[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • Olive-oued

    Insomniaque des livres

    Hors ligne

    #111 24 Mai 2021 00:13:05

    Un beau programme de lecture à venir !
    Et j'ai rajouté La curiosité dans ma wish =D
  • Bouledechat

    Passionné du papier

    Hors ligne

    #112 25 Mai 2021 09:00:46

    Tu m'as convaincue pour Rozenn ! Très belle chronique encore une fois ! :)
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #113 02 Juin 2021 12:14:50

    Bonjour à tous!

    Merci pour vos appréciations, Olive-Oued et Bouledechat! :pink:
    Ca me touche toujours beaucoup... et puis je suis bien contente si ça vous donne envie de lire l'un ou l'autre livre, après tout c'est ça le but: partager mes lectures pour vous donner envie (peut-être) de les découvrir aussi!

    Et avec tout ça, ce sont 7 lectures "en retard" que je dois - que j'ai envie! - de vous partager! J'ai eu un week-end très "lecture" ;) car je voulais terminer mes engagements dans certains challenges... ce qui me fait mesurer à quel point c'est parfois un "marathon" et je suis douée pour me mettre la pression :S mais, à quelques exceptions près, ces lectures ont été de jolies découvertes, parfois des thèmes ou des genres vers lesquels je n'aurais pas été spontanément, donc que du bonheur au final!

    Je ne vais évidemment pas tout mettre dans un seul post - car ça va devenir illisible et je n'ai de toute façon pas le temps, même si je fais essentiellement des copier-coller puisque tout existe déjà en format Word... enfin non, pas tout à fait. Pour faire simple: parmi ces 7 lectures, il y a 3 auteurs sud-africains que je rassemblerai dans un seul post; il y a le BC du week-end dernier... pour lequel je n'ai encore écrit que mes "réflexions" pour le BC et un avis court, mais pas encore d'avis compilé à publier ici! :O ; et 3 lectures éparses. Je vais commencer par ces trois dernières:

    Le maître de la Grèce de Mathilde Tournier
    Livre jeunesse qui est en fait la suite de Les révoltés d'Athènes - pour moi tout juste 12/20

    <image>

    Synopsis : Début du IVe siècle av. J.C.
    La cité d'Athènes s'est relevée de sa défaite contre Sparte. Le bel Héraclios, héros des combats, profite enfin de sa jeunesse avec son amie Phryné. Le couple se rend à Delphes pour encourager le ousin Thémis aux Jeux pythiques. Mais la compétition tant attendue tourne au cauchemar. Dans le sanctuaire, Héraclios tombe sur Lysandre, le général spartiate qui a tué son père et mis Athènes à genoux quelques années plus tôt...


    Mon avis :
    Cette lecture me laisse un peu mitigée, sentiment qui a persisté tout du long et qui se confirme maintenant que j’ai terminé ce roman. D’abord, il faut savoir que j’ai choisi ce livre dans le catalogue numérique de ma bibliothèque communale, sans trop savoir de quoi il s’agissait. Le livre étant « occupé » au moment où je suis tombée dessus, je l’avais réservé puis oublié, je devais l’avoir vers la fin du mois (de mai donc). Or, il s’est libéré plus tôt que prévu, si bien que je me suis retrouvée à « devoir » le lire rapidement, au risque de le voir disparaître de mon téléphone (puisque je lis les livres empruntés sur mon téléphone, lesdits livres n’étant pas compatibles avec ma Kindle, et je n’ai pas d’autre liseuse…). Bon, je lis vite sans problème, mais pour le coup j’y ai peut-être perdu un peu de plaisir, mes fins de mois étant toujours occupées par la clôture de l’un ou l’autre challenge aux aspects mensuels, qui ont alors la priorité – là, ce livre est arrivé « comme un cheveu dans la soupe », ça n’a sans doute pas favorisé mon avis général.

    Quant au livre même : comme le laisse entendre le très court résumé, et comme l’indique l’autrice en note finale, cette histoire est une version romancée des événements qui ont suivi la guerre du Péloponnèse dans la Grèce antique, en insistant sur la puissance belliqueuse de Sparte, alors au faîte de sa gloire, et son chef militaire Lysandre, face au désir de revanche des Athéniens, vaincus et humiliés lors de la bataille navale d’Aïgos Potamos 10 ans plus tôt.
    Mais surtout, on reprend ici les personnages principaux, semble-t-il, qui ont fait « Les Révoltés d’Athènes », info inexistante où que ce soit, pas même dans le livre ! C’est en fouillant sur Internet que j’ai fini par comprendre que « Le Maître de la Grèce » est en quelque sorte une suite à ces « Révoltés », livre que je n’ai quant à lui pas lu ! Or, si la lecture du « Maître de la Grèce » n’est pas rendue impossible quand on le prend indépendamment de l’autre, certains passages peuvent paraître incongrus, comme par exemple le fait que Héraclios est présenté comme un valeureux guerrier, aide de camp du général Thrasybule… alors que sa seule « victoire » répétée encore et encore semble être le fait qu’il ait échappé un peu par hasard au massacre d’Aïgos Potamos ! Certes, il y a quelques allusions à d’autres combats ultérieurs, liés à la restauration de la démocratie à Athènes, mais ils sont à peine effleurés ici, et pour cause : ils font vraisemblablement l’objet des « Révoltés d’Athènes », livre qui –je me répète- n’est pourtant mentionné à aucun moment ! C’est bien dommage… et pour le moins bizarre de la part de l’autrice comme de l’éditeur, de ne pas avoir fait cette publicité qui en plus aurait été bien utile.

    Pour le reste, je suis perplexe à propos du niveau de français. On dirait que l’autrice oscille, volontairement ou non, entre un ton résolument moderne, plongeant parfois (souvent) dans un populaire pas forcément de bon goût, et un ancrage dans ce qui évoquerait vraiment la Grèce antique. Pour moi, le résultat est décevant ! Certes, je ne demande pas que les protagonistes parlent comme on aurait parlé à l’Antiquité, mais cette oscillation à mon avis inutile m’a quelque peu dérangée.
    Ainsi, ça parle démocratie, ça parle agora, ça parle politique – bref, on est plongés dans un monde bien grec et c’est plaisant, puis tout à coup on tombe sur cette bête phrase – dans la narration, même pas un dialogue où ça aurait pu être passable : « Ils se sont gondolés. » Sérieusement ? C’est du pur langage familier (regardez dans n’importe quel dictionnaire !) et ça clignote tout à coup comme un bouton rouge sur le nez ! Pourquoi se laisser aller ainsi à une expression aussi inadaptée, qui dénote du niveau standard général ? Il y a quelques autres exemples du genre, citons en vrac un « bordel » (non pour désigner une maison close, mais comme interjection) ou « un bel enfoiré » en parlant de Lysandre. Je suis désolée, mais ces dérives de langage n’ont à mon sens pas leur place dans un tel roman.
    Le plus « drôle », si l’on peut dire, c’est que, avec tout ça, j’avais fini par perdre de vue le fait qu’on est en Grèce antique. Et quand tout à coup Héraclios s’arme d’une lance et d’un bouclier, j’en suis restée brièvement baba, moi je le voyais déjà avec son flingue et son gilet pare-balles…

    Et l’autre « exemple » du niveau de français que je voulais soulever est encore plus gênant, car pour moi ce n’est rien moins qu’une faute de syntaxe, et elle est récurrente ! En effet, l’autrice semble ne pas savoir que, dans un dialogue, on utilise l’inversion sujet-verbe – autrement dit : la phrase/proposition incise. Deux extraits pour illustrer :
    « - Vous avez bien fait de filer sans attendre, il m’a confié. » => La forme correcte aurait été : « - Vous avez bien fait de filer sans attendre, m’a-t-il confié. »
    ou encore :
    « - Il est mort ? j’ai demandé. » => ai-je demandé !!!
    Ce n’est quand même pas bien difficile !
    Alors, certes, la non-inversion existe aussi et est utilisée par des auteurs connus mais, après une vérification tous azimuts, il semble bien que l’inversion (donc verbe + sujet dans ce type de dialogue) soit la norme d’un français standard, alors que le maintien de la forme sujet + verbe dans ces mêmes dialogues soit typique… du langage populaire, et nous y revoilà !
    Or, dans ce roman, ce choix de non-inversion est systématique, comme une marque de fabrique de l’autrice. Je ne veux pas être plus pointilleuse que l’Académie (quelle qu’elle soit), mais c’est quand même dommage de se distinguer par une telle originalité qui est en réalité… à la limite de la faute de langage ! et, dans tous les cas, cela brise continuellement le niveau général du texte.

    Ainsi, le roman laisse ce petit goût désagréable d’un niveau de langage qui ne se stabilise jamais, c’est peut-être ce désir de vouloir « parler jeune » comme je l’ai déjà soulevé dans certains romans estampillés jeunesse, et je continue alors de me poser la question : pourquoi les auteurs qui écrivent ainsi le font-ils ? Partent-ils donc du principe que les « jeunes » sont des crétins incapables d’appréhender un livre moderne, même s’il parle de la Grèce antique, dans un français de bon niveau du début à la fin ?...

    Quant au contenu… Je n’ai pu m’attacher à aucun de ces personnages, peut-être parce que leur attachement aurait pu/dû se faire au tome précédent ? En tout cas, ils ne sont guère fouillés et bien un peu caricaturaux. Héraclios ne m’apparaît à aucun moment comme un « héros », mais bien comme un jeune homme – on devine une petite trentaine d’années mais ce n’est pas précisé – à la mentalité d’un ado à peine pubère, gamin capricieux qui a (entre autres) un comportement de marie-couche-toi-là. Soit disant amoureux d’Étéoclès, qui lui a sauvé la vie lors de cette fameuse bataille d’Aïgos Potamos, il le vire après avoir couché avec lui, car Étéoclès lui a avoué une vérité qu’il ne veut pas entendre… et la même nuit, quelques heures plus tard, il couche avec sa soi-disant amie Phryné !? Si ce passage (et il y en a au moins un autre où Héraclios s’adonne aux amours rapides et faciles) vise à montrer la liberté des mœurs des Grecs de l’époque, je ne vois pas du tout en quoi ça sert l’intrigue !

    Mais surtout, cet Héraclios s’échauffe pour un rien et est animé d’un violent désir de vengeance. Et c’est là que ça devient très gênant : pendant les deux premiers tiers du livre (et, je répète : à ce moment-là je n’avais encore fait aucune recherche sur l’autrice et ses précédentes publications), je me suis demandé si j’avais là un roman qui fait l’apologie de la guerre, une guerre qui serait pure vengeance, un cercle sans fin ! Il y a bien un passage où Héraclios se fait rappeler à l’ordre : les Athéniens ne sont pas de pauvres agneaux tout blancs, ils ont eux aussi été des vainqueurs peu reluisants ici ou là… mais ce n’est qu’un bref passage au milieu d’une mer qui crie vengeance, vengeance, vengeance ! Et donc, comme si l’autrice m’avait entendue, j’étais arrivée aux deux tiers du livre et j’étais déjà très embêtée par cet état d’esprit, quand je suis tombée sur ce passage qui, par la voix d’un des compagnons du personnage principal, lui rappelle que la guerre, c’est autre chose que la vengeance :

    - Faites attention, tous les deux, est intervenu Pélopidas avec douceur. La guerre, ça a à voir avec les valeurs. La liberté contre l’oppression. La démocratie contre la tyrannie. La restitution d’un honneur bafoué. Ce n’est pas une question de vengeance personnelle.
    - Ca revient au même, j’ai répliqué. Toi et moi, on veut la même chose.
    - Ca ne veut pas dire que notre objectif n’est pas le même. Mais ne laissez pas les passions aveugler votre raison et vous persuader d’une destinée qui n’est peut-être pas la vôtre. La victoire nous apportera certes la liberté, mais elle ne te garantira peut-être pas la paix intérieure, Héraclios. Garde-le à l’esprit quand tu combattras.



    Beau passage à première vue, pourtant on reste dans l’ambigüité, et ça me gêne. En refermant le livre, j’ai la nette impression que l’autrice soutient le fait que la démocratie ne peut naître et/ou survivre que dans le sang versé de ses opposants ! C’est –hélas !- sans doute vrai historiquement, mais ça reste un message bien dangereux. En effet, n’est-ce pas au nom de « la restitution d’un honneur bafoué » que certains Allemands, il y aura bientôt 100 ans, ont si facilement suivi un fou furieux qui leur promettait de leur rendre leur honneur, après la honte qu’avait été le Traité de Versailles pour eux ?... Le choix des mots porte à réfléchir, et pour moi en tout cas, r-i-e-n ne peut justifier le choix de la guerre ! encore moins quand on s’adresse à des jeunes qui ne l’ont pas connue, et qui n’ont pour la plupart plus de témoin direct de telles atrocités dans leur entourage…

    Ce qui sauve ce livre, à mes yeux, c’est l’ambiance gréco-antique que l’autrice a su recréer, et son apparente très bonne connaissance de ce monde antique, et/ou très bon travail de documentation. Pour moi qui suis intéressée sans être passionnée et encore moins férue de cette partie de l’Histoire européenne, et malgré les écarts de langage et certains passages ambigus relevés plus haut, c’est une façon appréciable d’avoir un aperçu de cet univers, berceau de nos démocraties actuelles.





    En équilibre de Morgane Moncomble
    15/20

    <image>

    Synopsis : Tiraillée entre sa passion, ses complexes et son anxiété, Lara avance en funambule sur le fil de l'acceptation de soi
    Lara, dix-sept ans, vit à New York avec ses parents et sa sœur jumelle, Amélia. Toutes deux sont très fusionnelles, et pour Lara, ça a toujours été elle et sa sœur contre le monde entier. Depuis leur plus jeune âge, elles sont passionnées de cirque et sont même inscrites dans un club. Mais alors que pour Amélia, le cerceau aérien devient un hobby, pour Lara, il reste fondamental : une de ses façons de respirer. Si bien qu'elle voudrait en faire son métier, et un jour peut-être se produire sur la scène du plus grand Cabaret du monde ! Seulement, ses parents ne voient pas les choses sous cet angle. D'autant que, si les deux sœurs se ressemblent en tout point, il y a bien une chose qui les différencie : là où sa sœur est mince, Lara est considérée comme une fille grosse. Une image douloureuse à porter, et génératrice d'une grande anxiété pour la jeune fille. Elle va devoir lutter contre ses démons et ses T.O.C. qui lui rendent la vie infernale. Pourtant, elle restera prête à toute pour prouver qu'elle aime son corps, et qu'il ne l'empêchera jamais d'être la meilleure, perchée dans les airs...


    Mon avis :
    Ce livre était proposé en LC sur un challenge auquel je participe avec plaisir (Les Pages de Belle pour ne pas le citer, et en plus il est en illimité!); je ne connaissais pas du tout l’autrice, mais les autres participantes à la LC la disaient super, et par ailleurs j’ai trouvé la couverture très belle : j’ai craqué ! Alors, je le dis d’emblée : oui j’ai bien aimé, oui la plume est très belle et l’histoire sympa… mais je ne donne pas 18/20 !

    Tout d’abord, il faut savoir et bien garder en tête que ce livre est du young adult, et je dirais même : très young adult ! Les personnages principaux ont 17 ans, et les sujets abordés sont sérieux, si bien qu’on peut se dire qu’il ne conviendrait pas à des ados plus jeunes… pourtant, je le proposerai sans hésitation à mon ado de presque-14-ans, il a indéniablement la maturité nécessaire pour l’aborder. Quant à moi… eh bien ça fait pas mal d’années que je ne suis plus young et que je ne joue plus sur le tableau de tenter de le paraître ; j’assume mon âge (bientôt un demi-siècle quand même !) et, sans être tout à fait « old » pour autant (quoique ?), je ne suis clairement pas bon public pour un tel livre… peut-être aussi parce que, non seulement je ne suis plus si jeune que ça, mais en plus je suis mère de jeunes ados qui construisent peu à peu leurs rêves, et qui pourraient être les héros d’un tel roman ?

    Ainsi donc, on a Lara, jeune New-Yorkaise de 17 ans, brillante à l’école et passionnée de cirque, en particulier de cerceau aérien. Mais (parce que évidemment il y a un « mais ») Lara n’est pas comme les autres : elle assume ses rondeurs sans vrai complexe, même si certaines scènes laissent à penser qu’elle n’est pas aussi indifférente qu’elle le prétend – d’ailleurs, sans cela, elle n’aurait pas été crédible : quel que soit notre corps, qui est parfaitement à l’aise à 17 ans ?... Outre ce problème physique, Lara souffre d’anxiété, et même de tocs, qui lui pourrissent la vie au quotidien, d’autant plus qu’elle n’en parle à personne. Et surtout, elle veut faire de sa passion son métier, alors que ses parents, son père en particulier, la poussent depuis toujours dans la voie toute tracée qu’ils ont eux-mêmes connue : l’architecture de père en fils/fille. Comme on peut s’en douter, ils ne prennent pas une seule seconde au sérieux les souhaits profonds de leur fille, et restent imperturbablement exigeants envers elle sur le plan scolaire uniquement, jusqu’à la menacer de lui interdire la pratique du cerceau si ses notes chutent…

    Commençons par le positif, car il y en a pas mal quand même : la plume de Morgane Moncomble est effectivement très belle, extrêmement fluide, ça se lit sans pouvoir s’arrêter, un véritable page-turner en son genre ! Dans ce livre-ci, qui est le seul que j’aie jamais lu d’elle, elle aborde des sujets qui peuvent toucher à n’importe quel âge, mais certainement à l’adolescence. On parle de grossophobie ou, même dans un sens positif, de cette maladresse qu’ont « les autres » dès qu’il s’agit de s’adresse à quelqu’un d’un peu trop enveloppé selon nos standards actuels – et plus encore si ce quelqu’un est jeune et jolie par ailleurs. Quant aux tocs, c’est un sujet qui, à ma connaissance, est peu exploité dans la littérature en général, et certainement encore moins dans la littérature jeunesse. Or, l’autrice aborde ces deux problématiques centrales avec une grande sensibilité, une vraie dignité et un certain bon sens. Pour le dire autrement : c’est présenté d’une façon très humaine, qui touche plus ou moins profondément selon que le degré où l’on se sent concerné. C’est même tellement vrai que cet aspect seul peut expliquer le succès que semble avoir ce livre !

    Cela dit, pour moi ce n’est pas suffisant. Mon regret principal est que la parole soit donnée exclusivement aux jeunes (alternativement à Lara, et à son petit ami Casey qui va jouer un rôle secondaire important dans toute l’histoire), ce qui est sans doute normal pour un roman ya, mais c’est alors toujours de façon très « orientée ». En effet, ici les parents sont d’emblée présentés comme « les méchants » qui n’ont rien compris aux rêves de leur fille, qui ne pensent qu’à eux « pour le bien de leur fille » - pensée ô combien courante, certes, mais tellement caricaturale aussi ! Mais l’autrice insiste tellement, par ailleurs, sur le fait que Lara cache sa maladie (on parle de ses tocs), qu’elle n’en parle absolument à personne, ni à sa sœur jumelle qui tient un rôle si important dans sa vie, ni à son petit ami en qui elle fait de plus en plus confiance… Elle est complètement dans le déni, mais ses parents devraient avoir tout deviné, tout accepté, tout pardonné d’avance ? c’est comme ça que je l’ai ressenti à plus d’un passage, et ça me semble quand même très malvenu ! Pourtant, les parents, même les mères (comme la mère que je suis) n’ont pas des antennes qui leur permettraient de tout deviner ! (ciel que ce serait pratique : donnez-les moi !).
    Oui il y a un « instinct maternel » qui peut sauver ben des situations, mais ça ne marche pas en mode robot automatique, et seulement au prix de plein de ratés. C’est ainsi dès la petite enfance : combien de fois les parents se désolent-ils face à un bébé qui pleure, alors que toute la « check-list » a été vérifiée et que tout est théoriquement en ordre ? (et que la maman ne comprend plus mais ressent juste une extrême fatigue). Il y a ensuite un âge béni (pas avec tous les enfants cela dit) où l’enfant a découvert la parole et papa-maman deviennent ses héros : les confidences sont faciles et nombreuses, souvent déformées ou « codées », mais au moins il y a une entente presque parfaite. Mais cette dernière disparaît brutalement dès que la puberté s’en mêle ! et tout est à réinventer au jour le jour, et ce n’est jamais gagné d’avance… Or, c’est dans cette période ingrate (eh oui !) que l’autrice place son livre.

    Et donc, oui : c’est à travers ma lorgnette de parent que j’ai lu et ressenti ce livre, et dès lors ce n’est pas à son avantage…
    Je ne sais pas si je suis un « bon parent » ou pas – j’imagine sans mal que, selon les jours, mes enfants doivent me trouver très nulle, et m’adorer le lendemain. Concrètement, quand mon fils de presque 14 ans hésite sur les options à choisir à l’école, et se retrouve avec un horaire qui dépasse le seuil autorisé et qu’il faut demander une dérogation pour qu’il puisse faire tout ce dont il a envie (parce qu’il en a les capacités intellectuelles), oui j’ai écrit cette demande de dérogation avec plaisir, oui je suis fière qu’il l’ait obtenue, et oui je vais le pousser dans cette voie.
    Quand ma fille de 12 ans me dit qu’elle veut devenir danseuse étoile et qu’elle mettra tout en œuvre pour y arriver, évidemment je l’encourage ! Oui on lui paie ses (nombreux) cours de danse, oui on veille à ce qu’elle ait une alimentation correcte (car, contrairement à Lara, ma Lulu est de format squelettique, hérité de son père, les veinards !). Mais aussi : je lui rappelle que ses résultats scolaires doivent suivre quand même et qu’elle ne peut pas se contenter de « rase-mottes », car danseuse professionnelle c’est génial, mais il y a beaucoup d’appelées pour peu d’élues, et dans tous les cas une telle carrière s’arrête dès la quarantaine atteinte… Mais jamais au grand jamais je ne lui interdirai de continuer ses cours de danse, bien au contraire ! l’orienter en concertation avec ses profs de danse, ça oui, au quotidien même s’il faut, mais pas la priver, ce serait tellement absurde !
    (Et dois-je vous parler de p’ti dernier qui, du haut de ses 8 ans, actuellement en 3e primaire / CE2, m’a déclaré très sérieusement qu’il ne fera pas d’études car il sera youtuber ?... ;) )

    Cela étant posé : si l’un ou l’autre décide tout à coup à 17 ans de tout laisser tomber – que mon grand décide de ne plus rien foutre à l’école, ou que ma fille entre dans une spirale qui mette sa santé en danger « pour la danse », c’est évident que je ne vais pas bondir de joie !
    Mais comment réagirai-je alors ? Nul ne peut le dire… mais je regrette de Morgane Moncomble ait « enfermé » les parents de Lara dans une attitude de refus systématique. Ça existe très certainement, hélas, mais c’est assez regrettable de tant insister sur les failles de ces parents… sans offrir avant longtemps une quelconque ébauche de solution. Pourtant il n’y en a qu’une, qui n’est pas forcément facile, et qui aurait pu/dû arriver beaucoup plus tôt dans le livre : le dialogue (en famille) ! Je trouve que l’autrice n’a laissé aucune chance à ces parents, jusqu’à une réconciliation finale un peu trop téléphonée, du coup ce n’est pas (du tout) convaincant !

    Et en parlant des tocs : la gentille psy que Lara accepte finalement de rencontrer évoque une origine généralement multiple, souvent liée à l’un ou l’autre traumatisme datant de l’enfance, et l’autrice en évoque plusieurs… dont l’un au moins tombe tout à coup comme un cheveu dans la soupe tant il est alambiqué, venu de nulle part et dès lors peu crédible ! C’est d’autant plus étonnant qu’elle avait une autre cause probable offerte sur un plateau, mais qui n’a jamais été exploitée : le divorce des parents de Lara ! Je ne connais pas un seul « enfant de divorcés » (quelle hideuse expression), même parmi ceux de ma génération, devenus adultes aujourd’hui, ou parmi les copains-copines de mes enfants, qui n’aient pas été touchés profondément et durablement par le divorce de leurs parents – même si ça ne s’exprime pas forcément de manière pathologique, et heureusement. Or, ici, c’est à peine effleuré, on ne sait pas pourquoi ils se sont séparés, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment ça s’est passé pour eux et pour les filles. En outre, ça ne semble affecter en rien les jumelles, et même pire : les parents, tout séparés qu’ils soient, semblent s’entendre comme larrons en foire dès lors qu’il s’agit de boucher l’avenir de Lara ! Certes, exploiter ce divorce comme une cause de l’affection de Lara aurait été très caricatural aussi… mais tellement plus crédible et touchant !
    (Au passage, n'hésitez pas à (ré)écouter le très beau Double enfance)

    Bref, pour moi c’était vraiment une belle lecture, je le pense vraiment… mais qui manque de discernement sur certains points, et la mère en moi le regrette amèrement.





    Les oubliés du dimanche de Valérie Perrin
    Un bon 17/20

    <image>

    Synopsis : Justine, 21 ans, est aide-soignante dans une maison de retraite où elle se sent bien. Elle vit avec un grand-père taciturne et solitaire, une grand-mère peu affectueuse, et son cousin Jules qu’elle considère comme son frère. Marquée par l’accident qui a coûté la vie à ses parents et ceux de Jules, Justine se jette à corps perdu dans le travail… et les histoires des autres, car sa propre histoire lui échappe. Murés dans le silence, ses grands-parents refusent d’évoquer le passé. Alors elle se tourne vers ceux qui se souviennent. Ces « petits vieux » dont elle aime par-dessus tout écouter les souvenirs. Et tout particulièrement ceux d’Hélène, sa résidente préférée, retranchée sur une plage imaginaire de laquelle elle dévoile, par morceaux, l’histoire de sa vie et d’un amour qui a survécu au malheur et à la trahison. Justine passe des heures à l’écouter et consigne son récit dans un cahier bleu. Grâce à Hélène, elle va pouvoir affronter les secrets de sa propre histoire.

    Mon avis :
    Je crois que j’ai rarement lu un livre qui me fait une aussi forte impression… et qui tout à la fois me laisse mitigée tant sur le contenu que sur certains aspects de la plume ! En effet, d’une part, ce livre est magnifique, et je ne compte plus les passages que j’ai surlignés tant ils m’ont touchée, parce qu’ils sonnent juste et vrai ; parce qu’ils sont terriblement humains, porteurs d’espoir ou pas ; et parce que, en plus, ils sont irréfutables. Ça parle du grand âge, de la fin de vie quand certains jugent leur parent tout à coup inutile ; ça parle de handicap, dont ces difficultés d’apprentissage quand le système n’est pas adapté, système qui a réellement handicapé des générations entières ; et à travers tout, ça parle d’Amour… et c’est toujours avec beaucoup de respect, de tendresse, de douceur, sans éviter pour autant de piquer là où il faut, sans détour.

    Tous ces éléments sont exploités dans une double histoire, de deux personnages fictifs particuliers et de leur entourage en commençant par leurs racines. Les deux récits ne sont reliés que par un fil bien ténu, qu’on ne découvre que tout à la fin, même si on commence à avoir des doutes plus tôt… Ils s’entrecroisent en s’effleurant à peine, tandis que la présence de Justine, notre personnage principale, fait en quelque sorte le lien entre ces deux histoires, courant constamment de l’une à l’autre.
    Cependant, c’est présenté d’une telle façon que, pendant au moins les 10-15 premiers pourcents du livre, j’ai surtout eu l’impression que l’autrice nous jetait des tonnes et des tonnes d’informations et autres anecdotes sur différents personnages sans rapport les uns avec les autres (à part Justine, toujours centrale, qui sert un peu de fil rouge à tout le livre), et dès lors le tout paraissait sans queue ni tête. C’est seulement après cette longue « introduction » qu’on commence peu à peu à vraiment suivre l’autrice, avec ce sentiment de « ce n’est pas trop tôt » ! Et ensuite, ouf ! il y a des rebondissements tout au long du double récit, certains sont même de véritables retournements de situation inattendus, qui font tourner les pages sans plus pouvoir lâcher le livre, ni même plus rien surligner car le rythme s’accélère tant qu’on n’y pense plus, on veut juste « avancer » dans cette lecture.
    Ainsi, l’autrice arrive à nous tenir en haleine jusqu’à la toute dernière phrase, pour le coup on la sentait venir celle-là, et elle a fait sourire car elle est en quelque sorte le happy end auquel on ne croyait plus trop.

    Cela étant dit, tout ne m’a pas convaincue. C’est assez difficile de détailler les choses sans spoiler, vu que l’histoire ne se dévoile que petit à petit… mais regardons au moins notre protagoniste principale : Justine, 21 ans, vit chez ses grands-parents qui l’ont élevée, et travaille dans la maison de retraite de leur petite ville. Elle semble se laisser porter par la vie, ne dit jamais un mot plus haut que l’autre, elle paraît extrêmement effacée, lisse, peut-être même un peu apathique – au final, on en sait bien davantage sur son cousin Jules (qui est plutôt un frère pour elle, puisqu’ils ont été élevés ensemble) que sur elle-même, alors que ledit Jules est un personnage assez secondaire dans le livre.
    Ainsi, Justine écrit la vie de sa pensionnaire préférée, Hélène, une vieille dame de 96 ans qui a plus ou moins perdu la boule mais qui lui livre ses souvenirs par bribes quand ça lui prend – tous ces passages-là sont datés et écrits en italique ; par ailleurs, elle cherche à comprendre d’où vient la sourde révolte de Jules, voire même à la résoudre – ces passages-là sont dans les mêmes caractères que la narration principale, mais ceux qui font référence à des événements passés sont systématiquement datés. Mais parallèlement à ces deux éléments principaux, elle ne s’occupe absolument pas d’elle-même, couche à gauche à droite sans amour et ne s’en inquiète pas outre mesure, même si elle sait que, de la sorte, elle est bien loin du « grand amour » qu’elle voit ici et là chez certains proches… un grand amour dont elle rêve comme une ado à peine pubère – elle a 21 ans, dit le livre, mais dans certaines de ses réflexions « amoureuses », j’ai l’impression d’entendre ma fille de 12 ans, les coucheries en moins !

    Bref, à plus d’une reprise, elle m’a agacée, j’avais envie de lui crier : mais vis ta vie, résous tes problèmes, au lieu de vivre par procuration à travers le passé d’une vieille dame (aussi passionnante que soit son histoire) ou la colère de ton cousin-frère ! Et le fait qu’elle se contente de se décrire comme « la fille qui n’aime que les vieux », ce qui semble tout expliquer, c’est un peu faible…
    Pour le dire autrement : l’autrice nous crée une galerie de personnages très attachants ou tellement ambigus, voire désagréables, qu’ils créent un sentiment fort de malaise, mais en tout cas ils ne laissent pas indifférents tant leur psychologie est finement présentée et le lecteur est complètement happé. En revanche, Justine, toute personnage principale qu’elle soit, est à peine esquissée, c’est au lecteur de faire tout le travail sans avoir quasi aucun élément car, à part le fait qu’elle est gentille avec ses vieux (ou simplement professionnelle avec délicatesse, elle l’aide-soignante qui aime son métier ?), elle est plutôt transparente et limite inintéressante. C’est bien un peu dommage qu’elle n’ait pas bénéficié du même traitement que les autres, car j’ai l’impression d’être passée « à côté » de Justine, alors que j’ai eu plaisir à rencontrer les autres personnages…

    A côté de ça, la plume est très fluide et agréable. Les phrases ne sont généralement ni longues ni compliquées, tout en assurant un français de qualité ; les chapitres, plutôt courts eux aussi, maintiennent le rythme, tout en mélangeant les deux histoires + le présent de Justine dans un certain désordre, mais qui ne perd jamais le lecteur – tout au plus on a ce petit risque de lassitude au début, comme je l’ai relevé plus haut.

    Mais là aussi, ça aurait été « trop beau » que tout soit si parfait ! En effet, l’autrice use ici ou là de certains artifices d’écriture qui marchent, mais leur multiplicité fait perdre de leur saveur. Voici l’exemple très concret auquel je pense : je ne sais plus trop où dans le livre, ni le contexte (mais peu importe car ce serait du spoil !), l’autrice utilise une énumération de mots ou mini-phrases, à peine séparés de virgules, le tout faisant un bloc ininterrompu sur au moins une page, exprimant ainsi le flot des pensées qui vont dans tous les sens, d’un des personnages à un moment M. Dès lors, il faut s’accrocher pour suivre ces mots ou expressions qui forment une phrase interminable, et qui n’ont ni vrai début ni fin. On sait que ça ne fait pas follement avancer l’histoire, et c’est bien un peu désagréable à lire tout à coup, mais c’est utile car ça décrit de façon très visuelle l’état d’esprit du personnage en question. Quand l’autrice utilise ce procédé une première fois, on se dit : waouh super, c’est bien pensé d’utiliser ça maintenant, ça tombe juste à point ! et même si c’est embêtant à lire mot à mot, on se prend au jeu, on se fait son propre cheminement de pensée en tant que lecteur dans des situations de notre propre vie. A la deuxième fois, on sait qu’on peut lire la page en diagonale et on sourit. La troisième fois, on se dit : mais zut, elle aurait pu trouver autre chose ! et là, le charme est rompu, une seule fois aurait été suffisante ! la deuxième est tolérable, la troisième devient écrasante.
    Ca ne peut paraître qu’un détail, certes, mais au milieu d’un texte aussi « fort », le moindre dérapage (à mes yeux) prend tout à coup une proportion démesurée, hélas.

    Ah ! et j’oublie, ces « oubliés du dimanche », c’est pour moi le clin d’œil du livre, dans le présent de la vie de Justine à la maison de retraite, indépendamment des événements passés – que ce soient les souvenirs d’Hélène ou la reconstitution de l’histoire des parents de Jules. Ils donnent lieu à quelques scènes presque drôles, qui tout à coup, en plus, donnent un peu d’épaisseur à Justine. J’ai même regretté que cet aspect ne soit pas davantage exploité, ça semble presque confidentiel dans toutes ces histoires qui se croisent sous la plume de l’autrice, alors que c’est quand même cela qui donne son titre au livre !

    L’impression générale reste évidemment (très) positive, ce roman était pour moi la très belle découverte d’une autrice bien intéressante, qui touche dans ce livre terriblement humain.

  • Bouledechat

    Passionné du papier

    Hors ligne

    #114 02 Juin 2021 14:31:17

    Oh, Les oubliés du dimanche ! Je ne sais pas si je lirai celui-ci car les défauts que tu cites me refroidissent un peu, même si la thématique a tout pour être chouette, en revanche je te conseille fortement Changer l'eau des fleurs de la même autrice !! Un immense coup de cœur de ce début d'année, là aussi l'histoire se dévoile très progressivement, on a une galerie de personnages très attachants, pas mal de drame et des secrets, sans oublier des scènes du quotidien à la fois simples et drôles qui font très "feel good" mais du bon feel good, au milieu d'une histoire pas si feel good que ça (pour moi l'histoire était même très dure). Et j'ai trouvé que là par contre l'héroïne qui est vraiment au centre de tout, on a envie de la consoler, d'en faire son amie, de bénéficier de sa douceur et de son humanité, mais à aucun moment je ne l'ai trouvée transparente, enfin peut-être au début mais on retrace toute son évolution justement, de jeune fille qui a tellement désespérément besoin qu'on l'aime qu'elle s'en efface complètement et renie ses besoins fondamentaux, pour devenir une femme abimée mais forte qui mène enfin la vie qu'elle souhaite, entre solitude et belles rencontres. Et je ne me souviens pas non plus de procédés d'écriture lourds ou redondants, je me souviens que c'était souvent piquant mais pas bizarre, en tous cas très bien écrit. Bref, si malgré ses défauts ta lecture était une belle découverte, je te conseille celui-là, qu'elle a écrit après Les oubliés donc elle n'a pu qu'améliorer son style ! :pink:
  • florence71

    Bibliophile

    Hors ligne

    #115 02 Juin 2021 18:39:19

    Bouledechat a écrit

    Oh, Les oubliés du dimanche ! Je ne sais pas si je lirai celui-ci car les défauts que tu cites me refroidissent un peu, même si la thématique a tout pour être chouette, en revanche je te conseille fortement Changer l'eau des fleurs de la même autrice !! Un immense coup de cœur de ce début d'année, là aussi l'histoire se dévoile très progressivement, on a une galerie de personnages très attachants, pas mal de drame et des secrets, sans oublier des scènes du quotidien à la fois simples et drôles qui font très "feel good" mais du bon feel good, au milieu d'une histoire pas si feel good que ça (pour moi l'histoire était même très dure). Et j'ai trouvé que là par contre l'héroïne qui est vraiment au centre de tout, on a envie de la consoler, d'en faire son amie, de bénéficier de sa douceur et de son humanité, mais à aucun moment je ne l'ai trouvée transparente, enfin peut-être au début mais on retrace toute son évolution justement, de jeune fille qui a tellement désespérément besoin qu'on l'aime qu'elle s'en efface complètement et renie ses besoins fondamentaux, pour devenir une femme abimée mais forte qui mène enfin la vie qu'elle souhaite, entre solitude et belles rencontres. Et je ne me souviens pas non plus de procédés d'écriture lourds ou redondants, je me souviens que c'était souvent piquant mais pas bizarre, en tous cas très bien écrit. Bref, si malgré ses défauts ta lecture était une belle découverte, je te conseille celui-là, qu'elle a écrit après Les oubliés donc elle n'a pu qu'améliorer son style ! :pink:


    Oui changer l'eau des fleurs, excellent !

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #116 03 Juin 2021 16:16:46

    Coucou,

    En fat, Bouledechat et florence, Changer l'eau des fleurs est dans ma WL depuis bien plus longtemps que ne l'était Les oubliés du dimanche, mais hasard des challenges et autres lectures communes, c'est finalement ce dernier que j'ai lu en premier lieu! Ce n'est pas un regret bien sûr; comme tu dis, Bouledechat, les défauts que j'ai relevés (et qui passeront peut-être inaperçus, ou en tout cas moins importants, pour d'autres!) ne suffisent pas à altérer gravement le bonheur de cette lecture!

    Bon, je n'ai pas envie de lire du feel good (même de très bonne qualité) pour l'instant, et surtout, j'ai une liste à lire interminable pour juin, avec plusieurs échéances correspondant à l'un ou l'autre challenge - on n'est que le 3e jour du mois et je suis déjà quasi certaine que je ne pourrai pas respecter ma propre liste, mais c'est habituel =D . Quoi qu'il en soit, je ne vais pas ajouter d'autres recommandations pour l'instant... mais je me le garde en tête pour l'été, où j'espère "me déconnecter" à tous points de vue...

    Et voici maintenant la suite de mes encodages en retard.
    Je passe aujourd'hui aux 3 romans sud-africains que j'ai lus, dans le cadre du challenge En 2021, je voyage... : chaque mois, un pays particulier est mis à l'honneur, et on gagne un bonus de 5 points par livre lu d'un auteur de ce pays, pour un maximum de 4... mais je m'y suis prise un peu trop tard et n'ai pu en achever que 3.
    Très étonnant de ma part =D : ce sont 3 policiers ou thriller. Je vous les présente par ordre de préférence (du moins bien coté au meilleur), et non chronologique, mais de toute façon ils ont tout trois été lus fin mai!


    Attaque en haute mer de Wilbur Smith
    Pas plus de 14/20

    <image>

    Synopsis : Hazel Bannock est à la tête d'un empire pétrolier. Alors que son yacht se trouve dans l'océan Indien, il est détourné par des pirates somaliens qui massacrent une partie de l'équipage. Hazel n'était pas à bord, contrairement à sa fille de dix-neuf ans, Cayla, qui est prise en otage. Une rançon faramineuse est demandée en échange de sa libération. Pour appuyer leur propos, les ravisseurs font parvenir à Hazel des vidéos montrant les tortures que subit Cayla au quotidien.
    Désespérée, Hazel comprend qu'elle ne pourra pas compter sur la diplomatie pour sauver sa fille. Elle décide de faire appel à Hector Cross, ancien membre des forces spéciales britanniques. Ensemble, ils vont mettre au point une opération commando pour libérer Cayla, dont la vie ne tient plus qu'à un fil...


    Mon avis :
    Ce livre est chronologiquement le 3e que j’aie lu dans ma série sud-africaine, série que voulais absolument terminer avant la fin du mois – voilà qui est fait, on est le 31 mai au moment où j’écris ces lignes. J’avais repéré plusieurs titres, et commandé l’un ou l’autre… mais celui qui m’attirait le plus, pas disponible en Kindle, est arrivé trop tard, entre-temps je m’étais lancée dans celui-ci, disponible immédiatement sur ma liseuse.

    Et je dois bien dire : après les deux très bonnes surprises qu’ont été mes précédentes lectures sud-africaines, celui-ci est une relative déception…
    Le seul bon point, qui est certes d’importance, est que la plume est virevoltante, explosive, extrêmement visuelle. On n’est pas dans un simple roman d’aventures, on est dans un film, on « voit » tout sans avoir l’impression de faire le moindre effort, et même dans les descriptions plus précises ou techniques – que ce soit un paysage semi-désertique qui n’évoque rien de ce que l’on connaît, ou l’aménagement paramilitaire d’un méthanier tout aussi mystérieux à mes yeux qu’un vaisseau extraterrestre - on a le sentiment de tout comprendre et on suit les personnages à la trace comme si on était invisibles dans leur sillage, en train de regarder par-dessus leur épaule. Cette maîtrise est vraiment remarquable, il n’y a pas d’autre mot !
    C’est cette plume très adaptable à chaque situation qui, en plus, impose un rythme tout à fait lié aux événements qu’elle raconte. Il y a beaucoup, beaucoup d’action, on l’a compris, et on croirait que notre cœur s’emballe avec celui des personnages ; mais dans l’intermède très calme qu’on a, à peu près aux deux tiers du livre, on n’est pas loin de se dire que ça devient lassant, que ce calme plat cache quelque chose… mais désormais je pense que ce soudain et très relatif ennui est sans doute voulu dans la lecture, car juste après ça reprend de plus belle !
    Hector Cross, le personnage principal, ne se repose jamais, on voit tout à travers ses yeux (sous le regard d’un narrateur omniscient) ; il est sans arrêt en éveil, affuté, prêt à bondir… et le lecteur reste concentré avec lui !

    Le revers de la médaille, c’est que le contenu de ce livre est aussi creux qu’il est vivant. Il y a certes des rebondissements et des retournements de situation, mais qu’apportent-ils ? Ici, on est dans un univers très manichéen. Il y a d’un côté les bons, qui sont tous beaux et/ou forts et musclés et/ou super-entraînés et/ou très intelligents chacun dans son domaine et/ou démesurément riches ou complètement désintéressés de l’argent (ce qui, paradoxalement, semble revenir au même). Et en face d’eux, il y a les méchants mais alors très méchants, djihadistes pour donner une touche bien à la mode, dont le traitre de service bien sûr ; calculateurs, incapables de respect envers qui que ce soit, et certainement pas envers les femmes ; intelligents et dangereux eux aussi mais toujours un peu moins que les gentils, et bien sûr ils sont plutôt repoussants physiquement, d’une façon ou d’une autre…

    C’est inévitable, on ne peut pas vraiment s’attacher à de tels personnages. Au début, j’ai peut-être eu un certain intérêt pour Hector Cross : sa droiture, sa rigidité, sa quasi-incapacité à sourire, etc. faisait de lui un personnage certes peu sympathique, mais bien typé d’homme mystérieux, le « bad boy » au grand cœur qu’il n’ouvre pas. Mais voilà : notre bad boy ne le reste pas longtemps, il tombe beaucoup trop vite amoureux, et s’il reste très dur dans ses combats, côté privé on tombe presque dans une certaine mièvrerie. De plus, on avait vu venir le truc comme le nez au milieu du visage, et paf emballé en deux coups de cuillères à pot ! La jeune Cayla, c’est tout pareil : hyper-désagréable au début, la petite fille riche et gâtée qui vit une espèce de crise d’adolescence du haut de ses 19 ans, est extrêmement antipathique… et devient charmante en quelques pages à peine ! Je ne vais pas tous les passer en revue, car ils sont tous faits du même bois branlant : ils sont trop peu crédibles, trop stéréotypés pour qu’on puisse les trouver touchants d’une quelconque façon.

    En fait, c’est tellement cliché que ce serait risible, si seulement la confrontation entre ces différents personnages ne donnait pas lieu à des scènes d’une extrême violence ou cruauté, dont je n’ai pas compris l’intérêt. Certes, quand l’auteur relate une punition publique de quelques personnes du village qui ont pêché envers l’islam – en clair : la décapitation des deux hommes d’un couple homosexuel, ou la lapidation d’une femme prétendument infidèle, auxquelles on assiste aux premières loges – on sait que ce sont des choses qui existent même de nos jours… et avec cette plume hyperréaliste, ça fait froid dans le dos ! Mais quand cette même écriture nous entraîne dans des scènes de guérilla au nom du djihad, de contre-attaques au nom de la vengeance, et que ça n’en finit jamais car on est dans un cercle de « œil pour œil, dent pour dent », franchement ce n’est pas ma came.

    Si on ajoute à ça quelques coquilles de traduction : « Elle tamponna le derrière de ses oreilles avec un peu de Chanel », vraiment ? Certes oui, par opposition au « devant »… mais « derrière » utilisé en substantif est lourd de la connotation de son autre acception (je cite le Robert) : « Partie du corps qui comprend les fesses et le fondement. » S’il est bien une chose que j’ai retenue de mes études en traduction, c’est qu’il faut toujours prendre garde aux connotations de chaque mot. Bref, « l’arrière » de ses oreilles aurait été plus opportun ! Et à part ça, j’ai relevé quelques traductions littérales de l’anglais pour ce qui concerne certains chiffres, comme par exemple : « les premiers quarante hommes de la force expéditionnaire » - yes, the first fourty men etc., l’adjectif « first » se place avant le nombre même, en anglais c’est la bonne forme ! Mais en français on inverse, eh oui ! Il aurait dû écrire : « les quarante premiers hommes de la force… ». Et il y a l’un ou l’autre exemple similaire.
    Alors, une fois de plus, on est bien d’accord : ce ne sont que des détails sur un livre de plus de 400 pages… mais on parle d’un livre qui ne propose rien de bien intéressant, à part de l’action, de l’action et encore de l’action, beaucoup de sang et crions vengeance ! Dès lors, je deviens d’autant plus sensible à tous ces détails qui seraient passés presque inaperçus dans un livre moins désolant.

    Très sérieusement, je n’ai terminé ce roman que pour les raisons habituelles : je ne supporte pas bien l’idée d’abandonner un livre, et puis comme la plume est quand même très lisible (sans que ce soit un page-turner, n’exagérons rien !), ce n’était pas insupportablement pénible d’aller plus loin. Mais franchement, dommage qu’une telle écriture serve une histoire aussi désastreuse, car peu à peu elle en perd tout intérêt ! Pour sûr je ne lirai pas la suite des aventures de Hector Cross, ça ne représente aucun intérêt à mes yeux, et je ne suis pas certaine d’avoir envie de découvrir un autre livre de cet auteur, malgré le fait que j’ai vraiment apprécié sa plume.





    Jusqu'au dernier de Deon Meyer
    Un coup de coeur: 18/20

    <image>

    Synopsis : Depuis la mort de sa femme, l'inspecteur Mat Joubert, de la brigade des Vols et Homicides du Cap, ne s'intéresse plus à rien. Jusqu'à l'arrivée de son nouveau chef, le lieutenant Bart de Wit, formé à Scotland Yard, qui l'oblige à cesser de fumer, à maigrir et à consulter une psychologue, bref, à se respecter et à travailler mieux sur deux enquêtes importantes. La première concerne un certain " Monsieur Mon Coeur " qui détrousse une à une les succursales de la banque Premier. La deuxième a pour objet des meurtres perpétrés à l'aide d'un Tokarev, arme dont se servaient les guérillas marxistes de l'Angola, ou d'un Mauser, tout droit sorti de la guerre des Boers. Meurtres politiques, crapuleux, voire maffieux, personne n'a de piste sérieuse et les crimes et les hold-up continuent... Y aurait-il un lien entre eux ?

    Mon avis :
    Une excellente découverte !
    Ça fait un moment que je vois passer le nom de Deon Meyer, cet auteur semble assez prolifique et ses différents livres (nouveautés ou pas) sont régulièrement mis en avant dans ma librairie. Dès lors, en ce mois de mai où l’Afrique du Sud est mise à l’honneur dans un challenge invitant à découvrir de nouvelles nationalités d’auteurs, c’était l’occasion de tenter l’un de ses nombreux livres et, tant qu’à faire, autant commencer par le plus ancien qu’il ait écrit, et qui a été traduit en français.

    Et pour moi, dès les premières pages, la magie a joué ! C’est que, sans trop savoir pourquoi, j’aime beaucoup ces romans policiers où la psychologie du personnage principal, ses pensées, ses errances, prennent au moins autant de place que l’enquête. Si en plus il s’agit d’un héros plus ou moins cabossé par la vie, alors je prends ! Je suppose que ce n’est pas par hasard si j’ai dévoré tous les romans mettant en scène Jean-Baptiste Adamsberg de Fred Vargas, ou Martin Servaz de Bernard Minier (chez lui, je dois encore lire « La Chasse » qui est en PAL).
    Or, je pense que, avec notre héros ici, le fameux Mat Joubert, qui se remet difficilement de la mort de sa femme, et qui s’est laissé aller autant physiquement que psychologiquement, mais qui s’accroche vaille que vaille à son métier de policier même s’il sait qu’il est désormais sur le fil et dans la mire de sa hiérarchie, on a le même style de personnage : professionnel mais parfois un peu hors des clous, sérieux mais décalé par rapport à ses proches et certainement avec les femmes, et traînant cette souffrance au fond de lui… La nomination d’un nouveau supérieur hiérarchique va le contraindre à se reprendre en mains, ce qu’il fait d’une manière un peu aléatoire, puis de plus en plus consciencieuse – à faire pâlir d’envie bien des régimeuses, moi-même en premier lieu !

    La toute grande différence, ici, cependant, c’est celle que je soulevais d’emblée : on n’est pas dans un commissariat plus ou moins important quelque part en France : on est en Afrique du Sud, et si le chemin psychologique du personnage, ainsi que les ressorts de l’enquête, sont similaires à tant d’autres du genre, où que ce soit dans le monde, ici tout est observé, commenté, dirigé en fonction de l’Histoire du pays. Les descendants des Boers (dont fait partie Mat Joubert) luttent –ou pas- contre les relents d’aparheid qui leur collent à la peau, parfois bien malgré eux. Ils ne savent d’ailleurs jamais très bien quelle langue ils doivent parler : plus spontanés en afrikaans qu’en anglais, ils semblent toutefois avoir honte de leur propre langue mais évitent de parler l’anglais où ils sont moins à l’aise.
    En outre, le livre s’ancre bien dans son temps : écrit en 1996, l’action se passe indubitablement à une période proche, ce qui est précisé indirectement. En effet, en 1994, l’ANC a gagné les élections pour la première fois, après des années de clandestinité et de lutte (pacifique), Nelson Mandela est élu président. Ainsi, toute la vie et l’administration publiques, et notamment la police, sont impactées : le nouveau colonel de Mat Joubert est un ancien proche de l’ANC, les policiers noirs ont désormais les mêmes droits que leurs collègues blancs, la même possibilité d’enquêter même quand ça concerne des meurtres de blancs – ce qui ne plaît pas à tout le monde !
    Évidemment, tout anti-héros qu’il semble parfois, Mat Joubert est aussi présenté comme un « type bien » malgré ses failles et, s’il n’est jamais dit qu’il ferait partie de ces ex-Boers qui rêvent d’une Afrique du Sud réconciliée (là, ce serait mon interprétation !), il a pour le moins une attitude profondément humaine, tout simplement, envers les hommes qui sont sous ses ordres, que ce soit le Blanc alcoolique ou le Noir gaffeur. Ou encore, on a un passage où il remet assez sèchement à sa place un témoin qui avait des propos insultants à propos de la présence de Noirs dans la police !

    Il faut quand même aussi noter que l’auteur glisse çà et là une touche d’humour pince-sans-rire, que la traduction de l’anglais (alors que l’original de ce livre a été écrit en afrikaans) ne rend peut-être pas tout à fait. Mais quelle ironie souriante, par exemple, qu’est le nom du nouveau colonel de Mat ! Le gars s’appelle Bart de Wit : ancien membre de l’ANC, dont il a dû se détacher pour exercer sa fonction de policier, c’est quand même un Blanc qui porte un nom… on ne peut plus blanc ! « De Wit », c’est la traduction littérale du nom « Leblanc » ! ;) Et il m’a semblé que d’autres noms étaient aussi en forme de clin d’œil, mais je ne les ai pas relevés, le « de Wit » étant tellement énorme que j’en souriais à chaque fois qu’il intervenait dans l’intrigue !

    Pour le reste, comme je le disais plus haut, l’intrigue – ici on a même une double intrigue – est assez classique, autant dans sa présentation que dans sa résolution. J’ai assez vite compris quel pouvait être le ressort qui faisait agir le meurtrier – plus vite que Mat Joubert lui-même en tout cas ! ;) mais évidemment il reste toujours une petite part de doute. Et quand tout à coup on comprend en plus –pour le coup, en même temps que Mat Joubert !- qui est le meurtrier, ce n’est qu’une demi-surprise. Tout est amené « l’air de rien », mais tout se recoupe et s’intègre comme les différentes pièces d’un puzzle habilement construit. Cependant, même si ça a un petit aspect de déjà-vu (pour moi qui lis quand même beaucoup, beaucoup de policiers et autres thrillers), ce n’est jamais lassant ou long, car les aspects très personnels du personnage principal ainsi que plusieurs flashes back qui sont montrés presque comme des scènes de cinéma, donnent un certain rythme à tout le livre… et au final on ne parvient pas à le lâcher, jusqu’à la fin !

    C’est que la plume est fluide ! C’est celle d’un narrateur omniscient qui se penche essentiellement sur Mat Joubert, et dès lors lui ressemble bien un peu. En tout cas, elle rend parfaitement cet esprit qui paraît parfois indolent, sans pouvoir (ni vouloir) trancher si c’est lié au caractère même du personnage et de ce moment de sa vie qu’il traverse, ou si c’est plus largement typique d’une certaine « africanité ». C’est d’autant plus marquant que j’ai lu ce livre en parallèle (je lis désormais presque toujours plusieurs livres simultanément) avec un autre policier sud-africain, un beaucoup plus récent et clairement classé cosy mystery (« Recettes d’amour et de meurtre » de Sally Andrew, pour ne pas le citer ;) )… et pourtant dans ce livre-là comme dans ce premier opus de Deon Meyer, on retrouve cette langueur propre aux pays chauds, qui n’empêche pas l’action, mais qui donne au temps une valeur toute relative, difficilement compréhensible pour des esprits nord-occidentaux, néanmoins entraînante car ce qu’elle nous raconte est parfaitement crédible et toujours très humain.





    Recettes d'amour et de meurtre de Sally Andrew
    C'est exceptionnel que je mette une telle note, mais l'enfant a été touché :heart: : 20/20

    <image>

    Synopsis : Recette de meurtre :
    1 homme trapu qui maltraite son épouse
    1 petite épouse bien tendre
    1 dure à cuire de taille moyenne qui en pince pour l'épouse
    1 fusil de chasse
    1 petite ville du Karoo marinée au secret
    3 bouteilles de brandy Klipdrift
    1 poignée de piments
    1 jardinier inoffensif
    1 New-Yorkaise chaude comme la braise
    7 Adventistes du Septième Jour (parés pour la fin du monde)
    1 détective amatrice avec un coeur d artichaut
    2 policiers pleins de sang-froid
    1 poignée de fausses pistes et de suspects bien mélangés
    1 pincée d envie

    Jetez tous les ingrédients dans une grande casserole et laissez lentement mijoter pendant quelques années en remuant avec une cuillère en bois. Vers la fin, ajoutez le piment et le brandy, puis montez le feu.


    Mon avis :
    L’un des meilleurs cosy mystery que j’aie jamais lu !
    Ce roman baigne dans cette légèreté propre au genre, ancrée dans le quotidien de personnages savoureux, tout en proposant une vraie enquête qui tient le lecteur en haleine et le pousse à essayer de trouver le meurtrier à travers les différents indices qui sont semés l’air de rien.
    Mais surtout, l’autrice nous convie à un immense buffet sans fin, où tous les plats paraissent plus appétissants les uns que les autres ; si une partie des recettes sont rassemblées en fin de volume, leur préparation et quelques trucs ici ou là émaillent ce livre, tandis que les petits plats et autres gâteaux délient les langues, ouvrent les cœurs, et font saliver le lecteur de bout en bout ! Et on ne s’en lasse pas un seul instant, on a vraiment envie de partager tous ces repas plus ou moins importants, on a envie de rencontrer quelqu’un de la trempe de Tannie Maria, qui résoudrait nos problèmes grâce à une recette tout à coup tellement appropriée !

    Et, last but not least, comme le précédent roman sud-africain que j’ai lu tout récemment, cette histoire est profondément ancrée dans la réalité de ce pays. D’une part, le récit est émaillé de mots ou expressions, quelquefois une petite phrase, en afrikaans. Bien entendu, un lexique en fin de volume (après les recettes ;) ) traduit et/ou explique ces mots et expressions. Mais il y en a vraiment beaucoup, je dirais plusieurs à chaque page… et je ne sais pas jusqu’à quel point ça peut être énervant (ou pas) pour un lecteur francophone lambda – je sais que, pour moi, devoir recourir trop souvent à un lexique en fin de volume est souvent rédhibitoire.
    Mais ici, ça s’est révélé juste… extraordinaire, ça participait à la magie de ce livre ! pour la simple raison que je n’ai dû consulter ce lexique que pour un mot sur trois (en moyenne, à la grosse louche), ou bien par souci de vérification, mais dans de très nombreux cas c’était tout simplement limpide. En effet, rappelez-vous : je fais partie de cette génération de Belges qui a dû apprendre le néerlandais, et en prime j’ai une maman flamande (même si j’ai grandi et ai donc été éduquée dans un environnement où on parlait français, en Wallonie) – et, au risque de me répéter aussi : le flamand est le néerlandais de Belgique, exactement la même langue à l’écrit, même si ça peut sembler différent à l’oral, le néerlandais des Pays-Bas étant beaucoup plus guttural et avec des tonalités parfois proches de l’anglais. Mais je digresse… Ainsi, je l’avais déjà remarqué lors d’une expérience d’un « camp international » il y a plus de 25 ans, camp où j’avais rencontré de jeunes Sud-Africains : l’afrikaans, issu du néerlandais donc, est resté extrêmement proche de la langue originale, malgré ses autres influences plus exotiques.
    Et voilà que, dans le présent livre, même si l’afrikaans écrit s’est quelque peu écarté de l’original européen, il me suffisait de lire ces mots et expressions à haute voix avec mon meilleur accent flamand ;) et le sens devenait évident ! A ma propre surprise, j’ai adoré ce côté exotico-flamand (si l’on peut dire), qui avait pour moi un petit goût de retour aux sources : maman ne m’a jamais appris le flamand, à l’époque ça ne se faisait pas ; il n’en reste pas moins qu’elle parlait de temps en temps flamand, avec sa famille, avec une voisine d’origine flamande également, avec le gamin d’un voisin à qui elle donnait des cours de rattrapage (et que je suivais en catimini) ; d’une façon ou d’une autre, je baignais dedans ! Et, de façon plus intime encore, les enfants (quel que soient leur âge) de couples multilingues le savent : une maman prononce les mots doux et tendres dans sa langue maternelle, car ce sont ceux-là qui lui viennent spontanément quand elle s’adresse à son jeune enfant ou, paradoxalement, c’est aussi cette langue-là qui ressortait spontanément quand maman s’énervait tout à coup contre papa ;) ou découvrait que nous avions fait une bêtise… avant de penser à se fâcher en français ! ;) Doux souvenirs d’enfance, car certaines expressions sont quasi-pareilles… je ne pouvais qu’apprécier !

    Par ailleurs, comme dans ma lecture précédente, les aspects sociétaux ou politiques de ce pays jouent également un rôle – bien moins important, ici on n’est pas dans une enquête politique, et l’apartheid semble déjà loin : l’une des deux collègues de Tannie Maria est noire, son copain qui travaille dans la police aussi, et tout cela est normal et ne semble plus poser le moindre problème, et on s’en réjouit ! Et pour être juste : on croise aussi l’un ou l’autre personnage à qui cette mixité plaît beaucoup moins… mais le ton reste résolument optimiste. Pour ne citer qu’un exemple : ils n’apportent rien à l’histoire en tant que telle, mais deux chapitres entiers sont consacrés à la mort de Nelson Mandela – certes, ça a pour but, sans doute, de replacer l’histoire dans son contexte temporel… mais il y avait 1.000 autres moyens pour ce faire, mais c’est ce personnage inoubliable qui est choisi, et même sur plusieurs pages ! Et bien entendu, ces quelques pages sont extrêmement touchantes.

    On parlera aussi de la problématique des femmes battues en Afrique du Sud. On comprend très vite (ce n’est même pas un spoil car c’est dit dans le synopsis) que Tannie Maria a connu un époux violent, contre qui elle n’a jamais vraiment pu se battre (au sens noble du terme) mais dont la mort l’a libérée. Le livre ne s’apitoie pas sur cette vie gâchée de Tannie Maria (tant qu’elle vivait dans l’ombre de ce mari), mais révèle l’air de rien qu’un nombre impressionnant de femmes sont battues par leur mari en Afrique du Sud, indépendamment de tout critère de race ou de religion ; l’un des plus hauts taux au monde ! Dès lors, elle ne pouvait que réagir quand elle rencontre une autre femme battue… et c’est l’occasion de proposer des pistes de solution, pour toute femme sud-africaine qui lirait ce livre ? et pour justifier bien habilement l’implication de Maria dans l’enquête.

    Eh oui, comme je le soulignais d’emblée, il y a aussi une vraie enquête, menée par de vrais policiers, avec « l’aide » au début très intrusive de Tannie Maria et ses deux collègues journalistes. Cependant, au lieu de courir après le meurtrier avec une arme policière ou un appareil photo de paparazzi en herbe, Maria mène toute son enquête avec gâteaux et bons petits plats, sans jamais perdre de vue son objectif. J’ai eu la bête idée de lire certains commentaires qui regrettaient que cette enquête aurait été très simple… pour ma part, je l’ai trouvé bien menée et pleine de rebondissements, non dénués d’un certain humour en plus. Certes, on est bien loin d’un policier façon thriller haletant ; ici on est dans un quotidien a priori tranquille… ou pas, du pur cosy mystery, avec des scènes vraiment sympas, d’autres plus tendues mais jamais au point de réellement inquiéter le lecteur, on n’est jamais dans ce registre-là ! Et ainsi, on suit notre apprentie enquêtrice en herbe pas à pas, avec elle on traverse ces paysages d’une petite ville d’Afrique du Sud et de son veld avoisinant, où il n’est pas rare de croiser coyotes, kudus ou autres troupeaux de zèbres. Ajoutons à cela un petit côté romance tout en douceur, subtil et qui paraît tellement réaliste et surtout très humain, et on est tout à fait conquis.
    A découvrir absolument !

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #117 08 Juin 2021 10:56:33

    Bonjour à tous,

    Et voilà, je ne suis toujours pas tout à fait à jour dans le suivi de mes lectures (à part sur la plupart des différents challenges auxquels je participe)... et entre-temps j'ai déjà lu quatre autres livres! Dans des genres très différents, du moyen, du mauvais mais aussi du très bon (ouf!). En fait, je me suis interrompue dans ce suivi car je n'ai toujours pas rédigé d'avis complet sur ma lecture Les miracles du bazar Namiya... alors que j'ai au moins deux pages de participation au Book Club! mais ces dernires sont probablement spoilantes, au moins en partie, puisqu'elles s'adressaient à des gens qui ont lu le livre, ou qui pour le moins étaient en train de le terminer, si bien que seuls les grosses révélations sont sous spoiler...
    Je vais peut-être tout simplement mettre ici le commentaire court, celui que je mets sur la fiche BBM, et puis on verra si je trouve l'inspiration pour faire plus long un jour pas trop lointain, avant que le souvenir de ce livre soit complètement estompé!

    Bref, le voici d'emblée, et j'ajoute les autres dans la foulée:

    Les miracles du bazar Namiya de Keigo Higashino
    J'ai mis 16/20

    <image>

    Synopsis : En 2012, après avoir commis un méfait, trois jeunes hommes se réfugient dans une vieille boutique abandonnée dans l'intention d'y rester jusqu'au lendemain. Mais tard dans la nuit, l'un d'eux découvre une lettre, écrite 32 ans plus tôt et adressée à l'ancien propriétaire. La boîte aux lettres semble étrangement connectée aux années 1980. Les trois garçons décident d'écrire une réponse à cette mystérieuse demande de conseil. Bientôt, d'autres lettres arrivent du passé. L'espace d'une nuit, d'un voyage dans le temps, les trois garçons vont changer le destin de plusieurs personnes, et peut-être aussi bouleverser le leur. Un miracle de roman fantastique, émouvant et profondément humaniste.

    Mon avis (format court pour fiche BBM) :
    Un très beau livre, dans un style tout en retenue "à la japonaise", mais en même temps très réaliste malgré son vague aspect fantastique, parfois même très direct. Son découpage façon recueil de nouvelles m’a un peu dérangée, car c’est un format que je n’affectionne pas, mais les liens entre ces différentes histoires et leurs personnages sont un véritable coup de maître, avec un vrai happy end.




    Ne m'appelez pas Blanche-Neige de Gally Lauteur
    Un gentil 15/20 ;)

    <image>

    Synopsis : Qui a dit que la vie était un conte de fées? Lorsqu’on est trahie par sa meilleure amie, difficile d’y croire. Sous le choc, Blanche, 18 ans, préfère s’enfuir dans la nuit parisienne, entraînée par de mystérieux fêtards rencontrés sur le réseau social le plus populaire du moment. Si la magie devient virale, une princesse peut-elle s’en sortir avec pour seules armes : sa répartie et son téléphone? Oserez-vous croquer cette pomme d’amour et découvrir le cœur des princes de votre entourage?

    Mon avis :
    Un mot m’est venu à l’esprit dès les premières pages de ce livre, et en le refermant je ne peux que confirmer : légèreté ! Mais c’est aussi à peu près le seul qu’on puisse lui attribuer. Ce n’est donc pas une déception, mais pas un emballement non plus, ça ne me laissera pas un souvenir impérissable.

    J’avais choisi ce livre pour le challenge astrologique auquel je participe : parmi les diverses consignes, la plus intéressante (en nombre de points) demandait de pouvoir écrire le mot « taureau » avec les lettres du prénom + nom de l’auteur (oui, c’était pour le mois de mai, je suis en retard… =D ), et je suis tombée sur celui-ci sans trop savoir à quoi m’attendre. On entre ainsi dans l’histoire de Blanche, une histoire simple et assez convenue – la « trahison » de sa meilleure amie signalée par le synopsis est surtout une idée qu’elle se fait de ladite meilleure amie, après l’avoir surprise dans une situation qu’elle ne digère pas, mais cette meilleure amie est-celle vraiment si détestable ?...  c’est avec ce premier point que j’ai trouvé Blanche très « jeune ado » encore – après tout, elle n’a que 18 ans et, malgré un passé qui semble avoir eu quelques aspects un peu lourds, elle vit une vie tranquille et apparemment épanouie.
    Mais donc, après cette « trahison », Blanche se retrouve à errer dans les rues de Paris, et très vite entraînée dans un groupe de fêtards, dont elle comprend rapidement qu’ils viennent d’un tout autre milieu qu’elle… mais magie d’un roman-conte : elle les suit sans vrai souci, se pose certes des questions, parfois même beaucoup, mais n’oppose jamais de résistance bien sérieuse et laisse aller, constamment. Peu à peu elle donne l’impression de ne plus vraiment vivre sa vie, mais de suivre celle des autres en émettant de temps en temps le souhait de reprendre le cours de la sienne… vœu pieux puisqu’il n’aboutit jamais ! Et ainsi, non seulement elle devient amie (presque trop facilement) avec plusieurs personnes de ce groupe issu d’un milieu extrêmement huppé, acceptant l’invitation à dormir chez eux dès la première nuit ! mais en plus les événements avec ces « nouveaux amis » s’enchaînent assez rapidement…

    Avec ce livre, on est dans un monde très manichéen, avec ce paradoxe que, pour un certain nombre de personnages, et notamment les garçons, on ne sait jamais très bien qui est gentil et qui est méchant. Seule Blanche apparaît vraiment comme une blanche colombe, sans défenses et bien un peu nunuche ! A vrai dire, aucun de tous ces personnages n’est vraiment fouillé, et un mystère assez noir dicte leur conduite au quotidien, leurs émotions et leurs amitiés ; mystère lié à un événement passé que tout le monde connaît sauf Blanche… et du coup le lecteur non plus ! Alors, si ce suspense est « sympa » quand il apparaît au bout de quelques chapitres, car il met indéniablement du piment à l’histoire, il devient ensuite beaucoup trop lourd, car à partir de ce moment, toute l’intrigue tourne autour de ça, mais le lecteur n’en a pas la moindre clé, et ça traîne, ça traîne, ça traîne… avant que soit révélé assez brutalement ce qui s’est réellement passé, et paf on est à la fin du livre ! Certes, ça crée une ambiance un peu « noire » qui s’intensifie au fil des pages, mais il est mené trop maladroitement, avec beaucoup d’insistance (tout le monde en parle toujours façon club d’initiés qui ne doivent surtout rien dire à la pauvre Blanche !), et sans aucun indice qui ferait patienter le lecteur en entretenant efficacement son intérêt. Je n’aime pas vraiment ce procédé qui consiste à faire du mystère pour le plaisir du suspense, et en parallèle on se rend compte que l’intrigue reste assez creuse, il y a tout au plus une vague romance très, très soft.

    Il est aussi question d’une application Pommedamour.com, ça c’est la partie inventive et bien un peu magique de ce livre, on a même la méchante sorcière (qui n’est pas si méchante que ça, ce serait plutôt une espèce de voyante doublée d’une redoutable femme d’affaires !) et bien sûr les différents Nains, à choisir parmi les fréquentations de notre Blanche, mais en dire plus serait du spoil !
    Cela dit, à part cette référence récurrente au conte bien connu à travers les différents personnages (mention au nain Grincheux ! ;) ), et certains passages sur lesquels l’auteure insiste presque lourdement pour les rattacher à l’original, j’ai trouvé qu’on est assez éloignés du conte tel que je le connais (en version Disney uniquement, je ne connais pas la version des frères Grimm… qui n’est de toute façon déjà qu’une réécriture d’un ancien mythe germanique !). Cela pose la question à laquelle je ne trouve pas vraiment de réponse : est-ce vraiment une réécriture de conte ? Suffit-il de prendre tous les personnages, les « moderniser » (pour certains de manière très réussie, pour d’autres je suis un peu plus dubitative) et leur inventer une histoire complètement différente, en gardant toutefois une vague ambiance qui rappelle l’original (mordre dans la pomme… ou la cabane dans la forêt !) ?

    Tout cela étant dit, malgré les défauts d’une histoire creuse qui tourne autour d’un mystère absolu révélé trop tard, ce livre est juste ce qu’il me fallait en ce moment, après ma lecture précédente, qui était quant à elle émaillée de scènes très violentes (N.B.: c'est "Attaque en haute mer" que j'avais lu juste avant celui-ci). Ici on est dans la légèreté, et dans tous les sens du terme, pas seulement un certain manque de consistance de l’intrigue. Il y a aussi tout le côté positif des choses légères : l’écriture est pétillante, très agréable, non dénuée d’une touche d’humour et elle accroche dès le début ! Même si l’histoire de Blanche n’est pas forcément inspirante et pas tout à fait crédible, on sait qu’on est dans le conte et le côté « princesse émerveillée » est bien rendu quand on l’accepte ; même si on se lasse peu à peu de ce mystère dont on n’a pas la moindre idée, on a envie de savoir comment Blanche va finir par trouver la solution à cet imbroglio dans lequel elle s’est vautrée ; même si elle agace par son côté trop « suiveuse » un peu nunuche, on a envie de la voir dans les bras de son beau prince.
    Ce n’est donc pas une super-réussite inoubliable, mais un agréable moment de lecture, au risque de me répéter, toute en légèreté !





    Mille femmes blanches de Jim Fergus
    Je lui ai mis 17/20.

    A noter que ce livre, c'est la première fois que j'ai ça avec ma Kindle, présente deux couvertures!
    Il y a celle qui apparaît dans ma bibliothèque virtuelle:

    <image>

    ... et puis, normalement, elle devrait se répéter quand on clique dessus pour "entrer" dans le livre virtuel, mais non! Ici, quand on clique sur la première, c'est alors la couverture originale du Cherche-Midi qui apparaît, comme suit:

    <image>

    Synopsis : En 1874, à Washington, le président américain Grant accepte dans le plus grand secret la proposition incroyable du chef indien Little Wolf: troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l'intégration du périple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart des "Mille femmes" viennent en réalité des pénitenciers et des asiles de tous les États-Unis d'Amérique... Parvenue dans les contrées reculées du Nebraska, l'une d'entre elles, May Dodd, apprend alors sa nouvelle vie de squaw et les rites inconnus des Indiens. Mariée à un puissant guerrier, elle découvre les combats violents entre tribus et les ravages provoqués par l'alcool. Aux côtés de femmes de toutes origines, May Dodd assiste alors à la lente agonie de soi, peuple d'adoption...

    Mon avis :
    Un livre absolument terrible !
    Je l’avais dans ma PAL depuis quelque temps, et me suis décidée à le lire lorsqu’il a été proposé en lecture commune. C’est ainsi que j’ai appris très tôt, avant même de commencer le livre, que le postulat de base de l’histoire est fictif, pourtant il avait l’air tellement crédible… et c’est bien ça qui le rend encore plus terrible ! c’est ce genre d’histoire sans grande surprise sur son issue car, quel que soit le niveau de fiction qui y est apporté, on sait comment ça va finir : la touche historique est bien là, elle est connue, et elle est glaçante.

    On commence donc en sachant que ce ne sera pas une fin heureuse… dès lors, lire ou ne pas lire ? J’ai quand même tenté et ce n’est pas un regret, même si je ne lirai pas ce genre de livre trop régulièrement, car ça a un côté trop déprimant ! Commençons par le fond : pour moi, ce livre aborde toute une série de thèmes, mais deux sont prédominants, dramatiques, et s’exacerbent l’un l’autre.
    D’une part, ça parle de la condition de la femme à la fin du XIXe siècle, dans une Amérique très puritaine qui se remet peu à peu de la guerre de Sécession : le Sud est ruiné, mais les familles riches et prospères du Nord ont peut-être encore davantage assis leur fortune. La femme est faite pour obéir à son père puis à son mari, et est sévèrement punie si elle tente quoi que ce soit pour échapper à ce destin linéaire irrévocable. C’est ce qui est arrivé à l’héroïne et narratrice de ce roman : May Dodd, jeune femme de la haute société, a son destin tout tracé auprès d’un quelconque soupirant aussi riche et fortuné que son père. Mais May est une femme « libre » : amoureuse d’un homme d’un rang bien inférieur à celui de sa famille, elle s’installe néanmoins avec lui, ils ont deux enfants… jusqu’à ce que sa famille revienne tout contrôler selon les principes de cette société, et décide de la faire interner en asile psychiatrique (tel qu’on peut les imaginer à l’époque) car sa « maladie », la débauche, doit être traitée comme une forme de maladie mentale ( !!), tandis que ses enfants vont être réintégrés dans le cocon familial huppé, ces enfants qu’elle ne reverra jamais mais à qui elle ne cessera jamais de penser, et dont le souvenir sera le moteur qui lui permettra de « tenir » tout au long de l’histoire. Tout le roman est émaillé d’évocations brèves du souvenir de ses deux amours, et était à chaque fois un nouveau coup de poing dans mon cœur de mère !

    D’autre part, ça invite le lecteur à découvrir la vie des dernières tribus indiennes libres, durant les derniers mois de cette liberté. Ici il s’agit de Cheyennes, mais on en rencontre quelques autres. Cependant, on est bien loin des westerns à la John Wayne, ces westerns classiques et manichéens, où les Indiens étaient de méchants guerriers qui n’en voulaient qu’au scalp des pauvres (et gentils) colons blancs, venus quant à eux juste s’installer en ces terres incultes… Ici, on découvre une culture très différente de tout ce que les colons croyaient alors connaître, avec tout ce qu’elle a de beau (et notamment tout ce qui touche au respect de la nature) mais aussi toutes ses failles (dont le manque d’unité de tribu en tribu, parfois même au sein d’une même tribu, ce qui a sans doute précipité leur chute) – culture qui devait paraître encore plus étrange aux yeux des Américains blancs en cette fin de XIXe siècle dominée par la puritanisme, comme je disais plus haut.
    Pourtant, on apprend peu à peu à apprécier cette culture amérindienne dans ce qu’elle a de beau comme dans ses fragilités, au même rythme que ce groupe de femmes blanches plus ou moins volontaires pour aller les rejoindre. Mais tout à la fois, on assiste bien impuissants à leur histoire, car on sait que c’est trop vrai et que rien ne permettra jamais de revenir en arrière ; on assiste donc à l’extermination programmée de ce peuple « natif », comme on l’appelle quelquefois, bien ironiquement.

    En effet, l’auteur présente ici une situation, une période un peu ambiguë de ces « guerres indiennes » : si les femmes ont été envoyées dans cette tribu Cheyenne, acte politique (fictif, je le répète) qui ne sera jamais vraiment assumé, c’est en leur servant à elles l’idée qu’elles y vont pour « civiliser » leurs maris indiens, et les amener peu à peu vers les réserves qui commencent alors à fleurir sur une infime partie de leurs anciens territoires de nomades – laissant ainsi le champ libre à l’homme blanc pour coloniser ces terres riches d’or. Ce sont ces femmes qui sont sensées se marier « librement » à des Indiens, pour ensuite porter leurs enfants… et les amener vers les réserves où ils bénéficieraient d’une éducation occidentale, ô les bienheureux ! On a d’ailleurs, soit dit en passant, le personnage religieux de service qui accompagne ces dames, pour les assister mais aussi pour évangéliser ces peuples païens

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    - le premier se révélera couard et pédophile, le second est plutôt dans « l’illumination divine » mais au moins il fera ce qu’il peut pour aider au moment des massacres… les deux sont très caricaturaux, chacun dans son genre, mais aussi criants d’une certaine vérité.



    On sait désormais que, indépendamment de la fiction racontée ici, de telles situations ont vraiment existé. Comme par hasard, c’est il y a quelques jours à peine qu’on parlait dans la presse de cette assimilation forcée, au Canada, des enfants amérindiens et métisses ( cf. https://www.rtbf.be/info/monde/detail_c … d=10773492 ) : ils étaient envoyés dans des pensionnats (souvent religieux) où ils étaient déracinés, coupés de leurs familles, de leur langue et de leur culture, pour recevoir une éducation « civilisée » (entendez : de l’Homme blanc). Et ces pensionnats ont existé de la fin du XIXe jusqu’à la fin du XXe siècle ! Ca m’a fait aussi penser à ce magnifique film (le livre existe aussi, mais pour une fois c’est le film que j’ai vu, alors que je n’ai jamais lu le livre) : « Le chemin de la liberté » (« Rabbit-proof fence », en anglais) qui traite d’un sujet tristement similaire, mais en Australie.

    Et bien sûr, on sait que ça a existé aussi aux Etats-Unis, même si ce pays-là semble éternellement incapable de reconnaître ses erreurs à ce sujet – erreurs irréparables de toute façon ! Ce livre en est une « preuve », certes fictive, mais qui remue tant de choses hélas vraies !
    Et pour faire le tour de la question, tout cela m’a aussi fait penser à une histoire bien européenne, un livre que j’ai lu il y a plusieurs années. Après quelques recherches sur Internet, je pense qu’il s’agissait du très beau (mais tout à la fois horrible) « Zoli » de Colum MacCann, qui parlait – entre autres – de la sédentarisation forcée du peuple tsigane dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Cette tentative d’assimilation aurait commencé dès la 2e guerre mondiale, mais aurait eu son apogée sous la domination soviétique… avec beaucoup de drames et finalement peu de succès ! On est dans un tout autre contexte que nos Cheyennes, mais au fond c’est la même histoire ! L’Homme blanc ne peut-il donc jamais faire autre chose que vouloir imposer sa culture, ses croyances et ainsi dominer ses semblables qui ont pour seul « défaut » d’avoir une autre tradition / une autre couleur de peau / une autre religion ?
    Tout cela est bien un peu désespérant et, à vrai dire, j’ai eu du mal à terminer ce livre, qui plonge peu à peu dans un climat de plus en plus tendu, et envahi d’une certaine tristesse car on sait que la réalité a largement dépassé la fiction…

    Quand on y pense, c’est un peu fou de se dire que ces soldats américains sortaient à peine d’une guerre fratricide qui a eu au moins une conséquence heureuse : l’abolition de l’esclavage (même si ça n’a pas été aussi simple qu’on veut parfois le faire croire) … pour aller aussitôt après « tuer du sauvage » !?

    Quant à la forme…
    On a là une compilation d’écrits qui seraient attribués à May Dodd elle-même : un mélange de lettres qu’elle écrivait à sa famille (lettres qui ne sont évidemment jamais arrivées !) et des pages d’un journal intime qu’elle s’efforçait de tenir envers et contre tout. Et c’est là que le bât blesse (hélas !). On peut comprendre que, issue d’un milieu très privilégié, May aura reçu une éducation assez sérieuse… mais à ce point ? Là, elle écrit comme une femme réellement libérée qui se serait prise en mains, qui aurait fait des études ou que sais-je, mais qui a en tout cas atteint un certain niveau d’érudition et de liberté intellectuelle assez conséquent ! Or, si elle vient d’une famille qui a pour seul objet de trouver un bon parti à ses filles pour accroître la fortune familiale, comme on le laisse largement entendre, j’ai peine à croire qu’on lui ait donné une éducation aussi poussée. En outre, elle a quitté ce milieu assez jeune pour aller vivre avec son ouvrier… et à partir de ce moment-là, a elle-même dû travailler en usine ! Son passage à l’asile, en plus, n’a pas été une partie de plaisir. Dès lors, où a-t-elle acquis toutes ces capacités d’écriture, de réflexion, et aussi de détachement face à certains événements ?

    En effet, elle apparaît comme tellement maîtresse d’elle-même, capable de relativiser, d’analyser les gens et les choses, avec une minutie assez poussée, durant le long voyage de leur ville de départ vers « la Prairie » - c’est un peu trop artificiel. Autant l’histoire même est follement, dramatiquement crédible, autant son personnage principal semble un peu surfait, et dès lors on a du mal à s’y attacher. En outre, malgré son passage par cet asile, et la promesse d’un mariage avec un Indien, May parvient à vivre une aventure avec un jeune officier de l’un des forts par où le convoi passe – jeune officier qui est présenté comme un peu coincé, très catholique, et fiancé à une jeune femme du même rang que lui ! Dès lors, leur relation est tellement improbable dans le contexte présenté depuis le début, qu’on se demande si l‘auteur ne s’est pas tout à coup trompé d’époque, car ces passages-là sont clairement décalés dans le contexte du roman, et ça ne colle pas à l’image d’une May vaguement repentante quand elle pense à ses enfants ! Érudite un moment, l’instant d’après elle est la faible femme incapable de résister à l’appel de la chair, à la première occasion avec le premier gars un peu attirant… Certes, c’est aussi très humain et ça donne un tout petit air de romance à ce livre, mais je n’ai pas trop compris l’intérêt de la chose, même avec les développements ultérieurs !

    A côté d’elle, il y a toute une galerie de personnages, surtout les femmes bien sûr, que l’on suit au fil de l’histoire. Je ne vais pas les détailler ici, ce n’est pas le but, mais disons que quelques-uns sont nettement plus attachants que May elle-même. J’ai bien aimé les sœurs jumelles irlandaises, anciennes prostituées gouailleuses, qui donnent une touche de piquant non dénué d’humour à chacune de leurs interventions. J’ai apprécié Little Wolf et cette image du chef indien juste, sérieux, fort et tout à la fois à l’écoute – le genre de type qu’on aurait aimé rencontrer, dans un contexte où le désir, l’intérêt et/ou le plaisir de rencontrer une autre culture auraient été plus forts que le pouvoir des armes… Et alors, mention pour l’ancienne esclave noire Phemie, qui a réussi à rejoindre les « mille femmes blanches » pour aller se marier à ces Indiens, et que ces derniers vont appeler bien à propos « Black White Woman » (le femme blanche noire) – son histoire est forte et dramatique à elle aussi, mais beaucoup plus crédible que celle de May, et les choix qu’elle va faire au sein du Peuple sont dignes d’admiration (même si on se voit mal à sa place).

    En résumé, c’est une histoire dramatique, terriblement réaliste, même quand on sait que la base est fictive et malgré le fait que la personnage principale soit un peu trop « parfaite » pour être crédible. Néanmoins, la fiction ne cache à aucun moment la vérité historique, hélas terrible, qu’a vécu le peuple amérindien en cette fin du XIXe siècle. L’ambiance est restituée avec beaucoup de respect et de clairvoyance, et fait donc réfléchir… tout en créant un sentiment de malaise sur notre culture anglo-saxo-européenne dominante qui n’a décidément jamais épargné personne !





    Le petit grain de café argenté de Guillaume Tavard
    06/20... et j'ai été généreuse!

    <image>

    Synopsis : Quels étaient vraiment les projets de Guillaume en débarquant à Londres ? Entreprendre quelque chose de glamour, de rock'n' roll, rencontrer des filles ? En tout cas, travailler chez Fresh et y faire des sandwichs du matin au soir, certainement pas. Heureusement, pour supporter la sempiternelle routine de ce job abrutissant, l'esprit d'entreprise factice et les collègues paumés, Guillaume a une recette secrète : une bonne dose d'autodérision, un lever de coude compétitif et une étoile à poursuivre. Une étoile en forme de petit grain de café argenté, l'insigne chez Fresh des as de l'expresso, des pros du cappuccino. Obtenir cet insignifiant symbole de réussite devient alors son unique objectif, le seul rêve auquel il puisse se raccrocher...

    Mon avis :
    Titre relativement attirant, pour un livre que j’ai choisi expressément pour le challenge astrologique pour le mois de mai, car la consigne la plus intéressante consistait à pouvoir former le mot « taureau » avec les lettres du prénom et du nom de l’auteur, et voilà. Autant dire que je vais m’abstenir désormais de choisir des romans ainsi sans trop savoir de quoi il s’agit, surtout s’ils sont mal ou très peu notés… ou du moins y réfléchir à deux fois !

    J’hésite à dire si ce court roman est affligeant, ou tout simplement sans intérêt aucun. Il nous raconte une tranche de la vie d’un certain Guillaume, jeune Français de 22 ans qui a tout à coup décidé d’aller s’installer à Londres, où il trouve rapidement un emploi pour la chaîne de restauration rapide « Fresh ». Cette chaîne propose essentiellement sandwiches et cafés, le tout étant plus que millimétré et ultra-surveillé, tout en se prétendant une « grande famille » pour tous ses employés, à qui elle offre open bar dans une boîte une fois par semaine, grandes soirées festives alcoolisées, etc.

    Le synopsis laissait entendre qu’on aurait là une critique de ce genre de chaîne (d’autres sont d’ailleurs citées dans le livre même, comme McDo ou Starbucks), et effectivement il y a de ça, un peu comme une espèce de satire sur ce type d’entreprise. Mais c’est présenté avec un pseudo-humour tellement « forcé » que ça en devient peu à peu agaçant. Pour expliquer ce type d’humour, une image s’impose à moi : imaginez un repas de famille élargie où vous retrouvez un cousin éloigné, connu pour sa capacité à rire de tout et n’importe quoi, avec un humour pas méchant mais un peu lourdaud, style potache alors qu’il en a passé l’âge et que vous, de toute façon, ça ne vous fait plus vraiment rire en fait – mais vous souriez parce vous êtes poli, sans que ça vous fasse jamais rire vraiment, même pour lui faire plaisir ! Pourtant, par moments, on s’étonne qu’il ait visé juste, mais après 2-3 vannes on se dit ok c’est bon, mais lui ne se lasse pas tant qu’on reste près de lui. Or, avec mon entêtement à ne jamais abandonner un livre, je suis restée à côté de ce cousin barbant beaucoup trop longtemps…

    Ajoutons à ça que le personnage principal de ce roman est ce modèle d’une certaine jeunesse moderne, que rien ni personne n’intéresse vraiment, et en plus il en est très fier ! Il évoque même le sujet à plusieurs reprises, à travers la voix de l’un ou l’autre collègue qui lui demande ce qu’il va faire, ce qu’il souhaite de la vie. On apprend ainsi, immanquablement, qu’il a quelques rêves plus ou moins déjantés, mais aucun projet à court ou moyen terme : pas envie de retourner à la fac car ça ne l’intéresse pas, pas envie de chercher un autre boulot parce qu’il a un côté lymphatique absolu, un « loser » comme le lui reproche un collègue plusieurs fois… et lui ça le fait rire ! La seule chose qui semble le motiver un tant soit peu, c’est l’obtention d’une épingle en forme de petit grain de café argenté, à attacher sur sa casquette d’uniforme de barista chez Fresh… Tout ceci est assez symptomatique d’une certaine jeunesse désabusée avant même d’avoir commencé à vivre ; ça m’a agacée d’autant plus que j’en ai croisé quelques-uns, de ces jeunes, dans des familles de l’une ou l’autre connaissance. Des « losers » donc, apparemment fiers de l’être, qui n’ont plus la moindre étincelle et qui se laissent porter par la vie, on a l’impression de voir des larves qui s’alcoolisent à la moindre occasion – même pas « pour oublier », mais parce qu’ils ne sont pas capables et disent ne pas avoir envie de faire quoi que ce soit d’autre.

    Alors, que les jeunes de notre époque soient assez désespérés face à l’avenir que nous leur laissons entrevoir, ça peut se comprendre (hélas !). Mais ici, il n’y a aucune « explication » à cet état d’esprit chez Guillaume : pas de famille à problèmes, ou au contraire une famille qui l’aurait trop gâté au point de le rendre bête ; pas de chagrin d’amour, pas d’échec dans les études ; rien de rien ! Le mec apathique et limite débile sort de nulle part, pour vivre une vie qui ne ressemble à rien d’un tant soit peu intéressant… et en plus il en rit, et on ne sait même pas si c’est par dérision, ou parce que lui et ses congénères sont complètement décérébrés – malgré, parfois, de réelles capacités intellectuelles (là je parle de certains parmi ceux que j’ai pu croiser).
    Cette non-existence assumée valait-elle tout un roman ?...

    Si je donne quand même quelques points à ce livre, c’est parce que, comme je disais plus haut, tout n’est pas tout à fait raté : il y a quelques phrases tout à coup bien réalistes qui font mouche, malheureusement un peu perdues dans la logorrhée du cousin rasoir. Et puis aussi, rendons-lui une autre part de justice : le découpage en chapitres souvent très courts le rend très facile à lire et, heureusement, il n’est pas très-très long. Je garde quand même le sentiment d’avoir perdu mon temps en lisant ce livre… mais au moins j’aurai 10 points de plus dans le challenge astro ! ;)





    La Chasse de Bernard Minier
    Un tout bon 18/20!

    <image>

    Synopsis : "Il y a des ténèbres qu'aucun soleil ne peut dissiper."
    Sous le halo de la pleine lune, un cerf surgit de la forêt. L'animal a des yeux humains. Ce n'est pas une bête sauvage qui a été chassée dans les forêts de l'Ariège...
    Dans ce thriller implacable au final renversant, Bernard Minier s'empare des dérives de notre époque. Manipulations, violences, règlements de comptes, un roman d'une actualité brûlante sur les sentiers de la peur.
    Une enquête où Martin Servaz joue son honneur autant que sa peau.


    Mon avis :
    Martin Servaz, ce héros un peu anti-héros créé par Bernard Minier, est depuis plusieurs années l’un de mes personnages de fiction préférés ! Pour la petite histoire, j’avais découvert le premier opus de la série, « Glacé », l’année de sa sortie (2016) car, malgré la panne de lecture dans laquelle je me trouvais alors (je ne lisais plus qu’un livre toutes les 6 semaines, et encore…), je l’avais choisi dans la catalogue Belgique Loisirs et l’avais lu dans la foulée. Je suppose que j’avais bien aimé, mais j’en étais restée là… je ne pourrais même pas dire si B.L. a sorti les quelques épisodes suivants, le cas échéant je ne les ai pas repérés au catalogue. Et puis en 2018 sort « Sœurs », que j’ai à son tour choisi chez B.L., sans faire – du tout – le lien avec le précédent. Ce n’est qu’en le lisant, celui-là aussi dans la foulée de mon achat, que je me suis aperçu que j’avais déjà rencontré les personnages, qu’ils avaient évolué et que j’avais manqué l’une ou l’autre étape. Et ainsi, malgré le fait que je ne lisais plus guère à l’époque, je me suis procuré les quelques autres livres manquants en occasion, les ai tous dévorés, plus ou moins appréciés mais de façon générale c’était du positif – même si « Sœurs » reste mon préféré dans la série, et que « Glacé » a une place un peu à part, à cause de son originalité et le fait qu’il ouvre la série. Ainsi, quand « La vallée » (l’avant-dernier opus) est sorti, je ne pouvais que craquer… et paf, j’ai été déçue - alors que, paradoxalement, c’est le livre de la série qui a la meilleure note sur LA… mais ce n’est pas la première fois que je n’ai pas les mêmes goûts que la majorité des autres lecteurs !

    C’est que ce personnage un peu décalé, cabossé (plus que d’autres) par la vie, et pourtant plein de convictions et fidèle à son métier, mais aussi désabusé et très critique sur toute une série de thèmes sociétaux… eh bien il commençait à m’agacer ! j’étais lasse de l’impression de tourner en boucle, d’entendre les mêmes rengaines ressassées, et ça prenait limite plus de place que l’intrigue elle-même – intrigue qui, au demeurant, était une nouvelle fois très prenante, mais pour le coup ça n’a pas suffi à me faire vraiment apprécier cette Vallée.

    Ainsi, quand ce dernier opus, « La Chasse », est sorti, avec sa couverture une fois encore dans les tons bleutés-glaçants, et son image interpelante, j’étais partagée… L’acheter et risquer une nouvelle déception ? Ne pas l’acheter et le voir me narguer à chaque passage en librairie ? ou l’acheter quand même, juste « pour voir » ?
    Oh que j’ai eu raison d’opter pour la 3e solution ! Certes, Bernard Minier, à travers la voix de son personnage principal, continue une critique assez acerbe d’une société qui va à la dérive, qui ne respecte plus les valeurs de la démocratie, dont la fonction de policier… Mais ici, Servaz a « mûri » ; toujours hanté par ses démons, il a néanmoins réussi à aller au-delà et en tout cas ne passe plus son temps à les ressasser. Et ainsi, avec un personnage plus pondéré que dans d’autres épisodes, le roman peut se permettre d’aller beaucoup plus loin me semble-t-il. Et cette fois, c’est plus qu’un tour de force : le lecteur est ferré plus que jamais, entraîné les yeux grands ouverts dans un débat dont on ne sert pas indemne, car une question est posée à travers tout ce livre, de façon parfois insidieuse, on croirait même qu’il délivre un message proche de l’extrême-droite sans ses dérives (quoique…) : qu’est-ce que la justice ? que faire quand elle n’est pas rendue comme elle « devrait » ? – entendez par exemple : quand un criminel multirécidiviste, et tout le monde sait qu’il l’est, les preuves abondent et l’accablent, mais qu’il est quand même libéré à cause d’un vice de procédure, un papier qui n’a pas été signé comme il le fallait ? (et que sa victime reste désespérément retirée du monde, d’une façon ou d’une autre).

    Évidemment, quelle que soit notre expérience personnelle de cette justice, nous avons tous un avis plus ou moins tranché sur la question selon notre personnalité, une opinion plus ou moins radicale selon nos convictions profondes. Or, ici, l’auteur joue avec ces sentiments forts que l’on peut ressentir face à une justice qui paraît non rendue ; il flirte clairement sur une ligne dangereuse, à la limite entre le Bien et le Mal, à la limite d’un discours extrémiste dans lequel il ne tombe pourtant jamais tout à fait… mais qu’on aurait presque envie d’entendre quand on repense à certains événements de ces dernières années, même si nos amitiés profondes ne vont pas (du tout) à ces extrêmes. Ainsi, par moments, quelles que soient nos convictions, on en arrive à se dire que les mauvais, les tueurs, les « chasseurs » de ce roman-ci, ne sont peut-être pas les vrais mauvais ?...
    Et puis on lit (en cachant ce qui risquerait d’être spoilant) :
    « Servaz avait été frappé par les mots que [xxx] avait employés : « cause juste », « justice », « honneur », « civilisation »… Cet homme se croyait investi d’une mission. Il faisait de son parcours sanglant un combat. Servaz savait d’expérience que, quand le Mal se déguise en Bien, quand le Mal se prend pour le Bien, c’est là qu’il est le plus dangereux. Aucun criminel ne fait montre de plus de cruauté que celui qui se croit d’avance absous de ses crimes par une cause qu’il pense juste. »

    Oui, un seul mot le rappelle : aussi « sympatiques », aussi « justes » même que ces justiciers aient pu paraître, ils sont eux aussi des criminels… car ils mettent en danger la démocratie, système faible s’il en est, mais aussi le seul qui garantisse les vraies valeurs auxquelles notre héros continue de croire malgré toutes ses désillusions… et qu’il invite ainsi le lecteur, l’air de rien, à considérer après l’avoir baladé sur ce fil rouge tout du long !

    Et l’enquête, me direz-vous ?
    Je me rends compte que, en réalité, elle a été beaucoup moins importante que tout ce débat d’idée qui oscille sans arrêt de part et d’autre d’une certaine ligne rouge. D’ailleurs, on est bien loin de ces romans policiers qui entretiennent un suspense total jusqu’au bout, pour tout dévoiler sur les pages finales. Ici, on sait assez vite qui est le « chasseur ». C’est même plus : à partir d’un certain moment, c’est sur ce personnage-là que se penche le narrateur omniscient, s’éloignant du pilier central qu’est Martin Servaz, et ainsi on partage même directement le point de vue de celui qui est sensé être l’ennemi. Oh ! il reste suffisamment de zones d’ombre pour que le suspense reste présent jusqu’à la toute dernière ligne, vraiment, et c’est pour mieux tromper le lecteur que ce suspense semble se déliter parfois, au profit de l’affrontement psychologique entre les différents personnages – affrontement psychologique, certes, mais avec aussi des rebondissements et autres scènes dignes d’un film d’action !

    De façon générale, et en essayant de ne pas spoiler, disons que j’ai retrouvé avec plaisir, outre Servaz et ses proches, ses coéquipiers habituels : Vincent Espérrandieu est plus en retrait que dans d’autres romans, alors que Samira Cheung est un peu plus mise en avant– or, j’aime beaucoup son anticonformisme et son franc-parler, et ici tout à coup elle devient plus humaine, plus « femme » aussi, comme par exemple quand elle remarque, petite phrase qui fait mouche l’air de rien, qu’il n’y a pas une seule femme parmi les hommes ( !) du RAID... Les quelques nouveaux personnages sont plus ou moins attachants, plus ou moins ambigus, en tout cas ils posent question dès le début et parviennent à surprendre avec plus ou moins de succès – pour l’un, je n’étais pas vraiment surprise, comme si l’affaire avait été si bien amenée que c’était tout à coup une évidence ; pour l’autre, je continue de vouloir croire qu’il y a malgré tout du bon en lui!

    A part ça, l’enquête avance sans trop de heurts ; on a comme toujours quelques prises de bec entre Servaz et sa hiérarchie, mais quelques félicitations ou encouragements aussi, dont on se surprend en même temps que le personnage, tout cela est très humain! ; quelques allusions aux conflits latents entre police et gendarmerie, ou entre policiers et journalistes – avec, pour le coup, un personnage soi-disant récurrent dont je ne me rappelais pourtant pas, mais qui était particulièrement bien typé. On a aussi, comme dans tous les autres romans de Minier, une écriture très visuelle dès lors qu’il s’agit de scènes d’action, et parmi elles les incontournables : quelques fausses pistes qui font frémir, ou quelques vraies pistes mais qui, pour une raison ou une autre, n’aboutissent pas et dès lors sont encore davantage pleines de frissons. Enfin, on a aussi un ancrage évident dans l'actualité: la pandémie de covid-19 est évoquée à plusieurs reprises sans être explicitement nommée, mais tout le monde (parmi les policiers du moins) porte un masque, pas toujours "comme il faut", et il y a cette tension d'un confinement partiel, avec le couvre-feu nocturne par exemple - ce n'est pas étouffant comme j'aurais pu le crainde, c'est juste présent parce que, comme dans nos vies encore actuelles, on doit "faire avec".

    Ce sont donc tous les dadas de Bernard Minier qui ressortent ici, ainsi que tous ses « artifices » que l’on retrouve roman après roman, mais chaque fois renouvelés en fonction de l’ambiance et dans lesquels on se laisse de toute façon prendre avec le même plaisir ; cette capacité de jouer avec les nerfs du lecteur jusqu’au final qui a des petits airs de cliffhanger…. Et cette fois, contrairement au livre précédent qui m’avait moins convaincue, on retrouve son personnage principal plus serein malgré ses démons, et dès lors on aborde avec lui une thématique peut-être encore plus glaçante que les précédentes, car elle résonne au cœur de chaque citoyen que nous sommes.

    N.B. : pour être tout à fait correcte, je devrais ajouter que ce livre est aussi très « franco-français », et je ne dis pas ça comme une critique, mais comme un fait. Bernard Minier, à travers la voix de Martin Servez, propose une réflexion sur la justice telle qu’elle existe en France, point. Il cite d’ailleurs çà ou là, sans approfondir toutefois car ce n’est pas son propos, les systèmes d’autres pays, qui seraient plus punitifs, moins laxistes que ce qui existe selon la loi française.
    Dès lors, ce livre aurait pu me passer par-dessus la tête. Toutefois, il n’aborde pas de thématiques où nos lois auraient été radicalement opposées – je veux dire : s’il avait traité d’euthanasie par exemple (légale selon certaines limites en Belgique, depuis plusieurs années, mais toujours illégale en France), je me serais sans doute ennuyée ou énervée ! Mais dans cette thématique des failles d’un système judiciaire qui fait que toute une enquête peut s’écrouler à cause d’un détail de procédure, donnant l’impression que les criminels sont davantage protégés que les victimes, et d’une police de plus en plus malaimée, je pouvais trouver suffisamment d’éléments proches de la réalité de mon pays, puisque que les systèmes belge et français, basés tous deux sur le code Napoléon, et posés également sur des valeurs démocratiques, présentent surtout de nombreuses similitudes.

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #118 10 Juin 2021 16:16:31

    Bonjour à tous!

    Vous allez bien?
    Moi je continue tranquillement mes lectures, tout en appréhendant (autant que je l'espère) le retour prochain au bureau... Oh! au début ce sera au compte-gouttes, et je ne fais pas partie du personnel "critique" qui doit y retourner dès que ça rouvre... mais en juillet les enfants seront à la maison, seule ma fille veut bien faire un stage ou l'autre, donc il sera indispensable (pour ma santé mentale) de m'éloigner d'eux si je veux pouvoir travailler! ;)

    Bref, le livre du jour est:

    Ambre et les dragons de glace de Heather Fawcett
    Un tout bon 16/20! c'est une lecture vraiment chouette - pas exceptionnel, mais un petit coup de coeur du genre!
    C'était pourtant une lecture "au hasard", un emprunt à la bibliothèque, je n'en avais jamais entendu parler... et j'ai très vite été séduite!

    <image>

    Synopsis : Ambre est une dragonne de feu. Du moins, l'était-elle avant que son père adoptif, un puissant magicien, la transforme en humaine pour lui sauver la vie dans ce monde où les dragons sont traqués et exécutés sans pitié. Seulement voilà, son corps s'enflamme littéralement au-delà d'une certaine température... Afin d'éviter de nouvelles catastrophes, Ambre quitte l'Angleterre pour l'Antarctique, où vit sa tante Myra. Elle découvre bientôt qu'une chasse aux dragons de glace y est organisée. Bouleversée, elle se joint à la traque pour la saboter de l'intérieur. Pourra-t-elle survivre à ce périlleux voyage à travers le continent sauvage ?

    Mon avis :
    Sympathique roman jeunesse, que je pourrais présenter même à mon plus jeune (de 8 ans et demi) à condition de le lire avec lui, tout simplement parce qu’il n’est pas grand lecteur et que ça fait quand même (un peu plus de) 400 pages ! Ce roman propose une aventure dans un monde qui évoque un Empire britannique à l’époque victorienne (fin du XIXe siècle), c’est-à-dire à l’un des sommets de sa puissance, mais à la sauce fantasy. C’est un univers cohérent, avec plein de similitudes avec ce que l’on connaît, et toute une série de détails propres au monde que l’auteure a créé, et qui se tiennent de bout en bout.

    Elle met en avant une belle amitié entre trois enfants, tous trois un peu différents et un peu blessés par la vie malgré leur jeune âge, mais plein d’enthousiasme et d’imagination – autant dire qu’ils sont très vite très attachants, ainsi que la plupart des autres, même certains des « méchants ». Et bien entendu, malgré les réserves des uns ou des autres à différents moments, cette valeur de l’amitié et de tout ce qu’elle permet d’accomplir ensemble est la clé de tous les succès que ces trois enfants vont remporter même quand ils n’y croient plus trop eux-mêmes, dans toute une série d’aventures rocambolesques et autres rebondissements pleins de surprises, sur une terre antarctique revisitée mais très réaliste.

    Parmi les quelques autres thématiques esquissées, outre cette amitié précitée, la plus évidente à mes yeux est l’attention portée aux espèces menacées et la nécessité de les préserver. L’auteure présente cela ici à travers la situation dramatique de cas animaux mythiques que sont les dragons. Elle les distingue en différentes sous-espèces adaptées chacune à un climat ou environnement spécifique, sous-espèces qui ont été étudiées par un biologiste attentif qui aurait publié un livre, dont on a un extrait au début de chaque chapitre, sensibilisant les jeunes lecteurs en même temps que les trois enfants progressent dans ce monde qu’ils affrontent. Mais surtout, elle les dote d’une certaine forme d’intelligence, d’un langage même, d’une organisation sociale, etc. , ce qui est évidemment très touchant. Pourtant, ils sont tous sur-chassés, si bien qu’Ambre serait la dernière représentante des dragons de feu, alors que les dragons de glace vivent dans des montagnes gelées de plus en plus reculées, et le danger continue de planer à cause de la cupidité des hommes…
    Cela dit, c’est presque dommage que l’auteure n’insiste pas davantage, d’une façon ou d’une autre, sur les espèces réelles vraiment menacées aujourd’hui, car là elle vend du rêve avec des créatures imaginaires mythiques mises en scène dans une histoire qui finit bien… mais les jeunes lecteurs seront-ils capables de faire le lien avec nos animaux bien vivants mais en voie d’extinction ? et leur fin à eux sera-t-elle aussi heureuse ?...

    A part ça, l’écriture est bien rythmée, avec beaucoup de rebondissements comme je disais plus haut, mais aussi des temps plus posés, par exemple lorsque nos trois jeunes héros prennent le temps de réfléchir, d’élaborer une quelconque stratégie… et permet ainsi au lecteur de reprendre son souffle, avant de s’emballer à nouveau ! Tout cela est porté par une plume fluide et agréable, tout à fait adaptée à son public : que demander de mieux ?





    Côté lectures en cours, j'ai deux emprunts en bibliothèque aussi, et jusque-là que des bonnes surprises:
    - La machine, de l'auteure belge d'origine espagnole Katia Lanero Zamora - un univers Fantasy aux allures de révolution, dans un décor très inspiré d'une ambiance espagnole, jusqu'à présent vraiment sympa... même si c'est aussi très young adult, un peu trop à mon goût de "vieille" en tout cas :ptdr:
    - Harper in summer, de Hannah Bennett - une romance ado que j'avais prise sans trop réfléchir, et en l'entamant j'avais un peu peur d'être déçue là aussi... résultat: je le dévore, c'est vraiment très bien fait! mais vous saurez pourquoi en me suivant... :P

    Côté papier, on a Rebelle du désert d'Alwyn Hamilton, une fantasy orientale (je ne sais même pas si ça existe, comme sous-catégorie ;) ) qui a plein de similitudes avec Rozenn que j'ai lu il y a bien peu de temps, tout en étant assez différent quand même... J'ai l'intégrale, déjà (ou seulement?) fini le premier tome, faudra que je songe à commencer l'avis avant d'avancer trop dans la suite de l'histoire...

    Enfin, côté Kindle, je ne pouvais résister à un policier, en l'occurrence Carnaval de Ray Celestin, qui décrit La Nouvelle-Orléans de 1918-19 avec ce qui ressemble à un vrai amour pour cette ville, à travers une histoire atroce et incompréhensible de tueur en série (basée sur des faits réels), et où on rencontre quatre personnages principaux plus ou moins liés (dont Louis Amstrong jeune! en personnage secondaire quant à lui, toutefois), très typés et bien attachants chacun dans leur genre, pour l'instant c'est un coup de coeur alors que je n'en suis qu'au tiers!

    Enfin, j'ai aussi Le choeur des femmes de Martin Winckler en LC, je le laisse un peu retrait car je l'ai déjà lu il y a quelques années et me rappelle l'histoire dans les grandes lignes (vraiment grandes-grandes lignes cela dit, car ce livre fait près de 600 pages en GF, et encore 100 de plus en poche! :O donc il y a sans doute toute une série de détails à redécouvrir...).




    Pour le mot de la fin: c'est dans Harper in Summer que j'ai trouvé ça... et tout à coup j'ai bien envie de laisser mes enfants s'élever tout seuls!

    La mère de Josh a lu tous les livres, ce qui explique que Poppy [la petite sœur de Josh] ne soit pas vraiment élevée, le premier principe de Lauren [la mère donc] étant « Un enfant qui ne m’empêche pas de lire est un enfant heureux. ».


    Mes enfants sont-ils heureux?... :yeah:

  • Bouledechat

    Passionné du papier

    Hors ligne

    #119 10 Juin 2021 16:29:49

    Mes enfants sont-ils heureux?...


    :ptdr:

    Sinon, je reste en alerte pour ton avis sur Rebelle du désert, ça a l'air d'avoir plus de potentiel que son résumé ! =)

    Et ta chronique à propos de Ambre est bien chouette, je fais une pause dans le jeunesse mais si je m'y remets un jour je lirai peut-être celui-là !

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #120 22 Juin 2021 11:50:47

    Bonjour à tous!

    A nouveau je ne suis pas venue depuis longtemps... et ce post de suivi a été relégué à la 3e (et dernière) page des discussions auxquelles je suis abonnée! :O
    Ce sont 6 livres qui se sont ajoutés à mon flux de lecture depuis mon dernier passage, il est grand temps que je me mette à jour!

    Bouledechat a écrit

    Sinon, je reste en alerte pour ton avis sur Rebelle du désert, ça a l'air d'avoir plus de potentiel que son résumé ! =)

    Et ta chronique à propos de Ambre est bien chouette, je fais une pause dans le jeunesse mais si je m'y remets un jour je lirai peut-être celui-là !


    Merci pour Ambre ;) J'écris toujours mes commentaires assez rapidement après la lecture, puis souvent je laisse "poser" au moins 24 heures avant de mettre en ligne... mais si je me rappelle encore d'un livre avec un petit sourire heureux* près de 2 semaines plus tard, c'est que c'était tout bon!

    * on parle bien sûr d'un gentil livre jeunesse! Je me rappelle d'une façon différente des thriller ou autres livres plus ou moins historiques durs...

    Entre-temps j'ai terminé Rebelle du désert, juste hier. Ce n'est pas un super-coup de coeur mais j'ai vraiment bien aimé! C'est ma dernière critique à encoder parme les 6 livres "en retard", donc j'espère que je vais encore le mettre aujourd'hui...

    Mais avant tout, grosse surprise pour moi!
    J'ai participé à la dernière Masse Critique de Babelio, sans trop y croire, après 2 essais manqués. Il paraît que c'est normal mais je vois aussi certains noms qui reviennent à chaque essai avec un titre... ce n'est pas de la jalousie, tant mieux pour elles! ;) mais ça me rappelle une expérience passée avec une marque de vêtements pour enfants, où je m'étais inscrite pour en recevoir gratuitement, les essayer aux enfants qui étaient encore petits, et partager mon avis sur FB où j'étais alors très active... Et j'avais été sélectionnée, parmi les premières Belges en plus ;) mais j'ai vite compris que les choses marchent à deux vitesses. Ils affirmaient haut et fort que tout le monde avait sa chance... mais bizarrement c'était toujours la même -une qui avait une énorme visibilité sur les réseaux car elle était complètement accro- qui recevait les plus belles choses, les primeurs avant les autres participants, qui était invitée régulièrement au siège de la marque (sous prétexte qu'elle habitait à côté, mouais), etc. Cette expérience-là avait été intéressante, mais elle m'a aussi beaucoup échaudée sur ce genre de "participation"... Alors, je sais que Babelio n'est pas une marque, mais bien les éditeurs (en quelque sorte); or, les livres que Babelio distribue ainsi gratuitement ne viennent pas des fonds propres de Nicolas j'imagine! ;) Voilà voilà...

    Mais je m'égare! J'ai donc participé à la Masse Critique Non-fiction, en me disant que peut-être... mais sachant aussi que je ne lis JAMAIS de non-fiction! c'est ballot...
    Et voilà que, pour la première fois donc, je vais recevoir un livre! Ce sera La couleur de la justice : Incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux Etats-Unis, un sujet qui m'intéresse particulièrement parmi les quelques-uns que j'avais choisis presque au hasard, je vous dirai...




    Et maintenant passons à mes lectures récentes! ;)

    Harper in summer de Hannah Bennett
    Un 17/20 bien mérité, car ce livre a fait ce qui ne m'était plus arrivé depuis pas mal de lectures: je n'ai pas arrêté de rire!

    <image>

    Synopsis : À cause d’une erreur de réservation, Harper, bientôt 15 ans, passe l’été avec sa famille bobo, ses détestables cousines et son meilleur ami Josh dans une maison pourrie au bord d’un lac glacé du Montana. Face à eux, les somptueuses demeures des millionnaires dont les enfants, d’une beauté rare, sillonnent le lac en hors-bord. Invités à une fête, Harper et Josh font face à Quinn et à Tristan. Face à tant de nouveauté et de liberté, va-t-elle succomber au charme de cet été d’exception ?

    Mon avis :
    Voici encore un livre que j’ai emprunté à la bibliothèque sans trop savoir de quoi il s’agissait. Et puis, au moment de l’entamer, j’étais quand même dubitative : allait-ce être une énième romance pour ados / jeunes adultes, ici en plus sur le thème de l’été ? – je le lis donc un peu en avance. Mais en fait, c’est bien plus que ça !

    Certes, on n’a pas là de la « grande littérature », mais un roman vraiment prenant, qui sonne très vrai… et qui m’a fait rire tout du long ! Il raconte un été de vacances familiales dans une cabane « à l’ancienne » dans les bois, sur les bords d’un lac, dont l’autre rive est occupée par quelques familles fortunées dans des demeures de standing. Tandis que les adultes passent leur temps à jouer un jeu social alors qu’ils ne s’entendent pas forcément, et qu’ainsi les vérités et autres secrets enfouis remontent par vagues, les jeunes s’attirent et s’affrontent, entre cousins-cousines, et ces nouveaux amis de l’autre côté du lac que l’on apprivoise peu à peu. Mais c’est aussi l’été des presque-15-ans de Harper, la personnage principale, et son voisin et meilleur ami depuis toujours, Josh… sauf que c’est l’été (au risque de me répéter), les hormones travaillent follement. C’est l’été de toutes les découvertes, qui marque l’adieu à l’insouciance de l’enfance, tout en ouvrant tous les nouveaux possibles.

    Oui, on l’a compris : c’est une histoire ultra-classique sur le fond, avec une petite tendance bobo-écolo incarnée par le beau-père de Harper, mais à peine esquissée. Les enfants qui deviennent ados et se découvrent de nouveaux sentiments les uns envers les autres, c’était du tout cuit, et on le sentait venir dès les toutes premières lignes. Ce n’est donc pas là qu’est l’intérêt de ce livre.
    En réalité, tout est vu par les yeux de Harper, qui est aussi la narratrice. Jeune ado pas tout à fait bien dans sa peau car peu sportive dans une société qui hisse la pratique sportive au rang de nécessité sociale, elle est plutôt l’intello surdouée, se balade partout avec un livre, en l’occurrence Les Hauts de Hurlevent qui vont l’accompagner à travers toute l’histoire – avec beaucoup de légèreté, mais juste assez d’insistance pour me donner envie de découvrir ce livre ! En revanche, elle est complètement naïve dès qu’il s’agit de ses propres sentiments, et plus encore quand il s’agit de ce que les autres (et un en particulier) ressentent pour elle.

    Et ainsi, elle pose un regard extrêmement aiguisé et juste sur tous ces événements : on la sent aux prises avec cette « crise » (de l’adolescence) qui surgit peu à peu, alors qu’un pied traîne encore un peu dans l’enfance, et déjà se met en œuvre toute la différenciation d’avec les adultes qui l’entourent. Mais surtout, peut-être à cause de sa supposée grande capacité intellectuelle, peut-être parce que c’est dans son caractère, ou peut-être tout simplement parce que c’est le style de l’auteure… ou bien c’est une combinaison de ces éléments et d’autres ; bref, surtout, ce récit est entièrement saupoudré d’humour, un humour léger et virevoltant comme la plume de l’auteure, mais aussi plein d’une dérision pleine de fraîcheur. Vous l’avez compris : j’ai vraiment beaucoup apprécié ce ton légèrement décalé et pourtant toujours lucide qui, comme je le disais plus haut, m’a bien amusée tout au long de ma lecture, jusqu’à rire franchement à plus d’un passage !
    Et rien que ça fait que je classe ce livre à l’apparence toute simple et passe-partout, au-delà du fait que le contenu n’est pas révolutionnaire mais tout gentil, parmi mes lectures les plus enthousiasmantes de ces derniers temps.





    Va où le vent te berce de Sophie Tal Men
    Petite déception... je n'ai mis que 14/20

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    Synopsis : En intégrant une association de bénévoles à l'hôpital, Gabriel devient berceur de bébés. Anna, jeune médecin, s'apprête à mettre au monde, seule, son premier enfant. Chacun a son propre combat à mener, un fossé les sépare, et pourtant leur rencontre va tout changer. Et si, ensemble, ils apprenaient à se reconstruire ? À vaincre leurs peurs et à affronter les fantômes du passé ?

    Mon avis :
    Voici une gentille histoire sans grande prétention, du pur feel good mais « sans plus ». Quant à l’aspect romance, on est dans un « un pas en avant, deux pas en arrière », qui laisserait penser que nos protagonistes, présentés comme intelligents pourtant (l’un est un génie avec les chiffres, l’autre est interne en chirurgie vasculaire) sont complètement stupides quand il s’agit de leurs sentiments – on sait que l’intelligence ne rend pas forcément lucide pour les affaires de cœur, mais à ce point-là, c’est presque désespérant.

    Ainsi donc, on fait la connaissance de deux personnages – un homme et une femme bien évidemment – qui ont vécu tous deux un moment (très) difficile, on le « sent » dès le début, mais ça ne s’explique que petit à petit… ça crée des longueurs qui donnent l’impression que c’est plus dramatisé que nécessaire. Oh ! certes, les deux ont vécu de vrais traumatismes, que je ne vais pas dévoiler ici car ce serait du vrai spoil… mais l’auteure en fait une telle montagne qu’on s’attend à des drames apocalyptiques, et puis quand on les comprend, ce n’est pas tout à fait convaincant.

    Ainsi, la façon dont Gabriel appréhende son passé, datant de plus de 20 ans, fait un peu cliché et improbable. On voudrait pourtant ressentir de l’attirance envers ce personnage cabossé depuis l’enfance, homme ténébreux, secret, qui s’habille toujours de noir, capuche de sweat sur la tête - ce qui fait clignoter l’appel du bad boy dans un petit coin de la tête, d’autant plus qu’on le dit merveilleusement beau. Hélas, il manque de consistance. Il s’habille comme un ado à la recherche de lui-même alors qu’il a la trentaine ; il accepte presque trop facilement ce rôle de « berceur » alors que l’auteure disait par ailleurs qu’il n’en voulait absolument pas. Mais on ne sent à aucun moment son combat intérieur, juste quelques mots et quelques coups dans son punching ball, mais on n’y croit que moyennement.

    De même, la façon dont Anna vit avec son passé encore trop récent a quelque chose d’artificiel, et sa relation difficile avec son fils nouveau-né le semble tout autant… Difficile de dire comment j’aurais réagi dans un cas comme le sien, mais justement : elle semble profondément malheureuse… et en même temps c’est comme si elle était « à côté » de sa crise, dont elle se remet bien vite d’ailleurs : le gamin a à peine trois mois qu’elle reprend sa vie d’avant en battante, une vie de chirurgienne qui ne compte pas ses heures – alors, malgré les questions qu’elle se pose çà et là, on se dit que c’est bien rapide du point de vue psychologique, mais alors physiquement c’est complètement improbable ! Certes, elle est jeune et c’est un premier-né… mais moi qui ai eu près de 6 mois d’arrêt (tous types de congé compris) après la naissance de mon aîné (car pas de place en crèche plus tôt, et pas d’autre solution), ce n’était franchement pas de trop ; mais quand je n’ai eu que 2 mois et demi pour ma fille (situation inverse : là j’ai eu très vite une place en crèche, mais si je ne la prenais pas de suite, elle était « perdue »…), ça s’est terminé en (légère) dépression post-natale tardive tellement je n’ai pas supporté cette séparation tellement trop rapide ! Certes, chacun réagit à sa façon… mais après le drame que cette Anna aurait vécu, les difficultés d’attachement à son bébé, puis retourner travailler comme une fleur seulement après 3 mois, on n’y croit pas…
    Ainsi, comme pour Gabriel, je ne suis pas parvenue à réellement m’attacher à elle, je ne l’ai pas trouvée plus touchante qu’une autre.

    Serait-ce dû au fait que l’auteure dit les choses au lieu de les montrer ? Et encore : elle les dit sans les dire, elle les évoque, dans l’un ou l’autre dialogue entre les connaissances de l’un ou de l’autre… et on attend encore le fin mot de l’histoire, une vraie description des drames, que ce soit dans un dialogue, un de plus ; un moment de partage entre les deux ; un cauchemar même ! mais non, ça reste toujours dans l’évocation sans aller au bout des choses, si bien que ça donne l’impression de se diluer dans un flot de phrases pleines de bons sentiments (comme tous ces passages sur le bar en bas de chez elle, où Anna renaît peu à peu, ça aussi c’est tellement cliché !), mais ça reste à peine évoqué, et ça perd réellement de sa dimension dramatique.

    Un autre aspect qui m’a gênée, c’est la proximité phonétique des prénoms : entre Marie, Marie-Lou et Matthieu… « ma ma ma », au final je ne savais plus qui était qui (surtout entre les deux femmes ;) ). C’est une remarque que l’on m’avait faite en atelier d’écriture, lorsque j’avais donné spontanément à mes personnages des prénoms trop proches à l’ouïe, en l’occurrence, c’était Matthias et Baptiste… ce qui est moins pire que Marie et Marie-Lou ! Bien sûr, c’est un détail, et j’ai compris que le problème est peut-être lié à autre chose : en fait, ces quelques personnages qui, ici, ont un rôle secondaire certes important, mais bien en arrière-plan, sont les personnages principaux d’une trilogie qui aurait pris le nom de son premier tome : « Les yeux couleur de pluie », livre qui est dans ma wish-list soit dit en passant, mais que je n’ai pas encore lu … et ainsi, cela fait un peu « réservé aux initiés ». Le lien entre ce livre et la trilogie n’est signalé à aucun moment, et pour ma part, je me rends compte après coup que le lire indépendamment est certes possible, mais franchement pas idéal. En effet, pour moi qui n’ai pas lu la trilogie précitée, je n’avais aucun repère ! J’avais juste cette impression que l’on peut avoir quand on est invité à une fête (un mariage par exemple) où ne connaît pas grand-monde, et ainsi on entre dans un groupe qui, lui, se connaît déjà ! ça reste sympathique car l’ambiance est à la fête et au feel good, mais on ne se sent quand même pas tout à fait à l’aise… Oui, on comprend assez vite qui est qui, mais on sent vaguement qu’il y a « autre chose », qu’ils ont un passé commun, auquel moi nouvelle lectrice je n’avais pas accès, et sur le coup je ne comprenais pas pourquoi. Dommage, car ainsi je suis passée à côté de quelques chose sans doute. Si seulement ça avait été signalé, je me serais peut-être d’abord plongée dans la trilogie !

    Tout cela étant dit, ce livre n’est pas non plus mauvais. On passe un bon moment en Bretagne, on a envie de sentir à nouveau les embruns de cette mer si particulière, de goûter à toutes ces pâtisseries dégoulinantes de beurre (les cochonailles évoquées par Anna, beaucoup moins…). En outre, on entre avec eux tous dans ce monde des hôpitaux, et notamment dans les services de pédiatrie, où des associations de bénévoles font un travail formidable auprès des enfants, tout en soulageant des parents souvent au bord de l’épuisement. Ces petites histoires autour de l’histoire principale sont presque plus intéressantes que l’intrigue même, elles apportent cette vraie touche d’humanité bien davantage que la prose fluide mais trop superficielle de l’auteure. Et rien que pour ces deux aspects (la Bretagne, et l’hommage indirect à ces associations), ce livre vaut le détour… mais lisez d’abord la saga y liée !





    Carnaval de Ray Celestin
    L'un des meilleurs livres que j'aie lus ces derniers temps! 19/20

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    Synopsis : Au coeur du Sud profond, La Nouvelle-Orléans, construite sur des marécages en dessous du niveau de la mer, a toujours été aux prises avec tornades, inondations et épidémies de toutes sortes. La nature du sol en fait une cité qui s'affaisse, où les morts ne peuvent être enterrés. Alligators, serpents, araignées hantent ses marais. Nombre de menaces ont toujours plané au-dessus de la ville. Et pourtant...
    Lorsqu'en 1919 un tueur en série s'attaque à ses habitants en laissant sur les lieux de ses crimes des cartes de tarot, la panique gagne peu à peu. On évoque le vaudou. Les victimes étant siciliennes, les rivalités ethniques sont exacerbées. Un policier, Michael Talbot, un journaliste, John Riley, une jeune secrétaire de l'agence Pinkerton, Ida, et un ancien policier tout juste sorti de prison, Luca D'Andrea, vont tenter de résoudre l'affaire. Mais eux aussi ont leurs secrets... Alors qu'un ouragan s'approche de la ville, le tueur, toujours aussi insaisissable, continue à sévir. Le chaos est proche.


    Mon avis :
    Policier choral tout à fait étonnant… et extrêmement prenant !
    Comme l’indique le synopsis, on a effectivement une série de meurtres très violents, commis à la hache, qui font trembler la ville de La Nouvelle-Orléans, constamment sous un rideau de pluie qui va se transformer en tempête de type apocalyptique.
    Et ainsi, on suit l’intrigue à travers les yeux d’un narrateur omniscient qui se penche tour à tour au plus près de chacun des protagonistes– qui sont, pour moi, au nombre de trois, dont deux d’entre eux ont un acolyte très proche, alors que le journaliste, s’il joue un certain rôle, n’a pas la même ampleur que les trois précédents et n’arrivera jamais au bout de l’enquête.

    Mais s’il est UN protagoniste à retenir, c’est la ville même de La Nouvelle-Orléans ! L’auteur la met en avant tout au long de l’histoire, comme s’il voulait faire ressentir (et il y parvient !) un profond attachement à cette ville, voire même une forme d’amour, à travers quelques phrases simples glissées çà et là dans chaque chapitre, chaque interstice où c’est possible ; ce n’est jamais « enflammé », c’est très réaliste à vrai dire, parfois même ces passages sont ornés d’un certain fatalisme qui n’altère pourtant pas le sentiment que l’auteur parvient à faire naître pour cette ville de contrastes.
    Il souligne à quel point cette ville, très ghetto-isée alors que le flux d’émigrants européens ne cesse d’augmenter (on est au tout début du XXe siècle, la 1re guerre mondiale est tout juste finie) : les Irlandais et autres Siciliens (qui bien sûr ne se fréquentent pas) prennent peu à peu la place des Français, Créoles et surtout de tous les Noirs qui, tout juste libérés de plusieurs siècles d’esclavage, se retrouvent partout malvenus sauf dans leur propre quartier, mais pourtant moins diabolisés que dans bien d’autres villes du Sud des États-Unis. C’est l’époque où il est illégal pour un Blanc de se marier à une Noire ; l’époque où les trams sont ségrégationnés, où on a créé des bars et autres buvettes faites de quelques planches n’importe où car les Noirs ne sont pas admis dans ceux des Blancs ; où les bordels font travailler des « octavonnes », ces filles qui ont 1/8e de sang noir, c’est-à-dire juste assez pour paraître exotiques aux yeux de leurs clients exclusivement Blancs, mais surtout pas plus car alors on les prendrait vraiment pour des Noires. Ce n’est jamais dramatisé, certes, mais rien que de réécrire ces quelques points (parmi d’autres), en réalité ça fait froid dans le dos !

    Ajoutons à tous ces points assez rédhibitoires, à quel point l’auteur souligne que La Nouvelle-Orléans est une ville qui danse, qui swingue, qui bourdonne de musique avec ses fanfares (jamais traduites, on a laissé partout « brass band », je ne comprends pas trop pourquoi) présentes dans toutes les fêtes jusqu’aux enterrements ! La musique est omniprésente, et on regretterait presque qu’il n’y ait pas une playlist proposant de manière « concentrée » ces airs de jazz débutant qui sont cités tout au long des pages, et qui donnent bien envie de nous déhancher à notre tour !

    C’est dans ce contexte très particulier que trois personnages tout à fait différents, et plus ou moins liés, vont tenter de mener l’enquête pour démasquer ce Tueur à la Hache. Luca D’Andrea, sicilien d’origine, ancien officier de police, vient de purger une peine de plusieurs années de prison pour corruption et autres allégeances avec la mafia locale. N’ayant plus rien à perdre, il ne peut refuser la « proposition » du n° 1 de la Main noire, de démasquer ce Tueur qui s’en prend à d’autres Italiens, qui n’auraient à priori rien à voir avec leur organisation, mais qui fait peser la menacer qu’elle soit accusée à tort… Michael Talbot de son côté, jeune officier de police (Blanc, bien entendu !), lui l’idéaliste qui est devenu la bête noire de la police à la suite d’une affaire en forme de cas de conscience, est dès lors le « candidat » idéal pour dénouer cette nouvelle affaire délicate apparemment insoluble, qui pourrait bien lui valoir sa carrière… Enfin, la jeune Ida Davis, employée d’une agence de détectives, rêve de travailler sur le terrain mais reste cantonnée à un vague rôle de secrétariat, car elle est Noire (mais si pâle de peau, pourtant, qu’elle est souvent malvenue dans les quartiers noirs, à sa place nulle part) et elle est femme dans un monde encore très machiste. Accompagnée de son ami d’enfance, le jeune Lewis Armstrong en personne, alors au tout début de sa carrière (ce qui accentue encore un peu davantage « l’effet jazz » de tout ce livre !), elle va elle aussi mener l’enquête au péril de sa propre vie.

    Mais ce qui est particulièrement intéressant ici, c’est que, même si ces trois protagonistes se croisent effectivement à l’une ou l’autre reprise, leurs liens restent ténus et ils ne vont jamais avoir l’occasion de (et encore moins chercher à) résoudre l’affaire ensemble. Et ainsi, ils la prennent chacun par un bout différent, que l’on suit au fil des révélations de l’auteur, et ils arrivent tous les trois à la résoudre… en proposant chacun sa solution, qui est chaque fois une autre facette – mais dès lors incomplète, et pourtant suffisante - de la vérité ! Mises toutes ensemble, elles donnent la clé (j’avais envie de dire : le tableau final de la résolution) de l’enquête au lecteur, comme un secret auquel lui seul a accès, car ces trois approches toutes différentes et pourtant toutes vraies et couronnées de succès, ne seront jamais réellement rassemblées. Cela pose la bonne vieille question qui n’a pas vraiment de réponse : « Qu’est-ce que la vérité ? » … et nous lecteur de sourire, en bonne entente avec cet auteur diabolique, car nous, on sait désormais !

    Toute cette histoire est réellement portée par une écriture addictive. L’auteur s’exprime sur un ton apparemment assez neutre, et pourtant, de la même façon qu’il crée un attachement profond à la ville de La Nouvelle-Orléans, il parvient au même tour de force avec les différents personnages, qui sont tous extrêmement humains – et dès lors très attachants - avant d’être typés. On arrive à apprécier Luca l’ancien flic ripou mafioso, on a envie qu’il s’en sorte et qu’il se réconcilie avec son passé ; on apprécie peut-être plus encore Michael et ses secrets, on souhaite qu’il résolve cette enquête pour définitivement apaiser sa conscience, quel que soit le prix à payer ; et bien entendu on s’attache Ida et son sang-froid… et son acolyte si inattendu, on ne peut s’empêcher de vérifier la biographie de ce très grand musicien, dont on oublie si souvent qu’il est parti de moins que rien, du bas le plus bas de l’échelle sociale alors en vigueur dans une ville sudiste instable. Même le fameux Tueur suscite des sentiments plutôt positifs, c’est dire jusqu’à quel point l’auteur est parvenu à jouer avec les émotions du lecteur !
    Bref, pour moi c’est une très grande réussite, un véritable envoûtement lié à cette ambiance multi-ethnique dense, et j’ai hâte de découvrir la suite !