Art fantastique
Marcel Brion

Le fantastique braque ses projecteurs sur cette “autre face du réel”, aussi objectivement vraie que celle que nous contemplons chaque jour. Projecteur, ou bien lanterne sourde, car il y a des habitants de cet “autre côté du réel” qu’il vaut mieux ne pas effaroucher…
Le fantastique amène à la lumière, à notre lumière, le peuple bizarre des continents de l’ombre (…)
Tout s’accorde et se fond dans la grande parade foraine du fantastique, l’absolument horrible des vampires et des démons, et le pullulement des monstres repoussants qui s’ébattent dans les cathédrales en ruines de Jérôme Bosch, le ridicule du masque de Mardi Gras aux orbites desquelles les revenants plaquent leurs yeux vides, l’ignoble et le gracieux servant également de déguisement sournois pour quelque conjuration infernale. (…)
Sans qu’il en ait conscience, probablement, l’homme d’aujourd’hui est tout aussi accessible au fantastique que celui des époques naïves et des siècles “obscurs”.