L'oeil était dans l'arbre… et regardait de drôles d'oiseaux
Michel Picard (2)2019

Alors qu'il achève d'ensevelir un cadavre dans une caverne forestière de l'Ouest parisien, Adrien, presque dix-huit ans, ornithologue passionné, a bien du mal à se remettre du cataclysmique règlement de comptes familial à l'origine de cette inhumation clandestine… Quelques heures plus tôt, face à l'injustice et à la trahison, il avait participé à une action si violente qu'elle demeurait confuse dans son esprit. S'était-il laissé déborder par sa part d'ombre, sa gargouille, le vecteur de ses pulsions meurtrières, ou l'avait-il incité à jaillir de son corps pour lutter contre l'intolérable ? Il était sûr d'une seule chose, il ne devait sa survie qu'aux interventions, parfois foutraques, de divers animaux : araignée et serpents venimeux, rhinocéros, hyène, perroquet et chiens qui de leurs crocs, griffes, cornes ou dards, avaient eu des actions radicales sur ceux qui l'avaient menacé…
La veille, sa mère, productrice d'une émission télévisée de défense des animaux, et son père, chirurgien esthétique, avaient été confrontés à un frénétique processus d'investigation de leurs multiples perversités, commises depuis des dizaines d'années, après leur rencontre initiatique devant Le Cavalier de l'Apocalypse, le plus célèbre des écorchés de Fragonard. Cette autopsie à vif de leur vie déviante, avait été déclenchée par Noreen, une inquisitrice d’autant plus redoutable qu’elle venait de se soustraire à leur exploitation éhontée, menée avec la complicité de son second mari, un chirurgien vétérinaire aux agissements diaboliques. Miraculeusement sortie de la brume médicamenteuse dans laquelle ils séquestraient son cerveau depuis des dizaines d'années, elle était déterminée à découvrir la vérité sur la mort de son fils unique, Sean, six années plus tôt, à l'âge de vingt-cinq ans, en tombant d'un balcon au sixième étage d'un immeuble parisien. Comme Noreen pensait qu’on l'avait, soit poussé dans le vide pour l'empêcher d'être lanceur d'alerte sur les activités secrètes de son beau-père, soit qu'il s'était suicidé par dépit amoureux en raison de sa brouille avec Flore, la sœur aînée d'Adrien, alors agée de dix-huit ans, elle avait élaboré et déclenché un double procédé d'enquête machiavélique et sans pitié.
Unique témoin de la chute de son grand amour, Flore avait été victime d'un intense syndrome post-traumatique, inhibiteur de tous ses souvenirs. Dans l'espoir qu'elle les exhume de ses neurones, Noreen l'avait donc obligée à revivre ce drame lors d'une éprouvante reconstitution sur les lieux même du drame. La sœur d'Adrien avait ainsi subi, la veille, une reconstruction mémorielle qui l'avait littéralement crucifiée lorsqu'elle avait fait resurgir en elle un intolérable sentiment de culpabilité, avant de l'orienter vers une autre vérité familiale bien plus cruelle… Dans le même temps, ses parents avaient été contraints d'affronter une série de provocations conçues pour les forcer à la confession, sur leurs lieux de travail respectifs, puis tout près de chez eux, au cœur de l'imposante demeure voisine de la leur, celle de Noreen, leur justicière obstinée. Pïégés dans son grand salon transformé en tribunal fantomatique, ils y avaient été confrontés à des pièces à conviction accablantes, dont "le fœtus dansant la gigue", le plus terrifiant des écorchés de Fragonard. Cette inquisition impitoyable les avait alors tous entraînés au cœur de vieilles carrières bunkerisées lors d'un périple souterrain propice aux traîtrises et à la découverte de sidérants vestiges spectraux…
Adrien, emporté dans ce "familyleaks" explosif, n'avait pas eu d'autre choix que de faire face, lui aussi, aux multiples soubresauts de cette enquête dûs aux interventions animales, dont celle, déterminante, d'un perroquet ara poursuivi par un Jack Russell, mais aussi à l'implication surprise de son grand-frère, âgé de trente ans, créateur d'une ONG de protection ornithologique en Colombie, dont les activités s'étaient révélées particulièrement transgressives…
Des confrontations familiales débridées qui obligeront Adrien à convaincre certains protagonistes que seule la mort peut éliminer ceux qui rêvaient de faire "mieux que Fragonard"…