Après la chuteOlivier Rey2014

« Au-dessus de l’éboulis nous nous embrassons. Il n’est pas possible de faire l’amour-là, en plein vent, sur le sol rocailleux. Mais le principe semble acquis. » Ce roman aigu sur la surface lisse, beaucoup trop lisse du quotidien, semble suivre, caméra à l’épaule, le personnage d’Alix à différents moments de son existence. Durant l’enfance où elle ne peut s’empêcher de porter ce jugement sur ses parents : « Sincèrement, il est difficile d’imaginer moins érotique que le couple à l’avant de cette Laguna, » Puis à l’âge adulte où, devenue professeur d’histoire médiévale rédigeant une thèse sur les ducs d’Orléans au 15e siècle, elle se voit tout aussi « méticuleusement » rater sa vie, notamment amoureuse, à force d’occasions manquées. Manquées ou plus exactement bien en-dessous de ses espérances, comme si l’aventure palpitante se refusait obstinément à travers un faisceau d’indices relatés au fil des instants. Ainsi pressent-elle en apercevant la photographie de Xavier, désormais disparu, qu’elle perd son temps avec Vincent, son frère. Vincent n’est que la pâle copie de Xavier, Xavier est l’original, l’être qui était seul en mesure de lui ouvrir les portes d’une vie authentiquement vécue. Au regret se superpose soudain le fantasme, le scénario rétrospectif des circonstances dans lesquelles Xavier a disparu. Son chalet se situe, en effet, à proximité de l’endroit où, plus jeune, elle et son petit ami avait fait culbuter un rocher dans le vide . Mais très vite, cette hypothèse s’effondre : Xavier s’est volatilisé deux jours après l’incident. Alix, elle-même, avait failli être emportée , retenue de justesse par son compagnon.