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"L’humanité n’était pas tout à fait retombée en enfance. Il lui arrivait de pouvoir supporter sans trépigner sur place l’exposé de quelques situations ambiguës, le développement de quelques vérités boiteuses et dont on lui disait qu’elles le resteraient, et même qu’elles n’étaient vérités que parce qu’elles étaient boiteuses.

L’humanité de ce temps-là ne faisait pas régner à tout propos la terreur victimophile. Elle n’avait pas encore cette assurance de qui a le vent de la modernité dans les voiles quand il s’indigne [...]

C’est dire aussi que cette humanité n’était pas devenue totalement étrangère à la littérature.

Et j’appelle étrangère à la littérature toute personne capable de penser, fût-ce une seconde, que les écrivains sont des animateurs ou des animatrices de garderie, de camp scout ou de crèche, des militantes du postféminisme, des souteneurs de la posthomosexualité, pour ne rien dire des combattants du postracisme et des sectatrices de la parité.

J’appelle aussi étrangère à la littérature toute personne qui s’imagine que ses états d’âme ou ses indignations ont le moindre intérêt parce qu’elle ne s’est pas encore rendu compte que tout le monde, autour d’elle, a les mêmes états d’âme et les mêmes indignations.
J’appelle étrangère à la littérature toute personne qui ne sait pas que l’homme, dans les nouvelles conditions d’existence, est un plagiat pour l’homme."

Philippe Muray

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