Moyenne
-
0 vote
-
EXCELLENT
TRES BON
BON
MOYEN
FAIBLE
MAUVAIS
Depuis l’âge de douze ans, Victor aime Véra, avec patience, avec détermination, certain d’incarner l’image solide du chevalier qui protégera sa belle de toutes les avanies. Parce qu’elle a fait de lui son inséparable et unique confident, il s’est imaginé qu’elle serait à lui un jour, pour toujours. Mais Victor et Véra ont grandi. Huit ans plus tard, Véra est une jeune femme qui attend l’aventure comme on cherche à reprendre son souffle : avec espoir, avec fièvre. Un jour, l’aventure frappe enfin à sa porte sous les traits de Nigel, un écrivain anglais de vingt ans son aîné et marié de surcroît. Véra en tombe follement amoureuse. Quoi de plus humiliant pour Victor que de se voir soudain relégué au second rôle ? La femme de Nigel, Violette, a elle aussi bien du mal à supporter le coup de foudre de son mari pour une gamine surgie de nulle part. Alors qu’ils n’étaient qu’amour et dévouement pour l’élu de leur cœur, Victor et Violette découvrent au fond d’eux-mêmes des sentiments aussi sombres que troublants : le dépit, le ressentiment, et leur inséparable corollaire : la haine. Chacun dans leur coin, ils vont ourdir une vengeance qui sera, pour l’un, mesquine et dégradante, pour l’autre, folle et démesurée, mais sans doute plus salvatrice qu’elle n’y paraît. Jusqu’où peut bien conduire le désespoir amoureux ? Dans cette fable intense et lapidaire, quatre personnages, fragiles et un brin mélancoliques, se succèdent dans une ronde où le monologue de chacun recompose un pan de cette histoire qui les relie les uns aux autres. Elsa Flageul y dépeint l’empreinte indélébile des amours de jeunesse, l’amertume du délaissement, puis les conséquences d’une jalousie incontrôlable. Mais avec beaucoup de sagacité, c’est aussi la poursuite du bonheur qu’elle sonde, montrant ses inévitables victimes collatérales, ces blessures irrémédiables infligées à ceux qu’on sacrifie. Comme dans la vie réelle, ici personne n’est innocent. Chacun doit prendre sa part de cruauté, assumer la violence de ses actes. En témoigne le climax du récit, qu’il ne faut surtout pas dévoiler… Si la délicatesse du style contraste avec la véhémence des sentiments, comme pour mieux les mettre en valeur, on retrouve dans Les Araignées du soir ce ton singulier de l’auteure mêlant fraîcheur et gravité de l’enfance. Avec ce sens inné du rythme de la phrase, sa ponctuation originale, l’apparente simplicité de sa prose en réalité très maîtrisée, et cette élégance de ne jamais peser, Elsa Flageul prouve ici encore son grand talent de styliste. Sa petite musique a un charme fou.