[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • domi_troizarsouilles

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    #171 21 Janvier 2022 16:22:15

    Hello!

    Vous allez tous bien?
    Peu de lectures cette semaine, car j'ai passé mon temps à courir d'un rendez-vous médical à un autre! Parfois rien de bien long, mais il faut systématiquement ajouter un certain stress (car je suis une grande stressée, eh oui, déjà à la base quand tout va bien...), le déplacement et, surtout, le temps d'attente (imprévisible) à chaque fois... si bien que, au final, on a l'impression d'y avoir passé la journée! Bon, je vous passe les détails, mais en tout cas je suis en arrêt de travail pour encore un moment, et il y aura d'autres rendez-vous mais un peu plus espacés - ouf!
    Reste à voir si je vais réussir à me concentrer suffisamment pour reprendre un rythme de lecture acceptable...

    En attendant, une fois n'est pas coutume: je vous présente brièvement un abandon - ce qui "prouve" que je parviens, pour l'instant du moins, à tenir ma résolution livresque: ne lire que pour le plaisir, et quand ça ne plaît pas, eh bien on ne force pas; pour moi c'est vraiment une "nouveauté", j'ai toujours eu beaucoup de mal à ne pas terminer un livre...
    ... heureusement c'est une petite romance M/M qui m'a en quelque sorte "relancée"!

    Johannes Cabal, tome 1 : Le nécromancien de Jonathan L. Howard,
    nouvelle édition chez ActuSF, 2021, entamé en ebook (emprunt bibliothèque).

    <image>

    Synopsis : Après avoir vendu son âme pour maîtriser les secret de la nécromancie, Johannes Cabal passe un pacte avec le diable : il a un an pour collecter les âmes de cent personnes en échange de la sienne...
    Voilà donc Johannes, parcourant la campagne Anglaise accompagné d'un cirque itinérant, tentant de duper les bonnes gens à l'aide de magie noire, de mensonges et d'actes encore plus vils !
    Si vous croisez Johannes Cabal, prenez garde à vous !


    Mon avis :
    N.B.: comme c'est un abandon, je ne me permets pas d'attribuer une quelconque note à ce livre. Néanmoins, je laisse un petit commentaire, pour me rappeler le pourquoi du comment...

    Cet auteur inconnu nous propose ici un livre qui se caractérise par une imagination débordante et un humour complètement déjanté: on n'est pas à du 2nd degré, ni même du 3e si ça exite... mais au moins à du 487e degré!! Et pour le peu que j'en ai lu, tout se tient, l'histoire est vraiment habilement construite jusque dans les détails, dans le burlesque le plus absolu.

    Malheureusement, je ne suis actuellement pas (du tout) dans le bon état d'esprit pour lire ce genre de livre. Dès lors, je ne me permets pas de le noter, je laisse juste ce petit commentaire pour ma mémoire (et, accessoirement, à l'attention de ceux qui ressentiraient peu ou prou la même chose que moi).
    Je salue l'auteur pour la prouesse... mais je m'arrête à 13%, c'est donc bien un abandon!




    Ce que font les cowboys, tome 2 : Les cowboys ne chevauchent pas de licornes de Tara Lain,
    publié chez Dreamspinner Press, 2021, lu en ebook.
    Bon livre agréable, mais qui ne révolutionne pas le genre: 15/20.

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    Synopsis : Le cow-boy Danny Boone – un nom qu’il a inventé une nuit d’ivresse et a regretté depuis – a un lourd passé et désire ardemment un futur léger. Une courte et brillante carrière en tant que champion monteur de taureau se termine lorsqu’il frôle la mort quand son père homophobe découvre qu’il est gay. Maintenant, Danny a très envie d’un lopin de terre où pouvoir construire un ranch, assez d’argent pour compenser une partie des études qu’il a manquées... et, secrètement, un mec efféminé magnifique qui aime dominer –une combinaison aussi rare qu’une licorne.
    Puis le ranch pour hôtes où travaille Danny attire le décorateur de San Francisco Laurie Belmont, un jeune homme si beau qu’il coupe le souffle des chevaux et si courageux qu’il tue presque l’agresseur de Danny. Laurie essaie de sortir de sous la coupe d’une mère autoritaire, d’un père impuissant et d’un riche petit ami privilégié. Mais peu importe l’attirance, leurs vies sont totalement différentes et les cow-boys ne chevauchent pas de licornes.


    Mon avis :
    En ce jour où j’entame mon commentaire de cette sympathique mais peu profonde romance M/M, je constate que je suis apparemment la première personne à donner un avis, que ce soit sur Livraddict ou sur Babelio ? C’est bien la première fois que ça arrive !
    Le « pire », si l’on peut dire, c’est que je ne me rappelle absolument pas comment ce livre a atterri dans ma PAL, je subodore une offre Kindle ; et s’il est sorti de cette PAL, c’est parce que l’un de mes trop nombreux challenges en cours demandait un livre « avec des cornes sur la couverture » : merci le taureau en arrière-plan ! J’en avais bien identifié un autre, et même commencé à le lire, mais je n’avais pas réussi à dépasser les 13%, je me suis donc « rabattue » sur une valeur sûre – du moins je l’espère - , moi qui apprécie toujours une petite romance M/M entre deux livres plus « sérieux »…

    Ce roman-ci est donc un tome 2 d’une série, mais comme souvent dans ce genre de sagas, chaque tome s’attarde sur un personnage en particulier, pour passer à un autre complètement différent (mais plus ou moins attaché) dans le suivant, et ainsi de suite. Il n’y a donc pas vraiment d’évolution depuis l’intrigue initiale, et si les personnages principaux du tome 1 (selon ce que j’ai lu du synopsis) sont bien présents ici et ont un certain rôle à jouer, leur histoire est rappelée suffisamment clairement pour qu’on ne ressente aucune frustration de ne pas avoir lu ce tome 1. Pour moi, c’est donc un bon point, car ce n’est pas toujours le cas…

    Mais à part ça, que dire ? Il paraît que les romances de cowboys sont parmi les plus courantes (c’est indiqué je ne sais plus où dans le livre, dans les remerciements peut-être ?), mais pour ma part, c’est la première que j'en lisais. Et vraiment, on s’y croirait : on voit notre héros, Danny Boone, s’occuper des chevaux et des clients, dans ce ranch éducatif où il est employé ; mais on le voit aussi en tant que « monteur de taureau » dans les rodéos, l’archétype du cowboy… et cet aspect est vraiment bien rendu ! Il y a quelque chose qui rappelle vaguement nos corridas européennes, et qui dès lors dérange bien un peu - même si, ici, le but n’est pas la mise à mort du taureau, qui par ailleurs reçoit lui aussi des points par rapport à son comportement avec le « monteur » ; mais aussi, on a l’impression d’y être, alors que c’est un « sport » vraiment peu répandu chez nous, et on en voit tous les aspects « sport de haut niveau », pour le monteur du moins. Je ne suis pas devenue fan de rodéos pour autant, mais c’était vraiment intéressant.
    Et surtout, dans notre contexte d’une romance M/M, l’autrice n’hésite pas à dénoncer le machisme ambiant dans ce genre de « sport », une véritable homophobie même, qui apparemment évolue peu à peu vers une plus grande tolérance face à la différence, mais de façon infiniment lente, et les crimes homophobes dans ce milieu en particulier (illustrés par le personnage de Danny, justement) restent trop nombreux et souvent impunis, en partie parce que les victimes, ces cowboys gays, sont alors tellement stigmatisés que, même vainqueurs d’un éventuel procès, ils restent en quelque sorte maudits à jamais par toute la profession…

    Ainsi, j’ai ressenti ce livre comme un véritable plaidoyer pour la cause gay, dans un milieu extrêmement hétéro-macho, et vraiment j’apprécie.
    Pour le reste, il faut bien reconnaître que l’intrigue même est un peu pauvre… Danny est donc un cowboy gay, il ne s’en cache pas mais ne l’étale pas non plus ; et avec ça, il est plutôt beau gosse et bien musclé tout ça tout ça (vous voyez le genre), si bien qu’il plaît aux filles en général et, pour les quelques (rares) hommes qui savent qu’il est gay, et plus rares encore, ceux qui souhaitent une relation avec lui, personne n’imagine que son plus grand fantasme est d’être dominé par un homme efféminé… ce type d’homme aussi rare qu’une licorne !
    Et voilà qu’apparaît parmi les clients du ranch le jeune Laurie, décorateur de son état, efféminé comme il se doit (avec le détail qui tue : il a les cheveux mi-longs et roses !!), accompagné de son petit ami imbu de lui-même. À partir de là, tout est joué d’avance : on comprend très vite que Laurie est l’archétype du gay passif, à la limite de « la folle », et pourtant son rêve à lui, c’est de dominer (!!), ce à quoi son compagnon semble complètement insensible.

    Bien évidemment, et avant même de connaître leurs préférences sexuelles respectives, Danny et Laurie sont attirés l’un par l’autre, mais sont tellement, complètement différents qu’ils ne cessent de se tourner autour, tout en refusant leur attirance qui est pourtant évidente… Et cela dure pendant au moins les deux tiers, voire les trois quarts du livre, sans réelle scène érotique… mais avec une ambiance érotique omniprésente – en tout cas, leurs membres n’arrêtent pas de se dresser, à croire que l’autrice est obsédée par ce fait sans vouloir aller plus loin… et quand ils acceptent enfin leur attirance… vous avez compris ! et de toute façon en dire plus serait divulgâcher.
    C’est donc une intrigue assez linéaire et classique dans ce genre de romance, avec quelques rebondissements plus ou moins inattendus qui mettent un peu de piment, mais rien d’extraordinaire. Ce qui m’a le moins convaincue, à vrai dire, c’est que ces deux hommes aient été attirés l’un par l’autre parce qu’ils correspondent, sans le savoir, à leurs fantasmes sexuels respectifs – tant mieux pour eux, certes, et quand enfin ils se rencontrent pour de bon, on ne peut que se réjouir pour eux. Mais l’amour qui surgit de tout ça semble presque artificiel… et tout à coup durable ?!… À nouveau : tant mieux, mais est-ce vraiment réaliste ? Certes, l’amour peut passer par une complémentarité sexuelle avant tout, mais ici, un double fantasme enfin assouvi mène un peu trop brutalement à l’Amour avec un grand A : on est passés d’un « je te tourne autour mais je ne peux pas », à « je ferai tout pour toi parce que je t’aime » sans réelle transition un tant soit peu romantique, et réellement, il manque ces quelques pages d’approfondissement de la relation (autre que sexuelle) entre ces deux hommes…

    Cela dit, ça reste une gentille romance agréable à lire, car la plume est vraiment fluide. Sa description des rodéos et du monde des cowboys tellement machos qui gravitent autour de ce « sport » est aussi intéressante que prenante, tout en dénonçant cette homophobie qui semble indissociable de ce monde, provoquant incompréhension, rejet et souffrance des cowboys gays – un thème déjà abordé dans d’autres livres ou films, mais ici il est très touchant sous son apparence de légèreté. On s’attache beaucoup à Danny et à Laurie, et on est heureux du happy end, même s’il n’est pas tout à fait réaliste.

  • domi_troizarsouilles

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    #172 26 Janvier 2022 10:06:36

    Hello!

    J'ai terminé trois livres presque coup sur coup le week-end passé... mais il m'a fallu un temps infini (tout étant relatif) pour rédiger enfin les commentaires. Moi qui adore écrire, j'ai actuellement du mal avec les mots - ce n'est pas que je n'aie plus envie d'écrire, ce qui est déjà une grande chose, mais j'ai l'impression que les mots, certains du moins, me fuient... Je peine parfois pendant longtemps avant de trouver "le" mot que je veux dire, parfois le mot le plus banal, mais qui m'échappe, et je ne peux rien y faire!
    Bon, au moins j'y suis arrivée... et pour l'instant je parviens encore à lire, aussi, sans trop de peine - malgré fils aîné et mari à la maison, le premier en quarantaine comme toute sa classe, le second qui voudrait bien =D mais c'est juste qu'il ne donne pas cours les mardis et mercredis...

    Voici donc ces trois derniers livres lus, bêtement dans l'ordre de lecture:

    Le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique de Balli Kaur Jaswal,
    publé chez Belfond en 2018, lu en version GF. Un presque coup de coeur, avec 18/20.

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    Synopsis : Âgée d'une vingtaine d'années, Nikki vient d'abandonner ses études et travaille dans un pub en attendant de trouver sa voie. Une émancipation peu courante pour une jeune femme sikh. Jusqu'au jour où, partie déposer une annonce au temple de Southall pour sa sœur en quête d'un mariage arrangé, Nikki tombe sur une étonnante offre d'emploi : on cherche une enseignante pour donner un cours de creative writing à un petit groupe de femmes siks. Elle aime lire, elle aime écrire, elle saute sur l'occasion.
    Mais alors qu'elle pensait animer un atelier d'écriture à des apprentis auteurs, elle se retrouve face à une poignée de femmes majoritairement analphabètes, délicieusement déchaînées, bien décidées à parler d'érotisme et à partager leurs expériences amoureuses et familiales, souvent comiques, parfois bouleversantes, mais toujours pleines d'humanité...
    Quand un banal club de lecture devient le théâtre des plus incroyables révélations... Au croisement entre Joue-la comme Beckham, Kaboul Beauté et Sept mers et treize rivières, un roman d' empowerment féminin grand public, qui questionne avec originalité et peps la place des femmes et le poids de leur voix dans une société dominée par la religion, la tradition et les hommes.


    Mon avis :
    Voici un livre dont j’avais entendu parler depuis un moment, et je me suis tout à coup décidée à le lire dans le cadre du challenge des Globe-trotteurs sur Babelio (eh oui ! les trop nombreux challenges auxquels je participe déjà, pour certains depuis plus d’un an, sur Livraddict, ne me suffisaient plus semble-t-il ;) ), car une consigne « bonus » du mois demandait de lire un livre d’un pays dont le drapeau contient un croissant de lune – or, c’est bien le cas de Singapour, pays natal de l’autrice de ce roman.
    Et puis bon, il faut bien le dire, et je ne suis sans doute pas la seule à avoir eu ce ressenti : ce livre a un titre bien interpellant, plus encore en français qu’en anglais – car, si la version anglaise parle explicitement de veuves pendjabies, la version française n’y fait pas référence, ce qui est une arme à double tranchant : c’est que l’aspect pendjabi est une part (très) importante de ce roman, et c’est peut-être intéressant de le savoir à l’avance ; mais en même temps, c’est bel et bien la belle histoire de veuves aimant la littérature érotique que nous livre l’autrice, bien au-delà des limites pendjabies ; dès lors, autant en profiter…

    Oh ! il ne faut pas s’attendre à un roman érotique au premier degré. Il y a bien quelques scènes presque explicites parmi les histoires racontées par ces veuves (on a même une brève romance F/F tout à fait inattendue !), et toujours présentées en italique comme de courtes histoires dans l’histoire ; mais je dis « presque » explicites car tout est suggéré, et s’il y a bien quelques caresses de plus en plus prononcées, elles ne sombrent jamais dans le descriptif tel qu’on le retrouve dans certaines romances (même de très bonne facture !). On est bien davantage dans le domaine d’une certaine poésie, tout en restant proche de la réalité, et on se rend compte que le ressenti de ces femmes particulières, toujours très imagé – notamment dans une gamme de fruits et légumes qui fait bien (sou)rire et qui sonne pourtant très juste !, est aussi tellement ce que l’on peut ressentir soi-même, tellement universel !

    Ainsi, nous suivons essentiellement Nikki, jeune femme qui se définit elle-même comme « anglaise, pendjabie et sikhe ». Née dans une famille indienne originaire du Pendjab (cette région, et même état de l’Inde, frontalière avec le Pakistan, à la longue et riche histoire, présentée ici comme intimement liée à la religion sikhe), émigrée à Londres mais ayant gardé de nombreux contacts avec la famille et la communauté restée en Inde, Nikki donc a décidé de suivre sa voie – renonçant à ses études de droit auxquelles elle ne parvient plus à s’intéresser, travaillant dans un pub anglais (un pub !) servant bières et thé earl grey plutôt que le traditionnel chai, et vivant seule dans un petit appartement au-dessus de ce pub, au lieu d’être restée dans le giron familial et de se préparer à un mariage arrangé, comme tant d’autres jeunes filles de son âge et de sa communauté, dont sa propre sœur qui en rêve… De passage dans l’enceinte du temple de Southall, la partie pendjabie de Londres, pour rendre un service à sa sœur, elle trouve une annonce proposant un emploi : des cours d’écriture pour veuves pendjabies. Seule candidate à ce poste, elle est embauchée, mais ce qu’elle imaginait comme un atelier d’écriture assez « classique » se révèle quelque chose qui tient plutôt à un atelier d’alphabétisation, la plupart de ces femmes ne parlant guère anglais, et n’écrivant même pas le gumurkhi (l’alphasyllabaire qui permet de retranscrire le pendjabi, ai-je appris sur Wiki). Et peu à peu, ces femmes privées de tout, car leur statut de veuve est quasi un enterrement social dans cette communauté, vont s’épanouir au sein de ce groupe où elles osent retrouver une certaine confiance, voire une joie de vivre malgré tout, et se lancer dans des histoires réellement érotiques à travers lesquelles elles libèrent tous ces non-dits qui règnent dans leur entourage – touchant pourtant à des sujets tellement universels, comme je disais plus haut.

    Cependant, outre les aspects érotiques bien présents sous leur couverture plutôt poétique, ce livre aborde aussi et surtout toute la problématique de l’immigration – et ici, très précisément, l’immigration pendjabie en Grande-Bretagne. On comprend très vite qu’il s’agit d’une communauté très unie, aux membres originaires pour la plupart de villages plutôt traditionnels de cette région reculée de l’Inde ; ces lieux des origines avec lesquels ils n’ont jamais perdu contact et où ils retournent même (très) régulièrement. C’est donc une communauté qui se tient, qui s’entraide, mais aussi qui se surveille et se juge constamment, reproduisant certains des actes les plus extrêmes tels que ceux qui ont parfois défrayé la chronique quand ils sont relayé dans nos pays : ces crimes d’honneur ou, plus simplement, ces « Frères » (sikhs), des jeunes désoeuvrés mais se sentant investis d’une mission, qui patrouillent en veillant sur (entendez : terrorisant) les jeunes filles qui selon eux ne respectent pas strictement les règles de cette communauté et de leur religion, jusque dans les rues de Londres…

    Jusque-là, ce n’est rien de bien nouveau sous le soleil, on a partout des phénomènes de regroupement des personnes immigrées par nationalité / religion dans leur pays d’accueil, et plus encore quand lesdits pays ne semblent pas capables (ou désireux) de mettre en place une réelle politique d’intégration dans le respect de tous – la Grande-Bretagne n’a pas l’apanage d’un certain « ratage » à ce sujet ! Mais alors, j’ai été consternée quand j’ai compris et bien compris que ces femmes pendjabies par exemple, non seulement ne parlent pas (du tout) anglais, vivant dans le huis-clos de leur communauté même en plein Londres, mais ont réellement peur de sortir des limites étriquées de leur quartier, craignant qu’on se moque d’elles et de leur tenue traditionnelle – car bien sûr elles ne portent rien d’autre ! Par ailleurs, on apprend aussi que certaines familles, pourtant peu à peu « européanisées », ont choisi tôt ou tard de retourner vivre dans ce quartier pendjab, pour que leurs enfants bénéficient d’une éducation plus proche de leurs racines – et leur coupant, en apparence du moins, toute opportunité de s’adapter davantage (et certainement mieux qu’eux-mêmes) à cette société anglaise dans laquelle ils ont pourtant choisi de vivre. Et puis j’ai été choquée, il n’y a pas d’autre mot, quand j’ai lu que, dans certaines boutiques de ce véritable « ghetto » pendjabi dans Londres, certaines boutiques permettent même de payer les achats… en roupies ! Comme le fait remarquer Nikki, cela n’a guère de sens quand on gagne son salaire en livres sterling…

    Il n’empêche, la question surgit alors, cette question qui fait le lit de l’extrême-droite, mais qui se présente même quand on n’a aucune accointance avec ce courant de pensée (si tant est qu’il s’agit de « penser » quand on se réclame de cette tendance !) : que sont donc venus faire « ces gens » en Europe, à Londres, si c’est pour y reproduire purement et simplement, en tous points, ce qu’ils ont quitté sous d’autres cieux ?
    Il faut alors se laisser embarquer profondément dans l’histoire, partager le ressenti de ces femmes, et ce n’est pas bien difficile grâce au formidable talent de conteuse de l’autrice. Sa plume légère, toujours juste, parfois proche de la romance sans mélo, parfois plutôt dans le drame sans larmes, parfois très sérieuse sans se prendre au sérieux, parfois tout simplement drôle ; cette plume donc nous entraîne réellement aux côtés de Nikki dans ces rues de Southall ou dans le pub où elle travaille. Même si on n’est pas concerné, moi lectrice belge née en Belgique de parents belges depuis plusieurs générations, on ressent réellement son désarroi initial face à ces femmes puis son intégration (car il s’agit bien de ça) au sein de cette communauté, de sa famille dont elle s’était pourtant éloignée, tout en restant tout autant la jeune Londonienne moderne et affranchie qu’elle avait réussi à devenir. Avec elle, on s’attache à ces femmes si différentes, aux histoires tellement variées mais ayant un seul douloureux point commun : elles ont perdu leur mari, peu importe la manière, et peu importe leur âge (certaines sont même encore très jeunes !). On ressent cette amitié qui va naître avec Sheena aux ongles pailletés en rose, et on a envie de partager cette amitié avec elles ! On vit à son rythme son histoire qui commence avec Jason et on a envie que « ça marche ».

    Ainsi, peu à peu, Nikki se révèle à elle-même au fur et à mesure que ces veuves reprennent confiance en la vie, et entraîne le lecteur dans un tourbillon d’émotions, de couleurs, d’odeurs… et on a tout à coup une furieuse envie de chai !
    Ainsi donc, c’est à travers ce personnage central de l’histoire, mais entourée de toute une série d’autres femmes terriblement typées sans jamais tomber dans le stéréotype, toutes terriblement attachantes chacune dans son genre, que l’autrice donne des pistes de réponse, par toutes petites touches, à la question qui avait surgi plus haut. Je recopie ici ces brefs passages, car l’autrice le dit bien mieux que moi ; d’abord dans un dialogue entre Nikki et sa mère, aux pages 314-315 (milieu chapitre 18), en parlant du dernier voyage des parents en Inde, voyage au cours duquel son père est décédé :

    « (…) et papa a répondu : « Mes filles ont appris à faire leurs propres choix pour ce qui est de la réussite. »
    - Papa a dit ça ?
    - Je crois qu’il s’est surpris lui-même, poursuivit sa mère. Il n’a jamais été du genre à se vanter de ses réussites quand il retournait au pays. Mais quelque chose a changé ce jour-là. Parmi toutes les chances que la Grande-Bretagne nous a offertes, la possibilité de faire ses propres choix a été la plus importante. Il ne l’a vraiment compris qu’en l’affirmant devant ton oncle. »


    Ou, un peu plus loin, plus mitigé mais tout aussi vrai, à la page 338 (fin chapitre 21) :
    « Tout ce que les gens attendaient de Londres était là – jardins luxuriants, dômes majestueux et flèches d’église, ballet des taxis noirs. C’était royal et mystérieux. Elle comprenait que tout le monde ait envie d’y vivre. Les veuves surgirent dans ses pensées, elles qui ne savaient rien de ce Londres avant leur arrivée. Et pourtant, qu’en connaissaient-elles vraiment maintenant qu’elles y étaient ? La Grande-Bretagne était synonyme d’une vie meilleure, elles avaient dû se raccrocher à cette idée même si cette vie les déconcertait et leur demeurait étrangère. »

    C’est donc un magnifique livre qui parle de quelques femmes exceptionnelles qui se révèlent peu à peu à elles-mêmes, à travers des histoires érotiques racontées dans un langage poétique très imagé, qui touchent tout un chacun tant elles sont universelles sans jamais tomber dans le vulgaire. Il traite tout à la fois, avec une grande sensibilité et un indéniable talent de conteuse, du sujet grave de l’immigration, d’une indéniable ghettoïsation de certaines communautés, et pourtant de l’espoir constant d’une vie meilleure, même si on ne la comprend pas tout à fait.





    Les fils de la poussière d’Arnaldur Indriđason,
    publié chez Métailié (Noir) en 2018, lu en version ebook. Pas tout à fait convaincue, mais intéressant: 14/20.

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    Synopsis : Paru en 1997, Les Fils de la poussière, premier roman d’Arnaldur Indridason, ouvre magistralement la voie au polar islandais. Daniel, quadragénaire interné dans un hôpital psychiatrique de Reykjavík, se jette par la fenêtre sous les yeux de son frère Palmi. Au même moment, un vieil enseignant, qui a eu Daniel comme élève dans les années 60, meurt dans l’incendie de sa maison. L’enquête est menée parallèlement par le frère de Daniel, libraire d’occasion, un tendre rongé par la culpabilité, et par une équipe de policiers parmi lesquels apparaît un certain Erlendur, aux côtés du premier de la classe Sigurdur Oli et d’Elinborg. Peu à peu, ils découvrent une triste histoire d’essais pharmaceutiques et génétiques menés sur une classe de cancres des bas quartiers, des gamins avec qui on peut tout se permettre. Sens de la justice, personnages attachants, suspense glacé : dès ce premier thriller, on trouve tous les éléments qui vont faire le succès international qu’on connaît – et le génial Erlendur, bien sûr, tourmenté, maussade, sombre comme un ciel islandais !

    Mon avis :
    Voici donc le premier roman publié (en Islande dès 1997) de cet auteur islandais qui aurait été l’un des précurseurs du fameux « polar nordique » en francophonie, mais aussi l’un des derniers traduits (en 2018 !), du moins dans la série mettant en scène le policier Erlendur – série dans laquelle le troisième opus mais premier traduit en français, « La cité des jarres », semble avoir fait le succès de l’auteur. Pour moi cependant, attachée que je suis à lire les choses « dans l’ordre », c’est bien le tout premier livre de cet auteur que je lis, après même un autre livre de l’un de ses compatriotes, Ragnar Jónasson, lu très récemment aussi, cela dit.

    S’ils ont l’un ou l’autre élément en commun, ils sont aussi très différents !
    Ce que je retrouve dans les deux, c’est une certaine lenteur dans l’enquête, qui semble à la mesure d’un pays quand même très isolé du reste du monde (par sa position géographique), au paysage magnifique mais particulièrement hostile, et qui pratique une langue a priori aussi hermétique qu’imprononçable (même si quelques éléments germaniques plus facilement identifiables apparaissent çà et là). Ces particularités semblent avoir façonné une manière d’être, une façon de penser propres à cette île, et ajoutent une part d’insaisissable aux yeux du lecteur non-islandais.
    Notons en outre que, dans un tel monde, loin de tout et sans métropole, les meurtres sont rares, c’est une constante que les deux auteurs n’ont pas manqué de relever à plusieurs reprises dans leurs livres respectifs. Ainsi, quand l’un ou l’autre crime violent survient quand même, c’est une capitale toute entière, avec ses allures de village mal dégrossi et grandi trop vite dans le béton, qui en est secouée.

    Mais je ne vais pas m’attarder à relever les points communs et autres différences entre les deux auteurs !
    Ici, on a en effet une enquête lente, ou plutôt deux enquêtes, sur deux morts suspectes quasi-simultanées : un meurtre (ou accident ?) et un suicide – autant dire que ce double événement est réellement très inhabituel. En outre, les deux enquêtes sont menées séparément… mais l’auteur propose d’emblée un parallèle entre les deux si bien que, sans que ce soit clairement dit, on comprend très vite que les deux vont se recouper. Or, si en théorie c’est bien la police qui chapeaute les deux parties, on a quand même une certaine distinction entre, d’un côté, le jeune trentenaire Palmi, et la police par ailleurs. Palmi vit une espèce de non-vie, sans réelle ambition (que ce soit un quelconque avenir radieux ou simplement une vie de couple ou de famille épanouie) entre sa librairie de livres d’occasion et les visites à l’hôpital psychiatrique en décrépitude où est interné son frère aîné, Daniel, nettement plus âgé et dont il n’a aucun souvenir d’enfant sain. Lorsque Daniel se suicide lors d’une visite de son jeune frère, après lui avoir tenu des propos apparemment décousus mais pas innocents, Palmi décide d’enquêter sur ce qui aurait bien pu mener son frère – qu’il craignait plus qu’il n’aimait, mais à qui il était attaché malgré tout – à un tel geste.
    En parallèle, un vieil homme, Halldor, instituteur à la retraite, dont on découvrira très vite les tendances pédophiles contre lesquelles il luttait pourtant tant bien que mal, meurt dans l’incendie de sa maison, attaché à une chaise. Ce même Halldor aurait été l’instituteur de Daniel pendant quelques années, et serait venu lui rendre visite à l’hôpital quelques fois, peu avant ce double décès très suspect…

    Tout part de là, donc, avec l’enquête un peu hasardeuse de Palmi d’un côté, qui apparaît comme un gentil garçon mais dont le manque d’envergure m’a quelquefois gênée – je n’accroche décidément pas à ce genre de personnage un peu trop « pâle » ; et d’un autre côté, l’enquête plus officielle et très policière à propos de l’incendie qui a tué Halldor, par le duo composé d’Erlendur, policier d’un certain âge (jamais mentionné il me semble, cependant), sûr de lui et de ses succès passés, mais attaché au terrain et refusant la langue de bois au point d’avoir été dépassé dans la hiérarchie par des collègues moins brillants mais plus proches du politique, et de son jeune collègue Sigurdur Oli, formé aux États-Unis et très sensible aux apparences – le complet opposé au précédent, et ils ne manquent pas de se confronter au quotidien, tout en étant en quelque sorte complémentaires. Ils mènent donc leur enquête d’une façon très classique, comme on retrouverait dans n’importe quel roman policier de n’importe quelle nationalité, avec cependant cette lenteur soulevée plus haut, une espèce de flegme, ce détachement qui rend l’enquête assez peu palpitante.

    À vrai dire, et aussi improbable que ça puisse paraître au vu de la façon dont l’auteur envisage ses personnages, c’est vraiment Palmi qui ressort comme le personnage principal de ce roman : c’est lui qui va de découverte en découverte, qui fait le lien entre les deux « affaires », qui se mettra peut-être même en danger, tandis que les policiers semblent toujours avoir une longueur de retard… ce qui par ailleurs ne semble pas les déranger un seul instant. On n’a pas cette pression venant « d’en haut » - d’un commissaire mal embouché ou d’un quelconque ministre – comme on a dans tant et tant de policiers français, même si on retrouve bien l’une ou l’autre scène qui s’en rapproche, comme si l’auteur avait voulu faire bonne mesure mais sans en être convaincu lui-même. Plus improbable encore : Palmi partage ses avancées avec la police plus ou moins au fur et à mesure de ses propres découvertes, parfois en gardant volontairement sa longueur d’avance, mais alors sans arrière-pensée apparente, et cette « collaboration » entre celui qui n’est rien d’autre qu’un personnage fade et par hasard le frère d’une victime, et les forces de l’ordre bien entraînées, semble tout à fait normale et acceptée par la police sans aucun souci…
    Une telle collaboration est quand même assez incroyable, non ? Il est difficile de dire si cette interférence civile dans une enquête policière pour meurtre, chose si rare là-bas, est typique de cette société islandaise où tout le monde se tutoie sauf un couple de personnes âgées un peu pète-sec grâce à qui on apprend indirectement que le vouvoiement existe bel et bien dans la langue islandaise, mais semble avoir presque complètement disparu des mœurs de l’île, à (presque) tous les niveaux, ou si l’auteur n’en a cure et a juste créé son histoire à double enquête sans tenir compte des réalités, mais disons dans tous les cas que ça surprend. Pour ma part, je m’attendais à tout moment à ce qu’Erlendur, ou plus probablement Sigurdur Oli, remette Palmi « à sa place » et lui interdise de continuer à prendre des risques… mais non, cela n’arrive jamais, jusqu’à la scène finale où tout le monde est rassemblé et que ça semble tout à fait « normal » !
    Certes, tout cela donne une image très humaine à cette palette de personnages, mais est-ce que ça suffit vraiment à faire un bon polar ?...

    À côté de cette double enquête, caractérisée donc par sa lenteur et son improbable double entrée, on a quand même, de façon très légère certes mais ça augmente insidieusement, une certaine tension, à travers quelques chapitres quelque peu mystérieux, plus courts que les autres, insérés çà et là sans ordre logique apparent. Ils ne suffisent certes pas à donner du peps à l’ensemble, mais ils entretiennent malgré tout un certain suspense, qui va même s’accentuer en prenant forme peu à peu. En effet, ces quelques chapitres retracent essentiellement des conversations téléphonique entre deux personnages dont on ne sait rien au départ, mais qui eux semblent détenir la clé de toute cette affaire.
    Une affaire qui, par ailleurs, touche à des sujets extrêmement sensibles et qui, s’ils sont passés, posent question jusqu’à aujourd’hui. Il est question de ces « classes de cancres », créées en Islande dans les années 1960, ces classes où l’on parquait les enfants moins aptes à suivre une scolarité « normale », sous le prétexte alors mis en exergue de permettre à tous les autres d’avancer raisonnablement dans les différentes matières enseignées – on sait que de telles classes accentuaient bien davantage une différence de niveau social qu’une réelle différenciation dans les capacités d’apprentissage de chacun, système qui a largement existé ailleurs qu’en Islande, de façon plus ou moins criante. Je sais qu’en Belgique nous avions l’enseignement dit « spécial », vers lequel on dirigeait presque systématiquement les enfants « à problèmes », quels que soient lesdits problèmes…
    Ça parle aussi, sans vouloir divulgâcher, d’essais pharmaceutiques secrets car potentiellement très controversés, dans lesquels on mêle une riche et puissante famille allemande qui serait à la base de tout cela, à travers ses rejetons islandais… comme si l’auteur avait eu besoin de rejeter « la faute » sur une nation qu’il estimait plus susceptible de commettre de telles atrocités, et ainsi dédouaner son pays ? Ce procédé m’a paru quelque peu grossier, même s’il a quelque chose de plausible. Et cela va jusqu’au coup de théâtre final où, moi lectrice pourtant habituée des polars, je suis restée bouche bée quand j’ai compris de quoi il s’agissait réellement ! Bouche bée mais pas convaincue, car on flirte alors avec la science-fiction, c’est d’ailleurs la vraie réelle originalité de ce livre… mais tellement inattendue et bizarroïde dans un polar aussi classique tout du long que ça sonne bien un peu faux. On s’attendait certes à un coup de théâtre assez « lourd », mais là on a surtout l’impression que l’auteur s’est quelque peu perdu dans son délire.

    Ainsi, ce que je retiens de ce livre n’est pas un éblouissement face à une nouvelle façon d’envisager le polar : non, je ne peux pas dire que ce roman m’ait tout à coup exaltée en faveur de ces fameux « polars nordiques » qui connaissent un tel succès depuis plusieurs années. En réalité, ça me donne plutôt l’impression que tous les criminels du monde se ressemblent peu ou prou, et la façon de les coincer relève partout de ce même mélange de points de vue différents (professionnels ou non), de l’entêtement de certains à faire éclater la vérité coûte que coûte, et d’une certaine part de chance et/ou de hasard pour enrober l’ensemble.
    En revanche, on est indéniablement entraîné dans un pays, une culture, une langue même qu’on connaît très peu ; dans une ambiance froide et bien un peu mystérieuse qui se traîne dans l’air ambiant, sans se presser (à l’image de nos policiers), comme un brouillard sur ces landes glacées qu’on a tout à coup envie de mieux connaître.




    La charmante librairie des jours heureux de Jenny Colgan,
    publié chez Prisma en 2020, lu en version GF. Un agréable roman feel good dans le monde du livre! 16/20

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    Synopsis (selon le 4e de couverture) : Bibliothécaire à Birmingham, Nina était loin d'imaginer que la municipalité déciderait de déménager la totalité du service dans la grande médiathèque de la ville. Fini le contact avec les habitués, l'assurance que chaque lecteur trouve le livre qui lui convient. L'avenir se trouve désormais derrière un ordinateur. Mais Nina, passionnée des livres, ne l'entend pas de cette oreille. Un jour, NIna a une idée folle. Sur un coup de tête, elle achète un van et le transforme en librairie itinérante... à Kirrinfief, au coeur des Highlands écossais! Avec son minuscule stock de livres, Nina découvre une communauté chaleureuse. Et, qui sait, peut-être trouvera-t-elle un nouveau sens à sa vie?

    Mon avis :
    Et voici « le » livre feel good à l’anglaise – pardon, à l’écossaise ! – avec son indéniable petit air de guide de développement personnel, sous un emballage assumé de chick-lit avec une romance qu’on voit venir de très, très loin, mais qui est quand même toute charmante, aussi charmante que ce van transportant notre librairie itinérante, dont on aimerait bien tenir le volant…
    Pour la petite histoire, j’ai acheté ce livre à cause de mon « besoin » de toujours commencer une série par son début, sauf par ignorance. En effet, j’avais complètement craqué en librairie sur le grand format de « La charmante librairie des flots tranquilles ». Et puis, une fois rentrée à la maison, je me suis rendu compte que c’était la suite de celui-ci, que je me suis empressée d’acquérir également… pour réaliser enfin que les deux peuvent très certainement se lire indépendamment ! Mais voilà, la PAL était complétée. J’ajouterai à cela que j’avais déjà lu l’un ou l’autre livre de Jenny Colgan : « Rendez-vous au cupcake café », qui était paru au club Belgique (France) Loisirs en plein milieu de ma panne de lecture, mais que j’avais été heureuse de découvrir. C’était déjà l’une de ces lectures feel good qui font du bien (c’est un pléonasme), même quand on a perdu l’habitude de tenir un livre entre les mains ! et pour être complète, toujours auprès de ce club qui a fait définitivement faillite tout récemment, j’avais trouvé une jolie édition de « Polly et le macareux » pour mon plus jeune fils, avec ledit oiseau en version peluche toute mignonne ! et j’avais lu ce petit livre avec un certain ravissement.

    L’histoire de ce nouveau livre est toute simple : Nina, jeune Anglaise de 29 ans, vivant à Birmingham, est bibliothécaire et ne vit que par et dans les livres. Plutôt imperméable à la vie réelle, si ce n’est à travers la relation de plus en plus orageuse avec sa colocataire et pourtant amie Surinder, elle se retrouve face à un mur quand la ville (comme tant d’autres en Angleterre semble-t-on lire entre les lignes) décide de fermer les petites bibliothèques de quartier comme celle où elle travaille, pour tout rassembler dans un « centre multimédia » au cœur de la ville… où ni les livres, ni leurs amoureux, ni les vieux n’ont plus vraiment de place. Seul un nombre infime de bibliothécaires seront repris dans cette superstructure, mais tous sont conviés à l’un de ces ateliers tellement à la mode de « team-building », au cours duquel Nina ose tout à coup exprimer son rêve : ouvrir sa propre librairie ! De fil en aiguille, il apparaît que ce n’est pas si simple, et qu’elle n’a pas les fonds nécessaires pour un commerce avec pignon sur rue… mais pourquoi pas une librairie itinérante dans un van aménagé, un peu comme ces food-trucks qui fleurissent un peu partout ? Or, justement, un van qui semble particulièrement adapté à son rêve-pas-encore-tout-à-fait-projet est en vente à prix abordable, quelque part en Écosse…
    D’espoir en revers, de petites réalisations à contretemps, Nina pourra-t-elle réellement vivre de son rêve ?

    C’est avec une plume légère et entraînante que Jenny Colgan nous promène depuis la ville industrieuse de Birmingham aux magnifiques Highlands écossais, dans un village apparemment imaginaire (je n’ai pas trouvé de Kirrinfief sur Google Maps !), non loin d’Inverness : dépaysement garanti ! Même pour Nina, Anglaise de souche (elle est originaire de Chester), c’est la découverte d’un autre « pays », d’une autre culture, d’une autre façon d’appréhender la vie, bien au-delà du simple clivage traditionnel ville vs. campagne.
    Cela dit, on l’a compris : sous ses dehors de gentille chick-lit avec voyage, l’autrice effleure des sujets de société bien réels, comme la fermeture des bibliothèques de quartier, l’omniprésence de l’informatique présentée comme une panacée, alors qu’elle ne l’est pourtant pas pour toute une partie de la population (que ce soit les personnes âgées, premières « victimes » de cette multimédia-isation galopante, ou les gens qui souhaitent juste tenir un livre de papier entre les mains) ; mais aussi le chômage qui s’étend, au profit de quelques (rares) emplois sans envergure destinés à des jeunes qui ne coûtent rien à l’employeur, etc. Comme je disais, elle ne fait qu’effleurer ces sujets, l’objet de son livre n’est clairement pas de les développer à la Dickens dans un drame plus ou moins larmoyant… mais ils sont bien là en arrière-plan, comme un premier jalon qui pousse à nous demander : mais qu’est-ce que moi, je fais vraiment dans la vie ?

    J’avoue : peut-être suis-je actuellement dans un état d’esprit plus sensible à ce genre de littérature ? Certes, on est en plein feel good : on sait, dès qu’on ouvre un tel livre, que ça finira bien, quels que soient les obstacles que notre héroïne va devoir affronter ! et c’est pour ça qu’on le lit, car on a envie de cette part de rêve sans prise de tête.
    Cependant, à travers l’histoire toute gentille de Nina, bien au-delà des aspects feel-good tout juste évoqués, l’autrice convie bien qui y est sensible à une petite remise en question : serais-je prête, moi aussi, à commencer une nouvelle vie ? Et on se rassure – ou on regrette – que ce ne soit pas réellement possible, et on se trouve 1.000 arguments tout à fait acceptables : après tout, j’ai 20 ans de plus que Nina, et une famille avec trois enfants pas encore autonomes (car je les ai « faits » tard) ; après tout, je ne suis pas au pied du mur d’un point de vue professionnel (quoique…) ; après tout, à l’image de cette fameuse amie Surinder, qui incarne un certain bon sens, ce réalisme dont Nina semble manquer, mais qui dès lors passe peut-être à côté de son rêve à elle - bref, après tout, comme Surinder, j’ai un job qui ne me déplaît pas (même si ce n’est pas le boulot de mes rêves !) et un bon salaire… Et de se demander : serais-je vraiment capable de me lancer dans un rêve un peu fou pour oser réellement « vivre » malgré les risques ?

    Bien entendu, ces questions traversent l’esprit au fil de la lecture, mais restent au conditionnel absolument ! Après tout, même si un tel livre a ce petit quelque chose qui fait qu’on le pose pour penser à sa propre vie, ce n’est pas non plus à 100% un guide de développement personnel (même si ça peut lancer la réflexion, définitivement). En effet, s’il touche autant, c’est pour une raison évidente : je suis lectrice, comme Nina je suis folle des livres, à ne plus savoir où les mettre (au grand désespoir de mon mari, qui n’est hélas pas lecteur… ou tant mieux ! car si on était pareils pour les livres, ce serait invivable chez nous !). Or, je pense que tout lecteur passionné se pose tôt ou tard la question : et si j’ouvrais moi aussi ma librairie ? (ou les variantes : et si je travaillais dans l’univers du livre ? ce qui laisse un plus large choix de possibilités, pas forcément toutes aussi satisfaisantes cela dit). Quelques-uns le font, parce que leur vie s’y prête à un moment ou un autre, tandis que la majorité des autres lecteurs se contenteront de razzier les boutiques des précédents, encore et encore, le plus souvent avec délectation. On n’en est donc pas à la remise en question, on se permet juste de rêver un moment, de ce « Et si ?... » qui nous est quelquefois passé par la tête, et puis on referme le livre et on revient dans notre vraie vie, avec une petite chaleur dans le cœur car on ne peut s’empêcher d’être content pour cette Nina qui est arrivée au bout de son rêve !

    À part ça, tout ce livre est aussi un chant d’amour pour l’Écosse natale de l’autrice, qu’elle considère clairement comme un pays à part entière, avec ses propres coutumes, sa propre langue – l’accent semble incompréhensible même pour une anglophone « native », sans parler des anciens qui parlent gaélique !, et ses paysages magnifiques, à couper le souffle même semble-t-il. Je n’y suis – hélas – jamais allée, mais la description de l’autrice, malgré une météo pas toujours clémente comme elle ne manque pas de souligner, de même que les photos trouvées sur Internet sont assez convaincantes ! Ainsi, non seulement elle met en avant cette nature, cette liberté, cette absence de pollution (contrairement aux villes côté anglais), mais elle laisse entendre que son « pays » offre encore des possibilités à qui ose rêver – les démarches administratives seraient moins compliquées, le soutien de toute une communauté serait une constante malgré certaines dissensions çà et là. Elle nous vend vraiment l’Écosse, avec ses Highlands en particulier, comme un petit paradis sur terre, et réellement, on se prend à la croire !





    Côté lectures en cours, j'ai dépassé la moitié de Avalanche Hôtel, qui est sympathique mais ne me convainc pas tout à fait; j'avance tranquillement dans le tome 1 de Damné: L'héritage des Cathares d'un auteur québécois que je ne connaissais pas du tout mais qui est bien intéressant; et j'ai entamé sans prise de tête un autre tome 1, de Wyld: La mort ou la gloire.

    Et vous, que lisez-vous?

    Belle journée!

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #173 31 Janvier 2022 10:56:38

    Bonjour à tous!

    Me revoici pour mes trois dernières lectures, dont deux fantasy que j'ai lues en simultané, les deux de type indéniablement "light", les deux parsemées d'humour et de second degré, mais en même temps tellement différentes qu'elles n'ont jamais interféré l'une avec l'autre dans mon petit esprit!
    Bref, je vous laisse découvrir:

    Avalanche Hôtel de Niko Tackian,
    publié chez Calmann-Lévy en 2019 / aux éditions de l'Épée pour la version électronique, celle que j'ai lue.
    Un premier Tackian qui n'est pas une révélation, mais qui m'a quand même plutôt bien plu: 16/20.

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    Synopsis : Janvier 1980, à l’Avalanche Hôtel, sublime palace des Alpes suisses. Joshua Auberson, agent de sécurité, enquête sur la disparition d’une jeune cliente, avec un sentiment d’étrangeté. Quelque chose cloche autour de lui, il en est sûr. Le barman, un géant taciturne, lui demande de le suivre dans la montagne, en pleine tempête de neige. Joshua a si froid qu’il perd conscience…
    … et revient à lui dans une chambre d’hôpital. Il a été pris dans une avalanche, il est resté deux jours dans le coma. Nous ne sommes pas en 1980 mais en 2018. Joshua n’est pas agent de sécurité, il est flic, et l’Avalanche Hôtel n’est plus qu’une carcasse vide depuis bien longtemps. Tout cela n’était qu’un rêve dû au coma.
    Un rêve, vraiment ?


    Mon avis :
    Voilà bien longtemps que j’avais envie de lire « un Tackian »… mais pourquoi précisément est-ce celui-ci que j’avais dans ma PAL ? Je ne pourrais dire… Je sais que, l’année dernière, dans le cadre d’un challenge policier, je recherchais plus particulièrement les premiers romans des divers auteurs de polars ou thrillers qui pouvaient m’intéresser, mais ce n’est même pas le cas de celui-ci, alors ?...
    Quoi qu’il en soit, je voulais « un Tackian » donc, car ce nom ne m’est absolument pas inconnu. C’est que, sans être fan à 100%, je ne manque jamais un épisode de la série télévisée « Alex Hugo », dont il est (co-)scénariste. Alors, pour faire simple (il y a tant d’épisodes déjà que c’est vraiment une appréciation très généralisante), je ne suis pas toujours hyper-convaincue par ces différents scénarios, mais parfois oui… et surtout, j’adore cette série pour ses paysages (la Belgique est tellement loin de la montagne !! cette série vend du rêve…) et pour le caractère libre et bien un peu contemplatif, que j’apprécie beaucoup, de son personnage principal. Dès lors, j’étais vraiment curieuse de découvrir un roman de la même plume.

    Et j’en ressors pas (du tout) déçue, c’est même un sentiment généralement positif qui ressort, mais je ne suis pas tout à fait emballée non plus.
    Rien à redire des personnages : on s’attache à eux, moi en tout cas j’ai beaucoup aimé la personnage principale-secondaire qu’est Sybille, policière et collègue de notre héros, son franc-parler, sa logique, sa sollicitude envers Joshua aussi, et tout ça malgré ses failles qui ne nous sont pas cachées. Elle est tout simplement très humaine et très typée mais jamais dans l’excès, avec juste ce qu’il faut de gouaille pour la rendre vraiment sympathique. J’ai un tout petit moins accroché à Joshua, le protagoniste donc, il est trop torturé avec ses histoires de mémoire pour être tout à fait séduisant, et il a un comportement (surtout envers Sybille) tellement stéréotypé de mâle lâche que ça rajoute une couche d’éloignement – mais bon, en même temps, on ressent pour lui quelque chose qui s’apparente à de la pitié, mêlée de ce désir de l’encourager si seulement c’était possible ; on a envie qu’il s’en sorte et qu’il arrive au bout de cette enquête !
    J’ai apprécié, aussi, leur histoire qui, malgré ses côtés frustrants (surtout quand on se met à la place de Sybille !), ne tombe jamais dans une romance mièvre, et sonne au contraire toujours très juste !

    Rien à redire de l’écriture non plus : l’auteur est scénariste (de série donc, mais apparemment aussi de BD), on le sent à tout instant. Il sait décidément comment écrire pour capter et retenir l’attention du lecteur, et il le fait bien. Ce livre est un véritable page-turner, ponctué de fins de chapitres en cliffhangers mais toujours plus ou moins discrets – on les voit quand on connaît le procédé, mais ils ne sont pas grossiers comme c’est le cas dans certains autres livres lus récemment !

    C’est donc du côté de l’intrigue que je suis un peu plus dubitative. Je suis partagée entre une certaine admiration et un malaise persistant.
    Admiration, car tout tourne autour de la mémoire, la façon dont elle fonctionne, dont elle s’organise, etc., en particulier quand elle a subi un traumatisme. C’est un sujet passionnant, et on voit très clairement que l’auteur s’est renseigné sur ce très vaste (et encore très méconnu) sujet ; en outre, il parvient à rendre accessibles les aspects médico-psychologiques concernant cette mémoire, à travers des dialogues simples et tout à fait compréhensibles, entre nos personnages principaux et le médecin qui suit Joshua après son accident, notamment – même s’il a parfois fallu que je relise lesdits dialogues, pour être certaine d’avoir bien tout appréhendé.
    Mais malaise, car il se sert de cette « base » pour créer une histoire qui confine à l’horreur ou peut-être au fantastique, en tout cas on est typiquement dans un thriller « qui fait peur », avec un ressenti presque physique des choses ! (on aurait presque envie de regarder sous son lit, le soir, si un monstre n’a pas été s’y cacher…). Or, ce n’est pas forcément le type de thrillers que je préfère – ni même ce à quoi je m’attendais. Ce mélange constant entre passé et présent, entre rêve (ou plutôt cauchemar) et réalité, avec en arrière-fond les ruines sinistres de cet hôtel et une palette de personnages inquiétants, sans même parler de l’ambiance parfois lugubre de certains hameaux dans cette montagne d’hiver, décidément ça fait froid dans le dos et ça casse un peu cette admiration-contemplation de la montagne, bien présente elle aussi pourtant. Et c’est un sentiment de froid glacial, celui-là même que ressent Joshua à travers toute l’histoire à la suite de son ensevelissement sous une avalanche, qui nous étreint à plus d’une reprise ! Oh, certes : du point de vue d’une certaine manipulation du lecteur, c’est une réussite, en réalité ! mais il faut croire que je n’étais pas prête à frissonner autant…

    J’ajouterai à ça que j’avais deviné la fin de l’histoire… un bon paquet de pages avant qu’elle soit révélée, et je commençais même à comprendre plus d’un détail, avec une marge d’erreur qui s’est avérée très faible. Cela veut dire deux choses : d’une part, que cette fin a été bien préparée, elle est tout à fait plausible et dès lors aussi acceptable que rassurante, en quelque sorte ; mais aussi, qu’on était sur une pente glissante trop tôt dans le livre – on sait que j’apprécie beaucoup quand les dénouements sont « préparés » et ne semblent pas tomber des nues au dernier moment, mais ici, j’ai l’impression d’avoir l’effet inverse, il n’y a plus vraiment de surprise, et ça laisse une légère déception là où on aurait espéré une révélation finale plus inattendue peut-être.
    Mais c’est un moindre mal… et à vrai dire, je crois que je vais très vite renouer avec cet auteur. J’ai d’ailleurs ses premier (identifié cette fois, « Quelque part avant l’enfer ») et dernier romans (« Respire ») dans ma PAL, ils ne vont sans doute pas y rester très longtemps.





    Sorcières associées d'Alex Evans,
    publié chez ActuSF en 2017 (version lue), après une auto-édition originale, et il existe aussi en poche (Pocket 2019).
    Une agréable surprise: 17/20.

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    Synopsis : Envoûtement de vampire, sabotage de zombies et invasion de gremlins font partie du quotidien du cabinet Amrithar et Murali, sorcières associées. Dans la cité plusieurs fois millénaire de Jarta, où la magie refait surface à tous les coins de rues, les maisons closes sont tenues par des succubes et les cimetières grouillent de goules, ce n'est pas le travail qui manque ! Mais tous vous le diront: les créatures de l'ombre ne sont pas les plus dangereuses ?

    Mon avis :
    Ce livre était une découverte dans le cadre de mon abonnement Boobox : j’avais craqué sur la jolie couverture de l’édition ActuSF, avec ce fond bleu riche et le motif d’une théière enchantée qui donne bien un petit air orientalisant. On n’est pourtant pas dans une Fantasy orientale, mais dans la cité portuaire de Jarta, cité libre dont le maître-mot est le commerce, et qui, n’ayant à peu près aucune règle, a tiré son épingle du jeu malgré les diverses guerres qui ont émaillé l’histoire des diverses nations humaines de la région. Ces divers peuples cohabitent désormais dans cette cité, plus ou moins paisiblement, avec aussi un certain nombre de créatures plus ou moins civilisées issues des différents univers de la Fantasy et autres mondes fantastiques, voire science-fictionnels – je pense notamment au Gremlin presqu’apprivoisé… ou, de façon qui saute bien davantage à mes yeux, le prénom Padmé, qui n’est quand même pas ultra-courant dans notre littérature francophone, et qui renvoie aussitôt l’esprit vers une autre série bien connue, toute entière ancrée dans la Science-fiction quant à elle : la saga cinématographique Star Wars ! (pour moi, une référence absolue depuis l’enfance ;) )
    On a aussi toute une série d’objets, issus eux aussi de divers univers. Pour ne citer que quelques exemples : on se déplace en rickshaw, tandis qu’un Pégase est en réalité une voiture ; on navigue sur la mer avec diverses embarcations aux allures médiévales, mais aussi dans les airs grâce à des aéronefs très inventifs (pour moi qui n’y connais rien, du moins) ; on se bat au corps à corps, mais quand on part en expédition on prend épée et « flingue » (littéralement !).
    Ajoutez à cela quelques références bibliques, dont un culte très développé au Veau d’Or (le pauvre Moïse doit se retourner dans sa tombe, depuis son lointain Exode !…), et on a un monde réellement foisonnant qui vit dans un certain équilibre, comme n’importe quelle société organisée.

    Dans ce monde, la magie est plus ou moins régulée selon les nations, mais est tout aussi libre que n’importe quel autre commerce dans la cité de Jarta. C’est ainsi que deux jeunes femmes, issues de deux nations ennemies lors de la dernière guerre, se sont associées pour exercer dans divers cas où leur « Don » est requis : exorcismes, recherche d’artefacts magiques etc. Padmé, mère célibataire d’une petite fille amoureuse des créatures sauvages, et Tinat, ancienne espionne surentraînée, travaillent ensemble et s’entendent plutôt bien ; chacune traite ses propres affaires mais partage avec son associée afin d’avoir un autre avis. Ainsi, quand un vampire, créature potentiellement très dangereuse et qui ne vit normalement pas dans leur monde, vient leur demander leur aide car il pense avoir été envoûté pour tuer (même sans faim) ; puis qu’un riche industriel dont l’usine fonctionne grâce à des zombies, souhaite leurs services pour identifier la source de mini-sabotages dans ses ateliers, rien de grave mais trop réguliers pour être aléatoires ; ou qu’un des plus craint marchand-aventurier (une forme « évoluée » de pirate), par ailleurs très intéressé par Padmé, vient leur demander de les aider à retrouver le sceau légendaire de sa famille… les deux jeunes femmes se rendent compte que les choses ne tournent plus tout à fait rond, et qu’un réel danger menace sans doute Jarta…

    On ne lit définitivement pas ce livre pour l’intrigue policière. Elle est certes bien présente, et les indices semés çà et là permettent au lecteur de tenter de la résoudre en même temps que nos deux héroïnes, au fil des nombreux rebondissements et autres découvertes de nos magiciennes-enquêtrices malgré elles. Cela dit, et sans que ce soit une critique négative de ma part dans ce cas précis, on est définitivement bien loin d’un bon polar qui tiendrait en haleine de bout en bout.
    En effet, même si on ne sait pas trop à quoi s’attendre en ouvrant ce livre, on est très vite happé par l’ambiance tellement marquée (et agréable à lire !), si bien que notre attention se laisse emporter essentiellement par ces aspects-là : on lit réellement pour l’ambiance, la mise en scène d’un monde vraiment original qu’on dirait créé de bric et de broc avec quelques touches personnelles de l’autrice, mais où tout se tient, où tout fait sens et est développé avec des aspects « historiques » notamment – on aurait même pu avoir un certain  nombre (une centaine ? voire plus) de pages en plus pour le développer encore davantage, entrer dans les détails, sans que ce soit embêtant. En effet, contrairement à tant d’autres romans de Fantasy qui s’étalent parfois (souvent ?) trop longuement sur le contexte de leur histoire, ici on a juste ce qu’il faut pour que tout soit compréhensible. Mais surtout, c’est mené tambour battant, si bien que tous les aspects géo-politiques apparaissent en filigrane, alors qu'ils auraient mérité une plus grande mise en avant, une exploitation un peu plus longue – par exemple, je ne dirais pas non à un HS sur les guerres préalables à notre histoire, et un développement réel sur le passé de chacune de nos deux héroïnes !

    Mais donc, on l’a compris : ce récit est très rythmé, sans jamais perdre le lecteur pour autant, et ça le rend particulièrement agréable à lire ! À mon sens, ce tempo nerveux et parfaitement maîtrisé est dû à ce relatif effacement du contexte géo-politico-historique de l’histoire, comme je relevais plus haut, mais aussi à une écriture enlevée et sans temps morts, teintée le plus souvent d’un humour décalé mais qui ne semble jamais forcé, et à cette alternance des points de vue entre nos deux héroïnes. J’avoue : par moments j’ai dû retourner une page en arrière pour être certaine de savoir laquelle des deux était aux commandes – en effet, si leurs caractères, façons d’être, vies présente et passée sont complètement différentes, de même que leur niveau de langage dans les dialogues, elles ne sont pas ultra-différenciées dans leur narration même, à tour de rôle donc, à la 1re personne du singulier.

    Et surtout, on s’attache à ces deux jeunes femmes fortes, très différentes et unies par un lien aussi évasif que la magie, mais assez intelligentes pour éviter d’évoquer entre elles leurs passés guerriers (opposés) respectifs, et entre lesquelles on ressent pourtant quelque chose qui ressemble à une certaine amitié, ou pour le moins une compréhension et une appréciation mutuelles, une complémentarité dans leur métier. On s’inquiète pour chacune d’elles à tour de rôle, on s’émeut du côté « maman protectrice » de Padmé envers sa fille Jihane, on tremble quand on perçoit des bribes du passé guerrier et très dur de Tanit, on sourit de la tentative de drague du terrible marchand-aventurier envers une tout à coup impitoyable Padmé, etc.
    Au passage, l’autrice ne manque pas de dénoncer quelques travers de notre propre société, sans s’appesantir dessus de façon exagérée (mais c’est sans doute l’un des avantages d’avoir créé un monde qui semble si éloigné du nôtre… et tout à la fois si proche !). Je cite en vrac : le racisme et/ou le rejet des immigrés, les travers d’un certain capitalisme quand le profit prend la place sur l’humain, et c’est une véritable diatribe masquée contre la religion (en général), dénoncée ici comme tellement mercantile…

    Bref, c’est un petit livre d’apparence léger, dont l’enquête policière, certes bien présente, n’a pas le même cachet qu’un polar dans notre monde. On le lit pour son ambiance foisonnante, un univers riche issu de divers monde de l’imaginaire avec même quelques références bibliques ! Et on découvre, avec grand plaisir, deux héroïnes fortes et attachantes, présentées dans une écriture enlevée empreinte d’un humour léger, sur un tempo bien rythmé, sans oublier de dénoncer au passage, l’air de rien, quelques travers de notre société. Une réussite !





    Wyld, tome 1 : La mort ou la gloire de Nicholas Eames,
    publié chez Bragelonne en 2019, lu dans cette version GF (existe aussi en poche chez le même éditeur).
    Un très bon moment de lecture: 17/20.

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    Synopsis : Clay Cooper et ses hommes étaient jadis les meilleurs des meilleurs, la bande de mercenaires la plus crainte et la plus renommée de ce côté-ci des Terres du Wyld – de véritables stars adulées de leurs fans. Pourtant leurs jours de gloire sont loin. Les redoutables guerriers se sont perdus de vue. Ils ont vieilli, se sont épaissis et ont abusé de la bouteille – pas forcément dans cet ordre, d’ailleurs.
    Mais un jour, un ancien compagnon se présente à la porte de Clay et le supplie de l’aider à sauver sa fille, prisonnière d’une cité assiégée par une horde de monstres sanguinaires. Même si cela revient à se lancer dans une mission que seuls les plus braves et les plus inconscients seraient capables d’accepter.
    Le temps est venu de reformer le groupe… et de repartir en tournée.


    Mon avis :
    Ce livre me fait de l’œil depuis un moment, entre autres parce qu’il parle de gens « âgés », ce qui n’est décidément pas le plus courant dans mes lectures pourtant assez éclectiques, et encore moins dans les mondes de l’imaginaire, où j’ai l’impression de me retrouver trop souvent face à des jeunes héros à peine pubères… Cela dit, il aurait pu rester encore un certain temps dans ma PAL, si deux des challenges auxquels je participe n’avaient pas demandé, pour l’un, de lire de la « light fantasy » en ce mois de janvier (ce que je n’avais encore guère fait jusqu’à présent, or janvier est sur le point de se terminer !) et, pour l’autre, de lire de la fantasy cette semaine du 24 au 30 janvier. C’était donc l’occasion de combiner ces deux exigences !

    Nous sommes dans un monde assez typique de ce que je conçois  comme de la fantasy « classique » - et je précise d’emblée : je ne suis absolument pas spécialiste, je lis relativement peu de fantasy car ce n’est pas mon genre de prédilection, et par ailleurs je n’ai jamais été adepte des jeux de rôle et autres univers de la sorte, qui semblent des références éternelles dès lors qu’on entre de plein pied dans une fantasy de type médiéval. Mais bon, je ne suis pas non plus complètement néophyte, j’ai lu quelques plus ou moins bon livres se réclamant de la fantasy, dont le « Seigneur des Anneaux », qui est à mon sens la valeur la plus sûre et incontestée dans le genre – et je parle bien du livre (avec ses différents tomes), que j’ai lus bien avant que leur succès n’éclate, notamment grâce aux films que, pour ma part, je n’ai pas aimés du tout… mais ceci est une autre histoire !

    Bref, je livre mon petit avis qui ne se prétend pas éclairé : à mes yeux, on a ici un univers « classique » (je me répète) de type médiéval plus ou moins en paix, mais jamais pour longtemps, où des poignées d’humains cohabitent avec toute une série d’autres espèces plus ou moins évoluées, partageant même avec certaines la gestion de cités ou autre royaumes – dans lesquels ils ne sont pas forcément au pouvoir et/ou dominants. À l’image d’un moyen-âge un peu obscur qui fascine autant qu’il rebute, c’est un monde sombre où il faut se battre pour (sur)vivre, où tous les travers humains et bestiaux sont exacerbés. Les forêts, dont celle qui nous occupera ici, le Cœur de Wyld, représentent le mal et grouillent de créatures plus improbables les unes que les autres : on dirait que l’auteur s’est amusé à rassembler tout ce qui existait déjà dans la littérature fantastique (au sens large), en ces lieux maudits, en y ajoutant allègrement quelques-unes de son cru.
    Pour éviter que de telles bêtes et bestioles s’en prennent aux habitants (non guerriers) des cités, outre quelques rares factions d’armée plus ou moins officielles, plus ou moins rivales, qui n’ont surtout pas l’air très efficaces, la sécurité des cités est assurée par des groupes de mercenaires appelés « roquebandes », généralement composés de quelques guerriers (pour ne pas dire tueurs), d’un magicien qui les assiste et d’un barde qui chante leurs exploits – tout cela se déclinant, en tout ou en partie, également au féminin bien sûr ! Ces roquebandes fonctionnent sur base de contrats, que négocie pour eux un manager, les envoyant à gauche à droite pourfendre l’un ou l’autre monstre… Il y a aussi chaque année la « Route du Roque », une espèce de festival où se retrouvent toutes ces bandes, à boire et à s’(auto)admirer !

    Dans ce contexte, la roquebande Saga a été l’une des meilleures et ses exploits sont chantés et connus un peu partout dans ce monde… mais elle a été dissolue 19 ans plus tôt, ses membres ont vieilli (leur âge n’est jamais dit, mais on leur imagine la cinquantaine, voire une petite soixantaine – n’oublions pas que trois d’entre eux sont tout juste pères, et leurs enfants sont, pour les plus âgés, à peine jeunes adultes, ils ne sont donc en rien des « papys » comme j’ai lu ici ou là !) et ont pour la plupart choisi des vies en retrait de leurs exploits passés, d’une façon ou d’une autre. Jusqu’au jour où l’ancien meneur, Gabriel, vient prier Clay, en quelque sorte le sage de la bande, de l’aider à délivrer sa fille Rose, elle-même guerrière, mais prisonnière d’une cité lointaine, assiégée par une horde de monstres dominée par un être apparemment assoiffé de gloire, de sang ou peut-être de revanche… Autant dire que c’est une mission impossible, car les ex-membres de Saga n’ont plus guère de contacts entre eux, et comme dit précédemment, ils sont désormais « vieux », commencent à sentir des douleurs matinales et ce genre de choses que mes presque-50 ans ne peuvent que plussoyer ! et doutent très fort d’être encore capables d’un quelconque exploit… à cinq contre une horde infernale ?? Mais Clay, lui-même père, se laisse attendrir et finit par accepter. Il leur reste donc à reformer la bande – avec Mattrick le guerrier alcoolique devenu roi, Moog le mage aussi imprévisible que fantaisiste, et Ganelon le tueur-né mais emprisonné depuis tout ce temps – et tenter d’aller sauver Rose, car il est impensable de l’abandonner…

    Ces quelques mots suffisent à relever ce que de nombreux commentaires ont souligné : Nicholas Eames fait un parallèle saisissant entre le monde du rock, et cet univers médiéval de mercenaires organisés en groupes qui tentent de percer pour obtenir des contrats ! J’ai lu un certain nombre de critiques trouver cela génial… et j’aurais mieux fait de ne pas les lire à l’avance, car j’ai été un peu déçue sur ce point : certes, le vocabulaire s’approche à plus d’une reprise du monde du rock, mais le parallèle s’arrête là ! Il n’est même pas question, réellement, de musique – or, qu’est-ce que le rock sinon de la musique ?-, si ce n’est à travers le batingting de Tik (je vous laisse découvrir ce charmant personnage !) ou, plus généralement, ces bardes qui accompagnent les roquebandes… sauf que Saga n’a jamais pu conserver le moindre barde, justement : ils se sont fait tuer les uns après les autres dans des circonstances parfois très saugrenues, évoquant plutôt le barde à la Assurancetourix, qui fournit une certaine présence, un peu ridicule, mais qui reste très clairement à la périphérie de l’histoire.

    En parlant de mots : il est évident que l’auteur joue avec, et j’en ai sans doute loupé plus d’un. Je ne sais comment était écrit « roquebande » dans l’original, mais en tout cas c’est bien trouvé pour la traduction. Cependant, je note au passage que le traducteur (ou l’éditeur ?) n’a pas tout à fait été au bout de son travail, car certains passages, ou tout simplement certains mots auraient mérité une petite « note du traducteur ». Je pense notamment au personnage de Clay : je ne sais pas jusqu’à quel point ce prénom est courant (ou tout simplement existe ?) en anglais, mais je pense que le lecteur francophone lambda ne sait pas forcément que ça signifie « argile »… c’est-à-dire un matériau aux très nombreuses ressources, ce n’est définitivement pas innocent ! Certes, un personnage nommé « Argile » aurait été… bizarre ? mais signaler que son prénom signifie bien quelque chose de solide aurait été un minimum. Plus évident encore : le Cœur de Wyld, on change le y pour le i d’origine et on a alors « sauvage », mais cela n’est dit à aucun moment !
    Ou alors, toutes les armes (ou presque) utilisées dans les différents combats portent des noms ; certains semblent intraduisibles (comme les épées Vellichor ou Tamarat), d’autres sont données dans une pseudo-langue mais tout à fait compréhensibles (comme la faux du druine Ombre, que l’on nommera… Umbra), mais le marteau de Clay par exemple, porte un nom qui aurait dû être traduit, ne serait-ce qu’en note de bas de page pour information (mais ne l’est pas) : Wraith, c’est-à-dire le spectre !
    Certes, l’anglais est devenu une langue internationale largement répandue, mais je trouve malséant, irrespectueux envers le lecteur francophone, de présupposer que tous connaissent suffisamment cette langue étrangère, et ainsi laisser de côté ceux qui ne la connaissent pas ? comme s’il était obligatoire de connaître l’anglais pour lire une traduction !...

    Cependant, malgré cette légère déception par rapport à mon attente d’une vraie ambiance rock, et ce dépit de constater que certains traducteurs ne font pas tout à fait du bon boulot, j’ai été très vite happée par ce monde et ses quelques personnages réellement attachants ! Ils sont cinq personnages principaux, même si Clay est indéniablement la référence principale, pour le lecteur comme pour son groupe. Il est tellement, tout simplement, humain, oscillant entre ce passé de gloire, cette loyauté à ses amis, ses frères même, au sein de cette roquebande d’une part, et l’amour de sa femme et de sa fille d’autre part, femme à qui il a promis en l’épousant de ne plus jamais être ce « monstre » qu’elle voyait en lui quand il faisait partie de Saga… À ses côtés, je n’ai pas tout à fait accroché à Mattrick, dont l’alcoolisme assumé me dérangeait bien un peu, ni à Gabriel qui semblait ne pas trop savoir se décider entre un côté larmoyant et un autre côté « petit chef » tout à coup ultra-décidé ; en revanche, j’ai beaucoup apprécié Moog et son grain de folie qu’on associe si bien à un mage un peu décalé, et la froideur calme, impassible de Ganelon.
    À leurs côtés, toute une série de personnages secondaires évoluent, dont un certain nombre seront récurrents, pas forcément humains au sens « technique », mais eux aussi sont tous terriblement animés de ces côtés pervers, calculateurs ou au contraire tendres, attentifs aux autres ou tout simplement joyeux, parfois un peu tout ça à la fois, et qui font tous ensemble ce que j’appelle être « humain », même quand on fait partie d’une autre espèce (toute imaginaire), capable de raison suffisamment proche.

    Et tout cela ne dit pas que, même si nos personnages évoluent effectivement dans un monde indéniablement sombre, l’auteur nous gâte de touches d’humour constantes, de petites dédramatisations même dans les situations les plus critiques, de traits légers de la part des uns ou des autres, qui détendent, et qui font même parfois réellement éclater de rire ! C’est un humour sans prise de tête, souvent décalé, discret mais omniprésent tout à la fois. Le mage Moog et sa fantaisie est sans conteste leader en la matière, mais on a aussi quelques passages tout à fait savoureux – pour ne citer qu’un exemple : on a une scène assez surréaliste avec des cannibales, j’étais pliée de rire !
    J’ajouterai à ça que j’ai bien apprécié les quelques passages narrant les quelques batailles : à nouveau, je ne suis pas spécialiste du genre, mais j’ai lu plus d’une fantasy où les récits de bataille étaient à peine survolés, comme si les auteurs (que je ne citerai pas) ne savaient plus quoi faire à cet instant décisif, préférant les intrigues de cour ou individuelles, mais incapables de rendre les sensations d’un champ de bataille, le goût du sang, l’odeur de la mort. Je trouve que Nicholas Eames relève joliment le défi, alors même que son livre est sensé se situer du côté d’une fantasy « légère » !

    Et en effet, c’est une écriture joyeuse, résolument optimiste même dans les moments de doute, qu’elle rend cependant avec une réelle justesse ; une écriture allègre mais grave quand c’est nécessaire, qui mène le lecteur vers son but du début à la fin, qui finit par lui faire croire que « c’est possible » même dans les moments les plus désespérants. Bien entendu, on sait (ou du moins on devine) que tout ça finira bien, car clairement le but de l’auteur n’est pas de nous faire aboutir à un drame, même s’il nous fait passer par plus d’un moment délicat (et c’est peu dire !) ; bien entendu, toute l’histoire est émaillée de (très) nombreux rebondissements, quelques retournements de situation aussi – et si certains apparaissent comme trop « faciles », à la limite du rock-ambolesque, d’autres sont réellement surprenants.

    J’ai donc passé un très bon moment de lecture, parfois un chouïa longuet mais vraiment sans que ce soit ennuyeux (après tout, on est presque à 600 pages en GF, ce n’est pas rien !), en plongée dans un monde de type fantasy médiévale sombre où nos héros bien attachants ne sont plus des jeunots, mais où l’humour léger et décalé de l’auteur ne cesse de dédramatiser les situations les plus graves sans les éviter pour autant, dans une écriture résolument optimiste même dans les moments de doute, qui sonne juste dans les moments plus graves, et qui joue avec les mots… qui auraient gagné à être un peu mieux traduits !

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #174 04 Février 2022 23:25:20

    Bonsoir,

    Quatre livres à ajouter ce soir! finalement il a du bon, mon arrêt de travail... :chaispas:
    Cela dit, ce sont des lectures variées : entre un plutôt bon, deux qui frisent le coup de coeur, et un flop total, j'ai eu de quoi ne pas m'ennuyer!

    Voici donc, dans l'ordre de lecture:

    Elma d’Eva Björg Ægisdóttir,
    publié en avant-première chez France Loisirs en 2020.
    Mon 3e et assez bon polar islandais, lu tout fin janvier: 15/20.

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    Synopsis : Dans la petite ville d'Akranes, une femme est retrouvée morte près du phare.
    Qui pouvait en vouloir à cette mère de famille sans histoires ? L'enquête est confiée à Elma, inspectrice, de retour après vingt ans passés à Reykjavik.
    Aux prises avec ses propres démons depuis une rupture douloureuse, elle se retrouve plongée dans les plus sombres secrets de cette tranquille communauté.


    Mon avis :
    Voici donc le 3e polar islandais que je lisais, dans le cadre de ma participation au challenge annuel « Je voyage… », qui encourage à lire des auteurs de différents pays tout au long d’une année, tout en mettant un pays différent à l’honneur chaque mois (et alors chaque livre lu, jusqu’à un maximum de 4, remporte un petit bonus). L’Islande était donc ce pays à l’honneur ; et polar, parce que c’est l’un de mes genre préférés. J’avoue que, vu le succès qu’ont les polars nordiques depuis plusieurs années, je n’ai pas cherché de production islandaise dans d’autres genres littéraires – même si je sais que j’ai l’un ou l’autre roman contemporain islandais dans ma PAL.
    Un livre de papier que j’ai pris avec un petit brin d’émotion, car c’est l’un des derniers qui j’avais achetés chez Belgique Loisirs, lors de la réception de leur magazine saisonnier l’hiver 2020 – or, la faillite définitive de Belgique Loisirs a été prononcée le 18 janvier dernier, ce Club dont je fréquentais l’une des boutiques locales depuis toute petite, peut-être même le seul magasin de livres où on allait avec maman, car l’achat obligatoire saisonnier d’un livre à prix « club » était envisageable ; pour le reste, on ne pouvait se permettre que des emprunts en bibliothèque – ce qui n’est pas un regret en soi, j’ai passé tant d’heureuses heures en bibliothèque ! mais la démarche et le plaisir sont différents…

    Mais revenons à « Elma ». La première chose qui saute aux yeux est une inévitable comparaison (moi qui n’aime pas ça, et m’agace de certains commentaires dont le contenu n’est qu’une longue comparaison avec 36 autres œuvres au lieu d’aller au fond du sentiment que la lecture a procuré ; mais j’admets que, parfois, on ne peut l’éviter !) : comme les deux polars islandais lus ce même mois de janvier, et de deux auteurs différents, j’ai trouvé une évidente lenteur dans l’évolution de cette enquête. Clairement, ça manque d’action, ce qui peut paraître rédhibitoire pour celles et ceux qui préfèrent un policier (même un peu) plus rythmé.
    L’un des éléments qui accentue cette impression de « surplace » est sans aucun doute que l’autrice nous emmène au plus près de son héroïne. On la voit s’installer dans son nouvel appartement de la ville de son enfance où elle est revenue, on la suit quand elle va passer quelques heures (parfois la nuit) chez ses parents, c’est limite si on ne passe pas une heure ou deux avec elle devant la télé, à regarder un quelconque film insipide tout en bavardant gentiment. Et surtout, on voit sa peine à se souvenir de ce Dávid, son amour pendant 9 ans, qui l’a quittée, ce dont elle ne parle jamais, mais qui tourne assez souvent dans sa tête, et dès lors devant les yeux du lecteur – sans devenir étouffant car on n’est pas bombardés de ces souvenirs, mais c’est là et ça revient régulièrement, comme un leitmotiv lointain qui ne harcèle pas vraiment, mais qui ne s’éteint jamais.

    Cette très grande proximité proposée au lecteur avec l’un des personnages enquêteurs, n’est pas une nouveauté dans un policier (à nouveau, je ne veux pas comparer, mais mes préférés dans le genre, comme un Adamsberg ou un Servaz, sont bien de cet acabit-là !), et ne m’a pas dérangée : ça apporte une autre dimension à l’ensemble, une touche plus « personnalisée » qui invite réellement à appréhender l’enquête avec les yeux de cette policière, comme si on était tout à coup sa meilleure amie.
    Cependant, assez paradoxalement, et même si j’ai apprécié ce procédé que j’ai trouvé très poussé ici, il a quelque peu raté son but : je n’ai pas réussi à m’attacher à cette Elma… C’est qu’on était avec elle jusque dans les plus petits gestes du quotidien, mais face à un esprit imperméable, car l’essentiel reste masqué. Pendant trop longtemps, je n’ai pas compris sa langueur après ce Dávid, qui l’a quittée après 9 ans, c’est long certes et on imagine combien ça doit être dur de se sentir ainsi abandonnée… mais elle évoque cela d’une manière toute empreinte d’un spleen indéfinissable qui met mal à l’aise, qu’on finit par trouver un peu trop larmoyant, et qui ne prépare en rien au véritable motif du départ de Dávid, que l’on découvre (à mon sens) bien trop tard dans l’histoire. Ce mal-être relativement enfoui mais constant que traîne Elma crée autour d’elle une distance, dont la première manifestation a été une surprise quand son âge est révélé : je n’en croyais pas mes yeux quand elle dit à l’un de ses collègues qu’elle a une petite trentaine, car moi je lui donnais beaucoup plus a priori, peut-être même mon âge ! (49 ans pour quelques semaines encore…) Peut-être est-ce accentué par son côté « policier très sage » ? Elle n’ose pas trop faire de vagues, elle ne veut pas désobéir à son supérieur hiérarchique qu’elle ne semble pourtant pas porter dans son cœur, et quand une fois ou l’autre elle ose faire un truc (aller interroger un témoin par exemple) sans en parler d’abord, elle ressasse sa « désobéissance » d’une façon à la limite du gnangnan. Bref, elle a un côté très « rangé », qui n’a certes rien à voir avec l’âge (normalement !), mais qui lui donne un petit air (presque) de « petite vieille sans histoire », mais en fait ce n’est pas le cas... et pour combler le tout, elle redevient presque « petite fille » quand elle passe quelques heures chez ses parents !

    À vrai dire, le plus intéressant dans ce livre, et la raison pour laquelle on ne le lâche pas, est sans aucun doute sa construction habile à la manière d’un puzzle. L’alternance entre les chapitres sur l’avancée de l’enquête, et quelques chapitres bien moins nombreux, toujours en italique alors, rapportant des faits anciens (une petite vingtaine d’années plus tôt) autour d’une petite fille, donnent l’impression de créer peu à peu le cadre des événements, sans que l’on parvienne à distinguer le motif principal. Mais peu à peu ça prend forme, avec d’une part l’enquête qui suit son petit bonhomme de chemin ; et d’autre part, l’histoire de cette petite fille qui se précise.
    Et comme la construction d’un puzzle, aussi ingénieux qu’il soit, n’aurait peut-être pas suffi à retenir l’attention du lecteur, l’autrice nous sert quelques véritables coups de théâtre auxquels je ne m’attendais pas du tout, et qui donc relancent l’intérêt.

    Un autre élément joue peut-être aussi : ce roman, contrairement à mes deux précédents islandais (oups, me revoilà à comparer !), est facilement transposable n’importe où ailleurs, et cet aspect-là le rend plus accessible, tout en gardant sa petite saveur locale. Certes, l’histoire se passe en Islande et l’autrice ne manque pas de nous le rappeler encore et encore. Ici, on ne va se perdre dans les landes volcaniques, éventuellement couvertes de glace et/ou de neige ; on reste bien sagement (décidément, l’autrice est sage jusque dans les paysages !) entre l’immanquable Reykjavik et la petite ville d’Akranes, qui ne se trouve pas très loin à vol d’oiseau, mais qui a longtemps été relativement isolée à cause du Hvalfjörður (le « fjord des baleines ») qu’il fallait contourner. Un tunnel a été creusé dessous et ouvert à la fin des années 1990 (soit entre l’époque en italique de notre histoire, et l’époque actuelle de l’enquête), réduisant la durée du trajet entre les deux villes à moins d’une heure ! L’autrice ne manque pas de relever ce que cela entraîne : maintenant que la capitale est tellement proche, Akranes est sortie d’un certain isolement, tout en perdant un certain nombre de commerces, écoles, ou en voyant sa vie nocturne bien moins trépidante par exemple, etc. Elle ne tranche pas vraiment : est-ce bien, est-ce mal ? mais elle souligne cette importance de plus en plus énorme que semble avoir pris Reykjavik ces dernières années, au détriment d’autres petites villes où il fai(sai)t pourtant bon vivre.
    Je note au passage que, si le livre propose bien une carte dans les toutes premières pages, elle était tout simplement illisible pour mes vieux yeux, présentant notamment certains lieux qui sont certes cités dans le livre, mais qui n’y ont qu’une importance relative, tandis que ce tunnel entre Akranes et Reykjavik est nettement plus important, mais est impossible à distinguer sur ladite carte ! Il aurait fallu un gros plan sur ces deux villes, qui sont les seules présentant réellement de l’intérêt ; or, j’ai dû aller sur Google Maps pour mieux comprendre tout ce qui concernait ce fameux tunnel…

    Mais donc, même si l’histoire est ancrée dans ces quelques spécificités de la côte ouest islandaise, avec son relief particulier et ses noms imprononçables aux oreilles francophones, il n’en reste pas moins qu’elle pourrait être transposée n’importe où ailleurs avec à peine quelques transformations topographiques. Peut-être parce que les sujets abordés, quand on comprend leur gravité, sont (hélas !) universels et restent encore et toujours d’actualité ?... En tout cas, l’autrice a cerné avec une grande justesse dramatique l’histoire de ces petites filles – bien davantage que celle de son héroïne d’ailleurs ! – c’est terriblement touchant, et c’est sans doute cela plus que tout, qui donne cette impression de proximité, de détachement d’un décor particulier, malgré le fait qu’il a été réellement et plutôt bien mis en scène.





    Damné, tome 1 : L'héritage des cathares d'Hervé Gagnon,
    publié chez Hugo Roman en 2013, lu en version ebook,
    Un presque-coup de coeur: 18/20.

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    Synopsis : Dès sa naissance, en l’an 1185, le fils du seigneur de Rossal est différent des autres. Entré en ce monde le visage voilé, le jeune Gondemar ne vivra que parce que la succession de la seigneurie l’exige. Objet de la méfiance superstitieuse des serfs, il trouvera refuge auprès du père Prelou et de Pernelle, sa seule amie. Mais Gondemar n’est pas né pour le bonheur. La solitude doit être son lot.
    L’année de ses quatorze ans, Gondemar fait la connaissance de Bertrand de Montbard, templier défroqué, engagé comme maître d’armes afin de protéger Rossal. Avec le temps, l’adolescent verra en Montbard le père puissant qu’il n’a jamais eu. Après un entraînement qui frise la cruauté, le futur seigneur devient un guerrier redoutable. Jusqu’au jour où il est assassiné.
    Ironiquement, c’est à cet instant que s’amorce la vraie destinée de Gondemar de Rossal. Ramené d’entre les morts après un séjour en enfer, il a désormais pour mission de protéger la Vérité, dont il ne connaît ni la nature ni l’emplacement. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il doit suivre la route du Sud et qu’il doit mener cette quête afin de trouver le salut de son âme. Sur son chemin, cathares, templiers et croisés se succèderont.
    Et cette Vérité qu’il doit sauvegarder lui dévoilera un pan méconnu de l’histoire.


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre et son auteur depuis un certain temps, mais repoussais toujours sa lecture, avec ce sentiment de « encore un livre sur les cathares ? oh bah non… ». À vrai dire, de façon tout à fait paradoxale, je crois bien que je n’ai jamais lu aucun livre sur les cathares, mais il se trouve que mon mari et moi avons un attachement particulier au Sud-Ouest de la France, à travers notamment des amis qui y vivent (dont un depuis toujours) ; or, quand nous allions là-bas (avant que le covid ne nous décide à rester un peu trop sagement en Belgique), au fil de nos déambulations touristico-amicales sur différents sites plus ou moins connus dans la région, nous pouvions constater que les cathares reviennent toujours très, très vite dans les conversations, et l’on ressentait chez les interlocuteurs locaux que nous avons alors rencontrés, cet indéfinissable sentiment d’appartenance à une légende magnifique, exacerbé sans doute par le fait que c’est aussi un événement historique réel et tragique, car tout ça s’est terminé en véritable massacre…
    Ainsi, cette dissidence de l’Église officielle médiévale est le plus souvent présentée comme plus pure (et sans aucun doute avec raison, en ces siècles de pouvoir matériel hallucinant pour une Église qui n’avait plus grand-chose de chrétien), comme un nec plus ultra religieux (ah la Vérité !)… ce qui m’a toujours un peu dérangée. En effet, une religion même « pure » reste une croyance fondée sur la seule foi de ses fidèles ; et pour les cathares en particulier, ils n’ont tout simplement pas eu le temps de se déployer à travers les siècles pour dévoiler (ou non ?) d’éventuels travers. Pour ma part, je me méfie toujours un peu de cet idéalisme bien un peu romantique mais non fondé, que j’ai si souvent entendu dès qu’il s’agit des cathares !
    J’entamais donc ce livre avec toute cette appréhension, basée sur aucune lecture mais sur une expérience locale épisodique, mais sur plusieurs années de fréquentation de cette très belle région par ailleurs…

    Et voilà : à part un petit côté fantastique, qui sert le titre mais qui m’a semblé un peu tiré par les cheveux, Hervé Gagnon a tout bon !
    Notre héros, Gondemar de Rossal, est damné dès la naissance en cette fin de XIIe siècle, car né voilé – ce qui est aujourd’hui connu mais rare et considéré le plus souvent comme un signe de chance, était à l’époque une véritable malédiction ! Il grandit sans amour auprès d’un père qui le craint, isolé des villageois qui l’ignorent ou le moquent plus ou moins ouvertement, ayant pour seule amie une villageoise délurée et boiteuse, Pernelle, à peine plus jeune que lui. Son père, homme bon envers ses serfs mais trop mou pour récolter les impôts ou pour défendre le village lors des attaques de bandits, décide d’engager un maître d’armes, qui assurera la sécurité de tous, tout en formant Gondemar au métier de la guerre. C’est ainsi que l’énigmatique Bertrand de Montbard commence la formation de Gondemar, à la dure, tout en lui démontrant bien indirectement la plus grande forme d’affection qu’il ait jamais connue. Devenu seigneur à son tour, ayant détrôné son père trop lâche, l’ancien mal-aimé devient un véritable bourreau pour ceux qui n’ont jamais su ou voulu l’accueillir dans leurs jeux, allant jusqu’à l’innommable. C’est alors qu’il est damné une seconde fois, de la bouche d’un archange en personne cette fois : Dieu ne veut plus de lui, la moindre bénédiction (même adressée à un autre !) deviendra source de douleurs, mais s’il veut sauver son âme malgré tout, car il reste un peu de bonté en lui, il doit s’efforcer de protéger la Vérité. Par les hasards des chemins, il rejoint alors un groupe de vaillants chevaliers en route vers les Sud, pour la croisade contre les hérétiques cathares…

    L’auteur nous livre ainsi une histoire pleine d’aventures, de bruit, de fureur, de quelques passages doux aussi, et cette touche de fantastique qui me laisse dubitative. Il nous rend ce moyen-âge avec une certaine érudition : on sent qu’il sait de quoi il parle, que ce soit de par sa formation, ses intérêts particuliers et/ou un immense travail de recherche. Cependant, c’est une érudition qui n’écrase pas le lecteur, au contraire ! Le niveau de langage est plutôt courant à tendance soutenue, jamais rébarbatif ou inutilement compliqué, tandis que l’on y trouve des mots et autres expressions que l’imaginaire collectif attribue immédiatement au moyen-âge ou à la chevalerie, et qui prennent alors tout leur sens, sans qu’on ait besoin de faire de longues recherches de vocabulaire pour les appréhender. Par ailleurs, ça ne ressemble pas non plus à un ouvrage historique de vulgarisation, même si par moments on n’en est pas tout à fait loin : la grande Histoire s’intègre toujours dans la « petite » histoire de Gondemar, comme une jolie main enfile un gant de soie, tout naturellement. Notre héros côtoie des personnages historiques réels, qui sont alors juste assez romancés pour participer à l’action de façon naturelle.
    En outre, les différentes étapes de sa vie, qui en font une vraie fresque, sont très réalistes et généralement touchantes. L’auteur décrit avec une acuité très « moderne » (car je doute qu’on se soit soucié de ce genre de choses au moyen-âge) le parcours d’un enfant rejeté à cause d’une malédiction superstitieuse, qui grandit dans le désamour des siens, est éduqué par un vieux prêtre qui est l’un des rares à l’accepter mais dont les connaissances sont limitées, puis se forge au contact d’un maître de guerre qui se prend d’affection pour lui mais sans jamais réellement la lui montrer. Enfant maudit un jour, adulte mauvais toujours semble-t-il : c’est toute l’histoire d’un enfant malaimé (de nos jours, on n’hésiterait pas à parler de maltraitance) qui devient à son tour un adulte incapable d’aimer, un grand classique en fait ! … et pourtant non, il reste ce petit « quelque chose de bon en lui », qui a bien une certaine consonance biblique en fait ! et pour cela, il est maudit mais épargné, et fera un sacré chemin même !

    Je n’irais pas jusqu’à dire que Gondemar est un personnage attachant : il a quelque chose du anti-héros qui fait qu’on est tour à tour horrifié ou peiné pour lui ; on aimerait qu’il rencontre l’amour, éventuellement qu’il se passe quelque chose avec Pernelle même si on admet que ça n’aura pas lieu, mais on a vraiment envie qu’il s’en sorte et la malédiction de l’archange est juste horrible… mais en même temps, il a ébranlé nos certitudes, alors on est ému sans avoir envie de l’aimer tout à fait.
    Aux côtés de Gondemar, j’ai beaucoup aimé la personnage fragile et forte tout à la fois que représente Pernelle, ou la dureté qui cache l’affection d’un Bertrand de Montbard.

    Un autre aspect positif à mes yeux est que l’auteur a su rester plus ou moins impartial dans son propos, tout au long de ce livre foisonnant. Oh ! il laisse entendre que Gondemar est un enfant terriblement seul et attendrit le lecteur, mais jamais il ne le plaint ouvertement, et l’approuve encore moins quand, peu à peu, il prend sa revanche sur les villageois par exemple. Il laisse entendre que l’Église catholique de cette fin de XIIe – début de XIIIe siècle est décadente (mais ce n’est pas une nouveauté historique), bien davantage préoccupée par ses possessions terrestres et ses victoires militaires à tout-va, que par le message des Évangiles. Par le biais des dialogues notamment, on entend bien que les noblions des contrées du nord de la France sont davantage occupés à s’octroyer de nouvelles terres dans le Sud, et au passage à sauver leur âme (car la participation à cette croisade albigeoise leur garantissait une indulgence plénière !), mais ne se soucient en aucun cas de la religion cathare dont ils ignorent tout. Le Pape a dit que c’est le Mal ? Alors qu’on les tue tous, femmes et enfants compris, et « Dieu reconnaîtra les siens » (phrase attribuée à l’un des chefs croisés). Mais pour autant, comme je disais plus haut, s’il fustige –et avec raison !- la cruauté sanguinaire des croisés quand ils attaquent les cathares, il ne « condamne » (le mot est mal choisi vu le contexte mais je n’ai pas mieux) pas non plus les catholiques en tant que tels, puisque même Gondemar a une chance de salut, puisque même Bertrand de Montbard pourrait évoluer… De même, il n’idéalise pas non plus cette religion cathare – même s’il est évident qu’il lui attribue le meilleur rôle – mais prend la peine d’en expliquer les bases principales de la bouche d’une « parfaite », c’est-à-dire avec une certaine conviction, mais sans ce prosélytisme que l’on trouve très vite dans d’autres religions. D’ailleurs, ladite « parfaite » ne cherchera pas explicitement à convertir Gondemar, elle lui demande seulement d’essayer de la comprendre et de la respecter, sans jamais rien forcer d’autre. Réellement, j’ai beaucoup apprécié cette neutralité religieuse, toute relative puisqu’on sent malgré tout où vont les amitiés d’Hervé Gagnon, mais rien n’est jamais asséné comme une Vérité (sans jeu de mots) que lui, auteur, voudrait faire passer au lecteur – reste au lecteur, donc, à tirer ses propres conclusions…

    Et ce n’est pas tout ! Outre cette qualité de la langue, le partage des connaissances sur cette période mouvementée mais pas toujours facile à décoder, une impartialité de bon aloi en ce qui concerne les religions, ou encore l’attachement (malgré une certaine distance dès que ça concerne Gondemar) aux personnages, j’ai beaucoup aimé aussi toutes les descriptions « militaires » : que ce soient les forteresses cathares avec leur situation stratégique et tous leurs équipements, ou plus simplement les quelques scènes de petits (avec les bandits) et grands (avec les croisés) combats, on s’y croit vraiment. On sent l’odeur du sang envahir les rues de la cité, on ressent la furie guerrière qui prend les différentes factions en présence, cette espèce d’état second qui leur permet tout à coup de tuer sans état d’âme… malgré les doutes qui sont toujours bien là quelque part au fond de leur coeur ; on entend le bruit des milliers de sabots des chevaux sur cette immense plaine où les croisés attendent de partir à l’assaut des citadelles cathares, on sent l’odeur infâme d’un tel campement monstrueux qui ne connaît pas encore le mot « hygiène ». En quelques mots bien choisis, l’auteur nous y plonge comme si on y était, et c’est bien davantage qu’une écriture cinématographique, car on n’a pas l’impression d’être face à un film, ce n’est pas de cet ordre-là ; on a vraiment le sentiment d’être en immersion dans ce décor… avec la facilité d’en sortir quand tout à coup, au détour d’une scène un peu plus cruelle (car l’auteur ne nous épargne pas toujours, or on sait trop que ça a été réel), on a besoin de respirer un autre air !

    Ainsi, mon seul petit regret dans toute cette histoire apparaîtra comme bien minime au vu de tout ce qui précède : je n’ai pas accroché au passage dans lequel Gondemar est officiellement « damné » par l’archange Métatron. On se retrouve tout à coup dans une espèce d’expérience de mort imminente, tout à fait inattendue dans le contexte et, si les qualités citées plus haut (notamment la qualité du texte) sont toujours bien présentes, j’ai eu l’impression de me retrouver dans une espèce de bit-lit bien éloignée du livre que j’avais commencé, pour y replonger ensuite.
    Il n’y avait sans doute pas des milliers de façons de présenter cette damnation terrible que subit Gondemar - et le lecteur ne cesse ensuite d’osciller à se demander si elle était méritée ou non… Méritée, au vu de ses actes, sans aucun doute ; mais la sentence, ces douleurs qui surviennent dès qu’il entend la moindre bénédiction, pour moi c’est quelque chose d’impensable ! mais qui participe sans doute à cet attachement teinté de distance que l’on ressent pour notre personnage principal. Quoi qu’il en soit, dans cette partie-là, l’auteur a joué le jeu à fond comme dans toutes les autres parties, mais d’une certaine façon, on sort tellement de l’ambiance générale que ça ressemble bien un peu à un délire soudain, qui ne cadre pas tout à fait avec le reste, et moi je n’ai pas accroché.

    Mais donc, à part cette (toute) petite déception sur une partie bien précise, relativement courte (au vu de l’ensemble) mais essentielle du livre, j’ai beaucoup apprécié cette lecture érudite mais sans jamais écraser le lecteur, pleine de bruits et de fureur. On aime aussi l’absence de prosélytisme religieux de l’auteur : les catholiques attachés au pape ne sont jamais tout à fait désignés comme irrécupérables, tandis que les cathares ne sont pas davantage idéalisés ! Le personnage principal émeut autant qu’il rebute parfois ; il n’est donc pas tout à fait attachant, mais on suit ses péripéties avec un mélange d’angoisse et d’intérêt, et on espère réellement qu’il sera sauvé… Une lecture exceptionnelle, qui rate le coup de cœur à cause du petit bémol mentionné plus haut.





    Les étincelles de Julien Sandrel,
    publié chez Calmann-Lévy en 2020, lu en version ebook. Existe aussi en poche chez J'ai Lu, 2021.
    Très bonne lecture: 17/20.

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    Synopsis : La jeune Phoenix, 23 ans, a le goût de la provocation, des rêves bien enfouis, et une faille terrible : il y a trois ans, son père, un scientifique, s’est tué dans un accident de voiture en allant rejoindre une autre femme que sa mère. Depuis, Phoenix le déteste. À cause de lui, elle a abandonné études et passions et enchaîne les petits boulots. Mais un jour, dans un carton qui dort à la cave, elle découvre la preuve que son père se sentait en danger. Ainsi qu’un appel à l’aide énigmatique, écrit dans une langue étrangère. Et si elle s’était trompée ? Et si… la mort de son père n’avait pas été un accident ? Aidée de son jeune frère, un surdoué à l’humour bien ancré, Phoenix se lance à la recherche de la vérité. Mais que pourront-ils, tout seuls, face à un mensonge qui empoisonne le monde ?

    Mon avis :
    J’avais deux livres de cet auteur dans ma PAL, les deux à cause de divers swaps : l’un parce qu’on me l’a offert, et celui-ci parce que je l’ai vu passer, offert à une autre participante au swap en question, et tout à coup il m’a paru intéressant. Mais une fois encore, c’est parce qu’on me l’a proposé en lecture commune (merci Okély ! ;) ) que je me suis tout à coup décidée à le lire, avec un mélange de curiosité à découvrir cet auteur qui a un intérêt tout particulier à mes yeux (mais sans aucune valeur littéraire !), c’est qu’il porte le même prénom que mon petit dernier ! ; et de méfiance, car j’appréhende toujours un peu de me lancer dans un quelconque livre d’un auteur connu pour son succès populaire…

    Je n’avais pas relu le résumé avant de me lancer, si bien que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. D’habitude, je ne peux laisser passer que quelques pages avant de craquer et aller voir le synopsis quand même… mais cette fois, j’ai aussitôt été happée par l’histoire, car l’auteur nous décrit avec des mots terriblement justes ce sentiment que j’ai moi-même ressenti autrefois (pour des raisons certes bien moins graves) et qui est si difficile à expliquer à qui ne l’a pas vécu : c’est ce fait de renoncer, quasiment du jour au lendemain, à une passion (et ici, une passion qui me touche particulièrement : la musique !) pour ne plus y revenir que de façon très détournée, parce qu’il y a eu une blessure suffisamment importante qui l’a en quelque sorte, mais irrémédiablement, entachée. Je ne m’étais encore jamais sentie aussi bien « comprise » à ce sujet ; on peut dire que ce livre commençait bien !

    La suite immédiate m’a laissée un peu plus perplexe : la musique passe en arrière-plan et y restera, comme en filigrane, mais en tout cas elle perd sa place assez centrale que j’avais appréciée, au profit d’une histoire qui s’apparente à un jeu de piste thrilleresque… mais sans cette tension, ce suspense que l’on attend d’un livre du genre. De plus, le sujet qui ressort peu à peu comme réellement principal, la dénonciation des pratiques des multinationales de produits phytosanitaires (évidemment toxiques pour la nature et pour les populations), c’est du vu et re-re-vu, et j’ai même pensé un moment : va-t-on vraiment s’embarquer là-dedans ? Ainsi, et au fil de ces pages encore initiales, mon enthousiasme du tout début se teintait peu à peu de déception, même si je voulais encore croire que ce livre serait « autre chose ».
    Bien m’en a pris, car l’auteur n’en était pas au bout de ses surprises : grâce à un retournement de situation tout à fait inattendu (pour moi du moins), et le passage à une autre voix, faisant de ce livre un roman choral, le rythme est relancé, pour ensuite ne plus jamais faiblir.

    Alors, oui, on va rester dans ce contexte d’un scandale phytosanitaire mondiale, et si l’entreprise incriminée ici, nommée Lumière (eh oui !), est évidemment fictive, on pense à d’autres scandales similaires (car il y en plus d’un) qui sont passés plus ou moins récemment aux actualités, avant de retomber dans un certain oubli… Et, oui, on n’échappe pas à certains clichés : on « voit » ces pauvres paysans locaux qui sont exposés aux produits toxiques et en meurent, mais ce drame quotidien de mères (car bizarrement on ne parle pas des pères) de familles exotiques ne touche pas dans nos pays parce que c’est tellement loin ; ou, de façon plus fugace mais très prononcée, la directrice de la multinationale Lumière a indéniablement des allures du Diable [qui] s’habille en Prada !
    Et ainsi, Phoenix avance dans ce qui ressemble réellement à une enquête, avec un autre gros retournement de situation – beaucoup plus attendu celui-là, en tout cas je l’avais vu venir de loin !

    À travers cette histoire, l’auteur adresse un véritable hommage à ces « lanceurs d’alerte », qui ont choisi à un moment ou un autre de leur vie de tout laisser derrière eux (car il s’agit vraiment de cela), pour dénoncer un scandale qui les a réellement émus, mettant ainsi leur vie en danger – car ils risquent alors souvent de lourdes peines de prison, ayant enfreint toute une série de règlement juridiques, voire leur vie car ils dérangent, tandis que les multinationales, soutenues par une armada d’avocats, restent généralement impunies et n’hésitent pas à recourir à des solutions radicales sous le couvert d’accidents par exemple...

    Toutefois, ce qui caractérise ce livre, et le rend tout à fait original dans un sujet par ailleurs tellement rabâché, c’est son approche résolument optimiste, à la limite du « trop ».
    Phoenix et son frère César ont une complicité presque fusionnelle, qui paraît parfois presque irréelle ; quand je vois mes propres enfants, certes plus jeunes mais tout aussi complices, je ne peux leur imaginer un tel degré de proximité sans un minimum de disputes, même des mini-disputes, et la plupart du temps aussitôt suivies de réconciliations. Mais ici, la relation entre la sœur et le frère est un ciel sans nuages, qui laisse bien un peu rêveur… ou dubitatif. Mention aussi à la grand-mère de Phoenix, Sandra, 80 ans, qui est l’archétype de la grand-mère adorable et qui va donner l’impulsion nécessaire pour que tout se mette en route : là aussi, on est dans un certain cliché, mais elle est tellement sympathique cette Sandra, on laisse passer !
    Victor quant à lui (je vous laisse découvrir qui c’est en lisant le livre) est trop vite trop gentil, « techniquement » on ne croit pas à sa conversion si rapide et si totale… mais on se rappelle qu’on est dans un roman, et parce que la plume est aussi fluide qu’agréable, enchanteresse même et source d’indéniables émotions, on se laisse entraîner là aussi.

    Et ainsi, malgré quelques invraisemblances, malgré les clichés, on se prend à lire ce livre sans plus pouvoir le poser. On se laisse envahir par les émotions et j’ai bien versé une petite larme ici ou là. Avec ce livre, dont la profondeur ne saute pas aux yeux mais est bien présente, Julien Saurel a définitivement inventé le « thriller feel-good », qui ne convaincra sans doute pas les fans du genre thriller seul, mais qui a le pouvoir indéniable de rappeler ces scandales phytosanitaires qui attirent l’attention dans les chaumières pour aussitôt retomber dans l’oubli, et l’impunité des multinationales, par le biais d’un optimisme qui ne se dément jamais, même dans les moments de doute ou de peur.





    La Bibliothèque de Minuit de Matt Haig,
    publié aux éditions Mazarine 2022, lu en version GF.
    Pour moi un gros flop, malgré les avis dithyrambiques...: 8/20.

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    Synopsis : À trente-cinq ans, Nora Seeds a l'impression d'avoir tout raté. Lorsqu'elle se retrouve un soir dans la mystérieuse Bibliothèque de Minuit, c'est sa dernière chance de reprendre en main son destin. Si elle avait fait d'autres choix, que se serait-il passé ?
    Avec l'aide d'une amie bibliophile, elle n'a qu'à prendre des livres dans les rayonnages, tourner les pages et corriger ses erreurs pour inventer la vie parfaite. Pourtant, les choses ne se déroulent pas comme elle l'imaginait.
    Avant que minuit sonne, pourra-t-elle répondre à l'énigme la plus importante : qu'est-ce qu'une vie heureuse ?


    Mon avis :
    Bien avant de terminer ce livre, et maintenant que j'en ai refermé la dernière page, j'ai juste envie de dire : tout ça pour ça ? Il a bénéficié d'une énorme publicité un peu partout, d'une mise en avant évidente notamment sur Babelio, et les critiques sont généralement très positives, pour une moyenne actuellement (au moment où j'entame cette critique) à 16,1/20 sur Livraddict comme sur Babelio, pour plus de 100 votes sur chaque plateforme !
    Et pourtant…
    On l'a compris : une fois encore, je ne rejoins pas l'avis général.

    Regardons d'abord juste l'objet-livre. J'ai déjà remarqué à plusieurs reprises, lors de mes (nombreuses) déambulations en librairie, que les éditions Mazarine proposent des livres aux pages d'un blanc éclatant et d'un grammage assez important. Est-ce vraiment bien écologique ?... Franchement j'ai un gros doute, ce blanc si vif est réellement suspect, au point que, quand l'un ou l'autre de leurs livres m'attire quand même, je choisis alors la version électronique (je pense notamment à « La petite ville des grands rêves », qui n'a rien à voir avec celui-ci, je le note juste car c'est aussi Mazarine ; d'ailleurs, celui-là, lu le mois passé, a été mon premier, et pour l'instant unique, coup de coeur de mes lectures de 2022, donc je n'ai rien contre l'éditeur en tant que tel !).
    Mais voilà, ici j'ai craqué pour le livre papier quand même, car la couverture est définitivement sympathique, elle donne cette impression d'un livre emprunté à la bibliothèque, c'est évidemment attrayant, et comment résister à un livre plein de livres ?
    Sauf que…
    Non seulement il ne s'agit en aucun cas d'une bibliothèque où on emprunterait des livres, mais en plus, le narrateur de l'histoire dit et redit, à travers les yeux de la protagoniste, avec des détails et en ré-insistant lors de chaque passage par cette bibliothèque, que les livres qu'elle peut y voir sont verts, de toutes les nuances de vert (et elle nous les cite même, en long, en large et en travers !), mais en aucun cas ils ne sont multicolores sur un fond essentiellement bleu !!! C'est à se demander si l'éditeur a seulement lu ce livre… Certes, ces jolis rayonnages tels que présentés sur cette couverture sont sans aucun doute plus vendeurs qu'une bibliothèque imaginaire remplie d'étagères aux livres allant du vert pisseux au vert sapin d'hiver, mais pour moi, c'est surtout une preuve d'irrespect total envers le lecteur !

    Quant au contenu…
    C'est l'histoire d'une certaine Nora Seed, 35 ans, qui vit dans une petite ville que personne dans sa famille n'a vraiment choisie – ses grands-parents émigrés des Pouilles ayant cru s'installer à Londres, mais non, l'entreprise qui avait alors engagé le grand-père était en réalité basée dans cette ville apparemment insipide de Bedford ! Nora est une fille a priori talentueuse, qui brillait en natation ou au piano, et s'intéressait aux baleines ou à la glaciologie ; mais à la suite de la mort de ses parents, elle est tombée en dépression, et ne fait plus que vivoter dans une espèce de non-vie, entre un emploi sans ambition qu'elle aime bien mais dont elle vient de se faire virer, et avec pour seule compagnie son chat qui vient de mourir. Elle décide alors de quitter cette vie… et apparaît dans une forme toute particulière d'expérience de mort imminente : pas tout à fait morte, mais plus tout à fait en vie, elle se retrouve dans une bibliothèque, dont elle apprend peu à peu que les nombreux livres représentent toutes les vies parallèles qu'elle aurait pu vivre, en fonction de tous ces petits (ou plus grands) choix du quotidien qui sont autant de renoncements et de potentiels regrets. Il lui reste à trouver le « bon » livre pour continuer à vivre, ou se laisser aller à la destruction de cette improbable bibliothèque et à la mort.

    L'idée de base était séduisante, et les quelques ébauches de vies parallèles que Nora va avoir l'occasion de vivre sont tour à tour drôle, sympathique ou gentiment dramatique, avec un certain nombre de rebondissements – y compris lors de ses passages par la bibliothèque, encore et encore, à chaque fois qu'une de ces vies potentielles parallèles n'ont pas convenu.
    Mais surtout, l'auteur me laisse vraiment perplexe. Certes, l'aspect « fantastique » qui fait l'essentiel de l'intrigue à travers la bibliothèque, ne peut masquer qu'il s'agit avant tout d'une histoire carrément dramatique ! le point de départ est quand même une dépression sévère, allant jusqu'à une tentative de suicide : c'est un thème lourd, or j'ai eu l'impression que ce réel drame, qui est vécu au jour le jour par tant de personnes (et plus encore en ces temps difficiles de covid), est traité d'une façon beaucoup trop désinvolte, un peu par-dessus la jambe… pour passer au plus vite à cette histoire de bibliothèque. En effet, à travers la « belle histoire » de la bibliothèque, qui d'emblée efface ce drame qu'est un suicide, l'auteur nous assène poncif sur poncif, à propos de ce qu'aurait pu être notre vie selon d'autres choix, même les plus infimes ; sur l'inanité de s'attarder à nos regrets, qui en plus ne sont pas forcément fondés ; etc., etc. On a tout à coup l'impression de se retrouver dans un pseudo-roman de développement personnel bas de gamme, à l'image de toutes ces « formations » qui fleurissent dans les entreprises – or, pour y avoir été confrontée plus d'une fois dans le cadre professionnel, je peux dire que certaines (rares) sont réellement intéressantes et peuvent contribuer à former un esprit d'équipe (ce qui est généralement le but affiché), mais la plupart des autres sont au mieux ennuyeuses, au pire dangereuses, car elles touchent de toute façon au plus intime, à ces questionnements personnels qui peuvent être bouleversants.
    Or, la façon trop légère dont ces « vérités » sont assénées, sans aucun avertissement sur les sujets graves qui les ont suscitées dans le cadre de ce « roman », réellement je n'apprécie pas.

    Ajoutons à ça que l'auteur se moque bien un peu de sa protagoniste (ou bien du lecteur ?). Pour ne citer qu'un exemple qui est, je l'espère, pas trop spoilant : on comprend après quelques pages que Nora, toute douée qu'elle soit dans différents domaines, a surtout toujours veillé à répondre aux attentes des autres (son père, son frère, sa meilleure amie, son compagnon, etc.) – après tout, c'est ce que nous faisons tous peu ou prou… Dès lors, comme il ne s'agit jamais de ses propres, vrais choix à elle, la plupart sont condamnés à plus ou moins mal finir pour elle (même si, ici, c'est clairement dramatisé). Mais voilà : il faut attendre les deux tiers du livre pour que Nora se rende compte elle-même, enfin, qu'elle n'a encore jamais fait ses fameux propres choix, et qu'elle n'a suivi que ceux des autres !? j'ai vraiment halluciné que ça ne lui soit pas apparu bien plus tôt…

    Tout cela nous est servi par une plume que j'ai trouvée généralement assez plate, à l'image de ces ouvrages de développement personnel précités – ou des rubriques astrologiques dans un hebdomadaire, à mes yeux c'est vraiment du même acabit - où tout le monde peut trouver son bonheur (ou au contraire son malheur), tant c'est impersonnel et ainsi ça peut convenir à tout le monde… ou à personne. De façon évidente, je fais partie du « personne », je regrette mon achat ! Et si je ne donne pas une note complètement négative, c'est parce qu'il y a eu quelques passages sympathiques, mais franchement rien à retenir… et la jolie couverture (eh oui !), même si elle est carrément trompeuse.

  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #175 05 Février 2022 01:23:57

    Mon intérêt pour La Bibliothèque de minuit vient de baisser d'un cran! :lol:
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #176 12 Février 2022 23:13:55

    Hello,

    Grominou a écrit

    Mon intérêt pour La Bibliothèque de minuit vient de baisser d'un cran! :lol:


    Bah tu sais, le mieux c'est de se faire son propre avis! ;)
    Ce livre m'a carrément échaudée désormais: apparemment on n'a pas trop le droit de ne pas aimer un livre quand il est largement plébiscité... J'ai eu un certain nombre de remarques (heureusement en message privé), à la limite de l'agressivité pour certaines, sur le fait que "j'ose" ne pas avoir apprécié ce livre!
    Je ne répéterai jamais assez que l'avis qu'on a sur un livre dépend toujours de son propre vécu, et de l'état d'esprit dans lequel on se trouve au moment précis de sa lecture - qui sait? J'aurais peut-être adoré si j'avais attendu quelques semaines, voire quelques mois encore avant de le lire? mais maintenant je ne vais plus modifier mon avis pour faire plaisir!
    Bref...

    Ce sont 5 livres que je dois ajouter aujourd'hui! Deux policiers très différents, suivis de deux romances également différentes, mais toutes deux m'ont relativement déçue, si bien que j'hésitais à terminer un billet sur une note négative. C'est désormais résolu: le 5e livre que je peux désormais ajouter, est un énorme coup de coeur! :heart:


    Portrait au couteau de Malika Ferdjoukh,
    publié chez Bayard Jeunesse en 2022, lu dans la version GF. Une belle surprise: 16/20.

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    Synopsis : Hiver 1910. Tous les jeudis, la jeune danseuse Marie Legay quitte l’Opéra de Paris et s’en va poser pour le peintre Odilon Voret. C’est un grand homme sombre, terrifiant, qui peint au couteau. Elle l’a surnommé « l’Ogre ». Ce jeudi-là, le destin de Marie bascule dans l’effroi…
    XXIe siècle. Antonin et Élisabeth, étudiants en art, observent avec stupeur la jeune fille qui pose pour la classe de dessin. Flavie – c’est son nom – porte en effet, au niveau du cœur, des cicatrices étranges, semblables à cinq coups de couteau.
    Quelques jours plus tard, au musée d’Orsay, Antonin découvre, stupéfait, fasciné, un tableau signé Odilon Voret. Intitulé « Le cœur déchiré », il représente une jeune fille assassinée de cinq coups de couteau…
    Qui est-elle ? A-t-elle un lien avec Flavie ? Et lequel ?
    C’est le début d’une dangereuse enquête, une enquête dans les mystères du temps, qui va mener Antonin, Élisabeth et Flavie bien plus loin qu’ils ne l’imaginaient…


    Mon avis :
    Pour commencer, comme il se doit, je remercie Babelio et les éditions Bayard pour ce livre bien intéressant, reçu lors d’une Masse critique privilégiée, qui est tombée vraiment, magnifiquement à point !
    C’est que les éditions Bayard et moi, c’est une vieille histoire d’amour de lectrice, depuis mes premiers exercices de déchiffrage, car la bibliothèque où j’allais avec mes parents était abonnée au célébrissime « J’aime lire », que je dévorais avec assiduité, pour passer ensuite à « Je bouquine » avec le même enthousiasme.
    Désormais, ces mêmes revues viennent directement à la maison, aux noms de chacun de mes trois enfants en fonction de leur âge… et j’ai pris l’habitude de piquer régulièrement le « Je bouquine » de mon aîné, 14 ans et demi (si tant est que le demi ait encore une quelconque importance à son âge), et grand lecteur comme sa maman ;) . Pour vous donner une toute petite idée : il nous a demandé une liseuse comme cadeau d’anniversaire pour ses 12 ans… sachant que, à l’époque, il n’avait même pas encore de téléphone portable !

    Et le voilà tout à coup qui me montre son dernier magazine en désignant le fameux « Portrait au couteau » qui y était présenté : « Tu crois que ça me plairait ? » Et moi toute heureuse : « Ah ! je ne sais pas ! mais je l’ai reçu pour remettre un commentaire… Tu pourras donc aussi me donner ton avis à toi ? » Et c’est parti !
    Bon, cela dit, rappelez-vous : il a 14 ans et demi, et tout lecteur avide qu’il soit, et en plus en plein dans le public-cible (Bayard notant que ce livre est « à partir de 12 ans »), il est aussi très réticent à confier ses sentiments sur ses lectures, car l’exercice est clairement trop « scolaire » à son goût et ne le tente absolument pas quand il s’agit de ses lectures-plaisir ! J’ai donc essayé de recueillir quelques impressions sur le vif, et vous les partagerai au fil de mon propre commentaire.
    N.B. : pour éviter de toujours vous embêter avec des « mon fils » à tort et à travers, je me contenterai de le désigner par son initiale, R.

    Tout cela étant dit, la première impression est pour le moins confuse, car la couverture m’a très vite fait tiquer. En effet, l’illustration est très parlante et interpellante, je peux même dire qu’elle me plaît beaucoup… mais clairement, l’illustrateur souffre d’une confusion gauche-droite : le 4e de couverture parle de cicatrice (comme des coups de couteau) « au niveau du cœur », et d’une œuvre qui s’appelle « Le cœur déchiré ». Mais alors, dites-moi : que fait ce couteau sous le sein droit de la jeune fille illustrée ?? Le livre erre certes du côté du fantastique, mais à aucun moment il n’est fait mention d’une anomalie génétique qui aurait placé le cœur de la jeune fille assassinée du côté droit ! Une telle erreur est quand même très malvenue dans une par ailleurs très chouette illustration, réalisée spécifiquement pour ce livre…

    Passé cette légère déception, on entre dans ce livre avec une grande facilité, car l’écriture est très fluide et entraînante : on suit l’autrice à travers les rues de Paris, quelle que soit l’époque, en virevoltant sur les pas de ses personnages, on aurait presque l’impression d’avoir tout à coup le pas aérien d’une ballerine, à l’image de Marie ou de Flavie. C’est en effet à une réelle balade dans Paris que Malika Ferdjoukh nous convie, et même si on ne connaît pas tout à fait, on la suit de bon cœur, car certains lieux sont connus, d’autres moins mais on a quand même la sensation d’y être avec les personnages. Mention aussi à la découverte de cette bibliothèque apparemment unique en France et en Europe : la Bibliothèque des littératures policières (BiLiPo), dont je n’avais encore jamais entendu parler, mais que je rêverais désormais de pouvoir visiter !
    Cette facilité d’écriture n’empêche pas un certain niveau, comme l’a relevé R, qui m’a demandé la définition de plusieurs mots qu’il ne connaissait pas… et pour certains, j’ai dû avouer que je ne les connaissais pas davantage (ou que je connaissais sans trop pouvoir les expliquer), mais que j’avais laissé passer dans le fil de ma lecture, alors que lui, plus pointilleux pour ce genre de choses, s’est arrêté pour en rechercher la définition. On notera ainsi nyctalope (ouf ! ça, j’ai pu lui expliquer, au moins un !), éphélide, thaumaturge (l’exemple connu mais que j’ai été incapable de lui définir) ou pandiculation.
    (J’aime imaginer que vous êtes, vous aussi, en train de vous demander ce que veut dire au moins un de ces quatre mots !)

    Passons maintenant à l’intrigue : l’enquête policière même n’est pas ultra-convaincante. Pour ma part, moi qui suis grande lectrice de polars (en tout cas c’est ce que j’aime à penser : c’est mon genre littéraire préféré !), j’ai trouvé l’intrigue un peu faible. Certes, je me suis demandé jusqu’au bout qui avait tué Marie, mais disons que, contrairement à un policier bien ficelé où cette question crée une tension parfois très prenante, ici ça reste léger comme la balade dans Paris, et j’avoue que le suspense habituellement lié à un polar m’a bien un peu manqué… Pour R, les choses ont été plus claires encore : il m’a dit après quelques pages à peine : « Je pense que c’est X qui a tué Marie ! » (X comme une inconnue en mathématiques, je ne vais quand même pas divulgâcher !) Toujours est-il que R avait raison à propos du tueur, et j’ai eu beaucoup de mal à ne pas le lui confirmer d’emblée. Cela dit, quand je lui ai demandé pourquoi il pensait que c’était X le meurtrier, il n’a pu que me répondre évasivement « une intuition ». D’accord… Ensuite, quand il a eu fini le livre, il était tout fier de constater qu’il avait vu juste, mais a relevé un autre point qui me titillait également : quel était le mobile ? On ne peut que le supposer, mais il n’est jamais réellement confirmé.

    En revanche, j’ai plutôt bien aimé la façon dont cette enquête hasardeuse est menée. L’histoire initiale toute en douceur de Marie, l’enquête frustrante du lieutenant Labonne qui n’aboutira hélas pas… puis cette espèce de triangle amoureux entre Antonin, Élisabeth et Flavie, qui s’attachent cependant tous à résoudre le mystère de cette cicatrice de Flavie, qui correspond trop bien au tableau « Le cœur déchiré ».
    Cette vague histoire romantique est tout à la fois improbable et réjouissante. Improbable, car j’ai dû me rappeler à plusieurs reprises que les protagonistes (je parle ici de ceux de notre XXIe siècle) sont de jeunes adultes indépendants, ils ont 19 ans, Antonin vit même seul dans sa propre studette… mais ciel ! dans leurs réactions et interactions, tout au long du livre, j’avais plutôt l’impression de me retrouver face à de jeunes ados, qui tentent de résoudre une enquête à la façon d’un Club des cinq ! Le sentiment amoureux d’Antonin est à la limite du puéril, dans le sens où il est certes romantique et agréable, et c’est appréciable, mais ça ressemble quand même bien davantage aux premiers émois d’un jeune ado, qu’à une démarche de jeune adulte dont la puberté est (théoriquement) quand même nettement plus avancée (voire terminée), même sans connotation sexuelle !
    R n’avait pas relevé ce point, mais quand je lui ai demandé son avis à ce sujet, il m’a répondu que, en effet, il avait eu l’impression au début que les protagonistes pouvaient avoir l’âge de sa sœur (tout juste 13 ans !), mais ne s’en est pas inquiété outre mesure, et n’avait pas vu l’incohérence entre des personnages au comportement, langage et autres attitude tellement « jeune ado », et leurs déjà 19 ans d’étudiants (dont une en Sciences Po).

    Mais donc, cette histoire de triangle amoureux est aussi réjouissante, car elle donne paradoxalement du rythme à l’ensemble, en entraînant le lecteur du duo Antonin-Élisabeth à l’autre duo Antonin-Flavie, qui se posent tour à tour les « bonnes » questions, et ainsi avancent dans leur enquête. On peut mentionner aussi le très beau rôle des personnages secondaires : on adore Mizi et son amitié sans faille pour Élisabeth, et R était plié de rire en lisant les joutes verbales bien sympathiques entre Antonin et son frère Jasper !
    Par ailleurs, la petite touche de fantastique, qui permet de faire le lien entre les événements de 1910 et le mystère des cicatrices de Flavie et du tableau à notre époque, est amenée de façon suffisamment subtile pour qu’on l’accepte sans trop sourciller, alors qu’on ne s’y attend pas forcément. Je la vois comme une référence aux classiques « légers » du genre, je suppose que ce n’est pas innocent si Élisabeth lisait justement « Spirite » de Théophile Gautier (que je n’ai moi-même jamais lu, mais c’est répété à plusieurs reprises, comme par hasard), et un très vague souvenir du « Horla » de Guy de Maupassant m’est passé par la tête, mais je le l’ai lu il y a bien trop longtemps pour vérifier si c’est vraiment adéquat.

    Quoi qu’il en soit, cette petite touche ajoute à l’impression générale de « belle histoire », surtout quand tout est résolu bien sûr, toute en légèreté. Certains verront peut-être plutôt le verre à moitié vide, et parleront de manque de profondeur et d’absence de tension narrative – et ils auront certainement raison ! Cependant, vu les réactions de R, mon représentant à moi ;) du public-cible, qui a dévoré ce livre en quelques heures en ce dimanche après-midi, avec des étoiles dans les yeux en me le rendant ensuite, je ne peux que voir le verre à moitié plein, et donc : une histoire un peu policière, un peu romantique, un peu fantastique, mais surtout légère et tout à fait plaisante !





    Mort d'une héroïne rouge de Qiu Xiaolong,
    édition initiale chez Liana Levi; lu dans la version ebook parue en 2014. Un coup de coeur: 19/20!

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    Synopsis : Shanghai 1990. Le cadavre d'une jeune femme est retrouvé dans un canal par deux jeunes pêcheurs. Pour l'ambitieux camarade inspecteur principal Chen et son adjoint l'inspecteur Yu, l'enquête va rapidement se compliquer lorsqu'ils découvrent l'identité de la morte. Il s'agit de Hongying, Travailleuse Modèle de la Nation. Une fille apparemment parfaite et solitaire qui a pourtant été violée et étranglée. Qui se cache derrière ce masque de perfection et pourquoi a-t-on assassiné la jeune communiste exemplaire? Chen et Yu vont l'apprendre à leurs dépens, car à Shanghai, on peut être un camarade respecté tout en dissimulant des mœurs ... déroutantes. Un fascinant polar du côté de l'Empire Céleste, mené avec humour, poésie, gourmandise et un sens très particulier de la morale.

    Mon avis :
    Voici un policier chinois aussi original que réjouissant… et, comme j’écris ce commentaire quelques jours après avoir terminé ma lecture (ce n’est pas mon habitude, mais ainsi vont les aléas de la vie), je me rends compte que ce livre se présente de plus en plus comme un réel coup de cœur dans mon souvenir !
    Il faut toutefois prévenir d’emblée : il risque de rebuter les lecteurs avides d’action, ou qui ne s’intéressent pas trop à la Chine – ou auraient un a priori très négatif à l’encontre de ce pays ! Car cette enquête, sans être lente comme c’est le cas (ai-je trouvé) dans les polars islandais que j’ai découverts récemment, est à bien un peu un simple prétexte à une narration qui va bien au-delà d’un polar, nous présentant une véritable description de la Chine du début des années 1990, et pourtant elle reste une véritable obsession pour notre inspecteur principal.
    C’est une Chine qui s’accroche à son Parti unique, à son pouvoir et tout ce qui en découle (en népotisme, les privilèges pour les « cadres supérieurs » et leurs enfants, le rejet de la « bourgeoisie occidentale »… et la pauvreté assurée pour le peuple), mais les événements de la place Tian’anmen sont passés par là, et le régime de Deng Xiaoping a eu l’intelligence d’en tenir compte au moins un peu, en ouvrant très progressivement le pays à l’étranger et à une certaine forme de capitalisme : les marchés privés sont désormais autorisés à côtoyer les marchés d’état, et la libre entreprise prend lentement son envol, notamment dans les villes du Sud, comme Canton par où passera notre protagoniste, tellement proche de Hong Kong – qui, en cette année 1990 où a lieu l’histoire, n’est pas encore retourné dans le giron de la Chine.

    Sans ce contexte politico-social omniprésent, l’enquête aurait peut-être même paru un peu plate. Un pêcheur trouve par hasard le corps d’une jeune femme, emballée dans un grand sac plastique, dans un méandre désaffecté d’une rivière à l’extérieur de Shanghai. C’est la brigade spéciale qui est appelée pour résoudre ce crime à première vue insoluble. Mais voilà : il s’avère que la victime était une « travailleuse modèle de la Nation », que ses parents avaient en plus prénommée de cet idéogramme qui signifie « héroïne rouge » ; membre du Parti, modèle de vertu communiste pour tout un chacun, à la vie apparemment sans tache, et à la vie privée à première vue très vide, elle émeut les enquêteurs. En parallèle les soupçons de la police vont très vite se tourner vers Wu Xiaoming, l’un de ces enfants extrêmement privilégiés de cadres supérieurs, jouissant d’un confort de vie ahurissant, et bien entendu de tremplins phénoménaux pour se construire une carrière bien loin de ce peuple qui était pourtant si cher à Mao ; cet individu qui suscite l’antipathie du lecteur, brigue alors un poste de vice-ministre… Cette enquête prend ainsi, douloureusement, une tournure politique dangereuse, qui va quelque peu bousculer notre protagoniste, l’inspecteur principal Chen Cao.

    Ce Chen Cao ressemble étrangement à l’auteur… Féru de langue anglaise qu’il a apprise en partie en autodidacte, et de littérature américaine (en particulier T.S. Eliot, mais pas que) dont il traduit désormais des romans notamment policiers, mais aussi épris de poésie classique chinoise, lui-même poète à ses heures (et publié s’il-vous-plaît !), Chen s’est retrouvé à ce poste par les hasards de la vie, et surtout des révolutions et contre-révolutions qui ont bouleversé la Chine plusieurs fois en très peu de temps au cours du XXe sicèle, l’empêchant de poursuivre la carrière littéraire dont il rêvait.
    La similitude s’arrête là… Tandis que l’auteur, parti étudier aux États-Unis en 1988, y est resté à la suite de Tian’anmen, Chen Cao est quant à lui bien ancré dans son pays et dans son temps. Membre du Parti par choix, et apprécié en tant que jeune cadre montant, tout empreint de pensée confucianiste que lui a transmise son père, il est surtout animé d’un profond désir de justice, à la limite de la naïveté dans sa confiance aveugle en son Parti, dont il déchante quelque peu tout en lui restant fidèle envers et contre tout, mais en se permettant quelques petits écarts très humains, car il reste convaincu de vouloir (et pouvoir ?) arriver au bout de son enquête et d’établir la vérité, au-delà de toutes les formes de discrimination liées au pouvoir abusif des cadres supérieurs.

    Avec lui, on se promène dans les rues de Shanghai, où l’on découvre un mode de vie dont on perçoit parfois des bribes depuis notre lointain occident, ces images de Chine ravivées ces derniers mois à cause du covid (originaire de Chine, après tout) ou des Jeux olympiques d’hiver. Mais, là où la presse internationale non-chinoise décrit un pays qu’elle ne manque jamais de fustiger au moins un peu, dans ce livre on est tout simplement « à l’intérieur », en immersion aux côtés d’un penseur-rêveur qui évolue dans sa société telle qu’elle est, qui adhère aux valeurs de ce Parti omniprésent, mais qui continue de croire à un avenir meilleur pour tout son peuple. C’est une Chine proche du peuple, où ce policier devenu cadre un peu trop vite, mais attaché à ses racines simples, respecte les petites gens, et notamment les aînés, dans cette attitude que l’on pourrait croire stéréotypée mais qui semble naturelle dans ce livre, tout simplement. On apprend toute une série de choses, qui rejoignent parfois les clichés que l’on peut se faire de ce pays, parfois moins.

    Parmi ces nouveautés, j’ai bien été un peu choquée que le Parti intervienne jusque dans le choix du conjoint ! Certes, il n’y a apparemment pas d’intervention directe, il ne s’agit pas de mariages arrangés, mais Chen sait qu’il ne peut pas épouser n’importe qui (sous peine de voir sa carrière évoluer bien moins vite, voire capoter), et son idylle avec une jeune journaliste est plutôt mal vue, car cette dernière est déjà mariée. Pourtant, on croit comprendre assez vite que le mariage de Wang Fen s’est fait uniquement sur le papier, sans être jamais consommé, car son conjoint s’est enfui au Japon – trahison envers l’état chinois qui, bien entendu, rejaillit sur la journaliste bien malgré elle, et dès lors aussi sur Chen tant qu’il la fréquente. C’est là aussi qu’une certaine indépendance de Chen se marque : il est certes conscient que se rapprocher de Wang Fen n’est pas idéal pour lui, mais il ose se permettre de privilégier ses sentiments, tout conscient qu’il soit que son cher Parti n’approuvera pas.
    Dans le même état d’esprit, on apprend que le régime est très strict quant à la vertu des citoyens : par exemple, l’adultère semble un délit très grave, et il est interdit de prendre une chambre double dans un hôtel sans présenter un certificat de mariage ! Ou bien, au détour de l’intrigue, on apprend que le mot « intimité » n’existe pas dans la langue chinoise, si bien que, quand il apparaît dans cette littérature américaine que Chen traduit, il doit trouver (difficilement) des périphrases pour rendre cet esprit typiquement occidental.

    Mais surtout, dans ce livre, on mange beaucoup et tout le temps ! Chen semble un fin gourmet, qui nous entraîne avec lui de ces gargotes de rue, parfois juste un réchaud où un quelconque citoyen vend un plat unique tout à coup très savoureux (ou pas), à des restaurants plus luxueux, tout au long des pages. Il décrit les choses – oh ! en quelques lignes à peine ! on n’est pas dans un traité de cuisine – de façon tellement réaliste et visuelle qu’on a envie de partager ces différents plats avec lui ! même (presque) quand il s’agit du « Combat du tigre et du dragon », car en Chine aussi on donne des noms ronflants aux plats sur les menus ! mais on apprend très vite que (végétariens et autres végans s’abstenir) « D’après la serveuse, c’était un gigantesque assortiment de viande de serpent et de chat. » Eh oui ! cela prouve aussi, à mes yeux, que l’auteur s’est attaché à rendre l’esprit de la Chine telle qu’elle est, sans s’embarrasser le moins du monde d’une certaine bienséance toute occidentale, pour laquelle manger du chat reste à la limite du tabou – et ce n’est qu’un petit exemple parmi tous les plats rencontrés dans cette balade culinaire chinoise, mais indéniablement le plus potentiellement choquant pour un occidental. (Rassurez-vous : je n’ai aucune envie de manger du chat ! mais j’ai apprécié cette façon de l’auteur de visiter la cuisine de son pays sans faux semblants.)

    Outre ce profond ancrage dans une Chine réaliste, parfois proche, parfois plus lointaine des clichés habituels, ce roman propose toute une galerie de personnages vraiment sympathiques, ou pour le moins touchants, et toujours très humanisés. Chen Cao a bien sûr la vedette, mais notre narrateur omniscient se penche quelquefois davantage sur son adjoint : Yu Guangming. Policier par choix, ayant lui-même un père policier (jamais appelé autrement que le « Vieux Chasseur », et qui jouera un petit rôle lui aussi), il illustre avec sa famille, c’est-à-dire sa femme Peiqin et leur fils, cette Chine populaire qui se contente de ce qu’elle a et qui, sans se perdre dans des rêves à l’occidentale, espère un avenir plus radieux pour son fils. Yu a connu la déportation avec sa jeune femme, car ils étaient « jeunes instruits » (ayant juste été un peu à l’école) et ont donc dû être « rééduqués » auprès des « paysans pauvres à moyen-pauvres ». Réhabilité à Shanghai au fil des changements de pouvoir, il a pu prendre cette place dans la police, assez basse dans la hiérarchie et sans espoir de s’y élever beaucoup, mais peu à peu, notamment grâce à l’amitié naissante avec Chen, il va finir par admettre qu’il est réellement « à sa place », que c’est ça qu’il a envie de faire, car il partage, de façon parfois plus dure, l’idéal de justice de son jeune chef.
    On notera aussi la mise en avant toute en douceur de son épouse Peiqin, quelque part entre un rôle féminin traditionnel (qui n’a rien à envier à notre système également patriarcal !) et une certaine modernité féministe. Mais surtout, c’est leur amour, leur union face aux difficultés de la vie, malgré quelques mini-conflits parfois, qui nous est contée – comme je disais plus haut : ils sont très humains, tout simplement. Mieux : on a l’impression d’être avec eux, dans cette ancienne maison unifamiliale dont les différentes pièces ont été divisées en autant de minuscules appartements, en raison d’une dramatique crise du logement à Shanghai – et ainsi, ils vivent à trois dans une minuscule pièce qui sert de salon, salle à manger et chambre tout à la fois, sans aucune vraie intimité (encore…).

    Mention aussi au vieux Zhang, commissaire politique dans cette affaire, que l’auteur nous présente comme un personnage bien un peu ambigu, en réalité inutile dans la résolution de l’enquête, mais nommé à la « conseiller » selon les règles du Parti – et, quand l’affaire devient trop politique en effet, c’est bien lui qui va vouloir mettre la tête de Chen sur le billot. Et pourtant, on ne lui en veut pas tout à fait car, si l’auteur le présente sans réelle concession quant à ses choix dans l’enquête, il apparaît aussi, d’une certaine façon, comme une « victime » d’un système auquel il adhère, mais dont il ne comprend plus les nombreux revirements, et certainement pas les plus récents, tout ce qui concerne une certaine ouverture de la Chine. Ce n’est pas qu’il y soit opposé, en tout cas ce n’est pas ainsi que je l’ai ressenti, il est tout simplement perdu dans un système qui ne répond plus aux valeurs qu’on lui a martelées depuis tant d’années, et il fait ce qu’il croit bon, même s’il se fourvoie…

    Ainsi, à travers une enquête policière bien centrale mais en réalité assez peu exploitée en tant que telle, l’auteur nous convie à une véritable découverte de la Chine du début des années 1990 : son système politique qu’il présente sans concession ni idéalisation, ses habitants (nos personnages très humains toujours touchants même quand ils sont moins sympathiques à nos yeux) dans leur quotidien, et sa cuisine omniprésente et terriblement alléchante ! C’est un plaisir de lecture, un peu lente mais tellement intéressante si on s’intéresse un minimum à ce pays millénaire, et pour moi un coup de cœur.





    Irish Renegades, tome 1 : Malone de Blandine P. Martin,
    autoédition 2021, lu en format GF. Je suis hélas déçue! 11/20

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    Synopsis : Il se bat au quotidien pour changer de vie.
    Elle est prête à tout pour fuir l’ennui qui la ronge.
    Rien n’est plus dangereux que des éléments contraires qui s’attirent.
    Cela fait plus de dix ans que Malone et Farrell ont fui leur Irlande natale pour vivre à New York. Avec l’aide de leur meilleur ami, Keziah, les deux frères se sont reconstruit une vie ici.
    Mais après tout ce temps, le constat ne trompe personne : pour ce trio d’inséparables, le rêve américain a viré au cauchemar. Seule lueur au bout du tunnel pour Malone : sa fille, Hailey, qu’il élève seul. Chaque jour, il lutte comme un lion pour joindre les deux bouts et lui offrir un cadre de vie digne d’elle… mais il croule sous les dettes.
    Quand le destin met Sarah sur sa route, une jeune femme intrépide en mal d’aventure, il le sait : cette rencontre connaîtra un avant et un après. Il ne manquait qu’elle à leur équation.
    Ensemble, ils sont prêts à récupérer la place qui leur est due sur le territoire de l’Oncle Sam, quitte à braver la loi pour y parvenir.
    Les Irish Renegades sont nés.


    Mon avis :
    Quelle déception que ce livre !
    Je l’avais acheté sans aucune hésitation dès sa sortie, en plus un exemplaire dédicacé de l’autrice que j’aime vraiment beaucoup, j’étais enchantée ! Mes nombreuses lectures ont fait que je n’ai pas pu l’entamer avant ces derniers jours… mais donc, malgré mon grand enthousiasme de départ, je n’ai cessé de déchanter.

    Alors, il faut rendre à César ce qui appartient à César : la plume de l’autrice est toujours aussi belle et entraînante ! Si elle s’appesantit davantage (que dans ses livres précédents) sur certains poncifs proches de ce qu’on peut retrouver dans les livres de bien-être, voire de développement personnel et autres feel-good, par exemple sur le bonheur d’avoir une famille même boiteuse et patati et patata, ce n’est pas ultra-gênant (même si j’avoue avoir sauté quelques lignes à plus d’un endroit) et, de façon générale, elle accroche suffisamment pour qu’on continue de tourner les pages encore et encore, même si l’histoire plaît de moins en moins.
    C’est que les personnages, eux, sont attachants, malgré les nombreux clichés qui les caractérisent, plus que dans ses livres précédents m’at-t-il semblé. Je n’ai pas toujours bien cerné Sarah et je n’ai rien ressenti d’extraordinaire chez elle, mais j’ai trouvé Malone (notre rôle-titre après tout !) particulièrement touchant. Il est aussi très proche de son frère Farrell, qui a dû fuir l’Irlande –on ne saura pas pourquoi tout au long de ce 1er tome !- et que Malone a donc rejoint dans ce rêve américain qui tourne peu à peu au cauchemar pour lui. Et bien sûr, mention pour la petite Hailey ! Je me rappelle que Blandine P. Martin avait fait un appel sur sa page Facebook (à l’époque où j’y allais encore) pour que ses lecteurs et lectrices partagent des anecdotes vécues avec leurs enfants de l’âge de la petite, leurs « mots d’enfant » etc. Or, vu comme ce personnage est tellement réussi, j’imagine en effet qu’elle s’est bien inspirée de plusieurs de ces petites histoires vraies toutes en mignonnerie !

    Mais de chouettes personnages ne suffisent pas à faire une bonne histoire…
    La première partie est assez plate, il ne se passe rien de spectaculaire si ce n’est que Malone va de galère en galère, tentant de protéger sa fille envers et contre tout, de même que le reste de son « clan » car il est l’aîné et se sent responsable de tous. Cependant, tous ces aspects sont tellement exagérés que ça en devient pénible, avec un stéréotype de base qui ne m’a même pas convaincue : certes le rêve américain est un leurre et n’est définitivement pas à la portée de tout le monde… mais là on a quand même des Irlandais ! Je veux dire, on n’est pas dans le contexte tellement vrai (hélas) de ces nombreux émigrés latinos, qui arrivent à la pelle via les sentiers du Sud, et que certain président a tenté d’éradiquer à tout prix. Ici on parle d’émigrés européens, qui sont forcément entrés d’une façon plus ou moins « officielle » (ou pas ? mais alors comment ont-ils fait ? et pourquoi ? ce n’est jamais dit et ça manque !!). Quoi qu’il en soit, ils parlent la langue du pays, avec un accent certes, mais n’est-ce pas la même origine que tant et tant de primo-arrivants européens qui ont « créé » ces États-Unis ?!
    En outre, on apprend à un certain moment que Malone est menuisier (ce n’est guère un spoil fort important dans l’histoire, surtout hors contexte), et on veut nous faire croire que, depuis près de 10 ans qu’il vit là-bas, il n’a rien trouvé dans sa branche, et rame dès lors pour joindre les deux bouts à coup de petits boulots insignifiants ?! A-t-il seulement cherché, au fait ? Je ne sais pas quelle est la situation des métiers manuels aux États-Unis, et à New York en particulier, mais je peine à croire qu’un ouvrier qualifié, blanc, blond et anglophone, n’ait pas réussi à trouver un boulot réellement rémunérateur et qui corresponde à sa formation…

    Et à partir de là, sur un prétexte qui semble bien un peu tiré par les cheveux tant il arrive comme par hasard à point nommé, Malone et sa bande s’engagent dans une voie complètement en contradiction avec les valeurs que Malone semblait préconiser pour sa fille, en contradiction avec les valeurs que Blandine P. Martin affiche elle-même sur les réseaux (ou alors je n’ai rien compris), et définitivement en contradiction avec mes propres valeurs !
    Certes, l’autrice tente de convaincre le lecteur du côté juste, peut-être même indispensable, de ce choix que fait Malone… et en effet, on touche à la notion tellement compliquée de ce qui est juste, par opposition aux lois, au système judiciaire d’une démocratie (qui vaut ce qu’il vaut), a fortiori quand on est immigré et pauvre face à une société où on ne trouve pas sa place, ou face à une bande organisée. Mais Blandine n’a pas réussi à me convaincre du bien-fondé de la décision de la bande, ce choix de se faire justice soi-même, pour des raisons qui sont sorties du sac de Mary Poppins comme par magie. En outre, circonstance aggravante à mes yeux, les motivations de Malone sont à mon sens très opportunistes et personnelles, à la limite d’un certain « égoïsme familial » : il s’agit certes d’offrir un avenir à Hailey (et au passage payer ses dettes), c’est beau et ça fera pleurer dans les chaumières. Oui, mais non : on est quand même très loin de sauver la veuve et l’orphelin dans un contexte plus large, d’une cause qui aurait transcendé ce petit cercle familial et rendrait alors les choses plus acceptables, peut-être…

    Comment dire autrement ? Les Wild Crows, saga que j’avais adorée et dévorée d’une traite en enfilant les différents tomes sans pouvoir m’arrêter, étaient eux aussi dans une certaine illégalité à plus d’une reprise. Mais leurs motivations à eux étaient ancrées dans un contexte socioculturel connu (ces fameux « clubs de motards 1% ») et présentées de façon réaliste, avec en plus l’espoir constant qu’ils passent à des activités plus légales et moins dangereuses. Ici, on a tout l’inverse : un homme qui veut à tout prix protéger sa fille et lui offrir le meilleur, animé d’une rage de s’en sortir mais qui fait un constat de quasi-échec au bout de 10 ans… et qui entre dès lors dans du grand n’importe quoi sous prétexte que ça va tout arranger ?! Décidément non, Blandine s’est fourvoyée, et je ne peux (ni ne veux) la suivre dans ce délire…
    Bref, autant ça passait avec les Wild Crows, autant ici ça semble artificiel et malvenu, malgré la plume enchanteresse de l’autrice et ses personnages attachants. Décidément j’ai eu du mal à aller au bout de ce premier tome, qui par ailleurs reste bien trop évasif sur la passé, pourtant si important, de nos renégats irlandais.




    Dans l'adversité, tome 1 : Au premier regard de Chris Owen et Tory Temple,
    publié chez Juno Publishing en 2020, lu en version ebook. La traduction lamentable donne une mauvaise note, malgré l'histoire sympathique qui aurait pu valoir un peu plus: 9/20

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    Synopsis : Lorsque Nathaniel, alias Deuce, arrive chez lui pour trouver son immeuble en feu, il ne peut penser qu’à une chose : sa chienne enceinte. Heureusement, le pompier Trey Donovan la sauve et Nathaniel en est extrêmement reconnaissant. En fait, il traque la caserne de Trey afin de pouvoir lui montrer correctement sa gratitude – et explorer la connexion qu’il ressent entre eux.
    Trey est intéressé, mais une ex-femme loin d’être amicale et la fille de sept ans qu’il élève rendent les choses… compliquées. Entre tout ce que doit gérer Trey et les chiots dont Deuce doit s’occuper – tout en étant sans domicile –, trouver un terrain d’entente ne sera pas facile. Mais l’étincelle d’attirance entre eux est trop alléchante pour la laisser s’éteindre.


    Mon avis :
    Parce que j’ai coché « romance » dans mes préférences lors de mon inscription à Boobox, cette box livresque m’en propose presque systématiquement (heureusement, pas que ça !), mais assez rarement mes préférées : des M/M. Ainsi, quand celle-ci est apparue d’emblée comme mon nouveau livre de la semaine (car, oui, je suis faible : j’ai un abonnement hebdomadaire chez Boobox), j’ai aussitôt approuvé le choix, sans trop regarder le synopsis, ni m’arrêter au fait que la couverture n’est pas trop jolie à mon goût…

    Et voilà : ce n’est pas une déception, puisque je n’en attendais rien, mais on est loin, loin, loin des magnifiques homoromances d’une Marie H.J. par exemple !
    Certes, l’écriture est vraiment très fluide, mais pas pour autant agréable. On a plutôt l’impression d’être dans une logorrhée, où les menus événements du quotidien (car il n’y a guère d’intrigue très folichonne dans tout ça, on est davantage dans une « tranche de vie – rencontre » mais sans plus) s’enchaînent dans une suite chronologique sans aucun temps mort, d’une façon très (trop) linéaire. On peut voir le bon côté des choses : c’est tout doux et tout beau. Nos deux protagonistes apprennent à s’apprivoiser peu à peu. Leur contact avec les chiens est régulièrement mis en avant et c’est toujours rafraichissant car plein de respect pour le meilleur ami de l’homme. Avec ça les scènes de sexe se multiplient assez vite, mais ne sont pas ultra-détaillées, ni langoureuses ni « hot » – elles font partie de ces gestes du quotidien, tout simplement : ce sont leurs « trucs d’adulte » qui font partie de la vie comme on mange ou on sort les chiens, et puis voilà. Bref, c’est de la romance très légère malgré les quelques scènes explicites, que je ne décrirais même pas comme érotiques car elles n’ont pas eu le temps de « piquer », qu’on est déjà passés à autre chose.

    Mais le pire, c’est sans aucun doute la traduction. Je me méfie toujours de ces commentaires qui incriminent d’emblée la traduction quand un livre est mal écrit : ma propre formation de traductrice (même si je n’ai finalement pas travaillé dans ce domaine) m’a bien appris une règle de base, et certainement quand il s’agit de traduction littéraire : c’est qu’il faut constamment trouver un équilibre entre un rendu acceptable dans la langue-cible, en l’occurrence le français, et le respect de « l’esprit de l’auteur ». Ainsi, si le livre est déjà mal écrit en langue originale, vous ne pouvez plus faire grand-chose ! Or, au risque de me répéter : on est déjà dans ce cas de figure, ici. Certes, je n’ai pas lu l’original (et ne le ferai pas : ça ne m’intéresse absolument pas !), mais comme indiqué plus haut : l’histoire est assez plate et sans grand intérêt littéraire, ça ne pouvait donc pas tout à coup devenir une pépite dans une autre langue…

    Hélas, notre traducteur (renseigné par ses seules initiales : H.L.) a continué de massacrer la chose. Je ne peux en juger à travers la seule platitude du livre, mais certains détails attirent peu à peu l’attention et montrent que le tout est bâclé. Faut-il seulement parler des fautes d’orthographe tellement courantes que ça en devient lassant ? Je parle de l’éternelle confusion entre l’indicatif futur simple et le conditionnel présent à la première personne du singulier… j’ai plusieurs exemples en stock si vous voulez les détails !
    Pour le reste, ce sont des petites phrases ici ou là qui font tiquer, et dont la répétition finit par alerter sur la qualité – ou, plutôt, l’absence de qualité – de la traduction. Je noterai par exemple la présence presque systématique de « cependant » dans les dialogues. Sérieusement, qui ponctue ses phrases de « cependant » en parlant à son petit ami ?
    Il y a aussi une obsession pour le mot « nourriture ». On sait que, en anglais, le mot « food » (qui en plus est court et claquant) est assez souvent utilisé, surtout dans un livre où on mange beaucoup, soit. Pourtant, en français, il y a 1.001 autres façons de le traduire d’une façon plus naturelle ! Or, ici, le traducteur est resté braqué sur la « nourriture ». Quelques exemples ? Les deux hommes sont allés boire un verre, et tout à coup l’un demande : « Ils ont de la nourriture ici ? » (et l’autre répondra : « Oui, c’est un pub, et si vous aimez les burgers, les frites et la pizza, vous êtes au bon endroit ? ») – mais revenons à la question initiale : vous poseriez vraiment ce genre de question lors d’un premier rendez-vous ? Moi non ! j’aurais demandé à mon complice d’un soir (et plus si affinités) : « Peut-on aussi manger ici ? » - ou autres variations, mais sans ce mot de « nourriture » ! Autre exemple, autre restaurant : « Il releva les yeux et sourit quand leur bière et leur nourriture furent servies. » => … quand leur bière et leurs plats furent servis, ça c’est un langage normal ! On continue ? Dans un autre dialogue : « J’apporterai les deux [vin blanc et rouge] et nous découvrirons ensemble ce qui convient avec chaque nourriture. » Je crois que ça se passe de commentaire… Un peu plus loin : « La famille de Holly était grecque et ils ont de la très bonne nourriture. » En français, on parlerait plutôt de cuisine (grecque), non ? Bref, je dis stoooooop ! et je ne suis qu’à la moitié des exemples….

    Et ce n’est pas fini ! J’ai aussi relevé, et à mes yeux c’est sans doute le pire, l’occurrence « ou quelque chose comme ça » - à nouveau, je ne sais pas comment c’est présenté en vo, mais en français ça ne passe absolument pas, ça fait littérature (très) bas de gamme, et ça survient dans trop de phrases, qui dès lors ne ressemblent plus à rien. Quelques exemples en vrac : « Il continua à pédaler et espéra qu’il n’allait pas jaillir au milieu d’un braquage de banque ou quelque chose comme ça. », « Et ce n’est pas un désastre majeur ou quelque chose comme ça ? », « Trey découvrit que Deuce ne savait pas seulement embrasser, mais qu’il était un spécialiste ou quelque chose comme ça. », « Ne t’inquiète pas, elle ne va pas venir te harceler ou quelque chose comme ça. » J’arrête ? parce que, selon ma liseuse Kindle, il y a encore une cinquantaine d’occurrences…

    Passons à autre chose, les personnages par exemple : les deux hommes sont très stéréotypés dans le genre homo doux mais avec un passé plus ou moins embêtant qu’ils traînent. Nathaniel, appelé Deuce pour des raisons expliquées en début de volume, est toujours mignon, gentil, accommodant, et le maître prévenant d’une chienne dont on ne connaîtra pas la race (ou alors j’ai zappé l’info, noyée dans la logorrhée précitée), mais à qui il est très attaché et ça se sent – ce qui est un bon point ! Son seul « problème » dans la vie de personnage gentil mais lisse, est que son appartement vient de partir en fumée – d’où sa rencontre avec le beau pompier. On ne saura jamais pourquoi (comme si tout à coup ça lui était égal !), alors que le temps passe ; ça n’aura servi que de prétexte pour qu’il s’installe avec Trey. Ce dernier est (évidemment) également bel homme, musclé, bien proportionné et tout et tout, un vrai stéréotype de pompier sur pied… Mais le malheureux, qui se croyait bisexuel avant d’admettre sa préférence pour les hommes, a été marié quelques années et a une fille de 6-7 ans, dont il partage une garde partagée avec son ex-femme. J’ai trouvé la petite Lacey, qui apparaît quelquefois, bien moins présente ou « importante » que les chiens pour les deux hommes – c’est un choix et je n’en suis pas forcément choquée, mais elle paraît dès lors comme un peu trop superficielle, si bien que son petit rôle n’est pas vraiment convaincant. Quant à l’ex-femme de Trey, elle est présentée comme un dragon à la limite de l’homophobie, mais les rares fois où elle est réellement mise en scène, elle m’a surtout paru comme une certaine victime d’une situation qu’elle n’a pas choisie, qu’elle regrette bien un peu, et qu’elle ne parvient pas tout à fait à dépasser – mais c’est le cas dans tant et tant de divorces ! Mais voilà : les autrices ayant pas fait le choix d’écrire une histoire peu réaliste et assez superficielle, donnent trop facilement le rôle de la mauvaise à l’ex de Trey, qui ressort quant à lui comme la pauvre victime d’une vilaine sorcière… pourtant, dans un divorce comme dans un mariage, on est deux…

    Je pourrais donc dire que ce livre me laisse un goût plutôt mitigé : l’homoromance en tant que telle était toute gentille, toute douce, façon tranche de vie sans grands éclats, où même les scènes explicites sont gentillettes (mais manquent de piquant). L’attachement des protagonistes à une chienne et ses petits est un indéniable « plus », c’est tout beau et bien un peu rafraîchissant. Mais les personnages sont trop cliché pour être vraiment convaincants, tandis que l’écriture fluide mais plate n’accroche pas tout à fait, et la traduction lamentable fait le reste pour une impression générale de mauvaise lecture.





    Azul d'Antonio Da Silva,
    publié au Rouergue en 2021, lu en version GF. Énorme coup de coeur qui perd (bêtement) un point à cause d'un choix éditorial malheureux: 19/20.

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    Synopsis : Entrer dans les tableaux?
    Ne plus faire qu'un avec eux?
    Avoir la possibilité d'y évoluer et d'y rencontrer d'autres personnes?
    Peut-être même y tomber amoureux... Miguel a ce pouvoir. À partir d'une simple image, d'une reproduction dans un livre, il peut s'évader dans les plus grands chefs-d'oeuvre. Et ce qu'il adore, c'est y apporter de légères modifications. Mais ce jeu n'est pas sans danger, surtout lorsque l'on attire l'attention de la Protection des Oeuvres dont les méthodes sont expéditives.
    De Renoir à Hokusai, de Vélasquez en Brueghel, le jeu va se transformer en chasse à l'homme...


    Mon avis :
    Attention pépite, énorme coup de cœur ! à peine mitigé par un choix éditorial que je développerai plus bas…
    Pourtant, j’ai bien manqué de laisser passer ce livre sans me rendre compte de sa valeur. C’est que je l’avais repéré, à cause de son titre et de sa couleur dominante (les livres à dominante jaune ne sont pas légion ; par ailleurs, il se trouve que c’est la couleur préférée de mon petit dernier, ce qui n’a strictement rien à voir avec la littérature, mais voilà, réflexe de maman : j’y suis spontanément attentive !) ; bref, je l’avais repéré dans les wish-lists (ou pense-bêtes) de l’une ou l’autre personne que je suis sur les différentes plateformes de lecteurs. Pour les raisons précitées, il m’avait intriguée, mais ça en était resté là. Et puis arrive 2022, je m’embarque dans des challenges qui invitent à faire le tour du monde… et dans un de ces challenges en particulier, le Portugal est à l’honneur en ce mois de février, alors on fonce !

    Mais que dire d’un livre aussi original qu’enchanteur ? J’ai déjà lu un certain nombre de romans taggés « Fantastique », mais aucun ne m’avait encore à ce point transportée dans des mondes imaginaires qui dépassent largement ce que l’on a l’habitude de trouver dans le genre ! Il faut savoir que le synopsis, très « correct » par ailleurs (ce n’est pas toujours le cas !), n’est que le point de départ d’une originalité qui va bien plus loin que tout ce qu’on pourrait imaginer. C’est une balade à travers divers tableaux, mais qui va bien au-delà de ces seules, rares œuvres mentionnées au fil des pages. Pour moi, c’est un véritable hommage à la peinture, même dans ses formes les plus sombres ou les moins compréhensibles (surtout pour le non-connaisseur) : notre jeune héros a bien du mal avec le cubisme de Picasso par exemple, et s’en moque bien un peu mais tout gentiment.
    Hommage à la peinture et aux peintres, jusque dans leur face cachée, leur folie souvent, d’ailleurs l’auteur prévient le lecteur dès le tout début, en parlant du jeune héros qui est entré dans une toile de Van Gogh, et qui se trouve à ce moment-là dans le hors-champ du tableau : « Il sait que c’est un privilège de contempler ce qui est caché au regard du spectateur. (…) Mais c’est toujours une parcelle de folie. Même le plus équilibré des artistes est fou. »

    Et dans ce monde imaginaire à la limite d’une certaine folie en effet, c’est aussi une (double) magnifique histoire d’amour. On a d’un côté un triangle amoureux, certes, mais la magie des toiles fait que la rivalité entre les deux jeunes filles ne devient jamais mélodramatique comme elle pourrait l’être dans certaines romances ; au contraire, elle est presque une force pour notre jeune héros, bien innocent encore face à ces deux jeunes filles qui l’aiment ! Et d’un autre côté, transcendant largement ce subtil triangle, il y a aussi une véritable histoire d’amour, une mise en avant amoureuse dirais-je, pour la ville de Lisbonne, qu’on aurait tout à coup bien envie de découvrir !

    Avec ça, la lecture commence assez doucement, façon tranche de vie certes originale, mais en tout cas on prend le temps de faire connaissance avec nos différents personnages, de s’émouvoir pour eux, de s’attacher à Miguel et à son histoire, à Amalia qui est bien un peu envahissante mais réellement attentionnée envers Miguel même dans ses délires, à Maria qui gère cette « pensaõ » avec une douce fermeté, aux autres enfants/ados qui vivent sous son toit, et bien sûr à l’énigmatique April… Mais peu à peu les choses s’emballent, le rythme s’accélère d’abord insidieusement, dans une écriture incisive faite de phrases généralement assez courtes, et qui joue très habilement sur le contraste entre la 1re personne du singulier quand Miguel est dans la « vie réelle », et la 3e personne quand il est dans un tableau.
    On commence à avoir peur avec nos personnages, à s’inquiéter pour eux, on aurait presque envie de rejoindre Miguel à la recherche d’April ! Et ainsi les catastrophes s’enchaînent, nous bousculant jusqu’aux deux tiers du livre environ, mais alors on commence à comprendre (peut-être) le dénouement, et on est pris d’une espèce de fièvre qui fait qu’on ne peut plus lâcher le livre tant on est avide d’aller au bout de cette intrigue tellement originale qui défie l’imaginable. Ainsi, on tourne les pages encore et encore sans plus pouvoir s’arrêter, jusqu’à la magnifique et surprenante fin, non dénuée d’un fabuleux clin d’œil à un certain gentleman cambrioleur, mais en dire plus serait divulgâcher…

    Mon seul regret finalement est un pur choix éditorial : les œuvres citées ne sont – hélas ! double et même triple hélas ! - pas représentées dans ce livre, que ce soit dans un encart central en couleurs, ou même une annexe en noir et blanc. Or, ces différentes toiles ont toutes une énorme importance puisqu’une grande partie de l’intrigue s’y passe, à travers les allers et retours de Miguel et d’April !
    Oh ! certes, il existe une page Instagram dédiée à ce livre, renseignée sur cette page de gauche initiale où on trouve aussi les autres infos éditoriales. Sur cette page Insta, on peut suivre Miguel dans presque toutes les œuvres citées (il manque le « Soldat blessé » d’Otto Dix, mais je crois que c’est la seule toile absente). Chacune de ces œuvres est décomposée sur plusieurs photos (comme autant de petits carrés) d’ailleurs, qui forment un tout quand on ouvre la page, puis permettent de voir un certain nombre de détails quand on clique sur chaque photo-détail, d’autant plus que ces morceaux d’œuvre pris individuellement sont commentés : avec des infos sur le peintre, sur la toile en tant qu’œuvre, sur le passage où on en parle dans le livre, etc. Bref, c’est un travail vraiment très intéressant, et sans aucun doute complémentaire au livre, je ne le conteste en aucune façon.

    Il n’en reste pas moins que je trouve très malheureux que cette page Insta soit la seule et unique façon d’accéder « facilement » aux toiles… Comment dire ? quand je lis un livre, je n’aime pas trop devoir m’interrompre pour aller chercher une info – sur un sujet évoqué que je ne connais pas et qui n’est pas expliqué, un mot de vocabulaire parfois, etc. Si ça se trouve en note de bas de page, en annexe ou que sais-je, mais en tout cas à l’intérieur du livre, c’est quand même plus « confortable » ! Mais ici, sachant donc à quel point ces toiles sont importantes pour la compréhension de l’ensemble, on oblige réellement le lecteur à sortir de ce « confort » d’un livre pour se connecter à un réseau – un comble, quand on pense qu’on (là je parle en tant que parent) essaie de faire lire « nos jeunes » (public-cible de ce livre, à la base) en espérant justement les détacher, pour quelques minutes au moins, des écrans !?
    Vous allez me dire que tout le monde, et surtout les jeunes du public cible sont connectés ? Oui et non… Je pense par exemple à ma maman, âgée de bientôt 83 ans, qui a toujours été passionnée par l’art et qui peint encore à ses heures perdues quand elle en a la force. Je suis persuadée qu’elle adorerait un tel livre, qui en plus est tout empreint de cet « esprit jeunesse » tellement rafraîchissant qui lui plairait beaucoup ! Hélas, elle en manquerait une grande partie, car elle connaît certainement certaines des œuvres qui en font partie, mais pas toutes… et par ailleurs, elle n’a ni smartphone (juste un téléphone fixe), ni ordinateur. Et donc, je ne pourrai pas lui prêter ce magnifique livre, à moins de vouloir sciemment la frustrer, ou bien lui imprimer toutes les œuvres citées par mes propres moyens ?... Et la voilà qui devrait lire un livre avec un paquet de pages volantes à côté, je ne suis pas persuadée que ce soit idéal !

    Quoi qu’il en soit, et malgré ce choix éditorial que je trouve bien un peu malheureux car trop restrictif, je reste évidemment sur mon sentiment enchanté face à un livre tellement original, débordant d’imagination dans son hommage à la peinture, aux peintres et à leur grain de folie, à travers une très belle histoire d’amour – histoire en triangle amoureux, mais aussi amour pour sa ville de Lisbonne. À lire absolument !

  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #177 13 Février 2022 09:47:10

    Oh Azul a l'air très intéressant (déjà la couverture est magnifique!), je vais voir s'il est dispo à la bibliothèque!
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

    Hors ligne

    #178 13 Février 2022 17:17:57

    Ton avis sur Azul m'a aussi titillé sur le challenge ABC et j'avoue que je comprends parfaitement ton "hélas" - j'ai lu plusieurs essais d'histoire de l'art dans lesquels il n'y avait pas non plus les œuvres je trouvais déjà ça frustrant - mais il me tente malgré tout alors je le mets en wish-list.
    Bonne fin de dimanche.
  • stephanius

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #179 13 Février 2022 19:45:29

    Bonne semaine et bonne semaine livresque
  • FloXy

    Empereur des pages

    En ligne

    #180 17 Février 2022 15:35:49

    C'est bien parce que j'avais développé une certaine curiosité matinée de doutes à propos de 2 titres que tu as récemment chroniqué : Les étincelles et The midnight library.
    Maintenant je sais que je peux déjà en retirer un de ma WL tellement tu confirmes mes pires craintes à son propos ! :goutte:
    Quand à l'autre, il bénéficie par la présente d'un sursis rogatoire. Mais son cas n'est pas encore réglé. :rules2:

    Enfin bref merci. :salutation:

    Dernière modification par FloXy (17 Février 2022 15:36:45)