étude d’un microcosme humain particulier – impression que j’ai eue à chaque lecture de M.C. Beaton, bon pour l’instant seulement un Agatha Raisin et un Hamish MacBeth, mais l’un confirmait l’impression de l’autre (et j’ai bien aimé les deux !). Ici, l’enquête est menée avec tout le savoir-faire d’un vrai, bon polar : des indices sont semés çà et là, on a des rebondissements dont certains réellement inattendus, et la résolution n’est pas celle que l’on attendait, on ne l’avait pas vue venir, et pourtant on se dit en la lisant : « ah mais oui, c’est évident ! »

    Mais plus que ça, ce qui m’a réellement plu dans ce livre, c’est l’analyse fine des personnages, et bien entendu, en particulier des deux héroïnes. Elles sont aussi opposées qu’on peut l’être dans ce Londres de l’après-guerre, comme déjà évoqué plus haut. Les deux ont un passé mystérieux, évoqué plus vite pour Gwen que pour Sparks, mais des pans entiers se dévoilent au fur et à mesure que les deux, associées mais pas encore tout à fait amies, s’apprivoisent et apprennent à s’apprécier réellement malgré leurs différences. Elles sont touchantes, elles sont réalistes, elles sont comme des copines avec qui on fait un bout de chemin à travers ce livre, et qu’on n’a pas vraiment envie de quitter quand on arrive dans les dernières pages !
    Et puis, aussi, elles sont féministes, mais sans que ça devienne une obsession. Elles assument leur condition de femmes dans une société encore très machiste, mais entendent bien montrer qu’elles sont capables de mener leur barque, en s’adjoignant toutefois les services d’un homme fort au besoin – mention pour Sally, aussi cliché que sympathique, bien fleur bleue derrière son apparence d’homme de main, j’ai beaucoup aimé ce personnage ! Mais donc, elles n’en font pas tout un foin non plus (comme on a tellement tendance à trouver de nos jours) ; j’ai adoré l’un des passages du début, où on relève que la féminisation de tout à tout prix peut devenir n’importe quoi, et clairement ce n’est pas cela que l’autrice recherche, malgré sa mise en avant évidente des capacités de deux femmes associées dans un monde masculin, à travers tout le livre – je cite, à la p. 57 de l’édition poche 10/18 :
    « - Ah, encore une chose, dit Parham. Sur votre plaque, il est écrit « entrepreneurs ».
    - En effet.
    - C’est un terme réservé aux hommes, non ?
    - « Entrepreneuses » eût sonné ridicule, non ? rétorqua Sparks.
    - Et « entreprenantes » eût prêté à confusion. Qui nous aurait prises au sérieux ? ajoute Mrs Bainbridge. »


    Bref, c’est une vraie enquête policière aux allures de cozy-mais-pas-tout-à-fait, avec un dosage idéal entre descriptions du contexte, analyse psychologique des personnages, et rebondissements variés qui font avancer (ou pas) l’intrigue. L’écriture est fluide et agréable, un vrai plaisir de lecture !

  • Bouledechat

    Passionné du papier

    Hors ligne

    #144 15 Septembre 2021 11:45:37

    Hé ben... Ce que tu as vécu avec ces commentaires est en effet une triste mais criante illustration de notre époque et rappelle aussi cruellement l'affaire avec JK Rowling... Ce qui me choque le plus là-dedans, c'est l'intolérance de tous ces gens prônant la tolérance... "Faites c'que j'dis mais faites pas c'que j'fais" à fond. Navrant. Mais ne t'en fais pas, il y a encore apparemment quelques personnes qui gardent leur liberté d'esprit et de jugement, ou ne ressentent pas le besoin d'exprimer un avis sur tout et n'importe quoi, aussi, même si elles se font rares et surtout peu prolixes sur tout ce qui est réseaux. C'est pourquoi pour ma part je m'abstiens de monter au créneau sur des sujets qui me tiennent à cœur sur la toile, je ne le fais qu'à l'oral avec des personnes qui sauront recevoir mon ressenti quand bien même elles ne le partageront pas forcément. Mais il faut aussi des gens pour dire des choses vraies et justes en public, d'autant que ton commentaire était salé mais pas insultant ou déplacé, juste comme tu le dis très bien le reflet d'un avis subjectif et de ce que ces sujets évoquent pour toi (c'est le but de la lecture non ??). Bref... Bonnes lectures Domi :)
  • Grominou

    Administratrice

    Hors ligne

    #145 15 Septembre 2021 21:12:48

    Je partage l'avis de Bouledechat! :derder:
  • zoeline

    Puits de lecture

    Hors ligne

    #146 19 Septembre 2021 15:04:28

    coucou, de chouette lectures en espérant que tu ailles bien
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #147 24 Septembre 2021 11:57:29

    Coucou tout le monde,

    @Bouledechat et Grominou : merci pour vos mots! Je reste "choquée" chaque fois que je lis un message / commentaire insultant... On a le droit de ne pas être d'accord avec autrui (c'est d'ailleurs tout à fait normal), on a tout autant le droit de ne pas aimer un livre et de le dire... mais je ne comprends pas que certains choisissent de montrer leur désaccord dans l'irrespect le plus total!

    @zoeline : je ne t'oublie (vraiment) pas et je te réponds personnellement dans les prochains jours!

    Ce n'est pas que je m'ennuie, si je ne suis plus venue ces derniers temps! mais j'ai eu quelques semaines excessivement chargées, à cause, notamment, du remplacement d'une collègue (en congé) sur un très gros dossier - ce qui, en soi, est déjà très énergivore - mais en plus je devais gérer la surexcitation de ma chef, qui est incapable de gérer son stress et me mettait une pression monstre. Or, si j'aime bien travailler avec un minimum de pression, là c'était insupportable, et j'ai vraiment été sur le point de craquer...
    Ma collègue en congé est revenue avant-hier, depuis lors je "respire" enfin un peu! :)

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    Et bien sûr, en toute logique, pendant ce temps je continue de lire... 7 livres à la fois! :O
    Bon, je vais sans doute en mettre un ou deux en pause, car vraiment je n'avance pas dans ceux-là (et ils ne me plaisent pas forcément beaucoup... mais l'un est pour le prix LA et l'autre est une LC, les deux peuvent se faire sans moi certes!), mais il en restera quand même un paquet! :ptdr:
    Voilà pourquoi je n'ai plus rien terminé depuis plusieurs jours... mais peu à peu j'arrive au bout de l'un des sept! :faischaud

    Et donc, c'est le moment idéal de vous mettre mes avis des derniers livres lus!
    On commence par un très sympathique service presse ;)

    My sweet baby-sitter de Mo Gadarr
    Une très bonne, pas tellement étonnante cependant (vu le talent de l'autrice), suprise: 17/20

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    Synopsis : Mia vit une romance passionnée avec celui qu'elle considère comme son prince charmant. Cet homme est parfait. La preuve : quand il apprend sa grossesse accidentelle, tout se déroule de manière angélique. Mia se voit déjà promise à un bel avenir en compagnie de l'amour de sa vie.
    Mais quand elle comprend une terrible vérité, la rupture est douloureuse. Mia va devoir élever seule son bébé.
    Son accouchement rocambolesque met sur son chemin Dominique qui se fait appeler Doc. La jeune femme est loin de concevoir qu'un tel personnage puisse entrer dans sa vie et dans celle de son enfant. Mais la réalité économique va la rattraper. Elle va devoir travailler et trouver un moyen de faire garder son enfant.
    La jeune maman va devoir composer avec cet énergumène à des kilomètres du type d'homme qu'elle souhaite voir approcher son bébé et encore moins son cœur.
    Mia pourra-t-elle distinguer le vrai du faux afin d'élever son enfant tout en résistant au charme de son (sweet) babysitter ?


    Mon avis :
    Quel bonheur de retrouver la plume de Mo Gadarr dans une toute nouvelle histoire ! C’est qu’elle m’avait rendue fan du très sympathique personnage de Slim dans la saga en trois tomes « T’as qu’à maigrir » - j’avais adoré le 1er, été un peu moins convaincue par le 2e, puis réconciliée avec le 3e, même s’il avait un peu perdu de l’enchantement de la découverte, ce qui est sans doute inévitable quand on arrive au bout d’une saga.
    Et cette fois-ci, c’est mieux encore : Mo Gadarr a lancé il y a quelque temps sur son compte Instagram une invitation à remettre un avis sur ce nouveau livre contre réception gratuite – la définition parfaite d’une collaboration, ou d’un « service presse » ! ;) . Moi qui ne vais que rarement sur Insta, il faut croire que j’y suis passée au bon moment : il était juste encore temps de poser sa candidature, et youhou j’ai été retenue !
    C’est donc avec une certaine émotion que j’ai entamé ce nouveau livre car, en plus de sa plume que j’avais déjà appris à apprécier, j’ai eu la confirmation que Mo est une personne bien sympathique ! même si nous ne nous connaissons que virtuellement (nous nous sommes croisées, aussi, sur un groupe Facebood dédié aux romances, groupe où je ne vais plus guère, car je ne vais tout simplement plus sur FB, mais bon)… et en tout cas je la remercie sincèrement de m’avoir confié son « bébé » !

    Ayant dit tout cela, je me rends compte que je me trouve face à ce que j’ai toujours un peu craint dans les SP : le risque d’être partagée entre la reconnaissance envers cette autrice qui nous a fait confiance, et la nécessité de remettre un avis certes personnel, mais qui va potentiellement être lu par d’autres lecteurs, qui devrait dès lors être bienveillant et aussi positif que possible, sans pour autant nier les faiblesses, alors que l’on a juste envie de dire comme on est content et que tout était bien. Heureusement, cet exercice d’équilibre ne sera pas trop difficile, ici, car vraiment ce livre a été une nouvelle, très belle surprise !

    Commençons donc par ce que j’appelle les « faiblesses » (comme ça après on pourra finir en beauté par tout le bon que je pense de ce livre), et d’abord ce qui semble désormais inévitable dans tant et tant d’autoéditions, pourtant parfois très bonnes par ailleurs : quelques fautes d’orthographe traînent encore… J’ai relevé 2-3 erreurs mineures qui relèvent davantage d’un problème de typographie ou mise en page, que d’un réel souci orthographique. Mais on a aussi, je pense à 3 ou 4 occurrences, la trop fréquente confusion entre indicatif futur et conditionnel présent à la 1re personne du singulier. La confusion entre les phonèmes /é/ et /è/ (en l’occurrence, le choix entre la terminaison –ai, ou –ais) semble devenue « normale », j’en veux pour preuve les nombreux exercices de préparation aux dictées de mes enfants, où on considère désormais les mots « et » ou « est » comme des homonymes ! Or, moi avec mon éducation « à l’ancienne » (et en plus de secrétaire et de traductrice, deux métiers dans lesquels une orthographe irréprochable est de rigueur), et peut-être aussi mon accent belge ;) qui marque davantage la différence entre ces sons que ce que j’entends parfois en France ; bref, pour moi ça reste toujours aussi incroyable… et ça continue de me choquer.
    Juste un exemple : « Mais il est clair que je ferai mieux de revendre ce téléphone, (…). » => je ferai s’entend pourtant comme un conditionnel, dans une telle phrase : remettez la phrase à la 3e personne du singulier si vous ne me croyez pas : « Mais il est clair que Mia ferait mieux de revendre ce téléphone » (et pas fera mieux) => et donc au conditionnel à la 1re personne : je ferais mieux, avec un s ! (cqfd)
    Mais donc, comme je disais : les occurrences sont peu nombreuses, j’ai vu bien pire dans certaines autoéditions… et hélas ce genre d’erreur commence aussi à contaminer des livres publiés à compte d’éditeurs, ce qui est encore plus gênant ! Disons juste que c’est dommage, car ça empêche ce chouette livre d’être tout à fait parfait.

    Passons maintenant à tout le positif. Pour moi, bien davantage qu’une romance (genre littéraire qui reste largement sous-estimé) avec sa connotation populaire, ce livre se rapproche d’un réel, beau roman d’amour, avec des passages dans un style proche de la comédie romantique. Pour le dire autrement : ça garde la structure assez classique d’une romance légère (il m’attire mais je ne veux pas, elle m’attire mais elle est snob, s’aimera-t-on et puis se quittera-t-on, et peut-être qu’on se retrouvera), mais c’est exploité avec une réelle maîtrise littéraire, et en plus j’ai réellement ri à certains moments ! Par « maîtrise littéraire », j’entends surtout que la plume est fluide et agréable, les phrases sont bien construites et travaillées, Mo Gadarr n’est clairement pas le tout-venant qui s’est tout à coup décidé à écrire une romance parce que ça se fait : elle manie sa plume avec habileté et entrain, et on la suit.
    En outre, elle a choisi ici l’alternance d’un roman choral, donnant tour à tour la parole à nos deux personnages principaux : Mia la jeune mère qui se retrouve célibataire, et Dominique appelé « le Doc » ex-voyou constamment en galère et pourtant on ne trouve pas plus gentil et dévoué que lui ! Or, si une telle alternance est courante dans pas mal de romances, elle est souvent « superficielle » : on y change de titre en haut du chapitre et on modifie quelques éléments, mais c’est tout. Mo Gadarr a été beaucoup plus loin que ça : on croirait presque qu’elle a écrit à quatre mains, avec un co-auteur invisible, tant le style de chacune des deux voix est différent, avec son vocabulaire, ses tournures de phrases propres, c’est même comme une question de musicalité, on change carrément de ton de l’un à l’autre, et on les reconnaîtrait sans même avoir besoin de voir le « titre » de chaque chapitre : bravo !

    Parlons donc de ces personnages. Comme dans l’histoire de Slim (de « T’as qu’à maigrir ») précitée, ils sont bien travaillés, peut-être pas fouillés comme on aurait dans un thriller psychologique, mais on connaît l’essentiel de leur passé, de leur présent et de leurs rêves, et ils gardent une aura de mystère (surtout le Doc) qui les rend intéressants… mais aussi et surtout très humains ! S’il y a quelques touches à la limite du stéréotype parfois, ils sont suffisamment réalistes pour ne jamais tomber dans le piège du cliché.
    Si on s’approche un peu plus d’eux, je dois avouer quand même que Mia m’a souvent agacée… Elle prend beaucoup de décisions à la limite de l’irréfléchi (ce qui participe à la rendre très humaine, en fait !), comme quand elle décide de planter là son amoureux pas sérieux… et n’a même pas l’idée de profiter des derniers avantages (comme emporter tout ce qui avait déjà été acheté pour le bébé), au lieu de s’armer d’une fierté indignée, qui ne laisse aucune chance à cet homme aussitôt catalogué. Certes, je n’ai jamais connu une telle situation, mais la réaction de Mia est excessive, or elle est souvent dans de tels extrêmes. Certes, c’est une façon d’être (je le suis un peu / beaucoup parfois moi aussi !), mais pour le coup ça m’a éloignée de ce personnage.
    À noter aussi que Mo semble la mettre en avant comme une espèce de « représentante » (elle ne le dit pas en ces mots, mais c’est l’impression que donnent les premières pages et les remerciements) des mamans solo… Pourtant, si Mia se retrouve effectivement seule avec son bébé à élever, elle n’est seule que dans son lit, car par ailleurs elle trouve très vite (trop vite ?) de l’aide, et même un appui solide et toujours disponible, auprès de l’inénarrable Carmelle ou, bien sûr, du Doc ; le côté « maman solo » qui galère pour trouver à occuper son bébé, qui pleure de ne pas réussir à boucler la fin du mois, qui passe ses soirées seules face à elle-même quand le petit a enfin réussi à s’endormir – on ne ressent rien de tout ça. Même mon mari n’a pas toujours été aussi disponible que le Doc, quand les enfants étaient petits ! et que, même toute mariée que j’étais, j’aurais bien aimé avoir un homme un peu plus dévoué que le mien, certains jours… Bref, je ne sais pas jusqu’à quel point cet aspect un peu mélodramatique manque, mais c’est vrai que je m’attendais à lire quelques lignes à la limite du désespoir, or – sans pour autant dire que tout va bien pour Mia – le réalisme de l’histoire n’est pas poussé jusque-là.
    Le Doc, en revanche, est le personnage masculin idéal ! Grand, un corps musclé et rassurant, tatoué façon bad boy, et pourtant hyper-gentil et bien un peu fleur bleue, on en redemande ! Je n’ai juste pas mis « beau » parce que, clairement, si le mannequin qui pose en couverture du livre est la représentation du Doc, bah ce n’est pas (du tout) le genre d’homme qui m’attire – mais bon, comme on sait : les goûts et les couleurs bla bla bla, j’imagine que d’autres (dont Mia bien sûr) doivent être pas loin de la pâmoison ! Et puis bon, j’adore son prénom (hihi !), dommage qu’on ne l’utilise pas davantage ; j’aime aussi son côté bad boy précité, et le fait qu’il cherche à s’en sortir malgré tout, avec une ténacité qui force l’admiration. Et pour compléter le tout, j’adore sa relation avec le petit Marius, ce fameux « Mister T. » pour lui qui ne sait pas prononcer le français ; cette touche-là, pleine de tendresse et aussi de souvenirs qu’on n’oublie jamais.

    Bref, n’hésitez pas à lire ce tout beau roman. Il aborde sans mélo le sujet des mamans solo, mais bien plus que ça, dans un roman d’amour aux accents de comédie romantique, avec des personnages forts et attachants, et cette petite touche de tendresse indéniable qu’est ce bébé qu’on voit grandir. La plume de l’autrice est toujours aussi fluide et agréable, car travaillée avec soin : un très bon moment de lecture !


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    Le pic du diable de Deon Meyer
    Également un bon 17/20!

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    Synopsis : Pour Thobela, ex-agent du KGB, tuer a longtemps été une seconde nature. Jusqu'au jour où il décide de raccrocher pour s'occuper de son fils adoptif Pakamile. Tout bascule quand des brigands abattent Pakamile. Thobela, armé d'une sagaie, mène une croisade contre les bourreaux d'enfants qui sévissent en toute impunité en Afrique du Sud. L'inspecteur Griessel pourra-t-il arrêter ce carnage?

    Mon avis :
    Quel plaisir de retrouver la plume de Deon Meyer, ainsi que certains de ses personnages qu’on avait rencontrés dans son opus le plus ancien, qui ne fait pourtant pas partie de la série « Benny Griessel », et que j’ai lu il y a quelque temps : « Jusqu’au dernier ». On voit de loin en loin l’ancien personnage principal de ce livre précédent, Matt Joubert, qui a clairement évolué et qui a l’air de quelqu’un de bien, mais on ne s’y attarde plus en détails.

    Le focus est désormais tourné vers trois personnages, qui ont chacun un rôle tellement important qu’on peut dire qu’il y a vraiment trois personnages principaux !
    Il y a bien sûr ce fameux Benny Griessel, homme-titre de la saga. Il est inspecteur de la police du Cap, la quarantaine, de la même promotion que Matt Joubert précité, et considéré autrefois comme l’un des meilleurs policiers de sa génération. Cependant, tandis que Matt avançait pas à pas dans la hiérarchie, malgré ses soucis, Benny a noyé les siens dans l’alcool. On le savait car Deon Meyer en parlait déjà dans « Jusqu’au dernier », tout en insistant sur l’amitié entre les deux hommes. Mais ici, dès début de ce livre, on voit Benny arrivé à un point de non-retour : pour la première fois en toutes ces années d’alcoolisme, il a porté la main sur sa femme, qu’il adore pourtant. Elle le met donc à la porte, en lui imposant 6 mois de sobriété avant de pouvoir revenir, sans même promettre qu’elle lui garderait une quelconque place dans son cœur…

    À côté de ça, dès le début on est en contact avec le tueur du livre, celui que toute la police recherche sur plusieurs fausses pistes, et on a ce petit frisson du lecteur « qui sait », mais qui ne peut rien dire pour aider cette police complètement perdue. On suit ce tueur au fil de son évolution, on connaît son passé, on sait pourquoi il s’est mis à tuer… et réellement, je ne vous dirai pas pourquoi car ce serait un gros spoiler même si on le sait dès les premières pages, on se demande s’il n’a pas un peu raison, quelque part…
    Enfin, on rencontre aussi cette jeune femme, sans nom, sans passé, juste un corps pendant tout un temps, qui vient confier son histoire à un pasteur – comme si elle cherchait une quelconque forme de pardon. Mais là, contrairement à l’identité et aux motivations du meurtrier précité, on ne comprend rien de cette femme, on ne voit pas trop ce que son histoire vient faire au milieu de reste, mais on comprend d’emblée, même vaguement, qu’elle a quelque chose à voir avec les deux autres – forcément, sinon Deon Meyer ne perdrait pas autant de temps à la mettre en scène !

    Ces trois personnages et tous ceux qui gravitent autour d’eux prennent vie grâce à cette plume particulière de Deon Meyer : c’est une écriture assez descriptive, presque journalistique, qui présente un certain détachement par rapport aux événements et aux personnages. Cependant, dans le même temps, c’est un narrateur omniscient qui colle au plus près de chacun de ces trois-là à tour de rôle, alternant cette proximité en passant de l’un à l’autre au sein d’un même chapitre, parfois d’un paragraphe à l’autre, mais en insistant tellement sur de menus détails qui pourraient sembler insignifiants à première vue, qu’on comprend aussitôt qu’on est passé au suivant. Par ailleurs, on entre réellement dans « l’intimité » de chacun, sans pathos et sans effet particulier, mais au plus près de la vraie vie, ce qui rend ces personnages particulièrement réalistes, proches de nous, on a réellement l’impression de se trouver à leurs côtés le temps d’une histoire.
    Pour moi cette plume est tout simplement magnifique, pas parce qu’elle serait poétique ou enchanteresse, ce n’est pas de cet ordre-là, mais parce qu’elle aborde « l’air de rien » et avec une justesse extraordinaire, des thèmes terriblement humains qui continuent de résonner même quand on a tourné la dernière page du livre.

    Parmi ces thèmes abordés de cette façon glaçante de réalisme, on a en premier lieu le drame de l’alcoolisme qui, ici, n’est pas abordé d’un point de vue extérieur, mais on est réellement au cœur du combat contre ce fléau avec Benny. On ressent son désespoir, ses doutes, son immense amour pour sa femme (et leurs enfants) qu’il n’a pas réussi à préserver, son combat jour après jour, heure après heure, cette soif qui ne le quitte jamais et qui est exacerbée quand il ne voit plus que toutes ces publicités à la télé ou sur les routes (qui magnifient le verre de bière qu’on sera si content de boire en rentrant chez soi après une rude journée dans la chaleur, par exemple) – un peu comme une personne au régime ne voit plus que des images de nourriture ! On voit les dégâts que l’alcool a causés sur son corps, sur son visage, mais plus encore sur son esprit, ou par exemple les premières étapes « violentes » d’un sevrage brutal – mais existe-t-il d’autre moyen de s’en défaire ?...

    Les autres thèmes sont tout aussi dramatiques, et touchent profondément (et je ne prétends pas en faire une liste exhaustive) : le drame des enfants victimes des adultes (de quelque manière que ce soit) et l’absence de réelle « punition » pour les auteurs de ces méfaits – que ce soit par vice de procédure, par manque d’engagement des policiers, ou parce que la police est dépassée, tout simplement ; le racisme latent dans une société qui a dépassé l’apartheid mais où la discrimination positive n’est pas forcément une solution qui va effacer toutes les barrières, au contraire !; la prostitution, chaque histoire particulière que ce « choix » de vie peut représenter ; le trafic de drogue international, un peu caricatural ici, mais qui n’en semble pas moins criant de vérité ; la guerre des polices, entre les différents services qui se disputent une même affaire et se mettent des bâtons dans les roues au lieu de collaborer en toute intelligence, ou la corruption dans cette même police ; etc.

    Par ailleurs, on ne peut passer à côté du fait qu’on est en Afrique du Sud. J’ai évoqué ce racisme latent parmi les thématiques « fortes » abordées dans ce livre, un racisme qui est bien différent (si c’est possible) de ce qu’on peut lire sur un sujet similaire aux États-Unis par exemple – après tout, ici, les Noirs sont les natives et, s’ils ont été largement persécutés, ils n’ont pas été exterminés comme d’autres natives l’ont été outre-Atlantique, leur Histoire (oui, oui, avec un grand H) est assez différente !
    Il est plutôt question, ici, de juste retour des choses, notamment quand il s’agit de discrimination positive. Cependant, comme toute discrimination quelle qu’elle soit, elle est plutôt mal vécue par ceux qui sont, du coup, laissés de côté, et ici on voit réellement ce mal-être, ce nouveau déséquilibre humain (même s’il y a un vague équilibre entre les différentes couleurs de peau). Ça évoque aussi cette présence originelle des guerriers xhosas et autres zoulous, leurs traditions séculaires qui ont survécu malgré tout et qui sont désormais devenues des attractions touristiques pour riches Européens. On dénonce aussi cette autre forme de « racisme », entre Blancs, qui se traduit par une rivalité récurrente entre les Afrikaners de souche et les descendants des Anglais.
    C’est toute une société complexe, et qui semble éternellement à la recherche d’elle-même, qui est décrite ici, toujours sur ce même ton quelque peu détaché et pourtant prégnant. Le tout se fait par touches subtiles mais donne une impression d’omniprésence. Et n’oublions pas les nombreuses allusions à la terre sud-africaine même, lors de la description de paysages grandioses lorsque le tueur ou Benny sont sur la route par exemple – et on ressent ainsi tout l’attachement de l’auteur à son pays dans toute sa beauté et toutes ses contradictions, on a vraiment le sentiment d’y être sans trop comprendre toutefois, et on a bien envie d’y aller !

    Tout cela donne l’impression d’une enquête à triple entrée, avec trois personnages également importants même si, indéniablement, c’est bien Benny (et son alcoolisme) le principal héros. Le lecteur reçoit d’emblée quelques clés, qui ne lui permettront pas pour autant d’ouvrir toutes les portes mais qui donne quand même un petit côté « initié », alors on suit la narration avec un intérêt, une tension sous-jacente constante. La résolution n’est pas (du tout) ce que l’on attendait, mais par miracle elle est mieux encore (je n’en dis pas plus car ce serait divulgâcher !) et, sachez-le : on ne saura pas dans cet opus-ci si Benny réussit à surmonter son problème d’alcoolisme… mais de toute façon on n’est pas au bout de l’ultimatum des 6 mois imposé par sa femme, donc il ne reste qu’à aller lire les autres tomes qui mettent ce personnage si attachant en avant !


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    Grizzly Park d'Arnaud Devillard
    Bon livre mais "sans plus": 15/20

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    Synopsis : Grizzly Park retrace le voyage d'Arnaud Devillard et sa compagne, de Denver dans le Colorado à Glacier National Park, au nord du Montana. Sur fond de bearanoia, du rock en guise de bande-son, cette odyssée américaine nous plonge dans l'Ouest des cow-boys, des trappeurs, des parcs nationaux des Rocheuses, des moutain men, des Araphos et des Blackfeet. Des interstates interminables dans les grandes plaines où galopent les antilopes aux villes quasi désertes de Laramie, Billings et Butte, l'auteur porte un regard décalé mêlé d'authentique excitation sur son périple américain, avec Rick Bass, Doug Peacock et un bear spay (souvent) à portée de main.

    Mon avis :
    Je l’avoue sans fausse honte : j’ai repéré ce livre un soir où je cherchais un titre qui compte plusieurs lettres à 10 points dans un Scrabble – pas forcément dans l’idée de les lire aussitôt, mais plutôt pour agrandir ma WL, et puis qui vivra verra. Plusieurs mots me venaient en tête (yeux ou mystérieux par exemple, les deux avec un Y et un X), et puis tout à coup bingo ! je pense « grizzly » (deux Z et un Y)… et me voici, après quelques recherches sur l’un ou l’autre sites, avec en plus le K du Park ! Les notes que je vois ici ou là ne sont pas hyper-emballantes, mais pas tout à fait négatives non plus, et la couverture ne me déplaisaitt pas, donc j’ai craqué… et puis laissé là. J’ai fini par le sortir de la PAL quand il m’a été proposé grâce à l'outil "Un livre au hasard?" dont j'avais besoin pour un autre challenge...

    Tout le livre correspond assez bien au synopsis : ce n’est rien d’autre qu’un carnet de voyage, de l’auteur lui-même accompagné de sa compagne, à travers plusieurs parc nationaux américains, du Colorado au Montana en passant par le Wyoming, où ils visitent brièvement l’une ou l’autre ville plus ou moins typique, dorment généralement en camping, et font un certain nombre de randos à la journée, tout en dégustant systématiquement une bière dans les nombreuses brasseries locales. Ce livre est l’occasion, aussi, de rappeler les vacances de l’enfance de l’auteur, en camping dans divers pays européens, avec ses parents tous deux instituteurs ; il en profite pour regretter (avec un certain réalisme désenchanté) comme il comprend désormais que son père aurait sans doute aimé plus de complicité entre eux, mais qu’il n’était pas capable de lui offrir à cette époque-là. C’est aussi une playlist, au fil de ce que l’auteur et sa campagne entendent sur l’autoradio – et autant de souvenirs d’enfance, à nouveau, de l’auteur, qui se dit fan de rock depuis le jour où il l’a découvert.

    Mais bien sûr, le sujet central de ce livre, ce sont les parcs, ces espaces où la nature sauvage est soi-disant préservée mais hyper-aménagée, tout en gigantisme, pour que les touristes américains ou internationaux puissent la découvrir en toute sécurité. Il dénonce ce tourisme de masse qui prétend respecter la nature mais où certains animaux sont tellement habitués à l’homme qu’ils s’en approchent au moindre prétexte, et inversement : ces hommes et femmes ont perdu toute notion de danger, ou de simple respect face à cette nature sauvage, et s’approchent inconsciemment au plus près des animaux, le temps d’une photo, parfois même au risque de leur vie ! Il a ainsi une vue très cliché sur l’Américain moyen, cette vision assez réductrice que l’on peut avoir depuis l’Europe, et que les propos du journaliste qu’il est semblent corroborer… sauf qu’il semble oublier qu’il observe là des comportements de masse de touristes en vacances. Or, n’observe-t-on pas les mêmes comportements de nos touristes bien Européens, sur certains sites particulièrement attractifs chez nous ? ce sont les mêmes qui arrivent en masse au plus près du Mont-Blanc (je parle du téléphérique de l’Aiguille du Midi) en short, t-shirt, et tongs, parce qu’il faisait soleil dans la vallée… sont-ils pour autant aussi abrutis que semblent l’être ces Américains tournés en dérision par l’auteur ? Du coup, même si j’ai tendance à être d’accord avec lui, même si j’ai vécu plus qu’à mon tour, dans mes jeunes années, le plaisir de sortir des sentiers battus (que ce soit dans les Alpes suisses ou françaises, ou dans les Pyrénées, même si ces dernières étaient à l’époque nettement moins aménagées pour les touristes, et dès lors plus agréables à mes yeux) pour trouver une « vraie » nature, une « vraie » paix, une vraie connexion avec les éléments et avec soi-même ; bref, malgré tout cela, cette vision très stéréotypée du touriste américain, que l’on sent très souvent étendue à l’Américain moyen en général, c’est quelque peu dérangeant…
    Bon, ok : ces Américains entretiennent en plus un culte de la voiture (et de préférence de gros SUV ou des chars à bœufs urbains), qui reste nettement plus circonscrit chez nous, et qui dès lors paraît aussi incompréhensible que choquant…

    Alors, bien sûr, l’objet du titre : tous ces parcs ont la caractéristique d’être des lieux de vie de toujours de différentes espèces d’ours – les ours noirs et l’incontournable grizzly, devenu même un symbole… mais contre qui les rangers, ces fameux gardiens des parcs, ne cessent de mettre en garde, rappelant autant la nécessité de préserver ces espèces que la plus élémentaire sécurité des randonneurs et autres campeurs, ces ours étant restés sauvages et naturellement plus dangereux qu’un tamia par exemple ! Or, l’ours est bel et bien chez lui, pas assez craintif face à cet homme qui empiète de plus en plus sur son espace vital et qui n’hésite pas à le tuer (même s’il est protégé) quand la vie d’un autre humain semble en danger. Et l’auteur de se moquer de cette paranoïa qui, à l’américaine, est devenue une bearanoïa – avec ses affichettes « be bear aware » (soyez conscients de l’ours) dans tous les coins, jusque sur les portes des sanitaires des campings ! Il décrit comme cette beranoïa finit par les étreindre, lui et sa compagne, à la moindre rando… tout en espérant secrètement en croiser un quand même, histoire de pouvoir le raconter et pourquoi pas le montrer en photos, lors de leur retour chez eux !

    Ainsi donc, ce livre n’est pas inintéressant, d’autant plus que, comme écrit plus haut, je partage le point de vue de l’auteur sur toute une série de sujets, même ramenés à ma petite échelle européenne – j’ai certes aussi voyagé sur le continent américain, mais jamais aux États-Unis (sauf en transit, et de ce point de vue-là, les contrôles absurdes et excessifs, de même que les visages blasés et inexpressifs des forces de l’ordre dans ces aéroports, c’est tout à fait ça !), et même si j’ai fait un peu de tourisme dans les pays visités, c’était davantage pour retrouver des amis que pour aller m’agglutiner au milieu d’autres touristes, même si j’ai quand même vu quelques sites incontournables ici ou là ;) ...
    Bref, oui, on partage assez facilement ce point de vue parfois réducteur, mais rendu agréable à lire grâce à un humour constant, proche de l’(auto)dérision, parfois caustique. Cependant, comme tout récit de voyage, c’est aussi très personnel, c’est une tranche de vie parsemée de souvenirs. Au début, c’est presque touchant, mais et au fil des pages ça devient un peu lassant, car c’est quand même répétitif -  même si les régions visitées ne se ressemblent pas forcément, on perd peu à peu de l’enchantement de découvrir tout cela. Pour cet aspect, j’aurais apprécié un encart (au milieu ou en fin de livre) présentant quelques photos, et de préférence en couleurs – pas forcément de l’auteur même, il dit assez souvent qu’il a spontanément évité, la plupart du temps, de prendre des photos à temps et à contretemps – mais il existe tant et tant de cartes postales, qui auraient pu embellir le livre sans avoir besoin d’aller « vérifier » sur Internet, sans jamais être certain que ce qu’on voit correspond réellement à ce que l’auteur a vu, or lui il aurait pu faire une sélection !

    C’est donc un bon livre-carnet de voyage, pas exceptionnel mais sympathique, parfois cliché mais plein d’un humour teinté d’autodérision qui rend les choses faciles et agréables à lire… et finalement on l’aura bien peu croisé, cet ours qui continue de faire bien un peu rêver !

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    Mamma Maria de Serena Giuliano
    Un  autre 15/20...
    J'ai été sidérée d'apprendre plus tard que ce livre a en fait remporté le prix Babelio littérature français 2020! :O Certes il n'est pas mauvais... mais "littérature française", vraiment?? Je constate par contre que le fait d'avoir donné un tel prix à ce livre-là est symptomatique de cette mode actuelle où le feel-good - même quand il n'est pas exceptionnel quant à l'écriture - remporte (presque) tous les suffrages; c'est bien un peu désolant !
    (N.B.: j'avais écrit mon avis avant de découvrir cela, et je ne l'ai - bien sûr! - pas modifié pour autant!)

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    Synopsis : « Ciao, Sofia, qu’est-ce que je te sers ? Comme d’habitude ? Et j’ajoute un cornetto, parce qu’il faut manger, ma fille !
    – Oui, merci, Maria. »
    Je m’installe en terrasse, face à la mer, comme chaque matin depuis que je suis de retour en Italie. J’aime bien travailler au son des tasses qui s’entrechoquent. Et, au Mamma Maria, j’ai toujours de la compagnie. Il y a ceux qui viennent tuer le temps. Il y a les enfants qui rêvent devant le comptoir à glaces. Il y a les ados qui sirotent un soda, monsieur le curé, et, surtout, mes partenaires de scopa.
    Ici, on vient échanger quelques mots, partager un apéro, esquiver la solitude ou écouter Celentano. Moi, je viens pour me persuader que j’ai bien fait de quitter Paris… et l’autre abruti.
    Il fait quand même meilleur ici.
    Et puis, on cherche aussi à profiter de la bonne humeur (ou non) de Maria, qui mène, comme une mamma, tout ce petit monde à la baguette.
    Bref, j’ai enfin retrouvé mon village paisible.
    Enfin, paisible jusqu’au jour où…


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre en libraire, sans même lire le synopsis, car j’étais inévitablement attirée par la couverture qui évoque si joliment le Sud, avec ses couleurs vives et tellement typiques : le camaïeu de bleus de la mer, le jaune des citrons et le vert pétant des feuilles du citronnier, les mosaïques dont le terracotta de la petite table, et le caffè dont on croirait sentir l’odeur !
    Au-delà de cette très engageante couverture, il a quand même fallu attendre que ma bibliothèque le propose dans son catalogue, pour que je me décide à le découvrir.

    L’histoire quant à elle me laisse une impression douce-amère. Ce roman s’inscrit dans la lignée désormais très à la mode (mais elle l’a sans doute toujours été, en portant peut-être un autre nom selon les époques) du feel good, avec tous les revers que cela peut avoir : on a un peu l’impression de se trouver dans un monde de bisounours où, malgré des tensions mineures çà et là, tout va bien, tous les problèmes se résolvent facilement grâce à la générosité commune et malgré quelques mauvais coucheurs. Bref, tout le monde il est beau il est gentil au final… ce qui manque cruellement de réalisme et semble ainsi tout au plus un joli conte qu’il est agréable de lire, et puis on retourne à la vraie vie qui est bien différente.

    C’est que cette histoire aborde quand même des sujets graves, dont un certain nombre à peine évoqués alors qu’ils auraient mérité d’être plus développés, et qui donnent ainsi l’impression que l’autrice a voulu parler « un peu de tout » sans pouvoir choisir, ça donne parfois une image un peu brouillon – je pense au harcèlement scolaire notamment, au non-désir d’enfant qui semble si problématique, notamment dans certaines sociétés plus « traditionnelles », ou aux grossesses non désirées. Mais ça parle aussi de sujets plus approfondis, c’est-à-dire qui sont exploités beaucoup plus longuement au fil des pages, mais leur traitement reste (à mon sens) un peu trop léger, dans cet esprit « bisounours » précité : le deuil du mari qu’on adorait et à qui on avait consacré toute sa vie ; les relations intergénérationnelles, apparemment tellement évidentes dans ce petit village de la côte amalfitaine, mais impensables dans nos villes ; et la grande thématique de l’immigration, qui plus est dans un des pays européens les plus touchés par les vagues successives de migrants, sans qu’aucune solution politique globale ne semble se mettre en place, que ce soit au niveau des migrants qui arrivent dans des conditions atroces, ou des habitants qui n’en peuvent plus de cet afflux, se tournant (pour certains du moins) vers l’extrême-droite qui, elle seule, semble réellement s’occuper du sujet, de la manière bien inadéquate qu’on connaît !

    Oui, l’histoire est belle, à travers quelques personnages forts, et quelques autres qui m’ont semblé moins intéressants. Le roman est présenté comme un choral à deux voix, alternativement celle de Maria, la « mamma » dans tous les sens du terme, ultra-protectrice envers son fils et son petit-fils, désagréable comme il se doit envers sa belle-fille qui a le malheur de ne pas être du village ni même de la région, mais « du Nord » (de l’Italie), un autre monde aux yeux de Maria ! mais c’est aussi la maîtresse femme de tout le village, grâce à ce bar donnant sur la Méditerranée et qui rassemble tout le village au fil des heures, bar dont elle est la propriétaire, la patronne et surtout l’âme. Ce personnage fort, un peu cliché parfois mais toujours sympathique, est vraiment très attachant. Et puis on a Sofia, je ne sais plus si c’est dit mais je lui vois la petite trentaine, qui est revenue dans le village après un long séjour à Paris, où elle a laissé son amoureux qui n’a pas voulu la suivre. Non seulement Sofia est une inconditionnelle du bar, au milieu des « petits vieux » qui le peuplent dès le matin, mais elle est aussi, réellement, amoureuse de sa belle région, et c’est ainsi qu’elle se met à écrire des descriptions poétiques (on regrette de ne pas avoir eu des illustrations !) de toute une série de villes et villages, qu’elle envoie sous forme de carte postale-mails à son ex, en espérant (peut-être) le convertir à sa région et renouer avec lui…
    Si ces fameuses cartes postales paraissent magnifiques et donnent envie de découvrir ces différents lieux, le personnage de Sofia même m’a semblé assez insipide, se laissant balloter par les événements, par cet homme sans intérêt qu’elle ne parvient pas à oublier, par son frère qui ne cesse de la charrier (bon sang, ma fille ne réagit pas aussi mièvrement avec ses frères, qui adorent pourtant eux aussi l’embêter ! et elle n’a que 12 ans…) ; elle manque de personnalité propre, et on se demande quand va tout à coup surgir une étincelle…
    Mention néanmoins au groupe des fameux « petits vieux », et en particulier à Franco, ainsi qu’à Souma, que je vous laisse découvrir…

    Bref, oui, ce livre est incontestablement un petit moment de bonheur, c’est agréable à lire grâce à une écriture fluide. Mais le manque de réalisme m’a quand même gênée – ce n’est pas que je veuille de l’hyper-réalisme, mais ça donne une impression de mièvrerie à des problématiques graves, qui ont besoin de solutions bien plus sérieuses que la bonne volonté d’un petit village, même si « ça fait du bien » le temps d’une lecture !


    oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo

    Et un petit dernier, terminé le 19 septembre - c'est vous dire! ça fait 5 jours que je n'ai plus terminé aucun livre, ça me fait tout drôle! ;)

    Entre chiens et loups de Malorie Blackman
    J'ai mis 15/20, ce n'est pas mauvais, mais ça trahit bien un peu ma déception...

    <image>

    Synopsis : Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s'affrontent à coups de lois racistes et de bombes. C'est un monde où Callum et Sephy n'ont pas le droit de s'aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d'un rebelle clandestin.

    Mon avis :
    Voici un livre qui était pour moi une relecture, mais comme quelques autres : longtemps après ! De mémoire, ma bibliothèque de l’époque l’avait acquis dès sa sortie en français, en 2006 semble-t-il, il y a donc 15 ans ; et comme je suivais les nouvelles sorties, j’ai dû l’emprunter dès son apparition. J’en avais gardé un souvenir excellent, cette idée que je l’avais carrément adoré, et je me rappelais dans les grandes lignes de quoi il s’agissait…
    À noter aussi que, à l’époque, on ne parlait pas de suite (ou alors j’ai complètement zappé l’info), même si la dernière page de l’édition lue cette fois-ci le laisse clairement entendre. En tout cas, je n’ai jamais réalisé que d’autres tomes venaient compléter l’histoire au fil du temps, et je ne les ai donc jamais lus, me contentant de ce premier tome.

    Je me suis rendu compte en le lisant que, en fait, j’avais oublié beaucoup de choses, à part l’essentiel : ce livre est une claque antiraciste, à la façon d’une « démonstration par l’absurde », c’est-à-dire en inversant les rôles (hélas) traditionnels. Ici les maîtres sont les Noirs ou pour le moins foncés de peau, on les appelle Primas ; ce sont eux qui dominent la société, son économie, sa justice, sa police ; ils sont aussi l’élite intellectuelle, car eux seuls ont accès aux écoles au-delà de l’enseignement élémentaire. Les anciens esclaves quant à eux, Blancs et appelés Nihils, sont une espèce de sous-caste ; même si l’esclavage a été aboli depuis plus de 100 ans dit le livre, la grande majorité d’entre eux reste dans des positions subalternes, et leur situation quotidienne est pire que celle des (vrais) Noirs américains dans les années 1960 par exemple : ils sont persécutés au moindre prétexte, quelques-uns d’entre eux ont pour la première fois accès à l’école secondaire mais c’est un scandale pour la majorité des Primas qui les reçoivent très mal, ils n’ont bien sûr pas le droit d’avoir une quelconque relation avec un Prima – et si ça arrive, car bien sûr ça arrive, la punition est bien souvent la mort du Nihil, assortie d’une bonne raclée pour le Prima déviant.

    Mais voilà, dans ce monde ultra-ségrégué, comme je disais plus haut, on retrouve quelque chose qui rappelle la situation des Noirs aux États-Unis, ou peut-être l’apartheid de l’Afrique du Sud, ou en tout cas un mélange des deux où la société se divise, et durement, selon la couleur de la peau, mais à l’inverse de ce qu’on connaît dans nos plus grandes « démocraties ». Séphy la Prima a grandi avec Callum le Nihil, et au fil du temps ils sont devenus inséparables. Mais Séphy est la fille d’un politicien ultra-conservateur, accroché aux droits (entendez : à la suprématie) des Primas ; tandis que la mère de Callum travaille pour la famille de Séphy, jusqu’au jour où elle se fait renvoyer pour une broutille, et découvre alors que son fils aîné a probablement rejoint les rangs de la lutte armée nihil pour renverser les choses, tandis que Callum, son plus jeune, qui fait partie des premiers ados Nihils acceptés dans une école secondaire de Prima, vit de plus en plus mal les brimades au quotidien, malgré la carapace qu’il tente de se forger… Et tous deux grandissent dans ce monde qui ne veut pas de leur complicité, les emprisonnant eux-mêmes dans une incompréhension mutuelle de plus en plus prégnante.

    Ce que j’avais oublié, ce sont tous les détails annexes, qui prennent pourtant beaucoup de place, tout en permettant à l’histoire d’avancer : les familles de chacun de nos deux héros, les choix qu’ils posent au fil du temps et des événements – que je ne vais évidemment pas dévoiler ici, car ce serait vraiment divulgâcher !
    Mais surtout, j’avais complètement oublié cette ambiance très sombre, très noire (sans mauvais jeu de mots) : tout va toujours de plus en plus mal, au fil de l’histoire qui avance ou même des souvenirs des uns et des autres. Il n’y a pas le moindre espoir pour un quelconque avenir meilleur, même si Callum et Séphy en rêvent tous deux, mais même pas ensemble ! C’est d’ailleurs un aspect du livre que je ne comprends pas trop : on voit que Callum et Séphy sont amis depuis leur plus tendre enfance puisqu’ils ont réellement grandi ensemble, mais tout au long du livre, on les voit plutôt s’éloigner que se rapprocher malgré les épreuves, et s’ils ont encore de temps en temps un élan l’un vers l’autre, c’est toujours éphémère et ça paraît presque artificiel. Pour le dire autrement : il y avait matière à une belle histoire d’amour, même en sourdine, malgré un contexte très dur. Or, ici, j’ai plutôt eu l’impression de voir une relation effectivement en sourdine, mais poussive et qui relève davantage de souvenirs d’enfance qu’on ne veut pas tout à fait perdre, que d’un réel amour qui aurait grandi malgré tout. Oui, ils grandissent chacun séparément, et restent attachés l’un à l’autre dans leurs pensées jamais partagées, mais cet attachement est exploité de façon peu convaincante, comme un reste de complicité vaguement coupable (des deux côtés !), et surtout une suite de rendez-vous manqués, mais ça ne ressemble jamais à un véritable amour. Dès lors, cette relecture 15 ans plus tard me laisse un petit goût amer pour cet aspect-là, d’autant plus que je m’attendais à retrouver l’enchantement de ma 1re lecture, mais vraisemblablement non, je suis passée à côté cette fois !

    À part cette déception sur la façon d’exploiter la relation entre nos deux protagonistes, je ne peux que répéter comme le thème de ce livre, extrêmement dur et présenté avec un certain pessimisme glaçant, cette impuissance constante des héros face à des événements qui les dépassent complètement même s’ils continuent de vouloir « changer le monde » à leur petit niveau, tout cela remue énormément, tout en procurant un indéniable sentiment de malaise, qui au final fait réfléchir sur notre propre société, notre vision des choses.
    L’écriture est facile à appréhender, souvent percutante, autant par le choix des mots que par ce qu’ils racontent. Il est évident que ces mots choisis (même inventés) ne sont pas anodins : « prima » fait penser (entre autres) au verbe « primer » - selon https://www.lalanguefrancaise.com/dicti … ion/primer (consulté ce 19 septembre), il veut dire autant « Imposer sa supériorité à quelqu'un » que « Tenir le premier rang, avoir l'avantage sur les autres ». Par ailleurs, ce même mot devient « primate » (une déformation tellement « facile » ! mais il fallait y penser) dans la bouche des Nihils quand ils veulent insulter ceux qui les dominent. Or, primate, n’est-ce pas ce mot que l’on a entendu récemment dans certains stades de foot, quand des supporters (blancs) racistes désignaient l’un ou l’autre joueur d’origine africaine ? Je ne sais pas si l’autrice a pensé à ce genre d’utilisation du mot, mais c’est particulièrement bien pensé d’avoir « créé » un tel mot, qui peut être tout à la fois un indicateur de la supériorité de cette caste, dans l’usage premier du mot, mais particulièrement insultant quand il est déformé. Quant aux Nihils, il ne faut pas chercher bien loin : c’est le mot latin pour « rien », et les pauvres de se choquer quand on les appelle les « Néants », c’est pourtant bien ce que veut dire le mot qui désigne leur « race », et qu’ils semblent bizarrement trouver plus acceptable !
    Bref, ce jeu (en apparence si simple) sur les mots est une belle trouvaille, qui participe indéniablement à l’impact durable de ce livre.

    Tout cela étant dit, je ne suis pas certaine de lire la suite. L’histoire est touchante et terrible, elle devrait être imposée dans les écoles pour sensibiliser au racisme (mais aussi au terrorisme par exemple, même –et surtout- s’il prétend changer le monde pour le rendre meilleur !), car il prend une dimension particulièrement vibrante quand il est ainsi présenté « à revers » de tous nos clichés habituels, et peut dès lors provoquer une réflexion beaucoup plus poussée.
    Cependant, je reste gênée par cette absence quasi-totale d’espoir, le fait que même l’amour semble n’avoir servi à rien. Oh ! je ne demande pas un livre-bisounours où tout est bien qui finit bien, on sait que la vie n’est jamais simple, et encore moins dans un contexte tel que celui décrit par l’autrice dans cette dystopie. Cependant, même avec des livres très durs qui traitent eux aussi de racisme (je citerai les trois qui m’ont le plus marquée ces derniers temps : « Brasier noir » de Greg Iles, « Carnaval » de Ray Celestin ou « Alabama 1963 » d’Olivier Manchette et Christian Niemiec), je n’avais pas eu ce sentiment de désespoir implacable, de noirceur absolue. Faudra-t-il arriver au 6e tome pour voir apparaître une petite lueur ? J’avoue : je n’ai ni le courage ni l’envie de lire tous les autres tomes pour vérifier si l’autrice sort un peu de ce pessimisme accablant…

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (24 Septembre 2021 12:08:26)

  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #148 08 Octobre 2021 23:41:53

    Bonsoir à tous!

    Je suis à nouveau terriblement en retard dans ce suivi... et le pire, c'est que les avis sont bien écrits, et je les publie au fur et à mesure sur Babelio, mais pourquoi donc pas ici? Mystère...
    Je ne vais pas tous vous les plaquer d'un seul coup ce soir, mais je vais en ajouter quelques-uns (les plus "anciens"), et puis il faudra que je mette à jour mon index, au moins je saurai moi-même où j'en suis! :ptdr:

    Voici donc:

    Avis de décès de Zhou Haohui
    Une belle découverte à 17/20!

    <image>

    Synopsis : 18 avril 1984. Une série de meurtres inexpliqués dans la ville de Chengdu, incite la police à mettre sur pied une unité spéciale, la 4/18. Parmi ses membres, Zheng Haoming, un flic d’élite et Pei Tao, major de l’académie de police. Échouant à trouver le coupable, l’unité est dissoute.
    Vingt-deux ans plus tard, Zheng Haoming est toujours obsédé par cette affaire. Mais au moment où il pense enfin tenir un indice majeur, il est assassiné. L’Unité 4/18 renaît alors de ses cendres. C’est le début d’un jeu du chat et de la souris avec un tueur aussi intelligent qu’insaisissable.
    Ce premier tome d’une trilogie consacrée à la police de Chengdu est un véritable phénomène éditorial et à sa lecture, on comprend vite pourquoi. Une ambiance à la Seven, un tueur digne de Keyser Söze dans Usual Suspect… Si Zhou Haohui emprunte toutes les figures traditionnelles du thriller dans le premier tome de sa trilogie, c’est pour mieux les subvertir et déjouer les conclusions trop hâtives du lecteur. Il nous offre, en outre, un portrait de la société chinoise contemporaine inattendu et passionnant.


    Mon avis :
    J’avais choisi ce livre spécialement pour le challenge géographique auquel je participe cette année, la Chine étant à l’honneur en ce mois de septembre. Quoi de mieux qu’un polar (mon genre préféré) pour aborder cette littérature, dont j’ai déjà eu un aperçu ici ou là, mais il y a bien longtemps, et jamais sous forme d’un polar ?
    Et c’est une heureuse découverte, dommage que la suite ne soit pas encore traduite, car en plus l’épilogue est un sérieux cliffhanger !

    On rencontre ainsi le capitaine Pei, de la police de Longzhou, petite ville provinciale du Sichuan (N.B. : après quelques recherches, il apparaît en plus que Longzhou serait une ville imaginaire ! il y a bien l’un ou l’autre lieu de ce nom en Chine, mais aucun qui ressemble un tant soit peu à la petite ville évoquée dans ce livre). Pei était autrefois un élève brillant à l’académie de police, et promis à un avenir enviable… jusqu’au jour où il s’est retrouvé impliqué malgré lui dans la mort de sa petite amie et de son meilleur ami, probablement tués par un meurtrier insaisissable qui se faisait appeler Euménide, de la divinité grecque représentant la justice et le châtiment… Mais voilà qu’un nouveau meurtre signé Euménide a été commis – car il laisse à chaque fois un avis de décès -, cette fois à Chengdu, capitale (réelle, quant à elle) du Sichuan : la cellule d’investigation qui avait été formée à l’époque est réactivée, et Pei, autrefois témoin bien un peu suspect, en fait désormais partie, aux côtés de Han, capitaine brillant de cette police de Chengu et son supérieur, et de quelques autres membres très typés (parfois à la limite du cliché) de cette police chinoise moderne qui se veut surtout efficace, même si chacun des protagonistes semble bien avoir un lot plus ou moins important de casseroles à cacher…

    Dire quoi que ce soit de plus serait divulgâcher, mais en tout cas on entre peu à peu dans une histoire de plus en plus complexe, avec pas mal de rebondissements, quelques retournements de situation auxquels on pouvait plus ou moins s’attendre mais qui sont menés de main de maître, dans une tension palpable du début à la fin.
    J’ai lu dans l’une ou l’autre critique, ici ou là, que cette histoire n’est pas « typiquement chinoise » et aurait pu se passer n’importe où… Certes ! Mais que serait donc une enquête « typiquement chinoise » ? Je cherche encore, et en attendant je ne comprends pas trop ces critiques que j’avais ressenties comme autant de reproches, alors que pour moi c’est surtout très intéressant : ça montre bien que la criminalité est (hélas) un problème universel, de même que les notions du bien et du mal, le besoin de justice qui ne correspond pas toujours à la loi, ou les relations hiérarchiques et humaines qui se créent dans un microcosme bien particulier.

    Par ailleurs, on a quand même bel et bien les aspects chinois qui permettent une certaine évasion littéraire : rien que les noms ! On ne sait jamais très bien ce qui est nom et prénom, mais ce sont définitivement des identités à consonance chinoise, qui font indéniablement « couleur locale » et nous plongent directement dans une certaine ambiance. J’avais même peur de m’y perdre un peu, car on a de nombreux personnages dans cette histoire (même si les 3 ou 4 principaux se distinguent assez vite), mais finalement non : ils sont traités de telle sorte qu’on s’y habitue peu à peu sans même s’en rendre compte, peut-être aussi parce que l’approche très psychologique de chacun d’eux par l’auteur est vraiment très maîtrisée, et les rend très « proches » malgré cet aspect linguistique qui aurait pu être un obstacle ! Et pour les irréductibles qui auraient quand même du mal à s’y retrouver, on a en début de volume une liste des personnages, reprenant nom et fonction des principaux protagonistes.
    À part ça, pour moi, l’aspect le plus chinois a été le mot « populaire » ! Je me rends compte, après vérification sur ma liseuse, qu’il n’y a pas tellement d’occurrences, mais elles sautaient aux yeux. On étudie à l’université populaire, on va se soigner à l’hôpital populaire, etc. ; après tout, on vit en République populaire (de Chine) ! On pouvait donc s’y attendre, mais c’est tellement inhabituel dans le vocabulaire courant d’un polar que, tout à coup, on tique et ça fait sourire. Ainsi, à cause d’un simple mot, on se rappelle que, oui, même si les personnages, leurs secrets et leurs méfaits sont universels, l’histoire ici se passe bel et bien en Chine.

    Pour le reste, comme je disais plus haut et comme l’ont relevé de nombreuses critiques, l’histoire se construit comme un (bon) polar. Le point le plus brillant est sans aucun doute, à mes yeux, l’analyse fine des personnages. L’auteur parvient à rendre Pei extrêmement attachant : on a envie de l’épauler quand on entend ses doutes, sa culpabilité (réelle ou imaginée) de certains événements qui ont amené à la mort de ceux qu’il aimait le plus ; par ailleurs il a un « petit quelque chose » de plus convaincant que Han – ils ont le même grade, mais Han est de fait son supérieur hiérarchique – qui donne envie que ce soit lui qui mène l’enquête, même s’il est régulièrement mis sur la touche à cause de son passé ; et on s’émeut quand on voit comme il s’attache à Mu, la jeune psychologue de la cellule, qui d’ailleurs n’y semble pas insensible ! Han quant à lui est moins agréable : il paraît autoritaire et sec, assez imbu de lui-même à vrai dire, mais cet aspect, qu’on espère presque voir se fissurer, est tout aussi bien rendu que la sympathie qu’on ressent pour Pei. Enfin, mention pour Zeng, le geek de service, inévitablement un peu cliché, et dès lors c’est sans doute le personnage le plus universel de l’équipe ; peu scrupuleux face à la hiérarchie, doué et sûr de lui, fiable malgré tout et plutôt blagueur, il apporte une petite dose de bonne humeur dès qu’il apparaît.

    Pour le reste, l’auteur balade le lecteur de rebondissements en (fausses) pistes. C’est généralement tout à fait convaincant, mais c’est aussi là qu’on sent que les codes habituels ne sont pas encore tout à fait au point, dans ce qui est un premier roman si j’ai bien compris – ou alors c’est culturel ? J’ai bien prévu de lire au moins un autre polar chinois, je pourrai alors mieux comparer. Mais en attendant, disons que, parmi les différentes pistes que l’auteur propose et que les policiers suivent, il y en a un certain nombre qui s’avèrent fausses et qui servent à mieux perdre le lecteur.

    Mais d’autres sont les « vraies » pistes, et alors elles ne sont pas présentées à coups d’indices flous qui participeraient à perdre le lecteur, non ! ici, ce sont de véritables boulevards d’indices, et il faut être vraiment aveugle (ou très, très débutant dans le monde des romans policiers) pour ne pas deviner très vite le nœud de ces passages ! Or, paradoxalement, pour moi qui suis plutôt « nulle » en général à trouver la solution d’un polar, ici c’est presque trop facile, on devine des pans entiers de l’histoire avant même qu’ils soient expliqués « officiellement », à travers un dialogue ou une réunion de la cellule par exemple, et donc c’est bien un peu frustrant. C’est même pire : dans les dernières pages, quand toutes les choses se mettent en place par petits bouts et que le lecteur comprend enfin tous les liens entre les personnages et entre les indices, l’auteur prend en plus le temps de tout réexpliquer. Et alors il ne montre plus, mais il disserte comme un prof donnerait son cours ex cathedra : il devient tout à coup un narrateur omniscient très extérieur, et son écriture, généralement assez didactique, le devient tout à coup trop. C’est comme une surenchère d’explications, peut-être pas gênante en soi, mais elle m’a semblé inutile.

    Il n’en reste pas moins que ce livre est très agréable à lire, avec une plume fluide et généralement assez didactique (avec excès à la fin) mais qui n’empêche pas de plonger le lecteur dans une ambiance de plus en plus tendue, avec des personnages très typés et certains même bien attachants - et on s’y retrouve même dans ces nombreux personnages aux noms bien chinois tellement inhabituels à nos oreilles. L’enquête est prenante malgré les « boulevards » de solutions que l’auteur ouvre par moments. Hâte que la suite soit traduite en français !





    Les détectives du Yorkshire, tome 6 : Rendez-vous avec la ruse de Julia Chapman
    Un appréciable 16/20

    <image>

    Synopsis : La mort aime tromper son monde.
    Enquêter sur un adultère ? Ce n’est pas vraiment le rêve de Samson et Delilah, les détectives de l’Agence de Recherche des Vallons. Seulement voilà, la demande vient de Nancy Taylor, une femme charmante à laquelle on ne peut rien refuser. L’infidèle, quant à lui, est le maire, mais aussi un respectable homme d’affaires et l’ex-beau-père de Delilah. Diable ! Le duo de détectives va devoir marcher sur des œufs...
    Or Samson et Delilah découvrent qu’une affaire peut en cacher une autre. Et que ruses, fourberies ou tromperies sont bien plus présentes à Bruncliffe qu’ils ne le croyaient.


    Mon avis :
    Je me suis lancée dans ce livre sur un coup de tête, à cause d’un challenge/défi en équipe qui porte sur les sagas : plus on avance dans l’une ou l’autre saga, plus on a de points, tandis que les tomes 1 sont pénalisants. Or, vu le nombre de tomes 1 que j’ai lus ces dernières semaines, je suis en train de tirer mon équipe vers le fond, si bien que je me suis dit qu’il était temps de réagir ! Le hasard a fait le reste : je passais récemment par l’une des plus grosses librairies de Bruxelles (Filigranes, pour ne pas les citer) et me suis « perdue » au rayon des cozy mysteries, où la série figurait en belle place !

    Une série qui a une place particulière dans ma vie de lectrice… Ceux qui me suivent le savent : j’ai eu une longue panne de lecture, qui a duré pendant une quinzaine d’années (sachant que mon fils aîné a 14 ans, facile de voir à quoi cette panne pouvait correspondre…) et dont je suis peu à peu sortie il y a environ un an. Cependant, pendant ces 15 ans, je n’ai pas tout à fait cessé de lire, et j’ai même continué de me constituer une petite PAL, essentiellement chez Belgique Loisirs. Il m’arrivait aussi d’acheter l’un ou l’autre livre en passant en librairie – celle où je vais habituellement faisant aussi papeterie, j’y passais régulièrement pour du petit matériel scolaire notamment. Je me rappelle avoir été attirée par la couverture du n° 1, mis bien en évidence quand il est sorti cette année-là… je l’avais lu dans la foulée, et j’ai le souvenir que ça avait été un de ces livres que je n’ai plus pu lâcher, ce qui était tout à fait exceptionnel durant cette période-là ! J’ai ensuite guetté chaque nouvelle sortie jusqu’au tome 4… puis me suis lassée, d’autant plus que ma librairie a cessé de mettre en avant les nouveaux numéros.

    À ce jour, je ne suis toujours pas certaine d’avoir jamais lu le 5, et ne l’ai pas retrouvé chez moi ; pourtant, quand je lis le synopsis, il m’évoque bien « quelque chose »… tandis que les nombreuses références à cette histoire, que l’on trouve dans le présent tome 6, m’ont laissée perplexe, car elles ne m’évoquaient plus rien quant à elles !
    Tout ça pour dire que, même si je l’ai quelque peu laissée de côté dernièrement, j’affectionne vraiment cette série, qui tombait bien à point ! Et la lecture de ce tome 6, même si les références aux précédents étaient parfois perturbantes, est assez facile : ce tome peut se lire assez facilement, à condition toutefois d’avoir au moins quelques souvenirs vagues du contexte planté dans les premiers tomes, car c’est bel et bien une histoire qui évolue.

    Bref, on retrouve ici nos deux héros principaux : Samson O’Brien, revenu au village après des années de silence, traînant encore et toujours une sombre affaire du temps où il était flic infiltré, car quelqu’un (mais qui ?) veut clairement le faire tomber même s’il est innocent, et Delilah Metcalfe, l’unique fille dans une fratrie emblématique du village. Les deux ne cessent de se tourner autour sans jamais parvenir à s’avouer leurs sentiments, trouvant chaque fois de (mauvaises) raisons pour ne pas faire le premier pas l’un vers l’autre, mais mènent leurs enquêtes ensemble, bon gré mal gré.
    Ici, l’enquête principale tourne autour d’une partie de chasse organisée par le magnat de l’immobilier du village – un type bien entendu antipathique, celui-là même qui a spolié le père de Samson, alors alcoolique, en lui achetant sa ferme délabrée mais idéalement située pour presque rien- et le maire du village, également impliqué dans l’immobilier. Une partie de chasse où les deux organisateurs ont invité de potentiels investisseurs bulgares qui ont de bonnes têtes de mafiosi, et bien sûr cette partie de chasse finit mal… Et comme dans les autres épisodes, l’histoire principale est émaillée de plusieurs histoires annexes, dont au moins une ayant pour héros les résidents de la maison de retraite du village… et une autre, plus floue, plus sombre, en lien avec la principale, mais qui ne trouve pas de conclusion dans ce tome-ci !

    Comme dans les autres tomes, le tout est mené dans un climat de tension qui va crescendo : on s’inquiète vraiment pour la mission toute particulière de Delilah, et on tremble avec Stuart, jeune employé de la boîte immobilière du maire, qui va prendre des décisions inattendues sans trop en mesurer les conséquences. Toutefois, cette ambiance de plus en plus flippante est constamment bousculée par cet humour typique des cozy mysteries, et qui est distillé ici par petites touches subtiles et régulières, avec l’éternel Calimero (le braque de Weimar de Delilah, qui a adopté Samson) en guest-star. On tremble et on rit alternativement, parfois les deux en même temps, et on ne se lasse pas !

    Tout cela étant dit, si j’ai retrouvé avec plaisir l’ambiance de cette série et ces personnages si attachants, je n’ai pas trouvé ce tome exceptionnel – et ça me déconcerte quelque peu, car ce livre semble le « meilleur » de la série selon les notes qu’il a récoltées sur les différentes plateformes de lecteurs. Il est vrai que je suis bien incapable de le comparer avec les précédents, car je les ai lus il y a trop longtemps, et à une époque où je ne rédigeais pas le moindre commentaire, pas même quelques lignes pour mémoire !
    Mais pour ce que je me souviens, ce que je reproche essentiellement à cette série est toujours la même chose : ce passé de Samson qui ne cesse de ne pas le rattraper, c’est énervant ! On n’a jamais été aussi proches, dans ce tome, d’une résolution (pas forcément à son avantage), mais décidément ça n’arrive pas, les jours ne passent pas, et on trépigne de voir s’il va enfin s’en sortir (ou pas) ! Et j’en ai déjà parlé, mais ça reste un point central : cette relation entre Samson et Delilah, qui n’en finit pas de ne pas avancer vraiment, c’est encore pire… Tandis que tout le village (ou presque) voit qu’ils se sont rapprochés, qu’ils sont faits l’un pour l’autre, ils agissent quant à eux comme des ados à peine pubères qui ne savent pas trop comment s’adresser à l’autre – typique des jeunes amoureux peut-être, mais ils n’ont plus 15 ans quand même ! On finirait par avoir l’impression que l’autrice craindrait de ne plus savoir autour de quoi broder si elle les met enfin ensemble « officiellement », du coup elle fait durer le plaisir… qui devient trop long !

    Quoi qu’il en soit, ces faiblesses récurrentes, même si elles pèsent quelque peu sur mon plaisir de lecture, ne sont pas rédhibitoires ! On s’agace de voir le sur-place de la relation entre nos deux héros préférés, mais on continue de suivre leurs aventures et autres déboires avec intérêt, emportés par ce mélange habile de tension croissante et d’humour toujours bien présent. Une nouvelle réussite, et puisque, une nouvelle fois, ce tome se termine avec plusieurs portes ouvertes, on attendra le tome suivant (prévu pour novembre semble-t-il) cette fois avec une réelle attention !





    Les enquêtes de Mma Ramotswe, tome 5 : La vie comme elle va d'Alexander McCall Smith
    On baisse, on baisse... 15/20

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    Synopsis : Tout va pour le mieux au bureau de l'Agence N°1 des Dames Détectives. Certes, les clients ne se bousculent pas, mais rien d'alarmant à cela. Pendant que Mma Makutsi savoure sa récente promotion en qualité d'assistante-détective, Mma Ramotswe profite de ce répit pour méditer sur l'avenir de son pays. Seule ombre au tableau : J.L.B. Matekoni, son fiancé, tarde à formuler sa demande en mariage... Mais voici que les affaires reprennent en la personne de Mma Holonga. Cette grande dame de Gaborone cherche mari, comment savoir toutefois si ses soupirants en veulent à son coeur ou à son argent ?

    Mon avis :
    Après le « Rendez-vous avec la ruse » de Julia Chapman pour les besoins de ce challenge auquel je participe, portant sur les sagas, c’est vers une autre série que je me tourne, qui mériterait bien l’étiquette de « cozy mystery », même si ça date d’une époque où ce sous-genre était si peu à la mode qu’on n’en parlait même pas ! Quant à ma propre histoire avec Mma Ramotswe, elle est plus ancienne que ma panne de lecture de ces 15 dernières années, ce qui n’est pas peu dire !

    Je ne suis plus certaine à 100% de comment j’ai découvert la série… probablement au hasard de mes errances en librairie. Je me rappelle que, à l’époque (fin des années 1990, début des années 2000), j’avais suivi plusieurs sagas proposées par la collection des « Grands détectives » de 10/18. Après Frère Cadfael que j’avais beaucoup aimé (et dont je crois avoir lu tous les tomes, en tout cas je les ai retrouvés chez ma maman ! et visiblement ils ont bien été lus), et Nicolas Le Floch que j’avais apprécié jusqu’à un certain point mais qui m’avait agacée dès le tome 4, je cherchais sans doute une autre saga, et suis ainsi tombée sur Mma Ramotswe.
    De mes premières lectures dans la série à cette époque, je me rappelle que j’étais tombée sous le charme de cette dame « à la constitution traditionnelle », et de cet auteur, tout britannique et ex-colon qu’il soit, qui chante réellement l’amour qu’il porte à cette terre africaine qui l’a vu naître et grandir (même si le Zimbabwe, où il est né effectivement, n’est pas tout à fait le Botswana). J’étais donc très enthousiaste à l’idée de reprendre la série, sans plus trop savoir à quel tome j’étais arrivée – je me suis basée sur les seuls synopsis, et je suis quasi-certaine d’avoir lu au moins les 4 premiers, mais ensuite c’est le flou, j’ai donc ré-entamé cette saga à partir du tome 5, et effectivement je n’en avais pas le moindre souvenir.

    Évidemment, après tant d’années et après l’explosion du sous-genre qu’est le cozy mystery, j’ai lu bien d’autres choses, dont une autre série d’Afrique australe : les enquêtes de Tannie Maria, de Sallly Andrews. Autant dire que, avec une telle « concurrence », Mma Ramotswe a perdu beaucoup de son charme !
    Je commence par le détail sans doute le plus futile, mais ceux qui me suivent savent que j’y accorde une certaine importance : dans toute la série, cette couverture est indéniablement la moins attirante ! On peut remarquer, notamment, que les premiers épisodes, qui avaient une couverture unie avec la photo de l’une ou l’autre personne africaine, ont ensuite été réédités dans la lignée des plus récents : ils présentent alors des dessins africanisants très colorés, que je trouve bien sympathiques. Or, le présent tome 5 semble bien le seul qui ait gardé sa couverture d’origine (fond uni avec une personne africaine), sans avoir jamais été revu sous une forme plus « animée » ! et c’est bien dommage.

    Pour le reste, on retrouve avec plaisir Mma Ramotswe et son bon sens teinté d’autant de détermination que d’une certaine indolence que l’auteur ne manque pas de relever comme toute africaine et bienfaisante dans notre époque qui ne cesse de se presser (pour rien) ; son fiancé que tout le monde (même Precious Ramotswe elle-même) appelle de son nom complet Mr J.L.B. Matekoni ; et sa secrétaire-assistante, la dévouée et intelligente Mma Makutsi.
    L’histoire porte ici sur une dame qui a « fait carrière » dans son domaine (la coiffure) sans jamais penser à se marier et qui, se retrouvant désormais avec 4 prétendants, fait appel à l’Agence n° 1 des Détectives, car elle ne sait lequel choisir, en toute connaissance de cause. Ça parle aussi de bons et de mauvais mécaniciens automobiles, et de toute la difficulté de Mr J.L.B. Matekoni de « s’imposer », lui trop modeste alors qu’il est excellent dans son domaine – c’est bizarre comme ces parties-là m’ont fait penser que ce problème n’est décidément pas propre au Botswana ! et il est aussi question d’un saut en parachute sponsorisé pour soutenir la Ferme des orphelins à laquelle Mma Ramotswe et Mr J.L.B. Matekoni sont très attachés.
    Le tout est comme toujours mené sans heurts : l’auteur insiste et ré-insiste sur le fait qu’on est en Afrique, qu’il fait chaud, et qu’il vaut mieux parler (et même palabrer) avec les gens que les braquer, dans le respect de ces traditions immuables qui ont pourtant tendance à se perdre. Il est aussi beaucoup question des rôles traditionnels des hommes et des femmes, ces hommes qu’il ne faut pas trop bousculer car ce sont eux les « maîtres », mais que les femmes sont capables de manipuler (et doivent le faire) avec un don exceptionnel, pour que les choses bougent enfin…

    On a ainsi, sur fond de cet amour incommensurable (que je relevais plus haut) pour l’Afrique, et le Botswana en particulier, une vision à la limite du cliché et clairement « ancienne » du monde, d’un certain mode de vie, ou du partage des tâches dans un couple. Si l’auteur se veut moderne, en montrant par exemple que Mr J.L.B. Matekoni se met à cuisiner un soir pour Mma Ramotswe et les enfants (car ils ont adopté deux enfants), il insiste aussi beaucoup (trop) sur le fait que c’est une immense chance pour Mma Ramotswe d’avoir un homme pareil. Je ne connais pas assez (pas du tout même) le Botswana pour savoir si c’est tellement exceptionnel, et même chez nous le partage des tâches au sein d’un couple reste parfois  - souvent ? - problématique (et les jeunes femmes qui viendront prétendre le contraire : profitez-en !! mais sachez bien que tous les hommes du monde n’ont pas 20 ans et cette tournure d’esprit moderne…), mais la façon qu’il a d’insister là-dessus montre à quel point ça ne semble pas naturel, justement.
    Dès lors, ça aurait presque des allures de leçon de morale à l’attention des hommes botswanais – ou peut-être à l’attention des femmes botswanaises, qu’elles sachent comme manipuler leur mari ? quoi qu’il en soit, cette approche pseudo-moderne donne paradoxalement un petit goût suranné à cette histoire ! Certes, ce n’est pas dérangeant, ça fait même sourire… mais disons aussi que ce n’est pas forcément ce que j’ai envie de trouver (encore et encore, car c’est beaucoup répété) dans un livre dont j’attendais plutôt de la détente !

    Ainsi donc, comme je l’espérais, j’ai retrouvé Mma Ramotswe et son entourage avec plaisir et j’ai réappris à goûter à cette ambiance si typique d’une contrée aride où le temps s’écoule apparemment avec plus d’indolence qu’ailleurs, mais où on prend vraiment le temps de se parler et de s’écouter. Le charme d’une telle histoire semble bien un peu désuet cependant, et l’intrigue même a tendance à traîner en longueur, mais on sait en saisissant un tel livre que ce n’est pas trop pour l’enquête même qu’on le lit !
    J’ai déjà acheté quelques-uns des numéros suivants : je les lirai à leur tour avec plaisir, mais à petites doses, comme un bonbon au petit goût suranné, que l’on déguste sans excès sous peine de se perdre dans ses aspects un peu trop moralisants.





    Bayou, intégrale de C.C. Mahon
    On reste sur 15...

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    Synopsis : Prudence Devreaux est une étudiante sans histoire dans une petite fac de Louisiane.
    Une série de morts suspectes la place au coeur d'une lutte sanglante entre deux forces surnaturelles. Prudence doit se battre pour protéger sa vie, ses amies, son avenir... Et son essence même.
    Sans parler du démon qui a décidé de commettre un massacre à la parade du Mardi Gras.
    Les cultures cajun, créole et anglo-saxonne se mélangent entre fête typique et bayou mystérieux.


    Mon avis :
    Cette intégrale rassemble apparemment les trois tomes de la saga intitulée à l’origine « Bayou fantasy », dont les titres respectifs étaient « Le carnaval du démon », « Rythme d’enfer » et « Légion ». Cependant, contrairement aux quelques intégrales que j’ai lues récemment, celle-ci ne propose pas de distinction entre les différents tomes originaux qui la composent, et propose d’ailleurs des chapitres qui vont de 1 à 95 sans interruption. On sent tout au plus le passage entre le tome 1 et 2, car tout à coup le début d’un chapitre (mais je ne sais plus lequel, car je ne l’ai pas noté) répète quelques éléments qui ont été dits juste avant et de la même façon, si bien que le lecteur ne peut avoir oublié au point d’avoir besoin d’un rappel aussi précis… sauf dans le cas où il se serait agi de deux tomes distincts, avec le risque qu’ils soient ne soient pas lus l’un à la suite de l’autre. Si l’autrice a retravaillé son texte en vue de la présente intégrale, c’est le seul détail qui lui a alors échappé ! En revanche, le passage entre le 2e et le dernier tome était tellement fluide que je ne me suis pas trop rendu compte où il pouvait bien être marqué !
    Je ne ferai donc pas, comme je l’ai fait pour les précédentes intégrales lues, une critique sur chaque partie séparément, puisqu’ici elles sont à peine perceptibles.

    Ainsi donc, on fait la connaissance de Prudence (qui s’exprime de bout en bout à la 1re personne du singulier), jeune fille de la Louisiane, familière de ses bayous typiques. Fille d’un couple de commerçants, les responsables de l’unique magasin d’un tout petit village, elle souhaite une autre vie, et s’est lancée dans des études pour devenir institutrice, et guide des touristes dans le bayou pour arrondir ses fins de mois. Elle est sympathique et entourée de ses amis : sa coloc Maddie avec qui elle s’entend très bien, et sa meilleure amie Cynthia, qui a un frère jumeau David peut-être bien amoureux d’elle. Mais lorsque Maddie se suicide tragiquement au cours d’une soirée, alors que Prudence essaie de la sauver, tout bascule. Dès lors, avec Prudence nous faisons connaissance du bien sympathique mais intriguant inspecteur Anthony Moore, et surtout d’une nouvelle dimension, surnaturelle, où esprits et démons s’affrontent perpétuellement…

    Ma première impression a été que ce livre est quand même terriblement « jeunesse », bon ok, « young adult » peut-être, mais décidément, avec ses héros dont l’âge oscille entre à peine majeurs et tout au plus la petite trentaine, je me suis sentie réellement déphasée ! Comme trop souvent dans ces cas-là, les seuls personnages d’un âge mûr-mais-pas-trop sont très secondaires et souvent à la limite de l’antipahtique, ou bien ce sont les grands-parents plus ou moins bienveillants mais trop éloignés. Certes, je n’ai pas besoin de lire des livres avec des personnages auxquels je devrais absolument pouvoir m’identifier, mais j’ai désormais du mal, parfois, à vraiment « entrer » dans une histoire dont les préoccupations sont tellement éloignées de ce qui m’intéresse au quotidien ou me fait rêver. En d’autres termes : ce livre ne « me parle pas » tout à fait, il manque ce petit quelque chose, un brin de maturité peut-être ? je ne pourrais dire, or cet effet est accentué par le fait que la narration soit de la voix d’une étudiante de pas 20 ans. Ce ressenti est assez difficile à expliquer et je crains que les plus jeunes qui liraient cet avis, interpréteraient que je n’aime pas la littérature jeunesse – ce qui n’est pas le cas ! mais ici, elle ne m’a rien apporté de plus que du « pur jeunesse » ; or, peut-être en attendais-je autre chose sans trop m’en rendre compte au départ ?

    Cela dit, malgré ce décalage constaté entre mes probables attentes non exprimées et la réalité de cette narration, on se laisse quand même très vite prendre par l’ambiance générale que dégage ce livre. On entre directement dans le bayou, avec Prudence sur son embarcation, et on y croit du début à la fin, même quand les choses virent à un surnaturel inattendu et de plus en plus improbable. Les descriptions de cet univers particulier, que l’on découvre par petits bouts au fil des allées et venues de Prudence, ou de ses souvenirs avec son « Papère » qui avait une cabane sur le bord de ce bayou, sont convaincantes sans jamais peser, car elles sont distillées habilement tout au long de la narration, de telle sorte qu’on a vraiment l’impression d’y être avec Prudence ! Cet aspect « roman d’ambiance » est à mon sens très réussi, et le gros point positif de ce livre.

    Cette ambiance est portée par une écriture extrêmement fluide et entraînante, mais pas exceptionnelle non plus. À nouveau, c’est sans doute le choix de tout narrer à la 1re personne du singulier dans la bouche d’une jeune étudiante qui provoque cette impression : on nous raconte une histoire, il y a quelques vagues jeux de mots sur les démons, mais ça s’arrête là. Ce n’est pas plat non plus, ce n’est pas ça que je veux dire ! c’est même plutôt sympathique, mais ce n’est pas une plume qui embarque ; on est à la limite de la rédaction scolaire qui aurait bien tourné, et avec suffisamment d’imagination pour en faire tout un livre, mais il n’y a pas d’effets, pas de surprise littéraire, pas d’émerveillement, juste la narration au 1er degré, point-barre.
    En parlant de rédaction scolaire… On est en autoédition, et vlan on constate le retour des fautes d’orthographe ! Elles ne sont pas rédhibitoires, mais il y en a quand même un certain nombre. Outre quelques fautes plus typographiques qu’orthographiques, quelques mots mal accordés (dont quelques participes passés, même utilisés avec être ! au féminin ça s’accorde…), on a surtout la confusion désormais traditionnelle entre les phonèmes /é/ et /è/ , qui se marque dans des erreurs de graphie dans les terminaisons des conjugaisons, entre –ai et –ais => ici c’est l’absence de distinction entre passé simple et imparfait à la 1re personne du singulier. À nouveau : ce n’est pas vraiment grave, mais c’est dommage… surtout quand on a choisi d’écrire toute l’histoire en utilisant exclusivement cette 1re personne du singulier !

    Pour le reste, je disais plus haut que je n’ai pas remarqué de « passage » entre les différents tomes… mais ce n’est pas tout à fait vrai ! En réalité, malgré les quelques réserves émises ci-dessus, j’ai plutôt bien aimé le premier tiers du livre, entre descriptions du bayou, découverte d’un nouvel univers, et cette relation (qu’on ne sait trop comment nommer, entre amitié et attirance pourtant freinée par la différence d’âge semble-t-il) entre Prudence est « son » inspecteur, comme disent ses amis. Peu à peu on tombe dans le surnaturel, on découvre un nouvel univers bien construit, avec toute une galerie de (nouveaux) personnages bien typés – dont la fameuse Céleste, nouvelle coloc de Prudence puisque la moindre place vacante dans cette résidence universitaire est aussitôt prise, personnage bien sympathique qui va prendre de plus en plus d’importance dans la vie de Prudence. Et, mieux encore : les choses aboutissent, tout en laissant une porte ouverte pour la suite des aventures de nos héros. Le 2e tiers du livre (on l’a compris, ça correspond peu ou prou au 2e tome) est un peu émoussé, car désormais on a rencontré la plupart des autres personnages, mais une toute nouvelle intrigue (toujours centrée sur le même sujet, mais traitée de façon moderne et originale) permet d’entretenir un certain suspense et dès lors l’intérêt du lecteur. En revanche, comme je remarquais en entrée, il n’y a pas vraiment de distinction quand on passe au 3e tome, car l’intrigue principale de ce « Rythme d’enfer » n’est pas résolue, et ne fait même que s’aggraver, obligeant Prudence est ses amis à poser des choix parfois très difficiles… sauf que l’autrice ne parvient plus à convaincre. On va d’échec en échec pour Prudence, l’absence constante de solution, les mauvais choix qui sont assez bien exploités mais sans convaincre tout à fait… et surtout, dans tout ce dernier tiers, qu’est-ce que je me suis ennuyée !! J’avais l’impression de lire toujours la même chose avec à peine de menus changements d’une action à l’autre. Si l’autrice voulait ainsi marquer l’inanité de nos efforts, quels qu’ils soient, face au Mal représenté ici de façon surnaturelle, c’est tout à fait réussi, mais ça a surtout été très lassant !

    Ainsi, je retiendrai surtout de ce livre une ambiance particulière, qui mêle traditions cajuns et spiritualité hoodoo, dans une histoire assez improbable mais dans laquelle on se laisse emporter car elle est convaincante, notamment grâce à la description subtile et bien dosée de ces aspects. En revanche, l’intrigue même est inégale d’un tome à l’autre : le premier tient bien la route, le deuxième accroche moins mais reste entraînant, tandis que je me suis carrément ennuyée dans le troisième ! L’écriture fluide mais un peu trop scolaire m’a paru sympathique sans réellement m’embarquer. Lirai-je jamais la suite des aventures de Prudence, annoncées en presque-cliffhanger, dans une nouvelle saga nommée « Bayou détective » ?

  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #149 29 Octobre 2021 15:43:38

    Bonjour tout le monde,

    Voici à nouveau très longtemps que je ne suis plus venue ici... et je suis en train de me demander si je vais vraiment poursuivre ce suivi! :grat:
    D'une part je ne suis pas très populaire :ptdr: et à vrai dire je m'en fiche un peu, mais surtout, d'autre part, ça me prend vraiment beaucoup de temps! Pas tellement de rédiger mes avis (enfin, si, ça prend du temps, mais je le fais de toute façon sur des documents Word: je ne veux plus me retrouver dans 1 mois, 1 an, 10 ans, à me dire: ah mais si j'ai lu ce livre... mais est-ce que j'ai aimé? et, quelle que soit la réponse, pourquoi?...), mais bien de mettre tout ça en forme ici, et de constater que je n'arrive même pas à être régulière!

    Pour ceux et celles que suivaient mes avis, sachez quand même que:
    * pour les formes courtes, je continue de les publier sur la fiche de chaque livre, dans la limite des 400 signes demandés par LA ;
    * pour les formes longues, eh bien j'avoue: je continue de les poster sur Babelio, tout simplement parce que la plateforme s'y prête bien! J'y ai le même pseudo, donc vous devriez me retrouver sans problème! ;) (c'est ici )

    Je ne vais pas pour autant mettre ce suivi-ci en pause, mais je ne cherche plus non plus à être régulière, puisque de toute façon ça ne marche pas!
    Pour commencer, de toute façon, je vais devoir remettre mon index à jour, au moins je saurai moi-même ce qui a déjà été publié ici ;) ... et ce que je pourrai mettre un jour ou l'autre, peut-être.

    Et pour clôturer ce jour, je vais quand même ajouter mon avis forme longue de Sirius, car il y a quand même une limite de caractères, que j'ai dépassée sans savoir! Il a été écrit le 27 août dernier et je n'y ai pas retouché depuis lors. Certains l'ont trouvé divulgâchant; je l'ai lu et relu, je ne vois pas où... mais de toute façon je n'oblige personne à le lire, et encore moins à être d'accord avec moi! ;) ce n'est que mon humble avis, sur un livre que j'ai moins apprécié que la majorité, c'est tout.

    Sirius de Stéphane Servant
    Je ne lui ai mis que 11/20...

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    Synopsis : Alors que le monde se meurt, Avril, une jeune fille, tente tant bien que mal d'élever son petit frère, Kid. Réfugiés au coeur d'une forêt, ils se tiennent à l'écart des villes et de la folie des hommes... jusqu'au jour où le mystérieux passé d'Avril les jette brutalement sur la route. Pourchassés, il leur faut maintenant survivre dans cet univers livre au chaos et à la sauvagerie. Mais sur leur chemin, une rencontre va tout bouleverser : Sirius.
    Avec ce road trip post-apocalyptique, Stéphane Servant signe un grand roman d'aventure, brut et haletant.


    Mon avis :
    Ce livre, qui n’aurait pas forcément attiré mon attention autrement, faisait l’objet d’un Book club et d’une lecture commune sur plusieurs challenges, si bien que je me suis lancée dans les deux. Et je dois bien dire que, pour la première fois, moi qui aime beaucoup les lectures communes (même si elles ne constituent qu’une petite part de mes lectures au total), je ne l’ai pas vraiment bien vécue. C’est que, au fil des pages, j’ai été saisie d’un malaise de plus en plus grand face à l’intrigue ; or, parallèlement, la majorité des co-lecteurs encensaient de plus en plus ce même livre ! et, partant, le sentiment d’être « seule contre tous » a enflé en conséquence.
    Suis-je tout simplement trop émotive / sensible / susceptible ? – trois synonymes, mais tous légèrement différents, tous possibles à vrai dire… quoi qu’il en soit, cette LC est devenue difficile pour moi car, quel que soit le bout d’avis que l’on donne sur la plateforme de partage, on craint d’avance la façon dont il va être reçu. C’est là le problème des mots, surtout à l’écrit : leur force de pouvoir dire tant de choses, mais leur faiblesse du fait que chacun les entend avec ce qu’il est, ce qu’il ressent à un moment précis – et quand le ressenti est à ce point différent, voire opposé à la majorité, malgré toute la bienveillance dont cette majorité tente généralement de faire preuve, on se sent bien isolée et on en perd même toute envie de poursuivre la lecture…. Ainsi, j’ai choisi de m’éloigner de cette LC alors que j’étais aux 59% de ma lecture, pour continuer « toute seule », plus sereinement.

    Oh ! je n’ai pas trouvé que du mauvais, dans ce livre, bien au contraire ! Il n’en reste pas moins que, maintenant que j’ai tourné la dernière page, c’est un sentiment de consternation qui domine.
    D’abord, l’une des choses que j’entends le plus fréquemment est que Stéphane Servant a une écriture magnifique, qu’il faut absolument le lire – et beaucoup comparent avec l’un ou l’autre de ses autres livres, mais pour moi c’est le premier livre de sa plume que je lis… et je ne suis pas certaine que j’en lirai jamais un autre ! Certes, l’écriture est belle, elle a quelque chose de poétique et/ou onirique, je le reconnais tout à fait. Il « montre » les choses bien davantage qu’il ne les « décrit », et c’est prenant car c’est précisément là tout l’art d’un écrivain – c’est aussi ce qu’on m’a toujours enseigné en atelier d’écriture, encore faut-il y parvenir, et clairement Stéphane Servant le fait bien. Mais soyons sérieux : cette écriture n’est pas non plus éblouissante ! J’ai déjà rencontré des livres qui m’ont emportée rien que par leur écriture, or ce n’est pas le cas ici ; pour moi la magie n’a pas opéré, même si je la sens bien un peu. Peut-être est-ce tout simplement trop « jeunesse » à mon goût ? Mais oui, je peux comprendre qu’une telle écriture charme et accroche, comme un certain joueur de pipeau attire tous les enfants du village, qui vont le suivre jusqu’à la rivière, hypnotisés, tandis que moi, (trop ?) adulte, je reste en arrière… mais au moins je ne finirai pas noyée !
    Je précise tout de suite : je ne pense pas un seul instant que l’auteur ait eu une démarche revancharde comme le précité joueur de pipeau. Cependant, il envoûte un peu de la même manière, et si ses intentions à lui sont positives, elles n’en sont pas moins discutables.

    On est donc sur les routes en compagnie d’Avril, une ado à qui on donnerait autour de 15-16 ans mais sans aucune certitude, les âges n’étant jamais précisés ; accompagnée de son peut-être petit frère, Kid, à qui mes calculs donnent à peu près 6 ans (Avril l’ayant « sauvé » alors qu’il était encore au berceau, donc bébé, mais ça pouvait être aussi bien 6 que 18 mois, or l’histoire se passe 5 ans plus tard), mais ce n’est jamais certain. Depuis une guerre qui a tout détruit autour d’eux, et dont les résidus restent une menace, comme ces bombes non explosées que l’on peut encore croiser çà et là, et un risque nucléaire constant, sans même parler de secousses sismiques devenues régulières (mais qui ne semblent pas dramatiques cela dit), ils vivent dans un arbre aménagé, sur leurs maigres rations, et vont parfois jusque chez Madame Mô, une ancienne domestique, âgée, qui vit désormais seule dans ce qu’il reste de la maison de ses anciens patrons. On est dans un monde post-apocalyptique, les premières pages décrivent les choses de façon assez glaçante et réaliste, avec aussi une attention écologique pas très poussée à ce moment-là, mais on la sent venir et grandir de plus en plus – ce n’est pas seulement la guerre qui a conduit le monde à ce désastre apocalyptique, mais aussi l’inconscience des hommes, leur surexploitation des ressources, leur non-respect de leur environnement.
    Et puis un jour, Avril et Kid croisent la route d’une bande d’Étoiles noires, qu’on comprend vite être un groupe d’extrémistes religieux, composé lui aussi d’enfants tout juste ados, soit dit en passant. Ils sont à la recherche d’Avril, que leur chef, un certain Darius complètement fanatisé, semble aimer autant que détester. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à fuir, et aller vers « la Montagne »…

    L’intrigue est donc leur road-movie à travers les décombres d’une vie d’avant, une vie faite à l’image de l’homme conquérant maître du monde tel qu’on en a un trop grand nombre actuellement. C’est un monde apocalyptique assez réaliste, mais à mes yeux presque trop « doux » par rapport à la réalité, hélas. Eh oui : la réalité a tragiquement rejoint la fiction. Certaines de ces images post-apocalyptiques d’un monde de demain bien que non daté, eh bien, elles se sont tristement illustrées cet été : en Belgique et en Allemagne, pour les rivières qui charrient maisons, voitures et leurs propriétaires morts, au milieu des boues et autres déchets, probablement toxiques ; ou en Grèce … et même en Suède ou en Sibérie ! pour les forêts qui disparaissent dans des flammes incontrôlables. Ce monde post-apo, ce n’est donc pas un monde de demain, il est déjà là ! Et, comme vous pouvez (peut-être) imaginer, j’ai été bien plus bouleversée par les images que la télévision belge passait en boucle, de ces drames vécus à quelques kilomètres de chez moi, que par ce récit où deux enfants pas très nets évoluent, mais dont le côté poétique semble presque « plat » par rapport à la réalité vraie que des presque-voisins ont vécue hier…
    Cela dit, si un tel livre peut aider à conscientiser les jeunes (et moins jeunes) au drame que la Terre est en train de vivre, dans la mesure où certains d’entre eux n’ont peut-être pas cette prise de conscience dans leur milieu familial (qui est le premier que l’on côtoie), alors j’ai envie de dire : oui, lisez-le, partagez-le dans les écoles ! Mais pour moi donc, ce n’est que de la répétition de choses connues depuis longtemps (c’est depuis les années 1980 que certains scientifiques tentent de nous alerter sur les conséquences des bouleversements climatiques, pour ne citer que cette problématique-là !) et qui par ailleurs n’offre pas vraiment de solution – si seulement il y en a une…

    Malheureusement, j’ai aussi trouvé ce récit très « orienté », car sous le couvert d’une belle écriture, j’ai quand même eu la forte impression d’entendre ici un discours prônant le véganisme, ou peut-être l’antispécisme, qui sont les deux facettes d’une même façon de voir les choses. Je n’utilise pas ces mots à la légère ; mots qui ne sont jamais cités dans le livre hein, ce n’est pas ça que je dis ! En réalité, j’ai été relire les définitions qu’en donne Wikipédia. Ça vaut ce que ça vaut, mais je vous invite à les consulter (comme moi le 26 août), pour que mes propos puissent être compris avant d’être interprétés : https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9ganisme et https://fr.wikipedia.org/wiki/Antisp%C3%A9cisme.
    Or, de telles théories  me hérissent d’emblée, à cause de leur capacité quasi-systématique à culpabiliser plus ou moins explicitement tout qui pense autrement. Pour la petite histoire, je dois vous relater cet épisode avec une collègue végane. De sa bouche, j’ai eu droit, à plusieurs reprises, à un véritable discours moralisateur, sur le bien-être animal (que je plussoie), sur les bienfaits du véganisme (que je ne partage pas), et j’en passe. À chaque fois, j’avais l’impression d’entendre un sermon dans une église où j’aurais été entraînée malgré moi, qui essayait de convertir la malheureuse (ou méchante ?) « flexitarienne » que je suis. Et puis un jour, j’étais sans doute d’humeur maussade pour une quelconque raison extérieure ce jour-là, ce énième discours m’avait irritée, si bien que je lui avais répondu sèchement : « Non, pas flexitarienne, je suis omnivore, tout simplement, comme l’espère humaine et comme les cochons ! » Elle l’avait mal pris (comment autrement ?), et rassurez-vous : nous avons ensuite pris le temps de nous excuser mutuellement… Toutefois le mal était fait, et a renforcé mon sentiment de me trouver face à une espèce de nouvelle « religion » dès lors qu’il s’agit de ces sujets-là, auxquels on adhère et alors tout va bien, ou bien on n’y adhère pas (tout à fait) et on représente « le mal ». Or, ce roman délivre bien un peu un message du même acabit.
    Certes, l’auteur a raison : l’homme exploite honteusement la terre et les animaux, il détruit la nature à tour de bras, le sait mais ne veut pas le voir –ça n’a rien d’une nouveauté, encore faut-il pouvoir l’entendre… Il dénonce bien évidemment, et à raison, des choix bien humains tels que l’agriculture intensive ou l’élevage de masse, dans l’irrespect le plus total, le plus inacceptable, de la terre et de ses habitants. Stéphane Servant n’est ni le premier ni le dernier à dénoncer ces actes de barbarie, mais sur le principe il a tout à fait raison !

    Sur la forme, en revanche… Je pense tout simplement qu’il va trop loin, partant dans un extrême à l’oppose de celui qu’on connaît… mais je me méfie des extrêmes, et de la sorte son point de vue décrédibilise son message, finalement ! Pour ma part en tout cas, je ne crois pas un seul instant à une quelconque fable où tous les animaux, hommes inclus, seraient égaux et marcheraient ensemble vers un même but ! Soit dit en passant, cette vision a quelque chose de très noachique, assez déconcertant de la plume de quelqu’un qui, par ailleurs, avance un véritable plaidoyer antireligieux (en parlant ici de nos religions « traditionnelles »)…
    Pour commencer, un « détail » en particulier me pose question : de tels courants de pensée, quoi qu’on en pense, sont assez typiques de notre monde occidental privilégié, ce qui me gêne beaucoup quand on parle d’écologie, de la Terre, du futur des hommes et des animaux… qui sont donc des valeurs universelles, qui sont censées concerner tous les hommes et tous les animaux. Rappelez-vous, aussi, ou sachez, pour ceux qui ne le savent pas, que je travaille depuis près de 16 ans désormais dans le domaine de l’aide humanitaire… sujet tellement sensible, revenu sur le devant de la scène ces derniers jours notamment à cause des événements en Afghanistan ; et pour moi, le sort de tous ces hommes, ces femmes, ces enfants ne peut être dissocié de ces autres problématiques universelles telles que le bien-être animal, le respect de la nature, etc. Tout est lié ! mais tant d’auteurs pro-bien-être animal pensent aux animaux en priorité, et ça, pour moi c’est insupportable – c’est du spécisme retourné contre l’humain…
    Dès lors, c’est un peu « facile » (que ce soit voulu ou juste sans y penser) d’exclure d’une telle fable la moitié – si pas plus - de l’humanité et les animaux gênants !

    Commençons par ces derniers : avez-vous remarqué comme le choix les animaux qui apparaissent tour à tour est opportun, d’une certaine façon ? Oh, bien sûr, l’auteur a bien veillé à bousculer le lecteur, je ne le nie pas : ce sont bel et bien des animaux qui peuvent surprendre, voire déranger, entre l’animal d’élevage/domestique (si, si : je connais plusieurs familles où un Sirius est choisi comme animal de compagnie !), l’animal de trait, l’animal dangereux ou le nuisible… Spontanément ils dégoûtent ou ils font peur, mais ça pourrait être bien plus terrible ; et puis bon, trois d’entre eux sont omnivores, le quatrième est herbivore, en quelque sorte ils restent « acceptables ». Imaginons la même histoire avec de purs carnassiers, par exemple respectivement un chat (pour la compagnie), un chien-loup (oui, oui, comme Croc-Blanc, qui a bien été chien de traîneau), un lion et un scorpion… ça aurait été tout de suite beaucoup plus compliqué à mettre en scène !
    Bon, d’accord, je vais peut-être moi aussi trop loin, après tout c’est la liberté de l’auteur d’avoir choisi les animaux qu’il a choisis. Tournons-nous du côté des humains alors, et des décisions parfois extrêmes qu’il faut prendre dans certaines situations. Alors, comment iriez-vous expliquer, dans certains pays en guerre (et ils sont nombreux !), qu’il faut manger des plantes quand il n’y a plus rien et que de toute façon rien ne pousse, et qu’il ne faut surtout pas braconner ces animaux qu’on appelle aussi parfois « viande de brousse », car non, ce n’est pas bien ?! En effet, non, ce n’est pas bien. Pourtant, ça permet à peine de survivre… J’avais été tellement outrée, il y a quelques années, en voyant une émission que j’apprécie pourtant d’habitude ( « Le jardin extraordinaire », l’une des plus anciennes, et généralement très belles émissions de la 1re chaîne de télévision belge francophone) où les présentateurs, non seulement dénonçaient ce braconnage, avec raison certes, mais en plus accablaient celles et ceux qui le pratiquent, au lieu de fustiger les vrais responsables. Or, certaines scènes du livre m’ont fait repenser à ce reportage, et j’en suis restée ahurie. Stéphane Servant vit-il donc dans un monde de bisounours où tout le monde va bien, merci, et ne fait qu’exploiter les animaux sans réfléchir ? La faim n’est-elle pas un moteur autrement plus puissant que toutes les théories bien-pensantes ? Certes, la « faim dans le monde » ne sera pas résolue demain… mais je ne suis pas certaine que le point de vue prôné ici aide à la résoudre jamais. Honnêtement, Monsieur Servant, posez-vous la question : si demain vous crevez de faim, si votre mère, votre père ou votre enfant se meurt de faim sous vos yeux, allez-vous vous contenter de le/la regarder sans rien faire ; allez-vous ignorer une source de protéines qui se balade sous vos yeux sans y toucher parce que tué lé zanimos, lé pas bien ?...

    J’arrive là à un autre problème majeur de ce livre… et je suis presque soulagée : je ne sais pas trop ce que mes co-lecteurs en pensent, le sujet ayant été à peine évoqué avant que je m’écarte quelque peu du salon de partage, mais j’ai quand même lu ici ou là un certain nombre de critiques (très) négatives sur Kid. Pour ma part, je n’ai rien à redire de Kid en tant que personnage : c’est un enfant, plutôt bien décrit en tant que tel, avec sa spontanéité mêlée d’une part d’inconscience, sa joie de vivre qu’un rien éteint ou rallume, et aussi son étrangeté… Dans un premier temps, je me suis demandé si l’auteur voulait nous le présenter comme un enfant « simple » voire « simplet », nous sensibilisant à la thématique du handicap... Après tout, outre l’attachement à la terre et aux animaux, il aborde plusieurs autres sujets sociétaux, sur lesquels je ne m’attarderai pas dans ce commentaire, qui sera déjà bien assez long ainsi ! mais je pense notamment à la problématique des réfugiés aux portes de nos villes, ou les extrémismes religieux (que l’auteur ne semble pas distinguer des religions en tant que croyance modérée, on comprend qu’il ne voit les religions que par le prisme de l’extrémisme… mais comme dit plus haut, je ne vais pas approfondir ce sujet-là, qui n’est de toute façon pas central).
    En parlant de personnage : j’ai aussi beaucoup aimé l’évolution d’Avril, son souci constant et infaillible envers Kid, quelles que soient ses motivations ; et le Conteur est juste « terrible » !
    Bref, je digresse, mais donc : pourquoi pas le handicap ? Mais non, on comprend peu à peu que c’est autre chose… mais quoi ? Quoi qu’il en soit, ces traits de caractère de l’enfant ne m’ont pas dérangée en tant que tels, Kid était tout à fait bien typé dans son genre, pas de souci là-dessus.

    Ce qui est beaucoup plus problématique à travers ce personnage de Kid, c’est le message improbable, et bien un peu contradictoire, que l’auteur a voulu faire passer (pour ce que j’en ai compris !), et plus encore, la façon dont il s’y est pris !
    D’abord, on est d’accord sur le point que, à travers tout son livre, l’auteur tend à dire que les hommes et les animaux sont égaux… et pourtant il ne cesse de les distinguer lui-même ! Il y a plusieurs passages que j’ai trouvés ambigus en ce sens, et notamment ce bout de dialogue, pas trop spoilant je pense, qui m’a fait tiquer (parmi d’autres) : « - Oui, je ne sais pas comment c’est possible mais Kid comprend ce que vivent les animaux. Il entend leurs pensées. – C’est comme s’il était lui-même un animal, n’est-ce pas ? »
    Pourtant, si un homme = un animal, c’est que l’homme est un animal, point-barre, ça ne peut pas être « comme si »! Il aurait été plus correct, plus réaliste, de dire que Kid a une sensibilité animale plus exacerbée que bien d’autres, par exemple, un réel don de communication. Après tout, même au sein de l’espèce humaine, certains sont plus doués que d’autres pour communiquer ! Mais ici la formulation est pour le moins maladroite… Oui, je joue sur les mots, mais je reste sur mon idée : soit l’homme (et particulièrement l’enfant Kid) devient peu à peu un animal, mais c’est contradictoire avec la théorie selon laquelle l’homme et les animaux sont tous égaux dès la naissance…

    … soit il est un animal, certes humain, mais alors pourquoi ne peut-il pas conserver ses caractéristiques d’animal humain, dont un langage propre ?
    C’est là probablement l’un des pires choix de l’auteur dans ce livre ! Il n’y a aucune raison que Kid régresse au point d’adopter le langage d’un tout petit enfant, voire pire. Certes, le débat existe : le langage est-il inné ou acquis chez l’être humain ? De ce que j’ai appris lors de mes études, et lu en regardant vite fait sur Internet, il est un peu des deux… Il est en partie inné, en tout cas l’être humain naît avec tous les attributs nécessaires pour que ce langage puisse se développer. Ensuite, pour peu que le petit d’homme soit suffisamment entouré, encouragé, motivé, ce langage s’acquiert sans aucun problème. Et même dans des conditions de non-scolarisation ! Prenons par exemple le cas de trop de petites filles, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie du Sud (encore l’Afghanistan…), privées d’école parce que c’est trop cher et/ou trop loin et/ou parce qu’elles sont des filles, tout simplement : elles sont pourtant elles aussi tout à fait capable d’un langage articulé et cohérent ! Certes elles ne vont pas faire un discours philosophique sur l’être ou ne pas être demain matin, mais elles sont capables de s’exprimer et de se faire comprendre avec suffisamment d’aisance ! L’exemple extrême inverse serait celui de l’un ou l’autre « enfant sauvage » qui aurait grandi loin de toute attache humaine (on pense au célébrissime Mowgli), ou séquestré dans un environnement particulièrement nauséabond (il y a hélas aussi des cas recensés), où l’acquisition du langage n’a pas pu se développer, et devient quasi-impossible à partir de la puberté (si tant est que des enfants ainsi traités survivent jusque-là).

    Mais ce n’est pas le cas de Kid : il n’est pas abandonné, et si Avril n’a pas les compétences pédagogiques d’une institutrice par exemple, elle n’en est pas moins un autre être humain qui veille sur lui, qui lui parle (or c’est bien là le moteur principal !) et s’efforce sans cesse de le « tirer vers le haut » comme elle peut, notamment pour ce qui est du langage. On a de nombreuses scènes où elle corrige les erreurs de langage du petit avec une patience dont manquent bien des professeurs ! Les deux enfants font ensuite plusieurs rencontres humaines, de personnages qui n’ont aucun souci de langage… Et pourtant Kid ne cesse de régresser…
    Dès lors je me demande, toujours suivant le présupposé du livre selon lequel un être humain = un animal : un animal (autre qu’humain) privé de compagnie perd-il lui aussi toute capacité au langage propre à son espèce ? Je n’ai jamais entendu cela, et ce n’est pas ce que l’auteur laisse entendre, au contraire – on a un magnifique brame du cerf, par exemple ! Alors, finalement, qu’est-ce que Kid ? Pourquoi l’auteur le traite-t-il ainsi ? L’enfant devait-il vraiment perdre cette capacité de langage propre à son espèce à lui, l’espèce Homo, pour pouvoir partager une compréhension universelle de la nature et des animaux ? Merci, mais non merci : dans ces conditions, ça ne m’intéresse pas !

    Pire encore : pourquoi l’auteur a-t-il cru utile de noter la moindre parole de Kid, dans cette transcription orale exagérée, dont je donnais un petit exemple (inventé) plus haut ? Cette façon d’écrire est déjà bien énervante dans les livres qui tentent de retranscrire l’oralité, quand il s’agit d’un accent régional ou prolétaire par exemple. Mais ici, on a droit à ce non-français à la moindre parole de Kid – or, étant personnage principal, et même si les dialogues ne sont pas dominants dans ce livre, il intervient quand même beaucoup… et ce choix d’un langage phonétique qu’on pourrait attribuer à un tout-petit (ou à une personne handicapée, à nouveau…) est de pire en pire. C’est aussi inopportun qu’agaçant ; cette façon d’écrire « on copie l’oral » m’a toujours horripilée dans les livres qui font ce choix… mais ici on a réellement attrapé le pompon !

    Pour finir, c’est un peu difficile de résumer tout cela, et il y a de nombreux points que je pourrais encore développer, mais je m’abstiendrai car tout ceci est déjà bien trop long. Ainsi, je dirais que le principal mérite de ce livre est d’avoir ré-attiré l’attention des lecteurs, peut-être même « primo-attiré » l’attention de certains dont les plus jeunes, sur des problématiques écologiques brûlantes d’actualité, mais trop souvent encore minimisées. À travers une écriture souvent belle, à tendance onirique, il est plutôt convaincant… mais provoque néanmoins un débat houleux entre ses admirateurs et les plus réservés (dont moi), gênés par son côté quelque peu extrémiste dans cette obsession toute occidentale de l’égalité entre hommes et animaux. Le comble a été atteint avec les derniers chapitres, que je ne veux pas dévoiler bien sûr, mais je ne peux m’empêcher de signaler que je les ai trouvés complètement délirants (

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    il encense carrément un meurtre qui a quelque chose de « rituel », cette punition de l’ensemble des animaux, contre le méchant absolu qui représente la mort, pour que la nature puisse revivre après un long sommeil réparateur ?!, ce serait bien un peu biblique, en plus !

    ), et je n’ai plus lu les toutes dernières pages qu’en diagonale, car j’étais vraiment trop consternée. Pour moi ce n’est pas une fin ouverte, c’est un délire, qui justifie toutefois la numérotation inhabituelle des chapitres ; mais là encore, je n’ai pas été convaincue.
  • Grominou

    Administratrice

    Hors ligne

    #150 29 Octobre 2021 16:30:39

    Tu sais, ce n'est pas parce les gens ne laissent pas de commentaires qu'ils ne te lisent pas!  Aussi, pour ce qui est du temps pris pour la mise en forme, celle-ci n'est pas obligatoire, tu peux mettre juste le texte. ;)