Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi : 1990-1996
Jean-Pierre Chrétien1997

Aujourd'hui, le "travail de deuil" peut se prolonger dans u travail de réflexion, analogue à celui qui se poursuit encore aujourd'hui publiquement sur le génocide des juifs perpétré par l'Allemagne nazie. La mise en situation du processus qui a conduit à un génocide et son identification relèvent de multiples approches, mais en appellent éminemment au "métier d'historien", pour reprendre l'expression de Marc Bloch.Il en va de même pour la compréhension de sa négation. Car il s'agit moins d'un oubli volontaire, d'une faute morale que d'un mécanisme, grossier ou subtil selon les cas, de reconstruction du passé, de manière à l'expliquer et à justifier sous un jour qui semble plus humain.
Le modèle intellectuel qui fonctionne dans le négationnisme est donc finalement le même que celui qui a fonctionné dans la gestion du mal. Tout génocide ne porterait-il pas en lui-même sa propre logique de négation? C'est en tout cas ce que soulignent nombre d'analyses antérieures, en particulier celles qui portent sur le génocide des Arméniens. Les tueries systématiques sont à la fois niées dans leur horreur et louées dans leur principe, durant et après le crime. Un génocide apparaît comme un gigantesque massacre qui aurait fait des masses de victimes, mais sans coupables.