Les silences qui nous entourent
Mélissa Rivière2020

« Un soir, je rentre de l’école un peu fâchée. Nous avons eu une interrogation un peu plus tôt dans la journée sur le thème de la famille. Nous avions donc tous un arbre généalogique à compléter. Ce que j’ai fait, de bonne grâce ! Mais voilà, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Rien de compliqué, me direz-vous. Il s’agit là d’un exercice tout à fait à la portée d’enfants d’une classe de CM1. Oui… C’était sans compter sur mon historique familial.- Maman ! Je suis rentrée ! dis-je en poussant la porte d’entrée après avoir mis en appui mon fameux vélo rose contre le mur, sous la fenêtre de la cuisine.- Salut ma puce, ça va ? me demande-t-elle après m’avoir donné un baiser sur la joue. Va ranger ton vélo s’il te plaît.- Oui, je vais le faire après mon goûter. Mais il faut que je te parle d’un truc, maman. J’en ai marre.- Marre de quoi ma chérie ? Ta journée ne s’est pas bien passée à l’école ?- Si, si… Mais tout le monde a réussi un exercice sauf moi. Enfin je l’ai réussi, mais la maîtresse m’a compté faux…- Pourquoi t’a-t-elle compté faux si tu l’as fait correctement ? m’interroge-t-elle, sourcils froncés. Montre-moi, dit-elle, s’asseyant à la table de la cuisine.Je sors alors une chemise à rabats rouge de mon sac à dos et lui tend le fameux arbre généalogique, objet de l’incompréhension. Ma mère sourit.- Je vois… dit-elle, pleine de compassion à mon égard. Tu t’en es plutôt bien sortie, vu les circonstances. Mais maîtresse Sandy, elle ne pouvait pas savoir.- Tu pourras lui dire ? S’il te plaît, maman… Je n’aime pas avoir des mauvaises notes et puis elle m’a dit que ce n’était pas possible, ce que j’avais marqué…- Ne t’en fait pas, mon coeur. Donne-moi ton cahier de liaison, je vais lui mettre un mot pour prendre rendez-vous avec elle. Tout va s’arranger, tu verras. Comprends-la, elle ne peut pas connaître l’histoire de la famille. C’est normal qu’elle réagisse de cette façon.- Dis, maman, tu peux me réexpliquer s’il te plait ? Que je comprenne bien… Parce que je n’ai même pas pu marquer ma tata Colette. Je la mets où, tata Colette ? C’est compliqué !- Viens-là, ordonne ma mère, me tirant par la main pour m’installer sur ses genoux.Elle me caresse les cheveux, me serre contre sa poitrine et me rassure. Son regard est bienveillant.- Et si on prenait le goûter dans le salon, sur la table basse ? Il faut que l’on soit bien à l’aise, pour que je te raconte toute l’histoire. Ça risque de prendre un peu de temps, mais après ça, tu y verras plus clair.- D’accord, merci maman.- Mais d’abord, range ton vélo !! »