Les hommes morts
Lukas Bärfuss2006

« Je me réjouissais du moment où elle me jetterait à la figure que j’étais un menteur, que d’après un élément, dont je n’aurais pas tenu compte, l’histoire ne collait simplement pas du tout. Je me réjouissais de l’irréversibilité des événements, du repos qui s’ensuivrait, de ce moment où mon adieu à Danielle et à ma vie ancienne serait pleinement accompli. La liberté qui m’attendait certes n’était pas celle que je m’étais imaginée, mais c’était une liberté. Je n’aurais plus jamais à me décider, d’autres le feraient pour moi, et, me semblait-il, il me resterait encore une grande part de liberté. Je pensais : mieux vaut une vraie prison, avec serrures et verrous, écuelle en tôle et surveillants, que la prison de l’amour. »
Libraire de profession, le narrateur a décidé de quitter sa femme et sa fille envers qui il n’éprouve plus aucun sentiment. Prenant prétexte du décès d’un ami italien, il s’échappe quelques jours tout en leur faisant la promesse, à contrecœur, de les rejoindre dans leur maison à la montagne. Terrassé par l’ennui de ces vacances en famille qu’il n’a pas appelées de ses vœux, il emmène le petit ami de sa fille en excursion et le pousse dans un torrent, jubilant à l’idée d’être écroué et d’échapper enfin à son morne quotidien. Mais il est lavé de tout soupçon par les autorités…

Lukas Bärfuss donne de l’humanité une vision funèbre, d’une beauté tragique. Roman crépusculaire à la langue tout aussi maîtrisée qu’épurée, Les Hommes morts ne séduit pas : il fascine.

Titre original : Die toten männer (2002)