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    Propriétaire d une PAL boulimique

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    #211 31 Mars 2022 14:35:01

    Bonjour à tous!

    J'avais décidé d'être régulière dans ce suivi... et paf: ce sont à nouveau 4 livres que j'ai terminés récemment - la faute à en lire plusieurs à la fois!
    Je m'y attaque sans tarder, et vous préviens d'emblée qu'il n'y a toujours aucun "coup de coeur absolu", mais au moins une très belle histoire d'amour qui enchantera les amateurs de romances, et peut-être bien d'autres aussi!

    Métissage blues de Patrick Kurtkowiak,
    publié chez Librinova en 2022, lu en format ebook. Décidément non... : 08/20! :O

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    Synopsis : Identité, ethnicité !
    Le passé dans des pays lointains se mêle à un présent fait de variants et de zizanie.
    Du Métissage blues au Métissage bar, chacun vit son histoire.


    Mon avis :
    Voici donc le tout premier livre que je découvre en tant que lectrice pour les éditions Librinova, que je remercie pour leur confiance et mon intégration au sein de leur « jury de lecteurs » en cette année 2022 ! Malheureusement, pour moi et sans doute pour l'auteur, cette lecture a été un flop…

    D'abord, ce (très court) livre est un recueil de (très courtes) nouvelles, genre que je n'avais pas coché parmi mes choix, car je n'affectionne pas ce format et aurais préféré éviter : ça commençait plutôt mal. Ensuite, ce titre intriguant de « métissage » m'avait interpelée (je travaille dans le secteur de l'aide humanitaire internationale, et suis très sensible à tout ce qui s'apparente à ce sujet), mais j'ai vite déchanté : on a beau parler de métissage de diverses couleurs et origines, il saute très vite aux yeux que ce livre est extrêmement franco-français. En effet, tout tourne autour de la France, de sa politique (où une certaine Marine tient une place démesurée), de ses mesures sanitaires spécifiques, de ses anciennes colonies (dont certaines font désormais partie des « Outre-mers ») et de quelques pays bien indépendants mais par où la France coloniale est passée tôt ou tard… Autant dire que la Belge en moi s'est très vite lassée, voire irritée de ce regard très hexagonal. Métissage, oui, mais pas francophonie : visiblement l'auteur n'est pas au courant qu'il y a d'autres lecteurs francophones de par le monde, que ceux de l'ancien empire colonial français !

    Mais, pire que ces remarques somme toute très « belgo-personnelles », j'ai eu du mal à appréhender le regard très désabusé que l'auteur porte sur le monde d'aujourd'hui. Il semble en permanence regretter un monde révolu (celui des années 1970, quand tout le monde était un peu bisounours), et ne voit plus que les travers actuels, qui sous sa plume ont l'air de se résumer à : des Blancs qui ne votent plus que pour l'extrême-droite en se repliant sur eux-mêmes, des Colorés qui se réclament de l'indigénisme, voire pire (on a un bref passage par les extrémismes religieux) ; les hommes sont des lâches qui ne pensent qu'à trousser les filles, les femmes sont des profiteuses qui ne pensent qu'à manipuler les « gonzes »… Attention : ce n'est pas ça qu'il dit, du moins pas explicitement, mais c'est décidément ce que je retiens de ma lecture, où les clichés abondent.
    Je rebondis sur ce mot de « gonze » : la plume de l'auteur est clairement travaillée, parfois peut-être un peu trop, à la limite d'une certaine pédanterie, dans laquelle se perdent tout à coup des mots relevant de l'argot le plus brut. Pour citer un exemple, outre ce mot que je ne vais pas répéter encore une fois, j'ai été presque choquée de voir une jolie description de femme tout à coup affublée de « nibards », c'est carrément lourdingue ! et toute la description agréable s'effondre comme un château de cartes, soufflées par un simple murmure déplacé. Le tout est enrobé de ce qui s'apparente parfois à de l'humour, certes plutôt caustique, mais je pense qu'il faut se laisser emporter par se livre pour le savourer pleinement – hélas, pour moi ça n'a pas marché.

    Parmi les autres points qui m'ont déplu, je citerai aussi le leitmotiv du covid : pas une seule de ces courtes nouvelles n'y échappe, en mode de plus en plus fataliste. Certes, c'est le droit de l'auteur de broder autour de ce sujet largement encore d'actualité… mais alors j'aurais aimé en être prévenue clairement car, pour ma part, la lecture fait partie de ces plaisirs qui me permettent de m'évader… et j'évite comme la peste tous ces livres qui surfent sur cette nouvelle vague d'inspiration. Qu'on l'évoque au passage dans un roman moderne, c'est sans doute inévitable ; mais qu'on ressasse le sujet tout au long de seulement 127 pages, alors que c'est à peine mentionné, et de façon très ambiguë, dans la trop courte présentation du livre : non merci !
    Enfin, on retiendra quelques fautes d'orthographe – le format électronique du livre permet de les relever facilement, je ne vais pas en faire la liste ici… mais j'ai quand même été ahurie qu'un auteur qui se dit bourlingueur ne sache pas écrire correctement « dysenterie » !

    J'ai pourtant tenu à aller jusqu'au bout, ce qui me permet de terminer par une petite note positive : j'ai beaucoup aimé le fait que plusieurs personnages des premières nouvelles reviennent habiter les dernières, si bien que le métissage se fait non seulement entre les différents peuples, mais aussi entre les nouvelles elles-mêmes. L'humour (caustique) relevé plus haut prend alors tout son sens, avec des allures de clin d'oeil. Je retiens en particulier la nouvelle de clôture, très personnelle, qui garde les penchants rédhibitoires de toutes ses grandes soeurs, mais qui se moque gentiment de l'Auteur (eh oui, avec un A majuscule désormais), or rien ne me plaît davantage qu'un auteur qui, finalement, ne se prend pas tout à fait au sérieux !





    J'ai juste cliqué ! de Mo Gadarr,
    publié en autoédition tout récemment, lu en version ebook. Une très belle histoire d'amour: 18/20.

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    Synopsis : Une histoire d’amour qui prend naissance sur la toile… avec tout ce que cela implique !
    Adam est un connaisseur en amour. Bon nombre de ses lectrices le qualifient même d'expert et pour cause : le jeune homme connait depuis quelques années un succès fulgurant dans le monde de la romance contemporaine. Les histoires d'amour, il sait parfaitement comment les fabriquer afin de contenter un lectorat qu'il croit acquis définitivement.
    À tort.
    Contre toute attente, son éditrice lui refuse son dernier manuscrit. Elle donne pourtant un conseil à l'écrivain déboussolé. Adam doit aller chercher en lui-même la source de son inspiration sans avoir le besoin obsessionnel de plaire. Elle l'inscrit à un partenariat avec un célèbre site de rencontre. Sa petite amie le quitte le même jour. Quelque temps après, n'ayant plus rien à perdre, Adam choisit de s'inscrire sur le fameux site afin de raconter dans son future roman l'histoire d'amour qu'il souhaite avoir au plus vite. Au fil des clics, il fait la connaissance d'Ysé avec qui le courant semble passer parfaitement. Peu à peu, leur attirance prend vie. Adam n'en perd pas une miette et raconte tout dans son futur roman.
    Pourtant, le jeune homme comprendra que tout ce qui se trouve sur le net n'est pas inoffensif et que les sentiments, eux, ne restent jamais longtemps virtuels...
    Parviendra-t-il à ne pas se perdre dans l'univers des faux semblants ?


    Mon avis :
    Eh bien c'est simple : j'ai adoré !
    Merci à Mo pour ce nouveau service presse que j'ai découvert avec une certaine impatience, et j'ai très vite été complètement embarquée ! L'histoire d'Adam et d'Ysé est simple (dans le sens où il n'y a pas de grosse prise de tête), avec juste ce qu'il faut de rebondissements pour maintenir l'intérêt sans qu'on s'ennuie jamais tout au long de ces un peu plus de 500 pages ! Elle est tout à la fois terriblement touchante, moderne mais sans tomber dans les travers d'un « langage sms wesh » (qui y est d'ailleurs gentiment dénoncé), et universelle – en effet, Internet concerne tout le monde, et qui n'a pas au moins une fois été regarder ces fameux « sites de rencontre », ou connaît dans son entourage quelqu'un qui y est plus ou moins accro ou, mieux, qui y a réellement rencontré l'amour… ou la désillusion ? J'en profite pour souligner que Mo tient à coeur, aussi, de mettre en garde contre les (apparemment inévitables, hélas !) arnaques et autres dangers que l'on peut trouver sur la Toile, même quand c'est l'amour que l'on cherche… ; et elle donne même quelques pistes de solution (notamment en mentionnant la plateforme PHAROS) : c'est précieux.

    Toutes ces qualités ne pouvaient qu'interpeler la lectrice - certes bien un peu conquise d'avance - que je suis, car j'aime beaucoup la plume de Mo depuis ma découverte de « T'as qu'à maigrir », roman qui avait été un véritable coup de coeur. Pour mon grand bonheur, ce nouveau livre est de la même trempe, tout en proposant une intrigue complètement différente. Et, surtout, il sonne particulièrement juste car, indéniablement l'autrice y a laissé des petits bouts d'elle-même ; c'est sa plume mais aussi son coeur qui y parlent. Elle le laisse d'ailleurs entendre avec une certaine pudeur dans ses remerciements finaux, mais ce n'était même pas nécessaire, car réellement cette implication très personnelle se ressent tout au long de la lecture !

    Bon, puisqu'on me demande une critique, il faut relever quelques petites choses moins sympathiques. Quelques coquilles typographiques, et quelques fautes d'orthographe (et je ne parle pas de celles des échanges d'Adam avec sa première rencontre ! celles-là sont clairement voulues, et tellement représentatives de ce langage pseudo-moderne qui dénature la langue, mais suffisamment mises en relief, au point de faire sourire). En fait, je parle ici de la désormais « traditionnelle » confusion entre indicatif futur simple et conditionnel présent à la 1re personne du singulier… Ce livre contient plusieurs de ces fautes désormais récurrentes, mais finalement rien de bien grave, quand je me rappelle avoir également vu de telles fautes dans des corrections de devoirs de mon « petit dernier » (actuellement en 4e primaire / CM1), dans des manuels scolaires ou même dans des livres publiés à compte d'éditeur ! Peut-être est-ce une évolution de la langue française, qui finira par s'écrire autrement que l'orthographe actuellement en vigueur, mais qui semble de plus en plus poser problème, et partout ? En attendant ça me désole quand même un peu, et je veux bien participer à tes corrections, Mo, au moins sur ce point-là ! ;)
    Une autre petite chose, mais c'est plutôt un clin d'oeil : la version SP en Kindle ne contenait pas la photo de couverture, c'est pô juste ! J'aime beaucoup cette couverture, moi ; le mannequin qui illustre Adam est vraiment bien choisi !

    Je signale aussi un petit point, que je ne parviens pas à décider si c'est un plus ou à améliorer ? Il s'agit des deux histoires qui relatent les premières rencontres d'Adam et d'Ysé à la suite de leur inscription sur le site de rencontres. Alors, je le dis d'emblée, et c'est sans doute le plus important : j'ai bien aimé ces deux passages, particulièrement teintés d'humour (certes mitigé pour Ysé !). En outre, leur format assumé de « bêtisier » est original et fait sourire, avant même qu'on soit entré dans le vif de ces deux mini-rencontres un peu décalées ! Cependant, ce choix de les mettre en fin de volume, c'est moins facile à manipuler en ebook - et, sauf erreur de ma part, aucun lien n'y amène directement, il faut vraiment faire dérouler les pages. Ainsi, je crois que j'aurais apprécié découvrir ces deux histoires au moment même où elles ont eu lieu, ce que je me suis abstenue de faire à cause du format – je l'aurais sans doute fait plus spontanément avec un livre broché (ou poche), ou s'il y avait eu un lien (comme pour les notes de fin)! Une autre solution aurait pu être d'intercaler ces deux passages à leur place réelle dans le texte, même en les nommant encore « bêtisier » (vraiment j'adore l'idée !), quitte à jouer sur les polices de caractère, par exemple ? Je pense qu'il n'y a pas de solution idéale, et bien entendu je respecte à 100% le choix de l'autrice d'avoir fait ainsi ! mais voilà…

    Pour le reste, comme je disais, j'ai été tout à fait séduite par cette histoire tellement vraie et actuelle. Comme toujours, Mo met en scène des personnages travaillés, très humains avec leurs failles et leurs qualités, leurs doutes et leurs certitudes – ils sont « parfaitement imparfaits », en somme ! J'aime aussi le fait qu'ils sont toujours entourés d'une palette limitée mais précieuse et tout aussi travaillée de personnages secondaires qui aident à porter l'histoire : ce sont les amis – au sens très large : que ce soit la soeur jumelle pétillante, le meilleur ami pour Adam, ou l'amie-presque-soeur pour Ysé. Mais ce sont aussi les familles, plus ou moins dysfonctionnelles, mais où l'on se respecte et l'on s'entraide, même si c'est parfois maladroit ; et bien sûr les « ennemis » qui vont jouer leur petit rôle, notamment pour dénouer (ou pas) l'une ou l'autre situation.
    Les dialogues sont soignés, que ce soit dans les échanges, via le site de rencontres, entre Adam ou Ysé… ou leurs véritables joutes verbales à un certain moment !

    Il faut aussi relever que c'est une romance, vous l'avez compris, mais ce n'est jamais mièvre, et les quelques passages explicites ne tombent jamais dans un érotisme débridé, mais sont juste assez descriptifs pour que le lecteur se réjouisse que ce lien-là aussi fasse partie de la relation entre nos deux héros !
    En fait non, ce n'est pas une romance : c'est une véritable histoire d'amour, aux accents véridiques de notre temps, délicieusement imparfaite, mais toujours pleine d'espoir et d'une légèreté qui n'est pas de la mièvrerie ; c'est le reflet très actuel de deux âmes humaines, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs 90% de compatibilité et 10% d'incompréhension potentielle, qui se sont trouvées et vont apprendre à s'aimer. Une réussite !




    On regrettera plus tard d'Agnès Ledig,
    publié chez Albin Michel en 2016, lu en format ebook. Sympathique et lumineux malgré quelques défauts: 15/20

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    Synopsis : (c'est celui d'Amazon, car celui de la fiche BBM me laisse dubitative...)
    Cela fait bientôt sept ans qu'Eric et sa petite Anna Nina sillonnent les routes de France. Solitude choisie. Jusqu'à ce soir de juin, où le vent et la pluie les obligent à frapper à la porte de Valentine. Un orage peut-il à lui seul détourner d'un destin que l'on croyait tout tracé ?
    Avec la vitalité, l'émotion et la générosité qui ont fait l'immense succès de Juste avant le bonheur et Pars avec lui, Agnès Ledig explore les chemins imprévisibles de l'existence et du coeur. Pour nous dire que le désir et la vie sont plus forts que la peur et les blessures du passé.


    Mon avis :
    J'ai tout à coup décidé de lire ce livre pour un challenge, car il répondait à plusieurs critères… alors que je ne me rappelle même pas comment il est arrivé dans ma PAL – je subodore une offre Kindle, car je craque toujours pour l'un ou l'autre livre si le synopsis et/ou la réputation de l'auteur.e me parle.nt un tant soit peu. J'ajouterai à ça que je n'avais encore rien lu de cette autrice, pourtant prolifique et populaire, semble-t-il en effet.
    C'était une lecture sympathique, une découverte plaisante, malgré quelques traits qui ressemblent quand même un peu à des défauts.

    D'emblée, j'ai été soufflée de constater à quel point ce livre a pour base une histoire très semblable à celle de « L'incroyable voyage de Coyote Sunrise » de Dan Gemeinhart. Certes, cet auteur-là est américain, ici on a une Française. le héros de Coyote Sunrise parcourait les routes et autoroutes des États-Unis, avec sa fille de 13 ans, dans un bus scolaire aménagé ; ici, c'est dans une roulotte tirée par deux chevaux que le père, Éric, se déplace sur les routes de France, de préférence tranquilles, avec sa fille de tout juste 7 ans. Dans le livre américain, la « famille » du bus scolaire ne cesse de s'agrandir au fil des rencontres, donnant à la jeune Coyote l'occasion de rencontrer d'autres enfants et de découvrir les premiers émois de vraies amitiés ; ici, la « famille » de la roulotte cherche plutôt à éviter le monde, mais son arrêt forcé dans ce village où vit l'institutrice Valentine, va permettre à la petite Anna-Nina de découvrir les premiers émois de vraies amitiés… L'un est destiné à un public « jeunesse » ; celui-ci est clairement orienté « adultes », avec même quelques scènes de sexe très explicites (sans tomber dans de l'érotisme de bas étage pour autant, cela dit !). Mais surtout, les deux présentent un protagoniste homme adulte, dans une fuite en avant, entraînant sa propre progéniture dans celle-ci, soi-disant à la recherche du meilleur pour ladite progéniture sans se rendre compte qu'ils sont peut-être bien un peu « à côté », à cause d'une douleur insoutenable (la même, qui plus est ! même si elle ne s'est pas manifestée de la même façon) que personne ne devrait jamais connaître !

    En écrivant tout cela, je ne veux surtout pas laisser croire que j'imagine un quelconque plagiat d'un côté ou de l'autre ! Après tout, le thème est récurrent en littérature, et tout à fait normal puisqu'il fait (terriblement) partie de la vie. En revanche, j'ai été bien un peu surprise d'un traitement qui présente de nombreuses similitudes, même si finalement les voies empruntées par chaque histoire sont bien différentes. Mais surtout, ceux qui me suivent s'en souviennent peut-être : j'avais réellement adoré Coyote Sunrise, qui avait été un gros coup de coeur parmi mes lectures de l'année dernière – même si je ne lui avais finalement attribué « que » la note de 19/20. Dès lors, à mon corps défendant car je n'aime pas comparer, ce livre-ci ne pouvait que souffrir, d'une certaine façon, de la prééminence d'un rival très sérieux.

    Et donc oui, la plume est très agréable et fluide, facile à lire, tellement que j'ai eu fini ce livre en moins de deux jours. Cependant, je ne peux pas suivre les commentaires qui l'encensent sans modération : oui, on peut lire cette prose sympathique, même lumineuse, avec grand plaisir… mais ce n'est pas pour autant un sommet de la littérature ! L'autrice raconte une histoire de tous les jours avec des mots de tous les jours, point-barre. Certes, ainsi elle touche au coeur, mais c'est tout… et soyons juste : c'est déjà beaucoup ! alors savourons sans en faire des sommets.
    Ce que je lui reproche, justement, c'est de paraître parfois sur-travaillée. C'est dans les dialogues entre Valentine et son collègue et « meilleur ami » de toujours, Gaël, que ça m'a semblé le plus flagrant : leurs répliques s'enchaînent d'une façon ultra-maîtrisée, trop maîtrisée pour paraître tout à fait naturelle, si bien que, au bout d'un moment, on n'y croit plus tout à fait. Seuls des jumeaux monozygotes (et encore !), parlent ainsi, à rebondir instantanément sur une phrase de l'autre avec esprit et complet à-propos, à finir parfois même la phrase de l'autre, à sembler savoir ce qui se passe dans la tête de l'autre sans avoir besoin de mots ! Certes, l'autrice a beaucoup, beaucoup insisté sur la force de cette amitié, mais en l'occurrence ça a fini par devenir un peu trop…

    Quant à l'histoire et aux personnages, j'avoue que certains me laissent un peu perplexe… Valentine par exemple, évidente personnage principale féminine, traîne elle aussi des fêlures, dont une incapacité à garder un homme à ses côtés sans avoir la sensation d'étouffer. le problème, c'est que c'est dit, mais jamais réellement montré – j'aurais aimé, pourtant, que l'on relate une relation passée de Valentine qui aurait mal terminé, que son mal-être soit réellement « incarné », mais on n'aura jamais une telle anecdote. Par contre, l'autrice exprime ce mal-être de Valentine par une certaine hyperactivité : outre son métier de maîtresse d'école, notre protagoniste a des tas et des tas d'occupations : elle vit en quasi-autarcie de son jardin-potager entretenu avec son plus proche voisin, espèce de grand-père qui veille sur elle ; elle fait des conserves diverses et variées, elle fait de la poterie, etc., etc. Et alors ?? Je ne vois franchement pas ce qui « cloche » dans un tel portrait ! Avec d'autres activités, j'ai été moi aussi « hyperactive » pendant un paquet d'années de ma vie, mais ce n'est en aucun cas à cette époque (que je regarde désormais avec une certaine nostalgie) que j'étais mal dans ma peau ou incapable de construire une relation – d'ailleurs, c'est au coeur même de cette période que j'ai rencontré celui qui est devenu mon mari, et avec qui je suis toujours plus de 20 ans plus tard… Or, ici, on a vraiment l'impression que la prétendue hyperactivité de Valentine serait un symptôme de ses problèmes : c'est peut-être vrai dans certains cas, mais ça semble surtout un raccourci très réducteur… ou alors toutes les personnes qui ont toujours besoin d'être actives ont des problèmes psychologiques ?

    Je n'ai pas trop accroché au personnage de Gaël non plus… Certes, le meilleur ami masculin, dégoulinant de compréhension et de gentillesse, c'est sympa ; en revanche, je ne comprends toujours pas pourquoi l'autrice a eu besoin d'en rajouter de son côté à lui aussi. Dans ce livre, tout le monde a des problèmes, et avec Gaël j'ai eu le sentiment d'être carrément dans la surenchère. Son histoire d'amour-mais-pas-tout-à-fait avec une autre femme que la sienne, certes c'est quelque chose qui peut arriver et qui peut mettre un couple en danger, une situation potentiellement difficile où l'épaule d'un.e meilleur.e ami.e peut s'avérer très utile – et, en ce sens, c'est assez bien trouvé. Il n'en reste pas moins que ce délire pseudo-amoureux de Gaël s'apparente plutôt à une série de (longues) digressions qui ont fini par me lasser : oui, tout le monde a des problèmes dans la vie, mais fallait-il en ajouter autant et tout à la fois ? Au risque de me répéter : j'aurais préféré une histoire d'amour, même tout juste passée, qui aurait permis de comprendre Valentine autrement, plutôt que cette déferlante à la limite de l'adultère pour Gaël, qui par ailleurs n'apporte strictement rien à l'histoire principale d'Éric et de sa fille…

    Ce sont ces deux-là les plus vrais, les plus touchants, les plus réalistes aussi dans l'histoire. Éric est criant de vérité dans son deuil impossible, et dans sa lente évolution pourtant vers ce qui ressemble peut-être à un retour au bonheur. La petite Anna-Nina est quant à elle très attachante – certes, elle l'aurait été beaucoup moins si l'autrice en avait fait une petite fille à problèmes, colérique et/ou pas jolie par exemple, mais non : elle a fait le choix d'une petite fille ouverte, intelligente, vive d'esprit, qui présente de grandes facilités d'adaptation, et clairement plus « avancée » que ce que l'on attend de son âge. Soit, c'est son choix d'autrice, et ce serait dommage de le critiquer, car c'est surtout cette petite personnage bien campée et tout à fait plausible, elle aussi, qui apporte cette part de lumière dont est empreint tout le livre !

    Enfin, on ne peut pas ne pas parler de l'histoire de Suzanne… On comprend d'emblée que, malgré l'éloignement dans le temps, elle va finir par rejoindre d'une façon ou d'une autre l'histoire présente de Valentine ou d'Éric ; on devine même peu à peu qui ça peut être. Quant au « rôle » qu'elle joue dans la vie actuelle de Valentine, je ne sais pas jusqu'à quel point c'est acceptable d'un point de vue scientifique, on est un peu à la limite de la psychologie facile que l'on trouve habituellement dans les magazines féminins, mais en tout cas, tout se tient et les différentes parties de ce livre (à part Gaël, encore !) s'imbriquent pour une jolie résolution en forme de cliffhanger.

    Avec tout ça, l'autrice s'engage par moments sur des chemins qui s'apparentent à du développement personnel – un genre que je n'aime décidément pas, mais qui semble un gage de succès dans la littérature actuelle ! Cependant, ici, ça reste toujours léger, avec des images simples qui font sourire – je crois bien que je n'éplucherai plus jamais mes carottes de la même manière ! Et surtout, l'autrice se moque gentiment d'elle-même, à travers la voix de Valentine (sa narratrice pour les épisodes la concernant), aux 61% de l'ebook : « La méditation par l'argile. Je devrais écrire un livre de développement personnel. Et comme ça marche aussi avec la guitare ou le potager, je pourrais faire toute une collection ! » Vraiment, j'adore cette autodérision, qui plus que tout, m'a réconciliée avec les quelques réserves que j'avais pour ce livre !





    Le bâtard de Kosigan, tome 1 : L'ombre du pouvoir de Fabien Cerutti,
    publié chez Mnémos en 2014, lu en version GF. J'ai bien aimé: 16/20.

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    Synopsis : Le chevalier assassin, Pierre Cordwain de Kosigan, dirige une compagnie de mercenaires d’élite triés sur le volet. Surnommé le « Bâtard », exilé d’une puissante lignée bourguignonne et pourchassé par les siens, il met ses hommes, ses pouvoirs et son art de la manipulation au service des plus grandes maisons d’Europe.
    En ce mois de novembre 1339, sa présence en Champagne, dernier fief des princesses elfiques d’Aëlenwil, en inquiète plus d’un. De tournois officiels en actions diplomatiques, de la boue des bas fonds jusqu’au lit des princesses, chacun de ses actes semble servir un but précis.
    À l’évidence, un plan de grande envergure se dissimule derrière ces manigances. Mais bien malin qui pourra déterminer lequel…


    Mon avis :
    Voici un livre dont j'avais déjà beaucoup entendu parler, et qui m'avait été l'une ou l'autre fois proposé en lecture commune, mais que je n'avais encore jamais réussi à caser dans mes listes de lectures mensuelles… Il aura fallu que l'auteur soit tout à coup le « champion » du mois dans le cadre du Challenge Mauvais genre (sur Babelio, je n'en ai pas encore assez ici =D ) pour que je me décide enfin à me risquer à cette découverte ! Et, si je ne ressens pas l'engouement extraordinaire que l'on m'avait promis, au moins je ne suis pas déçue – du tout.

    Tout le roman joue sur deux temporalités, entre lesquelles le lien restera ténu du début à la fin, ne tenant qu'à un patronyme, mais surtout à beaucoup d'inconnues qui ne cessent de titiller l'intérêt.
    On a d'une part l'action principale, dans un moyen-âge imaginaire – on est en l'an 1339 – mais décrit de façon tellement réaliste et, surtout, plausible, que l'on n'a aucun mal à se sentir immergé dedans ! Certes, il semble qu'il y ait plus d'une inexactitude historique : c'est ce que disent plusieurs commentaires… et l'auteur lui-même évoquera quelques anachronismes ou même irréalismes à un certain moment du livre – mais en dire plus serait du spoil ! Cela dit, à moins de s'y connaître suffisamment dans cette histoire des influences de pouvoir, de la taille des différents comtés, duchés et autres royaumes, à cette période précise du XIVe siècle, on n'y verra que du feu. Mieux : l'auteur parvient à rendre cette histoire tellement passionnante que l'on aurait même envie de se plonger ensuite dans l'un ou l'autre ouvrage plus érudit (dans le sens de : moins fictionnel) sur la même période !

    On rencontre ainsi ce fameux Bâtard, titre peu flatteur s'il en est, mais dont il joue avec un esprit qui ne se dément jamais. On l'a compris : fils bâtard d'un noble bourguignon qui l'a reconnu par amour pour sa belle, il est devenu indésirable à la mort de ce père même pas aimant pourtant… mais au moins il a été instruit, tant aux usages de cour qu'aux armes, et vit désormais comme chef d'une petite bande de mercenaires, qui offre ses services au plus offrant – quitte à trucider celui qu'il servait la veille encore, si ainsi le veut sa nouvelle alliance. Dans l'histoire présente, qui prend son temps mais pas trop pour se mettre en place, c'est le riche Comté de Champagne, convoité tant par les Français que par les Bourguignons, qui fait l'objet de tous les complots, car la comtesse doit officiellement, à l'occasion de l'anniversaire de la mort de feu son mari, lier la vie de sa fille et unique héritière à l'un de ces deux partis à la limite de la guerre…
    Mercenaire sans maître, apparemment sans foi ni loi mais qui se distingue quelque peu par le fait qu'il tient réellement à ses hommes (ce qui est montré quelquefois au cours de l'histoire), se jouant des alliances mais honorant toujours ses contrats souvent au risque de sa vie (en permanence même), rusant et trichant dès qu'il l'estime nécessaire, ce Bâtard est à la limite du anti-héros. Pour moi, il n'a pas été attachant… mais il parvient néanmoins à créer un sentiment d'inquiétude (entre autres) : on a quand même envie qu'il s'en sorte, et qu'il parvienne au bout de ce contrat qui le rendrait presque sympathique. Il se retrouve bien entendu dans toute une série de situations rocambolesques et/ou désespérées, dont il se sort toujours sans que l'idée de douleur soit jamais minimisée, mais toujours avec vaillance et courage – on est parfois à la limite du super-héros, à vrai dire ! Et puis, on ne peut s'empêcher de penser, avec un petit recul, qu'après tout il n'est « que » mercenaire, choix de vie ou même de survie, tandis que ses nombreux détracteurs, son propre oncle en premier lieu, ne rêvent que de le voir disparaître. Un choix de vie contestable peut-être, mais qui est de fait à la solde des grands de ce monde, des « grands » donc, qui ont fait l'Histoire à coups de meurtres et autres fourberies – on le sait, mais ici c'est en quelque sorte rappelé d'une façon qui sonne trop vrai pour être discutable, et qui laisse bien un peu pantois.

    Raconté ainsi, on croirait que ce livre relève du genre « de cape et d'épée », tout simplement, mais c'est bien plus que ça : l'auteur a créé un monde où sont encore présents les « Peuples anciens » - il y en a toute une série, je ne suis pas assez connaisseuse pour tous les citer sans risque d'erreur, mais on reconnaît notamment des Elfes ou un « Humal léonin » (homme à tête d'animal, en l'occurrence ici un lion), mais il est aussi fait mention (sans qu'on les croise) de Nains, d'Orcs etc., toutes les figures connues de la high fantasy. La grande réussite ici, c'est que ces différents personnages s'intègrent parfaitement à l'histoire, de façon tout à fait naturelle, comme s'il était tout simplement normal que les humains cohabitent (plus ou moins) paisiblement avec ces différents Peuples – en perte de puissance toutefois, car on comprend très vite qu'ils sont pourchassés par l'Église, et certainement par la Papauté d'Avignon ou l'Inquisition, tandis qu'ils sont tolérés sur quelques terres encore, dont le fameux Comté de Champagne…
    Bien évidemment, le Bâtard respecte ces gens avec un naturel désarmant, dans la mesure où ils ne lui cherchent pas noise, et certainement davantage que bien d'autres de ses contemporains, ce qui lui ajoute une indéniable touche de sympathie. Et inutile de dire que cette intégration de personnes un peu trop « différentes », alors tellement contestée par certains au nom de la religion ou n'importe quel autre prétexte, résonne particulièrement en nos temps de repli identitaire marqué, où l'on voit l'Occident voter très à droite sans sourciller depuis plusieurs années désormais, dans un rejet de plus en plus systématique de « l'autre », à peine détrompé par l'accueil actuel à bras ouverts de tout le peuple d'Ukraine (et tant mieux !), peuple bien caucasien il est vrai…

    D'autre part, pour revenir sur la double temporalité citée plus haut, nous sommes en toute fin du XIXe siècle, et suivons la correspondance d'un certain Kergaël de Kosigan, jeune Français en exil en Grande-Bretagne pour une raison qui est d'abord inconnue et qui ne sera jamais qu'évoquée. Kergaël se rend précipitamment à Paris malgré le danger potentiel qu'un tel voyage représente pour lui, car cet ancêtre dont il n'avait jamais entendu parler, lui a adressé un héritage conséquent et bien un peu mystérieux à travers les âges… Paradoxalement, Kergaël restera bien plus insaisissable que son mercenaire d'aïeul, mais on sait que plusieurs tomes suivent !

    Cela m'amène à soulever aussi que Fabien Cerutti a su recréer un style qui « fait historique » : le niveau de langage est clairement assez élevé, tout en restant fluide et parfaitement abordable, avec un petit tour volontairement vieilli pour mieux servir l'histoire. Toutefois, les puristes pourraient regretter que l'auteur n'ait pas été au bout de cet énorme travail sur la langue. En effet, si son langage se distingue bel et bien de ce qu'on trouve en littérature contemporaine actuellement, en revanche, on ne voit que peu de différences entre la narration autour du Bâtard d'une part, et les lettres de Kergaël d'autre part, malgré les 560 années qui les séparent ! Pourtant, on ne s'exprimait pas de la même façon au XIXe qu'aujourd'hui, mais encore moins qu'au XIVe siècle, et la non-différenciation du langage entre ces deux époques bien éloignées aurait pu paraître regrettable…
    Mais là aussi, à mon sens, l'auteur a veillé au grain, en introduisant malgré tout des distinctions, autant de forme que de fond. Ainsi, l'histoire du Bâtard en 1339 s'écrit du point de vue d'un narrateur extérieur focalisé essentiellement sur notre pas-tout-à-fait-héros, avec parfois une petite déviation sur l'un ou l'autre de ses proches ; tandis que les découvertes de Kergaël en 1889 ne nous sont relatées qu'à travers des lettres de sa plume, la plupart adressées à un ami que l'on devine très proche, et toujours présentées en italique. Par ailleurs, il joue sur le registre du vocabulaire : les parties moyenâgeuses sont parsemées de références – en notes de bas de page, juste assez pour donner une allure d'autant plus sérieuse à l'histoire, mais juste pas trop pour ne pas décourager le lecteur lambda pour qui ce serait rédhibitoire – portant sur les armes de l'époque, notamment, mais aussi ces Peuples anciens par exemple, ou des détails historiques sur l'un ou l'autre protagoniste. Les parties plus récentes de Kergaël, quant à elles, ne contiennent aucune note de bas de page, mais des références évidentes aux nouveautés de l'époque : on notera par exemple l'étonnement mêlé d'enthousiasme de Kergaël quand il découvre la tour Eiffel, ou son intérêt pour les nouvelles méthodes d'investigation telles que la reconnaissance des empreintes digitales, …

    Bref, c'est un véritable tour de force langagier… même si l'auteur y a apporté une petite touche de ruse, parfaitement à l'image des méthodes de son Bâtard !
    On regrettera juste deux fautes d'orthographe – deux que j'ai repérées en tout cas, en espérant qu'il n'y en avait pas d'autres – assez malheureuses, car elles brûlent les yeux, pour un livre publié à compte d'éditeur, qui a priori devrait avoir une armée de correcteurs et éviter ce genre de désagrément ! Ainsi, à la page 170 de l'édition brochée de 2014, on peut lire (je cite) : « C'est un imbécile, grossier et imbus (sic) de lui-même » - imbu s'écrit pourtant sans s final, au masculin singulier !; ou à la page 196 : « Il laisse sa phrase en suspend (sic) quelques secondes (…) » - dans l'expression en suspens, c'est pourtant bien un s qu'il faut en fin de mot, et pas un d comme dans la conjugaison du verbe suspendre !
    Sachant que j'ai acheté ce livre en édition originale en occasion, je ne peux qu'espérer que les éventuelles réimpressions ultérieures de ce livre, ou la version poche plus récente, auront corrigé ces erreurs.

    C'était donc une lecture bien agréable, à cheval sur deux temporalités, dont une réelle immersion dans un monde moyenâgeux teinté de high fantasy, qui n'en reste pas moins aussi réaliste que plausible malgré de probables anachronismes. le niveau de langage est soutenu et, de plus, joue sur la typographie ou sur un vocabulaire spécifique pour « faire historique », tout en distinguant deux époques éloignées autant entre elles que de la nôtre. Je ne suis pas archi-certaine de lire la suite, d'autant plus que l'auteur a eu la bonté de terminer sur une note qui clôture joliment ce tome, tout en laissant clairement à la porte ouverte à une suite… On verra bien !

  • Marine Mamina

    Modératrice

    Hors ligne

    #212 31 Mars 2022 17:24:52

    Coucou,

    Merci pour tes avis :)

    Cela me donne envie de me pencher sur le travail de Mo Gadarr ;)
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #213 10 Avril 2022 23:39:17

    Hello!

    Il est temps que je vienne vous présenter la suite de mes lectures, et encore: aujourd'hui ce ne sera que partiel, car je suis en train de terminer une trilogie, dont je vous présenterai les trois tomes en une seule fois.
    Bref, voici sans attendre:

    Terra Nullius de Victor Guilbert,
    publié chez Hugo Thriller en 2022, lu en version GF. Bilan mitigé: 14/20.

    <image>

    Synopsis : Hugo Boloren a perdu la bille. Celle qui l'accompagne dans ses enquêtes et qui fait "ding" pour le mettre sur la bonne piste. Alors il erre dans le commissariat, neurasthénique, au grand dam de Lulu la stagiaire. Même ses carrés de chocolat échouent à le remettre d'aplomb. Il est temps de changer d'air. Justement, le commissaire Grosset a obtenu pour la mère d'Hugo un rendez-vous dans la clinique lilloise d'un spécialiste de la maladie d'Alzheimer. La veille du départ, Boloren apprend qu'un garçon d'une dizaine d'années, Jimcaale, vient de se faire agresser dans une immense décharge publique coincée à la frontière franco-belge et jouxtant un étonnant camp de laissés-pour-compte. L'instinct d'Hugo lui murmure d'aller jeter un œil à cette intrigante Terra Nullius, un territoire sans maître ; sans se douter que l'attend là-bas l'affaire criminelle la plus sordide de sa carrière.

    Mon avis :
    Je remercie les éditions Hugo et Babelio pour l'envoi de ce livre à l'occasion d'une Masse critique privilégiée. Ceux qui me suivent le savent : j'avais eu la surprise de découvrir que ce livre est en réalité un 2e tome dans la série mettant en scène l'inspecteur de police Hugo Boloren. Dès lors, j'avais eu à coeur de lire d'abord (et tout récemment) « Douve », que j'avais trouvé plutôt sympathique, mais je n'avais pas été excessivement enthousiasmée.
    Pas de chance : ce nouvel opus ne m'a pas plu davantage, peut-être même encore un peu moins…

    Je parlais de « Douve » comme du livre créateur d'un genre qu'on aurait pu appeler le « cosy thriler » ; ici, il n'en est plus rien, on peut enlever le côté cosy tout de suite ! C'est que l'ambiance proposée est nettement plus sombre, plus glauque… ou peut-être, tout simplement (mais c'est beaucoup) tellement plus immersive que, cette fois, c'est réussi (contrairement à la forêt de sapins de Douve, qui n'a jamais eu l'effet escompté sur moi) et on y croit tout à fait ? En tout cas, on entend réellement les vieux déchets électro-ménagers et autres grincer sous l'effet de leur affaissement progressif, phénomène accéléré par la canicule ambiante. On devine l'odeur insoutenable et on est bien content que les livres ne soient pas réalistes au point de nous mettre de telles odeurs dans le nez ! En outre, malgré la chaleur ambiante qui est répétée encore et encore, on est glacé de découvrir qu'un tel campement de laissés-pour-compte puisse exister dans nos pays dits civilisés, un campement à l'image de ce qu'on a pu voir à Calais par exemple, mais ici le côté sordide est amplifié par la proximité de cette décharge inhumaine qui sert pourtant de jardin à quelques enfants sans avenir, ou par le fait que, tous malheureux que soient ces habitants, ils sont organisés en une mini-société hiérarchisée, où une vraie Française, vivant aux crochets de la sécurité sociale, est devenue « reine »…

    Certes, on se pose des questions sur cette décharge. On sait que de tels lieux existent, on se demande (comme quelques-uns des personnages plus ou moins secondaires du roman) comment elle peut continuer à se maintenir, on s'interroge sur l'emplacement exact où elle peut bien se trouver, comme Hugo lui-même, sauf que ce sera éludé jusqu'à la dernière ligne ! C'est qu'il est question de la frontière belge… mais elle se trouve (pour le plus court chemin, vers Baisieux à l'est) à une vingtaine de kilomètres de Lille, où a lieu le principal de l'action ; or Hugo s'y rend le plus souvent en taxi sans jamais noter que le trajet dure une vingtaine de minutes (voire une trentaine, s'il va vers Comines, à l'ouest) par l'autoroute ; j'ai vraiment eu l'impression que ça se trouvait aux environs immédiats de Lille, je ne sais qu'en penser... En outre, on comprend très vite que plusieurs des habitants de cette décharge sont arrivés là après avoir renoncé à tenter de rejoindre l'Angleterre. On est pourtant à plus de 70 km de la mer… étrange idée que tous ces gens se soient rassemblés si « loin » (ou pas ?) de l'objet initial de leur désir ?
    Tout cela pour dire : j'ai eu l'impression que l'auteur avait juste envie de placer son intrigue dans ce Nord devenu mythique depuis les Ch'tis (tiens, les revoilà ! cf, encore, mon commentaire sur "Douve"), et a inventé cette décharge à la frontière franco-belge pour accentuer peut-être ce côté glauque entretenu par la cécité bien pratique de nos deux démocraties – au moins il n'a pas passé son temps à se moquer de la Belgique, tout au plus les autorités de mon pays s'amuseraient à éloigner la frontière de quelques pas pour que cette décharge reste bien en France : sérieusement ?

    Pour le reste, l'auteur applique à nouveau une partie des recettes qui avaient fait le succès du premier opus, et notamment ce « comique de répétition » qui, ici, sert réellement à assurer cette part de légèreté qui, autrement, manquerait terriblement. Il y a à nouveau un truc autour de la première gorgée de bière, qui n'est plus mise en exergue comme dans Douve, mais à chaque fois que l'un des protagonistes la boit, on a l'impression d'avoir un petit arrêt sur image, le temps qu'il la savoure, et puis seulement l'histoire peut reprendre !
    Et puis, tant qu'à rester dans la bière, il y a (je cite, je crois qu'on en parle pour la première fois à la page 108) : « "Bière de Snick, la lambic authentique qui tombe à pic" est inscrit en lettre rouges sur les verres. La serveuse zélée précise à mon intention qu'en vrai, c'est pas une lambic, c'est pour la rime. » Eh bien, croyez-le ou non, cela va revenir en leitmotiv tout au long du livre, notre Hugo s'avérant grand consommateur de cette bière qu'il apprécie, dont il abuse à plus d'une reprise, et toujours avec ce petit refrain. le seul petit problème, finalement, c'est que ça fera peut-être rire le lecteur lambda… tandis que ça devient très vite irritant pour ceux qui s'y connaissent un peu, dont je me targue de faire partie (juste un peu, disais-je, mais suffisamment). Et donc, je ne suis pas certaine que la bière Snick existe ; mais en aucun cas, si elle est brassée dans le Nord comme le laisse entendre l'auteur, elle ne peut être de type « lambic » ! cette dernière étant une spécialité propre à Bruxelles et à ses environs, produite exclusivement dans la vallée de la Senne – la rivière qui traverse Bruxelles donc, en grande partie voûtée depuis les grandes épidémies d'autrefois, mais il y aurait « quelque chose » dans l'air qui fait cette bière particulière… et inégalable où que ce soit ailleurs, même chez nos proches voisins de Lille ! Malheureusement, si l'auteur précise (et répète à l'envi) que sa fameuse Snick n'est donc pas une lambic, il ne précise jamais exactement pourquoi, restant là aussi dans l'élusion…

    Bon, je ne veux évidemment pas faire tourner tout mon commentaire autour de cette frontière franco-belge et de la bière pas-lambic (car pas-belge), mais ceux qui me suivent savent que je suis sensible dès qu'il s'agit de mon pays vu par des yeux français, et là j'apprécie que l'auteur ait réussi à ne froisser personne, tout en regrettant qu'il ait activé à cette fin un certain art de l'esquive… si bien que ça apparaît finalement comme une occasion manquée.

    Cela dit, ce n'est pas pour cette raison-là que ce livre m'a moins plu que le précédent. C'est plutôt, malheureusement, à cause de son personnage principal ! À nouveau il m'a paru lisse, un anti-héros qui se laisse porter par les événements, par les quelques femmes qui l'entourent, par ses collègues, et plus que tout par sa fameuse « bille » qui est devenue bien centrale dans cet opus-ci ! Il ne s'agit plus seulement de son flair de policier vu de façon imagée, mais presque d'une part de lui, qui va d'ailleurs valoir des analyses pseudo-psychologiques de la part de ses collègues – peut-être avec raison, d'ailleurs, car en attendant que sa bille revienne (car elle est partie !?), il n'est guère actif le Hugo, et il faudra un retournement vraiment désolant pour que tout à coup il se décide à s'activer « avant le "ding" de sa bille » !
    Le 4e de couverture parle d'un « héros désenchanté à souhait » - mais pour moi ce n'est pas ça ! Un Adamsberg est désenchanté, un Servaz est désenchanté, mais au moins ils se bougent ! Ici, Hugo Boloren est réellement neurasthénique, comme le dit ce même 4e de couverture, et dès lors il erre sans but, sans efficacité, comme vidé de toute substance ! Déjà qu'il n'est pas dépeint comme un héros très actif… je n'accroche décidément pas !

    Et comme si ça ne suffisait pas, on a la résolution finale, dans cette forme qui m'insupporte dans les romans policiers : le super-enquêteur (tu parles !) rassemble tout le monde en un lieu précis (ici, bien sûr, à la décharge) et reconstitue ce qui s'est réellement passé, en toute fin de volume. Ce qui est gênant dans ce choix, c'est que ça paraît assez artificiel, mais surtout, si certains éléments de cette résolution s'emboitent parfaitement dans les différents puzzles qui ont été créés, avec cette surprise mêlée de compréhension que le lecteur peut ressentir dans un bon thriller, ici on a aussi toute une série d'éléments (dont certains décisifs) qui sortent tout à coup du chapeau de l'auteur, qui n'ont en rien été évoqués ; au mieux, certains avaient été vaguement, à peine effleurés au passage pour certains, mais même pas tous… Et avec tout ça, Hugo Boloren fait une grosse soupe qui résout tout, donnant une longue explication dont j'ai décroché avant la fin, autant par lassitude que par énervement, ce sentiment que l'auteur prend son lecteur bien un peu pour un con – désolée pour l'expression.
    Hugo conclut tout cela en admettant qu'il n'est pas un aussi bon flic que certains de ceux qu'il a croisés à Lille (ce qui est tout à fait vrai), et qu'il va démissionner : effet classique dans tant et tant de séries policières, où le pseudo-héros flic bousculé décide de tout laisser tomber, et puis revient quand même dans un épisode suivant… Ainsi, je ne sais pas trop quoi comprendre : l'auteur annonce-t-il que la série Hugo Boloren s'arrête là, ou bien est-ce juste pour faire un effet ? Je ne sais même pas trop quelle option je préférerais…

    En effet, malgré tous ces points qui oscillent entre intérêt, sourires, irritation, et lassitude – ce qui donne un bilan un peu mitigé -, je retiens aussi quelques passages magnifiques ! Tout ce qui tourne autour du petit Jimcaale, qui a grandi dans cette décharge et qui y trouvera une mort violente, c'est extrêmement touchant… et même si l'auteur insiste bien sur la mort cérébrale du gamin, dès le début du livre, comme Jimcaale reste « branché » le temps de l'enquête, on a vraiment envie qu'il ressuscite tout à coup ! Ou bien, la lente acceptation d'Hugo de la maladie (d'Alzheimer) de sa mère, et le besoin de l'accompagner dans cet hôpital spécialisé où il est trop conscient qu'elle terminera probablement ses jours, en se perdant dans les méandres d'une mémoire qui ne fonctionne plus, c'est terriblement touchant car hélas tellement réaliste, et la façon dont l'auteur présente les choses résonne avec une grande justesse.





    Les aventures d'Ulysse Vidal, tome 1 : La dernière crypte de Fernando Gamboa,
    autoédité en 2020, lu en version ebook (dans le cadre de mon abonnement Kindle). Une aventure au rythme endiablé mais trop d'invraisemblances: 12/20.

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    Synopsis : Ulysse Vidal, plongeur sous-marin et globe-trotter, met la main sur une vieille cloche en bronze, enterrée dans un récif corallien de la mer des Caraïbes, devant les côtes du Honduras.
    Avec l’aide de son ami, le professeur médiéviste Eduardo Castillo, ils découvrent que l'étrange objet aurait une origine impossible… à moins que tous les livres d’histoire ne fassent erreur.
    Décidés à tirer au clair ce mystère, ils se lanceront dans une quête trépidante – à laquelle se joindra l’archéologue Cassandra Brooks – qui mènera notre trio en Espagne, en Afrique et en Amérique Centrale.
    Ils risqueront leur vie à de multiples occasions pour débrouiller les écheveaux d’une énigme après l’autre, jusqu’à élucider enfin le secret transcendantal demeuré occulte au cœur de la jungle mexicaine pendant près de sept siècles...


    Mon avis :
    Ce livre est décidément une histoire aussi prenante que lassante ! Je m'explique : je l'ai commencé il y a plusieurs mois et me suis alors arrêtée à 25%, je ne sais plus trop pourquoi. J'envisageais pourtant de le reprendre, je croyais que c'était juste une pause, mais qui a duré si longtemps que, après seulement quelques pages de la suite de ma lecture, je me suis rendu compte que j'avais tout oublié. Dès lors, j'ai repris depuis le début et cette fois, j'ai passé les 25% sans souci (et sans me rappeler pourquoi j'avais alors « calé »), pour finalement arriver à un peu plus de 60%, où je suis à nouveau restée plusieurs jours sans plus avoir envie de bouger. Mais bon, j'avais dépassé la moitié, ça aurait été bête d'en rester là, j'ai donc poursuivi jusqu'au bout…

    On est dans une aventure que plusieurs ont comparée à Indiana Jones (dont je n'ai que de vagues souvenirs) ou à un Da Vinci Code (que je n'ai jamais lu, donc pour moi ça ne sert à rien), mais en tout cas c'est indéniablement un récit d'aventures qui nous mènent à travers le globe (dans les Caraïbes, dans les Canaries, au Mali, au Mexique ou au Guatemala, avec plusieurs fois des « pauses » en Espagne), à la recherche d'un trésor incroyable que les Templiers auraient transporté jusque dans le Nouveau Monde par bien des détours. Nos trois héros vont de découverte en découverte, et chaque nouveau pas les mène dans des situations tout à fait rocambolesques, pleines de péripéties et de rebondissements. Avec ça, le « grand méchant » de service, que nos héros ont eux-mêmes convoqué en début de livre mais à qui ils vont vite fausser compagnie, réapparaîtra assez tard dans l'histoire quand on ne s'y attend plus, tandis que 1.001 obstacles inattendus, certains potentiellement mortels (et alors on tue sans états d'âme, sous prétexte de se défendre), ne cessent de survenir.
    Indéniablement, c'est rythmé, on ne s'ennuie pas ni ne se repose jamais réellement. Mais est-ce suffisant pour en faire un bon livre ?

    Les personnages sont sympathiques mais caricaturaux, et je ne me suis attachée à aucun d'eux. Ulysse est le narrateur : la trentaine, moniteur de plongée et globe-trotteur, il va là où le vent le mène, sans attache à part un appartement à Barcelone et sa mère dans la même ville ; il refuse sciemment de vivre une vie « classique », c'est tout à fait assumé mais ça donne parfois l'impression d'un manque de maturité, accentué par son caractère souvent sanguin. Le professeur Castillo, spécialiste en histoire médiévale et ancien ami du père (décédé) d'Ulysse, va se retrouver mêlé à l'histoire car Ulysse a besoin de ses lumières sur la découverte d'un objet historique qu'il a transporté jusqu'en Espagne dans l'illégalité la plus totale. La jeune Cassandra, enfin, archéologue mexicaine et également plongeuse, travaille au départ pour un richissime homme d'affaires américain (le fameux « méchant » de l'histoire), et surtout pilleur de trésors archéologiques… ce qu'elle finit par ne plus supporter, tout à coup, lorsqu'elle rencontre d'Ulysse et du professeur, pour mieux se lancer dans cette aventure avec eux, qui s'apparentera elle aussi à un indéniable pillage, pourtant !
    Eh oui, on n'est pas à une contradiction près, c'est l'aventure qui prime très nettement, au mépris de toute considération de respect des héritages archéologiques…

    En outre, l'auteur prend de très grandes libertés avec la vraisemblance historique. Ainsi, on est dans de l'action en continu, mais on n'apprend rien. Pire : on finit par se rendre compte que l'auteur raconte n'importe quoi pour plier certains faits historiques à son roman. Au début pourtant, on lit ce livre avec la tentation de se laisser persuader que, oui, les événements expliqués sont tout à fait plausibles… Par exemple, que les Amériques aient été « découvertes » bien avant Christophe Colomb, c'est connu depuis un moment – cependant, l'auteur ne parle pas des Vikings qui y seraient arrivés par le nord, mais fabule autour des Phéniciens qui auraient ensuite caché leur découverte tout en laissant des traces codifiées à l'adresse d'initiés, ou les Templiers donc… On ne peut s'empêcher de se demander : et si c'était vrai ?
    En même temps, on n'ose pas tout à fait y croire, on se dit que cette histoire est un peu trop survitaminée pour être tout à fait honnête…

    Et puis, j'ai définitivement abandonné tout espoir de vraisemblance historique quand nos héros arrivent dans la jungle amazonienne : l'auteur fait alors une grosse soupe des mythes mayas, aztèques et toltèques, tout en les attribuant tous aux Mayas (puisque nos protagonistes sont alors dans le Chiapas, à la frontière guatémaltèque) ; il mélange allègrement les divinités et leurs attributions, en ne gardant que de très loin le fil historique réel. Ce n'est pas que je m'y connaisse énormément sur tout ça, mais bien davantage que sur les mythes autour des Templiers. C'est que j'ai toujours été intéressée par les civilisations précolombiennes, et plus encore depuis quelques voyages au Mexique : ainsi, je n'ai pu que « tiquer » sur ces libertés que prend l'auteur pour que son histoire se poursuive malgré tout… L'enchantement potentiel du début était définitivement rompu !

    Quant aux autres défauts, le plus évident est que la traduction est lamentable ! On trouve plusieurs fautes d'orthographe, des fautes récurrentes de conjugaison (dont la désormais traditionnelle confusion entre conditionnel présent et indicatif futur à la 1re personne du singulier), mais le plus énervant sont les fautes de pure traduction qui sautent aux yeux sans même avoir la version espagnole originale sous les yeux ! L'exemple le plus flagrant, qui est revenu à plusieurs reprises, est la traduction du verbe « asumar », le même que « to assume » en anglais : en français, c'est un faux ami, qui ne se traduit jamais par « assumer » (qui a une toute autre signification), mais bien par « supposer », ce n'est pas pareil ! Or, la traductrice est tombée dans le panneau à chaque fois… et franchement, si ça passe au nom du franglais de plus en plus répandu dans certains milieux, moi ça me choque, surtout quand c'est servi encore et encore. (Si vous ne me croyez pas, je vous suggère d'aller vérifier la définition de ces différents verbes au dictionnaire : vous verrez que « assumer » et « supposer » en français ne sont pas des synonymes ! ou bien consultez ceci : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9fin … assumer%20 – j'aime la méfiance de nos amis canadiens face à de tels anglicismes malvenus !)

    Dans la même veine, j'ai relevé avec irritation un autre élément, qui n'est peut-être pas une erreur de traduction en tant que telle, mais c'est clairement une méconnaissance de ce dont on parle : le Quetzalcóatl, divinité toltèque reprise par les Aztèques, ici attribuée aux Mayas comme indiqué plus haut, est systématiquement mal écrit, en l'occurrence Quetzalcoalt (sic – eh oui, en inversant le T et le l'finaux). La traductrice n'a-t-elle donc pas pu vérifier ? le Quetzalcóatl est pourtant une des divinités les plus connues des panthéons toltèque et aztèque ! et quand on traduit un livre de l'espagnol vers le français, avec des passages en Amérique latine, la moindre des choses est de vérifier un tel nom propre, mais ça n'a visiblement pas été fait… Certes, la première fois, j'ai voulu croire à une faute typographique, hélas ça revient systématiquement, et ça pique les yeux !

    Je ne peux donc pas dire que j'aie passé un bon moment avec ce livre, mais indéniablement on se laisse prendre par son rythme endiablé et ses nombreux rebondissements, même si on y croit de moins en moins tant la vraisemblance historique est malmenée. Je suis néanmoins satisfaite d'avoir tenu ma décision d'aller jusqu'à la conclusion, tellement improbable cependant qu'elle a achevé de me convaincre que je ne lirai pas la suite.





    Je peux tuer qui je veux de Marie-Claude Aristégui,
    publié aux éditions Moissons Noires en 2020, lu en version ebook proposée par Boobox. Déroutant mais jamais ennuyeux: 14/20.

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    Synopsis : "Je peux tuer qui je veux. Croyez-moi, c'est bien agréable."
    Cette plaisanterie d'un goût douteux va bouleverser la vie de son auteur, Nicolas Villandry. Le médecin palois est romancier à ses heures. Alors, quand au lendemain de sa causerie dans un village sans histoire, un homme est poignardé devant son hôtel, il va se retrouver malgré lui au cœur de l'enquête. D'autant qu'un corbeau lance les gendarmes sur la piste d'un passé enfoui, que le polar de Villandry vient justement de ressusciter...

    Mon avis :
    Une découverte Boobox.
    Nicolas Villandry, médecin sexagénaire vivant et exerçant à Pau, amoureux de sa ville et de sa région, écrit des polars à ses heures perdues. Son dernier en date, « Caldène », inspiré de faits réels survenus alors qu'il était enfant, a reçu un bon accueil, si bien que Nicolas est invité à diverses séances de dédicaces. C'est dans la petite ville (imaginaire, semble-t-il) de Lescarrat que, en réponse à une question du public, il dit sans arrière-pensée en parlant de ses personnages : « Quand j'écris, (…), je peux tuer qui je veux. Croyez-moi, c'est bien agréable. » Malheureusement, cette plaisanterie n'est pas du goût de tout le monde… et prend un tour particulier lorsqu'un autre résident de l'hôtel où il a passé la nuit, est retrouvé mort d'un coup de couteau en pleine rue le lendemain matin. de plus, très vite, plusieurs lettres anonymes viennent établir un lien potentiel entre le roman de Nicolas et l'affaire présente…

    Avant d'entrer dans le vif de mon commentaire, je déplore la mise en page lamentable de ce livre – qui n'est certainement pas du fait de l'autrice, mais c'était quand même très pénible ! et je ne peux passer à côté. En fait, les chapitres, les phrases et même les mots ont été découpés pour une certaine mise en page (celle du broché, je suppose), qui n'a ensuite pas été adaptée au format électronique – dans lequel j'ai donc lu ce livre. Ainsi, il y a sans cesse des mots qui apparaissent « coupés », c'est-à-dire avec ce tiret que l'on met quand on arrive en bout de ligne, pour signifier que le mot se poursuit sur la ligne suivante… sauf que ça n'a aucun sens dans un format électronique, quand les mots ne sont plus du tout coupés (si ce n'est par ce tiret désormais inutile !), et que le texte est théoriquement justifié.
    Oh ! ce n'est rien de « grave » ! mais essayez de lire un livre où un mot est indûment coupé toutes les deux-trois phrases : le cerveau n'est définitivement pas entraîné à un tel exercice, et même si on s'adapte facilement, on « ripe » quand même à chaque fois, et ça finit par être lassant…

    Je vous mets l'exemple sur deux pages, captures de mon smartphone:

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    Mais venons-en maintenant au contenu.
    La première chose qui m'a frappée dans ce livre, c'est l'énorme distanciation que l'autrice prend vis-à-vis de ses personnages. On est en pleine focalisation externe : des faits, rien que des faits, à peine quelques états d'âme ici ou là… mais qui paradoxalement rendent les personnages très peu sympathiques ! On comprend vite que toute cette histoire met Nicolas Villandry particulièrement sur les nerfs. le problème, c'est qu'il est à peine présenté avant les événements, tandis que ses (nombreux) moments d'énervement qui suivent, sont bien exposés et ne cessent de s'envenimer - parce qu'il est pris à partie par les gendarmes et qu'il devient une espèce de bête de foire pour certains patients ou lors d'autres séances de dédicace, ce qu'il supporte de moins en moins bien. Certes, on le comprend, mais ce caractère sanguin et de plus en plus fermé le rend particulièrement antipathique, et même si on veut croire jusqu'au bout qu'il n'est pas coupable, que ses réactions sont tout simplement humaines dans une situation apparemment inextricable, on ne ressent aucune empathie pour sa situation. C'est bien un peu dommage…

    C'est une écriture très journalistique, mais non atteinte de ce besoin de faire pleurer dans les chaumières : on n'est pas (du tout) dans du sensationnel, on est dans l'exact opposé ! C'est de l'information pure et dure sans aucun sentiment...
    D'ailleurs, les autres personnages souffrent eux aussi (si je puis dire) de ce style, qui semble par ailleurs très assumé : on suit l'un ou l'autre journaliste qui ont été mis sur l'affaire, sans trop comprendre ce qu'ils apportent réellement à l'enquête, à part un regard acéré sur le traitement de l'information et la course au scoop - intéressant! Quant aux gendarmes qui vont s'occuper de l'enquête, on apprécie le capitaine Mann, féru de littérature quand il n'est pas en service, et plus encore son jeune collègue Frédéric, qui évoluera vraiment tout au long du livre… mais on se demande parfois s'ils mènent vraiment une enquête ! À part interroger tout le monde plusieurs fois, à la limite du harcèlement, sans rien obtenir, c'est l'intuition et les idées a priori loufoques de Frédéric qui finiront par faire bouger les choses, mais assez tard dans l'intrigue.

    Attention : je ne dis pas que l'enquête soit mauvaise ou mal écrite, du tout, mais clairement elle ne suit pas les codes ou le canevas habituel d'un polar. Pour ma part en tout cas, je n'ai pas ressenti cette tension, cette presqu'inquiétude à trouver le coupable à tout prix, qui sont quand même les lignes habituelles que l'on attend de la résolution d'une enquête dans un roman policier. Est-ce dû à cette écriture tellement détachée ? ou peut-être au fait qu'on saute d'un personnage à l'autre, parfois sans aucune transition dans un même chapitre ? tandis que les faits et gestes du médecin sont passés à la loupe, mais l'enquête même, menée par les gendarmes, reste quand même assez longtemps sans aucune avancée !
    En réalité, bien plus qu'une enquête, on a ici une véritable dissection des événements qui suivent un meurtre apparemment sans mobile, sans coupable idéal (même si les propos de Nicolas Villandry vont le poursuivre plus qu'il ne faut), mais avec une galerie de personnages typés, envers qui le lecteur n'est pas une seule seconde encouragé à ressentir la moindre émotion… et c'est tout à fait déroutant !
    Pour le dire autrement : en l'absence de cette tension narrative attendue dans un polar, ce livre n'est définitivement pas un page-turner, pourtant on a envie de savoir si Nicolas Villandry va s'en sortir, on se demande s'il n'est pas quand même coupable finalement, on s'interroge sur l'efficacité des gendarmes et on apprécie l'évolution du « petit jeune » de service… et au final on ne s'ennuie jamais !

    Je ne peux terminer sans relever la passion de l'autrice pour cette région – la sienne, si je ne m'abuse - aux pieds des Pyrénées, et en particulier pour la ville de Pau où elle nous emmène de-ci de-là en balade. J'avoue, je n'ai pas pris la peine de suivre les différents parcours de Nicolas Villandry sur une quelconque carte, mais ça aurait sans aucun doute été facile, tant c'est détaillé sans être ennuyeux, justement à cause de cette passion qui ressort tellement ! Et puis, çà et là j'ai reconnu l'un ou l'autre endroit typique que j'ai vu il y a quelques années, lors d'une visite de cette bien belle ville. Si tout cela ne sert pas vraiment l'intrigue, mais au contraire fait partie de ces éléments qui semblent la diluer dans le quotidien pas tout à fait banal de notre personnage principal, c'est quand même bien agréable et ça donne envie de se retrouver là-bas nous aussi, à rêvasser avec vue sur les Pyrénées !





    Extincta de Victor Dixen,
    publié aux éditions Robert Laffont en 2019, lu en version GF. J'ai adore! 19/20

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    Synopsis : L'espèce humaine disparaîtra dans 255 heures.
    Les pires prédictions climatiques se sont réalisées, le Grand Effondrement a eu lieu et presque toutes les espèces animales se sont éteintes. Les Derniers Humains se sont réfugiés dans les Dernières Terres : un archipel rocailleux surgi des glaces, où ils survivent dans des cités-royaumes éparses. Accaparés par la lutte pour les maigres ressources, ils ignorent que l'ultime cataclysme est sur le point de balayer ce qu'il reste de l'espèce Homo sapiens.
    La dernière histoire d'amour s'écrira en lettres de feu.
    Née dans les bas-fonds de Viridienne, la cité-royaume pourrissante envahie d'algues, Astréa rêvait de se consacrer tout entière au culte de Terra. Mais sa foi vacille le jour où son frère est accusé de sacrilège et condamné à mort.
    Élevé derrière les remparts du castel, le prince Océrian était né pour régner. Mais un mystérieux accident lui arrache sa jambe et son honneur, l'écartant à jamais de la ligne de succession.
    Le destin va jeter ces assoiffés de justice l'un contre l'autre, embrasant leurs coeurs avant de consumer le monde.
    La flamme brûle plus fort juste avant de s'éteindre.


    Mon avis :
    Oserais-je avouer que ça m'arrive encore parfois ? Eh oui : j'ai acheté ce livre, tout récemment sur un coup de tête, dans le but essentiel de grappiller quelques points dans un challenge particulier (en l'occurrence le Challenge astro 2022, coucou Kah Rane ;) )… J'avais certes déjà entendu parler de l'auteur – en bien ! – et j'ai même plusieurs de ses livres en PAL ou pour le moins dans mes souhaits de lecture, mais je n'avais encore jamais rien lu de sa plume, et ce livre-ci en particulier ne figurait dans aucune de mes listes.
    Et pourtant, après l'avoir refermé, j'ai juste envie de dire : waouh !

    D'abord, c'est un bel objet : les algues omniprésentes, de ce beau vert tellement trompeur, sont légèrement brillantes et reliéfées. Par ailleurs, pour moi qui lis désormais en grande partie en numérique, je continue d'acquérir des livres en format broché (ou parfois poche) si c'est « justifié », par exemple par la présence d'illustrations ou de cartes par exemple, qui sont décidément plus agréables à découvrir sur papier. C'est bien le cas ici : des cartes en effet de ce monde pas si imaginaire que ça ; le « choeur » du début et de la fin, carrément flippant, et le fait qu'il soit imprimé en blanc sur fond noir ajoute une touche à ce frisson glacé qui parcourt tout à coup l'échine ; et en début de chaque chapitre, cette longue bougie qui ne cesse de s'amenuiser, au fil du décompte des dernières heures des derniers hommes…
    Car c'est bien de cela qu'il s'agit, on le comprend en lisant le synopsis et ça s'annonce sans aucun doute possible dès la lecture de ce premier « choeur » en guise de prologue, et pour ceux qui voudraient encore ne pas y croire tout à fait, le sous-titre du premier chapitre ne laisse aucune marge à ce doute : 255 heures avant l'extinction… et il en reste moins en début de chaque nouveau chapitre, un véritable compte à rebours !

    Oh ! l'histoire de base est assez convenue, d'une certaine façon : on se retrouve dans une société fonctionnant selon un système de castes, particulier à ce monde qui ressemblerait à un monde de fantasy… jusqu'à ce qu'on comprenne (très vite, cela dit) qu'il ne s'agit de rien d'autre que des dernières terres habitables de notre planète, autour du pôle Nord désormais quasi-uniformément désertique car offert aux rayons impitoyables d'un soleil dont plus aucune couche d'ozone ne filtre les rayons, obligeant les habitants à se vêtir de « linceuls » (ciel que ce mot seul est affreux ! – c'est quand même, nous dit le Robert, une « pièce de toile dans laquelle on ensevelit un mort. »…), de diverses couleurs selon leur niveau social.
    En effet, ces derniers survivants de la race humaine se sont organisés en cités-royaumes, et notamment celle de Viridienne, située en bord de mer, où commence l'intrigue. Ces cités sont dirigées par les « apex », une race apparemment supérieure d'êtres humains aux cheveux et aux yeux de diverses teintes du sceptre violet, tandis que les autres hommes sont divisés très clairement en quelques autres castes – dont une dédiée à la nouvelle religion pour « Terra » -, allant jusqu'aux « suants », qui sont, à Viridienne, des ouvriers bêcheurs de ces algues, potentiellement mortelles, mais aussi dernière ressource de ces hommes, et qui servent absolument à tout : de la nourriture jusqu'aux vêtements, en passant par les constructions etc., dans un monde où tout autre être vivant a disparu, à part quelques arbres rachitiques et quelques-uns de ceux qu'on appelle aujourd'hui nuisibles (moustiques, sangsues et scorpions, par exemple) et dont le « meurtre » est sévèrement réprimé.

    Dans ce monde sans grand espoir, qui vivote au jour le jour pour le peuple, tandis que les puissants règnent par la force et les alliances avec les voisins des autres cités-royaumes, Astréa la suante et Océrian l'apex ont leurs rêves, leurs désillusions, et leur désir d'un « ailleurs »… Leurs chemins vont bien sûr se croiser et on aura une inévitable ( ?) mais bien gentille romance (après tout, on est dans du young adult) façon « je t'aime moi non plus », qui sera bien présente sans être jamais vraiment centrale, et surtout, sans jamais effacer l'enjeu bien plus important de ce roman.
    J'ai craint un moment que ce livre serait – comme je l'ai parfois ressenti dans certains livres post-apo destinés à la jeunesse – un énième plaidoyer pro-végétarisme, avec cette obsession d'Astréa surtout, contre tout qui oserait tuer le moindre animal encore vivant, et considère avec un sentiment d'horreur absolue ses ancêtres (dont moi !) qui osions en consommer. J'avais alors envie de crier à l'auteur : ce n'est pas le fait de consommer de la viande qui est en train de bousiller notre monde, après tout l'être humain est omnivore et en consomme depuis la nuit des temps ; le problème, comme toujours, c'est l'excès : nos élevages intensifs inadmissibles, notamment… Heureusement, j'ai commencé à réellement respirer lorsque notre petit groupe de héros croise un « médecin » féru de littérature ancienne (on aura un large partage des vers de Baudelaire, à partir de ce moment-là !), qui rejoint cette pensée qui me taraudait : « Terra offre généreusement ses ressources à tous ses enfants, humains y compris : c'est l'excès seul qui constitue un crime, répondit mystérieusement l'érudit. » - certes, à ce moment-là il était question des livres, que l'on faisait à partir d'arbres, chose impensable pour nos hommes de ce futur tellement plausible, puisque les arbres en ont quasiment disparu…

    Je me suis d'ailleurs demandé, à ce sujet : dans cette société où les algues servent absolument à tout (ou presque), comment est-il possible que les hommes aient renoncé aux livres, n'aient pas tenté de continuer l'aventure de l'écriture en créant du papier d'algue ou que sais-je ? On le sait : la distinction officielle entre préhistoire et histoire (de l'humanité) se fait à partir de l'invention de l'écriture… Qu'a donc voulu signifier l'auteur en créant cette société post-apo (et aussi très dystopique !) qui ne connaît plus l'écrit ? C'est clairement une société qui a une structure de type moyenâgeuse (ou peut-être antique), mais certainement pas préhistorique ! Ou alors il n'a pas pensé à ce « détail », dans le but d'arriver à la découverte de Baudelaire par nos héros ? cette dernière n'aurait pas eu le même impact s'ils avaient eu accès à de la littérature dans leur vie courante…
    À vrai dire, on se pose tout un tas de questions, tout au long de cette lecture, et j'ai été plus que satisfaite de découvrir que l'auteur a réellement bien « manipulé » le lecteur, car toutes ces interrogations qui ont surgi au fil de mes lecture, ont trouvé réponse dans les derniers chapitres ! sauf cette histoire de l'absence de l'écrit (et d'un support quelconque) dans cette société qui n'avait pourtant rien de préhistorique. Si ce n'est, peut-être, cette vision désespérée que la fin de l'humanité ressemble désespérément à ses débuts…

    Mais je reviens à ce que je disais plus haut : histoire de base convenue, car ce sont les immuables pouvoirs de l'amour, de l'amitié, de l'engagement, du courage etc. qui affrontent la soif de puissance, le besoin de gloire, la cruauté… et qui donnent toute leur valeur à nos quelques héros, dans ce monde pourtant désespéré, où le lecteur voit les dernières heures s'égrener implacablement.
    Mais ici, leur mise en scène offre un roman plein de rebondissements et retournements de situations, certains que l'on croyait prévisibles et qui s'avéreront complètement inattendus, pleins d'inventivité. Ce sont un peu plus de 600 pages où l'on ne s'ennuie jamais, où l'on a le coeur serré pour Astréa et/ou pour Océrian et leurs compagnons de route, où l'on frémit au fil de leurs rencontres rarement agréables – à part celle avec l'érudit cité plus haut, qui est une véritable bouffée d'oxygène dans un monde qui n'en a plus guère… On sait que c'est du young adult (ce qui fait que je me « méfie » toujours un peu), mais on se laisse prendre dans ce voyage plein de péripéties qui se cessent de surprendre ; on sait dès les premières pages, comme je disais plus haut, que ce livre va nous narrer les toutes dernières heures de notre propre espèce, c'est d'autant plus horrifiant que l'on sait trop bien que ce n'est même pas un avenir impossible (au contraire !), et on s'étonne même un peu que l'auteur ait été bien « optimiste » de créer ce monde à une époque qui n'est jamais révélée précisément, mais il laisse entendre que ce sont quand même plusieurs générations après la nôtre, au point que tout ce qui fait notre quotidien ait été oublié entre-temps, si ce n'est par quelques-uns…

    C'est une histoire étonnamment glaçante et désespérée, mais aussi terriblement humaniste (dans un sens positif !), car elle ne cesse de mettre en avant ces valeurs qui auraient pu sauver l'humanité et, dès lors, toutes les autres espèces. Hélas, sans tomber pour autant dans un discours manichéen, l'auteur laisse entendre que l'inlassable recherche du pouvoir pour le pouvoir, l'exploitation des ressources de la terre, ont quand même conduit au désastre, et le fil ténu de l'espoir que laisse l'auteur en toute fin de volume, est aussi vacillant que la flamme de cette fameuse bougie, qui a fini par s'éteindre…
    C'est un livre qu'il faudrait faire lire très largement, à nos jeunes sans aucun doute, à leurs parents sans hésiter car, malgré son orientation « jeunesse », il est très agréable à lire pour un adulte (je parle là de la plume), mais aussi à tous nos « dirigeants », certains plein de bonne intentions, mais si souvent aveuglés par ce goût du pouvoir pour le pouvoir qui ne cesse d'être dénoncé !

    Quant à ce choeur glaçant et bien un peu mystérieux qui apparaît au début comme un prologue, et puis tout à la fin en épilogue, on comprend au fil des pages (je dirais que j'ai commencé à avoir des « doutes » vers le milieu du livre, à cause d'un événement particulier) ce qu'il peut bien représenter. Et ainsi, indéniablement, même s'il est un élément de cet infime fil d'espoir qui est laissé, il participe aussi à ce sentiment de malaise diffus qui ne quitte plus le lecteur, plusieurs heures après l'avoir refermé. Glaçant, mais magnifique !

  • stephanius

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #214 11 Avril 2022 09:31:26

    Coucou,
    Je ne sais pas bien dire si tu as passé une bonne semaine de lecture ou pas. En tous les cas j'ai lu tous les avis que tu donnes ici et je dois dire que je ne connais pas Victor Gullbert mais même si j'avais eu envie de le découvrir tu ne donnes pas vraiment envie. Par contre j'ai ajouté Extincta à ma whish list.
    Bonne semaine et bonne lecture
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #215 04 Mai 2022 12:23:59

    Bonjour à tous,

    Roh, ça va faire un mois (à peine moins) que je ne suis plus passée ici! :O Autant dire que je suis hyper-pas à jour (ça se dit?) et, vu les événements récents, ça ne va pas s'arranger...
    En effet, il y a un peu plus d'une semaine maintenant, je me suis "tordu" le pied en courant derrière un bus (que j'ai réussi à attraper, tout n'est pas perdu!) et j'ai senti une vive douleur, mais il fallait bien que je rentre chez moi... À la maison, j'ai surélevé mon pied, en attendant que ça passe... sauf que ça ne passait absolument pas, à tel point que j'ai décidé d'aller aux urgences le lendemain matin.
    Verdict: après quelques examens, il s'avère que c'est une fracture! Je dois encore faire plusieurs examens pour déterminer si c'est une fracture "de stress" (c'est-à-dire, comme souligne mon charmant homme, "de vieillesse") ou si c'est une récidive d'un truc ancien - sauf que je n'ai absolument aucun souvenir d'une quelconque blessure au pied, à aucun moment de ma vie!
    Résultat: le pied doit être complètement immobilisé (dans une botte en résine) et je ne peux en aucun cas m'appuyer dessus - tout au plus brièvement le poser au sol quand je ne peux pas faire autrement, mais même ça c'est déconseillé. Je ne peux me déplacer qu'avec des béquilles, une grande première pour moi, et pour ceux/celles qui ne savent pas: c'est extrêmement pénible! Ainsi, même si mes déplacements sont plus que limités, dans notre petit appartement, j'ai très vite mal à des muscles (au niveau des épaules) dont je n'avais pas la moindre idée jusque-là...
    Bref, je suis cloîtrée chez moi alors qu'il fait beau depuis plusieurs jours, je suis gavée d'antidouleurs qui ont un effet soporifique jour et nuit, et comme mon pied doit rester surélevé aussi souvent que possible, je ne peux pas rester bien longtemps devant un ordi...

    ... bref, il va donc me falloir un certain temps pour rattraper le retard de ce suivi, car ça concerne quand même une vingtaine de livres! :ohlecon:
    Du coup je ne suis pas certaine de tous les mettre, mais je vais quand même essayer de vous en présenter un maximum!

    Pour ce matin, je vais vous parler de la trilogie La geste des exilés de Bettina Nordet, publiée entre 2014 et 2016 aux éditions du Chat Noir, car je vous en avais déjà touché un mot il me semble. Je l'avais depuis un moment dans ma PAL, mais je l'ai lue dans le cadre du challenge Diversifions les genres, où la bit-lit était à l'honneur au mois d'avril.

    Tome 1 : Pacte obscur
    Assurément le meilleur ! 18/20

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    Synopsis : Je suis flic, et à part une petite bizarrerie et un sérieux manque de sex-appeal dont je me passerais bien, ma vie est plutôt sympa. Mais un soir tout vole en éclat. Traquée par des types bizarres, je me retrouve baby-sittée par mon nouveau boss, un type beau à tomber aux instincts meurtriers peu rassurants, qui semble éprouver à mon égard une allergie aussi violente qu'inexplicable. Alors, telle Alice, je plonge dans le terrier du lapin blanc ; sauf que, dans mon cas, la curiosité n'y est pour rien : mon imbuvable garde du corps m'y a poussée. Bien décidée à retrouver ma vie et les miens, je rue dans les brancards, mais les échos d'une prophétie plus vieille que le monde pourraient bien finir par me rattraper et m'en empêcher. Je vais tout faire pour me sortir de ce guêpier, même si, je dois bien l'admettre, il y a quelques compensations : des beaux mecs comme s'il en pleuvait. Et dire que je me plaignais que mon carnet de bal était vide…
    Pièce maîtresse d'une lutte de pouvoir immémoriale, entraînée au cœur d'un tourbillon de violence et de sang, Jana découvre peu à peu que tout ce qu'elle croyait savoir n'est qu'un leurre, et que la frontière entre les bons et les méchants n'est peut-être pas aussi tranchée que ce qu'en disent les traditions millénaires.


    Mon avis :
    Voici un nouveau livre qui est arrivé dans ma PAL via Boobox, mais qui y serait sans doute resté encore un moment si un challenge particulier (sur Livraddict) n'avait pas mis le genre « bit-lit » à l'honneur ce mois-ci. Eh bien, je remercie chaleureusement son organisatrice, car ce livre a été un très agréable moment de lecture… et je m'empresse de rédiger cette chronique car je n'ai pu résister : je me suis déjà attaquée au 2e tome ; or, je ne voudrais pas mélanger les deux ! Pourtant, ceux qui me suivent le savent : c'est très rare que j'enchaîne ainsi deux tomes d'une même saga à la suite ! (même quand le premier m'a beaucoup plu) – c'est donc vraiment significatif.

    Oh ! certes, on n'est pas dans de la « grande littérature » qui va révolutionner le monde ou la langue française, mais l'histoire est très imaginative avec une héroïne bien sympathique, tandis que la plume est alerte et très clairement humoristique. Pour autant, on n'est pas plié de rire à chaque page, car l'autrice pratique une certaine autodérision moqueuse dans le chef de son héroïne. Ce n'est donc pas un humour désopilant, mais constant et toujours à-propos : c'est enlevé, c'est léger même quand les sujets touchent à une certaine gravité, et on garde un sourire spontané, par moments on rit vraiment, tout au long de ce livre bien un peu inclassable.
    S'il appartient à la bit-lit de par la présence de toute une série de créatures et de mondes parallèles propres à ce genre, on est bien loin du mythe habituel de la belle humaine (ou chasseuse, ou fée/sorcière, etc. au choix) qui tombe amoureuse du méchant ou au moins dangereux mais magnifique vampire (ou démon, ou archange, là aussi vous pouvez choisir), nettement plus typique de cette littérature. Certes, on aura quelques scènes à la limite de l'érotique, mais davantage suggérées (avec des détails quand même) que réellement explicites, et de toute façon elles ne constituent pas l'essentiel de l'intrigue ; certes, Jana, notre personnage principale, est bien un peu obsédée par son (manque de) sex-appeal, mais même si c'est récurrent dans ses pensées, ça ne m'a jamais semblé étouffer le reste de l'histoire.

    En réalité, on nage dans l'incompréhension du début à la fin, aux côtés de Jana, mais c'est une incompréhension maîtrisée : on perçoit des bribes de « vérité » tout au long de l'histoire, l'intérêt est sans arrêt titillé, reçoit quelques réponses pour se retrouver avec de nouvelles interrogations, au rythme de l'héroïne. Jeune flic bizarrement intimidante envers les pédophiles, active et apparemment appréciée dans sa brigade, elle se retrouve du jour au lendemain entraînée dans une aventure surréaliste, aux côtés d'un certain Kell, qui s'est présenté comme son nouveau patron, mais qui va passer son temps à essayer de lui sauver la vie (des griffes d'une meute de loups-garous par exemple) – on a ainsi des courses-poursuites en partie à moto, des échanges de tirs qui s'apparenteraient presque à une guérilla, des voyages inattendus, etc. Cependant, tout en la tirant encore et encore de situations ébouriffantes, cet énigmatique Kell lui bat un froid glacial incompréhensible, sans jamais lui donner la moindre explication sur cette histoire qu'elle ne comprend absolument pas. Pour autant, la demoiselle pleine de ressources n'en est pas désespérée, et s'il y a bien quelques (rares) moments où elle se laisse (un peu) aller, permettant au lecteur de souffler quelque peu, elle ne cessera ensuite de rebondir, avec ou sans Kell d'ailleurs…

    Je pense que ce décalage par rapport à une bit-lit plus classique, est amplifié et tout à la fois rendu acceptable par le fait que tout est vu par les yeux de Jana à la 1re personne du singulier. Non seulement c'est un exercice souvent ardu, mais ici très réussi, qui nous présente une Jana très humaine (du moins c'est ce qu'elle a toujours pensé, tadam !) qui, armée de sa capacité à ne jamais rien prendre au tragique, est propulsée dans ce monde irréel auquel elle ne veut pas croire. Peu à peu, pourtant, elle n'a plus trop le choix, et finit par admettre les choses par petites doses, tout en les remettant sans cesse en question, ou bien en évoquant des parallèles bien humains qui parlent au lecteur – elle fait référence à plusieurs films ou livres notamment, que je ne connais pas tous forcément, mais un certain nombre font partie de l'imaginaire collectif, comme Alice au pays des merveilles (l'un des plus souvent cités, sans pour autant en faire un parallèle) ou le Seigneur des Anneaux, dont les personnages mentionnés sont, en plus, remis en contexte en note de bas de page pour ceux à qui ça ne parlerait pas…

    Et ça devient très vite passionnant, on ne peut plus lâcher les semelles de cette jeune femme à l'énergie dévorante ! Comme elle, on a envie de découvrir ce qui se passe réellement ; comme elle, en va de surprise en découverte, plus ahurissantes les unes que les autres. En dire davantage ici serait terriblement divulgâchant, en fait il est quasi impossible de résumer ce livre sans en dire un peu trop… mais disons que l'image que donne l'autrice d'un monde surnaturel est bien différente de l'idée générale que l'on peut avoir de toutes ces créatures éthérées ou diaboliques, surpuissantes mais potentiellement pleines de faiblesses. Une image différente, qui n'est finalement qu'un reflet bien réaliste de notre propre société, et qui fait bien un peu réfléchir. Une réflexion qui reste là comme en filigrane, et qui ne ressortira que plus tard, car il faut bien se dire qu'on est très loin d'un récit philosophique qui laisserait vraiment le loisir au lecteur de s'arrêter pour penser : le rythme est décidément, constamment endiablé… et pour ce qui me concerne en tout cas, je me suis laissé emporter avec grand plaisir et, comme je disais, je me suis déjà précipitée sur le tome 2 !





    Tome 2 : Péché de sang
    Déception après l'enchantement du premier: 14/20.

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    Synopsis : Certains collectionnent des timbres, d’autres, comme moi, les emmerdes.
    Primo, j’ai découvert il y a peu que je ne suis pas humaine. Secundo, mes parents biologiques sont respectivement une salope manipulatrice et un connard psychorigide, malade du contrôle. Tertio, ce dernier a lancé des mercenaires loups-garous à mes trousses, dans l’espoir de me voir accomplir une prophétie où je tiens le premier rôle et, malheureusement, la faction maternelle caresse très exactement le même projet – à son profit naturellement. Quarto, imaginer mon ex-fiancé plumé jusqu’à l’os – au sens propre – me procure des frissons d’extase. Quinto, mon ex-amant ne peut me voir en peinture que s’il se trouve sur une terre consacrée ; tu parles d’un pratique ! Et sexto, je fréquente au quotidien bien trop de créatures appartenant au folklore fantastique. Autant dire que j’aspire à plus de normalité, ce qui ne semble pas au programme.
    Car, alors que ma vie sentimentale semble enfin s’éclairer, un terrible danger menace l’humanité. Évidemment, entre loups-garous & CO à mes basques ainsi que le procès qu’on me colle aux fesses, ce bon vieux Karma s’est dit que j’avais du temps libre à revendre pour tenter de sauver la planète.
    Des vacances à la montagne, c’est tout ce que je souhaite ! Mais voilà, le génie de la lampe, cet enfoiré, possède un sale sens de l’humour…


    Mon avis :
    J'avais tellement apprécié le tome 1 des aventures de notre jeune héroïne angélique, Jana, que j'avais aussitôt continué avec ce tome 2 – ce qu'il faut relever, car c'est très rare que j'enchaîne directement deux tomes d'une même saga à la suite, même si "j'aime bien" ; il faut vraiment que j'aie complètement craqué !
    Hélas, autant j'avais lu ledit tome 1 avec plaisir, autant celui-ci me laisse perplexe…

    Ce n'est pas qu'il soit mauvais en soi, mais indéniablement il est « trop »… avec malgré tout un aspect « pas assez » !
    D'un côté en effet, Jana va de rebondissement en rebondissement, avec des méchants de plus en plus méchants, de plus en plus incroyables, et des gentils qui « paient » au prix fort l'aide qu'ils lui apportent. Ainsi, à peine s'est-elle plus ou moins sortie d'une situation tendue, qu'on la voit tomber dans encore pire ! Certes, moi qui n'aime pas comparer les livres, ça m'a bien fait un peu penser à « L'anti-magicien » de Sebastien de Castell, où le héros allait aussi en permanence de charybde en scylla, et dont le ton humoristique malgré tout (dans les deux cas, des formes vraiment réussies d'autodérision) permettait de tenir le rythme malgré tout ! Et je ne parle même pas des diverses transformations du corps de Jana, sur lesquelles je ne peux trop m'attarder sous peine de divulgâcher, mais l'autrice avait indubitablement envie d'explorer diverses facettes des rapports physiques – ce qu'elle fait avec un certain talent, il faut bien le reconnaître. Mais malgré tout, trop, c'est trop… et ça finit par devenir bien un peu lassant, on se demande si ça va jamais finir, si on va pouvoir se reposer et, surtout, si on va enfin en savoir un peu plus sur notre héroïne.

    Car c'est bien là que s'arrête la comparaison et que le bât blesse : dans l'Anti-magicien précité, on savait clairement que notre héros avait été dénué de ses pouvoirs. Ici, c'est tout le contraire : on a compris que Jana a des pouvoirs importants, et qui se sont manifestés bien trop tôt (voir le tome 1) par rapport à son âge d'ange. Dans ce 2e tome, ces pouvoirs extraordinaires se manifestent à nouveau, généralement de façon épisodique quand elle n'a pas d'autre choix, mais on a quand même une scène où ils sont tout à coup ahurissants… et paf : à peine est-elle sortie de sa mauvaise situation, et on n'en parle plus une seule seconde, comme si c'était « normal » que de tels pouvoirs se soient réveillés, et puis elle ne se pose même pas la moindre question ?!
    On ne sait toujours pas d'où viennent ces pouvoirs, pourquoi ils se manifestent à tel ou tel moment ; on comprend que certains de ses comparses pourraient avoir des réponses, mais pour diverses raisons (parfois même sans raison) personne ne lui explique rien ! laissant par la même occasion le lecteur dans l'incompréhension aussi totale que celle de Jana – sauf que Jana n'a plus trop l'air de s'en inquiéter, alors que le lecteur trépigne ! Il y a juste cette histoire de prophétie qui revient de loin en loin, et dont les personnages secondaires « méchants » lui laissent entrevoir des bribes, sans jamais aucune explication, si ce n'est leur propre interprétation, à chaque fois différente selon les individus et leurs intérêts personnels – évidemment !

    Par ailleurs, si Jana reste personnage principale, ses compagnons de route varient… Dans le 1er tome, on s'était beaucoup attaché au démon Kell, personnage principal masculin à côté de qui les autres représentants mâles faisaient pâle figure, aussi séduisants qu'ils soient. Mais ici, un Kell toujours présent est relégué au second plan, tandis que Jana s'entiche de Phen, qui était apparu dans le 1er tome et qui lui avait effectivement plusieurs fois sauvé la mise, mais « sans plus », si bien qu'il semble un peu sorti de nulle part. Et à côté de lui, c'est surtout le ténébreux vampire Trysten qui va prendre une importance considérable dans la vie de Jana, avec d'ailleurs quelques retournements de situation, qui rendent à son tour ce cher vampire bien intéressant… sauf que, après la mise au second plan de Kell, on n'ose plus trop s'attacher à un quelconque autre rôle masculin.

    Cela dit, j'ai vu plusieurs commentaires regretter l'aspect « girouette » que peut avoir Jana dans ses sentiments, tour à tour amoureuse des uns et des autres, plus ou moins incapable de choisir – si seulement il faut choisir ? et souffrant de cette situation qu'elle n'avait jamais connue auparavant… Pour ma part, peut-être parce que je suis aussi lectrice de romances diverses et variées (y compris quelques romances mettant en scène des « trouples », couples à trois), cet aspect-là ne m'a pas dérangée. Après tout, on est dans de la bit-lit, pas dans de la littérature blanche qui revendiquerait un quelconque statut « sérieux », donc je n'étais absolument pas surprise de trouver de la romance dans ce livre, même sur plusieurs tableaux.
    De plus, si dans certains cas (et certainement avec Phen, comme ça avait déjà été le cas avec Kell dans le 1er tome) les choses se basent sur une pure attirance physique, la relation avec Trysten est vraiment construite, évoluant d'une amitié qui n'était même pas gagnée d'avance, à quelque chose de plus grave et de plus profond, et de bien plus compliqué aussi… et cela donne quelques passages vraiment touchants !

    Ainsi, malgré ma perplexité, pourquoi donc ai-je lu ce livre aussi vite à la façon d'un page-turner malgré tout ? eh bien, comme j'ai laissé entendre plus haut : jusqu'au bout on espère avoir plus d'informations / explications sur le statut de Jana, son rôle réel dans cette prophétie qui semble réellement onduler, l'étendue de ses pouvoirs et pourquoi ils sont bel et bien là même s'ils ne se manifestent guère… Cet espoir sera déçu, mais il a été maintenu par un rythme toujours aussi endiablé et enivrant, toujours teinté de cette autodérision que j'apprécie tant ; et même si c'est « trop » comme je disais plus haut, on ne peut le deviner à l'avance, et donc on poursuit !
    Oserais-je dire que j'ai d'ores et déjà commencé le 3e (et normalement dernier) tome ?...





    Tome 3 : Offrande de feu
    Le niveau remonte un peu, mais décidément il ne vaut pas le premier! 15/20

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    Synopsis : Je crois que si un concours de Miss « Poissarde » existait, j’en serais sacrée reine. Ce voyage au Cénacle aurait dû être simple : rejoindre mon amant volage, lui demander comment me débarrasser de son petit cadeau d’adieu et le laisser filer le parfait amour avec sa morue. Mais les complications me sont bien plus fidèles que ma dernière conquête.
    Contrainte de me lancer dans la quête périlleuse d’une relique légendaire pour sauver l’un de mes compagnons, je n’imaginais pas que nos vies entières s’en trouveraient totalement bouleversées.
    Tels des dominos basculant les uns sur les autres, les évènements inattendus provoquent des réactions en chaîne. Entre les anciens ennemis qui ressurgissent, l’émergence de nouveaux – encore pires –, l’ampleur inquiétante que prennent mes pouvoirs et des déchirements sentimentaux qui se succèdent, tout me file entre les doigts.
    Et cette foutue prophétie qui semble au cœur de tout. Bien sûr, elle se devait de me réserver la plus grosse surprise. Question de karma...


    Mon avis :
    Et voilà ! La trilogie s'achève, la boucle est bouclée, et tout s'explique enfin.
    Cela dit, je l'avoue : je n'ai décidément pas retrouvé l'enchantement du 1er tome, et si j'ai été moins « frustrée » que dans le 2e tome où les situations désastreuses s'accumulaient de façon exponentielle, créant une forme de lassitude malgré l'intérêt toujours en éveil, ce dernier tome n'est pas au niveau du début de la saga…
    C'est que, dans un premier temps, l'autrice continue de faire pleuvoir les catastrophes sur Jana, l'héroïne de cette saga, et ses divers compagnons qui ne cessent de varier – bon, ce sont les quatre mêmes qui reviennent à tour de rôle ou ensemble (tant qu'à faire !), et on comprendra pourquoi (ouf !), il n'empêche que cette redondance depuis le tome 2 participe à la lassitude.

    À cette lassitude s'ajoute un nouveau sentiment : j'avais en quelque sorte calé sur les superpouvoirs incompréhensibles de Jana, que personne ne s'explique mais qui s'expriment de-ci, de-là et ne cessent de surprendre, elle-même en premier lieu. Pourtant, les doutes que j'avais commencé à avoir depuis le 1er tome, que j'avais mis en veilleuse dans le 2e qui se concentrait sur une action effrénée sans aucune explication ; bref, ces doutes –sur la nature exacte de la jeune femme- sont revenus en force. Et c'est là que ça ne marche plus : si elle est vraiment ce que j'ai commencé à penser, comment est-ce possible qu'elle ait encore et toujours besoin des autres pour s'en sortir, et que ce pouvoir puisse s'exprimer pleinement ?
    Certes, l'autrice donnera une explication tout à fait plausible, qui frise même un certain ésotérisme presque éloigné de l'ambiance légère propre à une bit-lit… mais j'avoue que j'ai survolé ces passages-là ! L'idée d'épilogues multiples en fonction des divers personnages était pourtant une idée bien sympathique, d'autant plus qu'ils se complètent les uns les autres, mais ils sont arrivés trop tard, ne faisant plus que confirmer ce que j'avais compris entre-temps, ajoutant juste quelques détails même pas forcément utiles.

    Dans cette édition, l'histoire principale se termine aux deux tiers du volume, et est complétée par une série de quelques nouvelles qui viennent combler plusieurs « trous » qui avaient pu surgir tout au long des trois tomes – rien d'absolument indispensable : elles expliquent comment plusieurs des personnages secondaires se sont rencontrés, ce qui avait déjà été évoqué en partie au cours de la narration principale, mais ici c'est détaillé en proposant autant de petites histoires individuelles, qui ajoutent une petite touche sympathique.





    Et pour terminer, selon le principe de "1 pas en avant, 3 pas en arrière", je vous présente aussi le tout dernier livre que j'aie lu et chroniqué, comme ça j'ai l'impression d'avancer malgré tout:

    Lucia de Bernard Minier,
    publié chez XO Éditions en 2022, lu en GF. Je retrouve avec plaisir l'un de mes auteurs fétiches, même si sa nouvelle héroïne ne m'a pas convaincue: 16/20.

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    Synopsis : À l’université de Salamanque, un groupe d’étudiants en criminologie découvre l’existence d’un tueur passé sous les radars depuis plusieurs décennies et qui met en scène ses victimes en s’inspirant de tableaux de la Renaissance.
    À Madrid, l’enquêtrice Lucia Guerrero trouve son équipier crucifié sur un calvaire et se lance sur les traces de celui que l’on surnomme le « tueur à la colle ».
    Tous vont être confrontés à leur propre passé, à leurs terreurs les plus profondes et à une vérité plus abominable que toutes les légendes et tous les mythes.


    Mon avis :
    J'attendais avec une certaine impatience ce nouvel opus, largement annoncé sur les réseaux sociaux, de l'un de mes auteurs de polars préférés : c'est que son héros récurrent, Martin Servaz, fait partie de mes « chouchous » de la littérature noire (aux côtés d'un certain Adamsberg), même si tous les épisodes ne se valent pas – eh oui, je le confesse, j'ai lu tous les livres de la série, pour la plupart avec grand plaisir !
    En outre, j'étais curieuse de voir ce que donnerait la présentation d'une toute nouvelle héroïne, appelée semble-t-il à devenir récurrente, et vivant de l'autre côté de ces Pyrénées si chères à Martin Servaz : juste assez loin pour que leurs univers soient bien distincts, mais juste assez près pour qu'on puisse espérer qu'ils finissent par se croiser tôt ou tard – même si l'auteur ne semble pas attaché à ce type de croisements. Souvenez-vous : la gendarmette, dont le nom m'échappe, qui apparaît notamment dans « glacé », puis dans l'une ou l'autre enquête de Servaz, a finalement été bien peu exploitée…

    Le résultat de mon attente de « Lucia » est globalement positif, malgré toute une série de stéréotypes qui m'ont semblé un peu rédhibitoires, et qui m'ont réellement empêchée de m'attacher à cette nouvelle héroïne. C'est qu'elle est l'archétype de la flic à problèmes : divorcée, elle a perdu la garde de son petit de 9 ans, brillante mais incapable de travailler en équipe ou d'écouter sérieusement sa hiérarchie, et avec ça elle traîne toute une série de fêlures liées à sa famille (un frère disparu trop tôt, une soeur avec qui elle ne s'entend guère, une mère de plus en plus dépendante et acariâtre). Certes, Martin Servaz avait déjà des aspects torturés, mais ici, vraiment, elle cumule, c'est « trop » ; on est dans le cliché de l'héroïne bien badass et bien sombre, mais tellement douée qu'on finit par tout lui pardonner. Mouais…

    Certes, je ne demande pas particulièrement une héroïne gentillette et avec une vie de famille bien remplie à la Julie Lescaut, mais ici, à force de cumuler autant de points négatifs (qui sont autant de clichés du « flic moderne », version exagérée), Lucia n'est pas agréable, pas plaisante, à peine crédible même. On veut bien suivre son enquête, mais on n'aurait pas vraiment envie de devenir copine avec elle, même de loin. Tout au plus, on comprend son souci et sa vague culpabilité de mère imparfaite, surtout face à la nouvelle compagne de son ex, mais ces épisodes-là sont bien trop rares pour qu'on vibre réellement avec elle. C'est un peu comme si elle restait effacée de sa propre histoire, personnage sans nuances engluée dans une certaine noirceur, d'où même son talent affirmé n'émerge guère. C'est un vrai regret, et j'espère que ce côté-là sera au moins un peu « éclairci » dans les opus suivants (s'il y a).
    Tant que j'en suis à parler de personnages, j'ai infiniment préféré Salomón Borges, professeur en criminologie avec qui nous allons très vite faire connaissance, et qui deviendra le comparse de Lucia à travers toute l'enquête. On lui devine certes aussi quelques côtés sombres, mais il apparaît réellement comme la facette lumineuse de ce duo improbable, touchant et attachant, sans compter qu'il m'a paru beaucoup plus développé que notre héroïne principale.

    Quant à l'intrigue… Pour moi, elle est réussie de bout en bout, promenant le lecteur à travers le temps (il y a quand même une trentaine d'années entre le premier meurtre et les suivants), et à travers plusieurs villes d'Espagne, avec la magnifique ville de Salamanque en point central ! J'ai eu la chance de passer quelques jours dans cette ville il y a plus de 30 ans, hélas sans réellement la visiter, mais je garde un souvenir enchanté du peu que j'en ai vu, et certainement de ces vieilles pierres (notamment de l'université) aux couleurs chaudes si typiques. Sans devenir un guide touristique pour autant, Bernard Minier est parvenu à ressusciter certains de ces souvenirs pourtant bien lointains, et rien que pour ça je suis enchantée !
    Je note au passage que l'éditeur a pris la peine de proposer plusieurs cartes qui mettent dans l'ambiance dès le début du volume : on a non seulement une carte d'une partie de l'Espagne mettant en évidence les quelques lieux où se déroulent les différentes actions, mais aussi des plans détaillés des deux villes principales – en l'occurrence, Salamanque et Ségovie. Inutile de dire (surtout pour ceux qui me suivent) que j'apprécie énormément une telle démarche !

    Mais l'intrigue, disais-je donc : j'ai retrouvé tout l'art de l'auteur à mener le lecteur par le bout du nez, à proposer diverses sous-intrigues qu'on sait qui vont s'entrecroiser mais on ne sait pas trop comment, à laisser entendre au lecteur l'air de rien que telle ou telle personne est peut-être suspecte, et on a alors un doute, qui se confirmera… ou pas, jusqu'à une résolution finale façon coup de théâtre (dans tous les sens du terme ! mais il faut le lire pour comprendre ;) ). Alors, je l'avoue : j'avais vu venir ce twist final, j'avais quelques doutes depuis un petit moment… mais je ne pourrais dire si c'est dû au seul art de l'auteur (comme je disais plus haut) ou au fait que, sachant que je le lis depuis un moment désormais, j'ai fini par « deviner » certains de ses ressorts narratifs – oh ! sans grande analyse hein, mais un coin de mon esprit me disait que… et ça s'est avéré vrai ! J'ai lu l'un ou l'autre commentaire regretter ce final pas assez inattendu à leur goût ; pour ce qui me concerne, ça ne m'a pas gênée, au contraire : j'étais tout à coup toute contente d'avoir pu « mener l'enquête » de mon côté, tout en apprenant les quelques détails finaux qui restent du ressort de l'auteur. On pourrait croire que c'est une faiblesse de l'auteur de laisser autant entrevoir les choses ; pour moi, c'est un grand art de la « manipulation » du lecteur, et j'ai adoré !

    L'écriture est entraînante et ici très visuelle : dès le prologue, on se représente parfaitement ce que Lucia a pu voir, cette pseudo-crucifixion (pseudo parce que la victime n'est pas clouée, mais collée à la colle forte, sur une croix !) de son collègue, dans un décor hallucinant et en plein orage. On s'y croirait vraiment, et c'est tellement dérangeant, j'ai été tellement « choquée » que, moi qui avais acheté ce livre dès son apparition dans la librairie de mon quartier à Bruxelles (un jour avant la date de sortie officielle en France !) et avais aussitôt commencé à le lire, je n'ai pu dépasser ces premières pages… et ai laissé « poser » ce livre ! Puis, le temps d'en lire quelques autres, je ne le termine que plus d'un mois plus tard.
    Mais alors, quand je me suis enfin décidée à le reprendre, c'est un nouveau page-turner que j'ai trouvé : j'ai alors été incapable de me détacher de l'histoire, de cette fièvre à comprendre le comment du pourquoi, à suivre notre duo d'enquêteurs au fil de leurs découvertes plus ou moins stressantes. Certains passages sont même carrément cinématographiques, on est à la limite du film d'action, avec une réelle maîtrise toutefois, qui ne donne pas cette impression de partir dans du n'importe quoi, mais bien que chaque mini-action est tout à fait mesurée – et ça fait d'autant plus froid dans le dos.

    Bref, j'ai retrouvé avec plaisir la plume de cet auteur que je suis depuis un moment, et que je trouve toujours aussi réjouissante ! J'ai aimé une intrigue prenante et parfois glaçante, très visuelle aussi, où l'auteur mène le lecteur par le bout du nez en lui donnant cette impression qu'il mène l'enquête avec les protagonistes. Je n'ai juste pas réussi à m'attacher (du tout) à cette nouvelle héroïne, beaucoup trop stéréotypée en flic torturée, et paradoxalement pas assez travaillée : j'espère que cet aspect-là sera plus réussi dans un éventuel prochain opus !

  • Octabrina_

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #216 04 Mai 2022 17:27:17

    Bon rétablissement !!
    Le dernier Bernard Minier me tente bien :pink:
  • stephanius

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #217 04 Mai 2022 19:35:12

    Olala remet toi vite et surtout suis bien les instructions des docs parce qu'une fracture mal guérie c'est galère.
    Bonne lecture
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #218 05 Mai 2022 10:11:16

    Coucou,

    Octabrina : si tu aimes bien Minier, ce n'est pas son meilleur... mais je ne suis pas non plus une référence! ;)
    Par exemple, dans la série Servaz, mes préférés sont Glacé et Soeurs - qui ont tous deux été généralement bien appréciés - ; mais j'ai moins aimé La Vallée, alors qu'il a été très bien noté; en revanche j'ai mieux aimé La Chasse que la moyenne, alors bon...

    stephanius tu me ferais presque peur! :O de toute façon je ne sais pas faire grand-chose à part attendre que ça passe... :chaispas: et peu à peu je deviens folle, je supporte très mal l'immobilité, mais pas le choix!

    Merci à toutes les deux en tout cas! ;)




    Là-dessus, je viens directement vous présenter un nouveau livre, que j'ai reçu "en avant-première" grâce à une Masse critique privilégiée de Babelio ; je l'ai reçu il y a quelques jours, lu en quelques heures, terminé hier dans la journée et j'ai écrit mon avis dans la foulée, car il sort aujourd'hui en librairie!
    Bon, ce n'est pas une révélation absolue, mais c'est vraiment pas mal foutu ;) surtout si on s'intéresse au sujet (même sans le savoir) - j'ai donc mis 17/20 à :

    Amande de Won-Pyung Sohn,
    publié chez Pocket Jeunesse (PKJ), lu en GF, il sort donc aujourd'hui en librairie.

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    Synopsis : Yunjae, 15 ans, n’arrive pas à ressentir les émotions. Son amygdale cérébrale, son «amande», ne fonctionne pas bien. Alors, pour se fondre dans la masse, il doit retenir les codes de la société comme les tables de multiplication : imiter les autres quand ils rient, dire bonjour, s’il te plaît, merci quand il faut… Paraître «normal», en somme.
    Quand une tragédie bouleverse sa vie, il se retrouve seul face à l’adversité.
    Contre toute attente, Gon, un garçon de son âge rebelle, colérique et violent, s’intéresse à lui. Entre eux naîtra une amitié improbable qui permettra à Yunjae d’expérimenter ses premières émotions. Mais devenir plus humain et s’ouvrir aux autres a un prix…


    Mon avis :
    Je remercie les éditions Pocket Jeunesse (PKJ) et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse critique privilégiée. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, le synopsis proposé pour cette histoire « d'amande » m'avait fait penser à l'autisme : le sujet m'intéresse, j'avais donc postulé, sans réfléchir plus loin.
    Or, il se trouve que le héros de ce roman jeunesse, Yunjae, souffre d'une maladie rare du nom barbare d'alexithymie – une anomalie qui, après vérification sur Wikipédia, est communément liée aux troubles du spectre autistique, en effet : c'est cette incapacité de ressentir, d'identifier et dès lors d'exprimer des émotions, ou encore l'incapacité de ressentir la peur, ce qui n'est pas pour autant du courage, mais un véritable danger ! Dans le cas de notre jeune héros cependant, l'autrice balise très vite les choses : les symptômes de Yunjae ont commencé trop tôt pour que ça puisse s'apparenter à une quelconque forme d'autisme. En revanche, son amygdale, cette fameuse « amande », le centre cérébral des émotions, n'a pas grandi comme il aurait fallu, et ainsi atrophié serait responsable de son absence d'émotions.

    Cela étant posé, en commençant par les premiers symptômes dès la plus tendre enfance, puis le diagnostic précis au 6e chapitre (à la page 35, les chapitres étant généralement courts), on n'est pas tant dans un roman médical, que dans le récit que fait Yunjae lui-même de sa propre vie. Car c'est lui qui est narrateur du début à la fin, et c'est ça qui fait toute la force du roman : cet enfant puis ado grandit et raconte son histoire avec cette absence complète d'émotions, mais peu à peu conscient de sa différence dans le regard des autres, en premier lieu ceux de sa mère et de sa grand-mère avec qui il vit, puis inévitablement de ses camarades de classe. On a ainsi un récit qu'on croirait vrai, ce qui le rend terriblement bouleversant, le langage s'apparente réellement à celui d'un témoignage. Pourtant, il est aussi et surtout « distancié », l'autrice ayant su rendre avec grande habileté cette absence de ressenti du jeune garçon, mais aussi tout son questionnement -plus intellectuel qu'émotionnel, néanmoins toujours très touchant- par rapport à sa différence.
    Outre le fait que sa mère le « coache » pour lui enseigner comment réagir dans telle ou telle situation, le plus souvent avec un temps de retard car les situations nouvelles se multiplient au fil des contacts sociaux et ne sont pas toujours prévisibles, Yunjae se rend bien compte que les autres parlent de lui dans son dos (et puis de plus en plus ouvertement), que personne ne vient jamais s'asseoir près de lui à table, etc. Et le plus « fort », c'est que le lecteur en est sincèrement peiné pour lui, car tout cela s'apparente à une forme de non-respect, de non-amitié, de harcèlement même, tandis que notre héros lui-même ne s'inquiète pas, puisqu'il en est incapable, mais se rend quand même compte qu'il n'est pas « normal ».

    L'intrigue se poursuit alors avec plusieurs rebondissements : Yunjae se retrouve seul dans la vie à la suite d'un événement dur et marquant, puis devient objet du harcèlement poussé du petit voyou de la classe (un petit voyou qui révèle en réalité une grande fragilité, ce qui sera bien exploité, sans pour autant le victimiser pour tout pardonner !), et finalement découvre un nouveau sentiment jusque-là inconnu…
    En dire davantage serait divulgâcher, mais on toute une série de sentiments forts dans ce roman, malgré l'incapacité de notre narrateur à les ressentir ! C'est tout à la fois un symbole de la parentalité inquiète face à la « différence » de l'enfant qu'on chérit plus que tout, la dénonciation de certains comportements médicaux (quand on veut faire de nos enfants différents des quasi-objets de laboratoire !) ; mais aussi une ode à cette bienveillance qu'un adulte ami de la famille peut avoir envers ce jeune pas comme les autres, lui permettant ainsi de grandir malgré tout ; la célébration de l'amitié quand elle surmonte les obstacles même les plus graves envers et contre tout, et quelques sympathiques clins d'oeil à l'amour sous diverses formes… toutes ces émotions s'entrecroisant au fil des événements.

    Il y a certes quelques situations à la limite du cliché – notamment quand il s'agit de notre jeune voyou – mais la façon de Yunjae d'appréhender le monde, ce regard d'un jeune différent, et d'une différence qui fait froid dans le dos quand on y pense, rend les choses suffisamment originales pour qu'on ne s'attarde pas sur cet aspect autrement réducteur.
    Le seul, vrai point négatif, finalement, c'est que je ne comprends pas pourquoi ce livre n'a pas été traduit directement du coréen en français, mais qu'on nous propose là une traduction depuis la version américaine (en anglais), elle-même traduite de la version originale. Y a-t-il donc une telle pénurie de traducteurs du coréen vers le français ? Y aurait-il eu des impératifs éditoriaux qui auraient empêché d'attendre la disponibilité d'un traducteur « direct » ? On le sait : une traduction, aussi bonne qu'elle soit, ne peut rendre qu'imparfaitement toute la saveur de l'original. « Traduttore traditore », disent les Italiens (le traducteur est un traître). Mais alors, en passant par une langue supplémentaire, qui en plus n'a que peu en commun avec le coréen et/ou avec le français, c'est vraiment très, très dommage !

    Ainsi, au risque de me répéter, je conclurai en disant que j'ai apprécié ce livre bouleversant et intense, narré par un jeune héros incapable de ressentir la moindre émotion. le fait que son histoire soit ainsi présentée avec une distanciation tellement bien maîtrisée, la rend d'autant plus touchante, nous donnant paradoxalement un véritable chemin de vie bourré de toute une gamme de sentiments forts. Certaines situations sont peut-être parfois un peu cliché, et on regrette que la traduction ait dû être faite en passant par l'anglais américain, mais on ne sort pas indemne d'un tel livre !





    Enchaînons sur mes bonnes résolutions, en vous présentant quelques livres lus à partir de mi-avril, et que je n'avais pas encore pris la peine de vous présenter:

    Le dernier chant de Sonja Delzongle,
    publié chez Denoël en 2020 (il est sorti en poche chez Folio cette année), lu en GF.
    Un thriller rythmé et prenant, mais pas tout à fait convaincant: 15/20

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    Synopsis : Et si les animaux n’étaient que de malheureuses sentinelles…
    C’est le bruit, qui tue. Le dernier chant. Il apporte la mort. » Telle est la prédiction de la vieille Innu devant l’immense cimetière qu’est devenu le fleuve Saint-Laurent en ce matin d’août 2021. A perte de vue, des marsouins, des bélugas, quelques orques, flottent le ventre en l’air. Une hécatombe sans précédent.
    Deux mois après, dans une réserve du Congo, les gorilles succombent eux aussi à un mal inexpliqué. Et, chose stupéfiante, les survivants, prostrés semblent pleurer…
    Quel lien entre ces phénomènes qui se multiplient dans le monde ? A qui profite la disparition de ces êtres vivants ? C’est ce que se demande Shan, chercheuse à l’Institut de virologie de Grenoble, en découvrant le dossier déposé sur son bureau par un stagiaire.
    La voilà décidée à mener l’enquête, seule. Mais déjà, des yeux la surveillent, quoi qu’elle fasse, où qu’elle s’envole... Et à l’approche de la vérité, Shan mettra en jeu non seulement ses convictions, mais aussi sa propre vie.


    Mon avis :
    J'avais craqué pour ce livre, à la lecture du 4e de couverture, lors d'un de mes (nombreux) passages en librairie… et puis il a rejoint ma PAL, où il risquait bien – comme tant d'autres ! – de s'endormir pour une durée indéterminée. Mais voilà : grâce à un challenge marathonien sur Livraddict, il en est ressorti finalement assez rapidement, en lecture imposée. Et je ne regrette pas ! même si je garde un avis relativement mitigé de ma lecture.

    Ce n'est pas un coup de coeur, mais en tout cas j'ai aimé l'originalité de ce roman qui base son aspect « thriller » sur le bruit, un phénomène apparemment étudié, mais souvent sous le sceau du secret, et peu présent dans les romans du genre alors qu'il offre un très grand potentiel ! Sonja Delzongle a su s'en saisir et le rendre particulièrement intéressant : oui, le bruit tue ; oui, le bruit peut être provoqué et utilisé comme arme ; et oui, même si ça ressemble à de la science-fiction, que ce roman va plus loin que la réalité actuelle, tout ce qui est raconté est tout à fait plausible, et dès lors réellement glaçant.
    Ajoutons à ça que, par un hasard tout à fait extraordinaire, j'ai lu ce livre précisément durant les quelques jours où des travaux ont eu lieu dans l'appartement de ma voisine du dessus – travaux relativement « lourds », la nouvelle propriétaire ayant décidé de tout remettre à neuf ! Autant dire que cette histoire de bruit (même s'il ne s'agit pas du même, car oui, il y a différents types de bruits) résonnait particulièrement à mes oreilles – dans tous les sens de ces différents termes !

    Cela dit, si j'ai effectivement aimé ce traitement du bruit comme arme potentielle de destruction massive, j'émets désormais quelques réserves sur ce qui est vraiment proposé. Ainsi, j'ai d'abord eu l'impression que ce livre était particulièrement bien documenté… et puis j'ai quelque peu déchanté quand j'ai découvert que l'autrice ne cite que deux sources en fin de volume : sont-elles à ce point complètes ? La petite part scientifique de mon esprit ne peut s'empêcher d'en douter.
    Cette mini-bibliographie cite un livre, au sujet duquel je ne peux rien dire, je ne l'ai pas entre les mains (et n'ai pas l'intention de l'acquérir). L'autre objet est un site Internet, que je ne vais pas prendre le temps de visiter de fond en comble (je suis intéressée par le sujet, mais pas à ce point !). Une première visite rapide montre toutefois qu'il est indéniablement « orienté », dans la mesure où, comme le dit l'introduction, « Ce site est donc une compilation de mes réflexions et enquêtes sur ce bruit qui, vous le verrez, est malsain. » (voir https://le-bruit.com/index.php ) C'est donc un particulier (qui ne se présente même pas clairement dans ladite introduction) qui a créé ce site – comme il en existe des millions d'autres sur 1.001 sujets. Serait-ce l'autrice elle-même ? Mystère… Quoi qu'il en soit, si je respecte un travail qui a l'air bien fait (à première vue), ça me semble un peu « faible », et en tout cas très insuffisant car très limité, pour tout expliquer.
    Cela dit, le but de cette chronique n'est en aucun cas de commenter le site en question, mes connaissances sur le sujet ne me permettant pas de prétendre à un tel travail, mais bien de parler du livre qui s'en est inspiré. Après tout, en ouvrant « le dernier chant », je voulais lire un thriller, pas un ouvrage scientifique, et pour ça, c'est tout à fait réussi, malgré cette petite gêne qui persiste sur l'opportunité scientifique de ce qui y est développé.

    Regardons maintenant du côté des personnages : Shan, la personnage principale, est une jeune chercheuse française d'origine cambodgienne. Elle est incontestablement touchante, sans être follement attachante pour autant.
    Elle est présentée comme une chercheuse en virologie particulièrement brillante, pleine de potentiel, mais solitaire et dévastée par la mort prématurée de son compagnon dans un accident, un an auparavant. Je l'ai trouvée parfois émouvante dans certains passages, mais à d'autres moments j'ai eu du mal à « valider » ses choix… Certes, c'est un personnage de roman qui vit sa propre vie fictionnelle ; or, si je l'avais connue dans la vraie vie, ça aurait été une collègue, une connaissance qu'on apprécie, et pour qui on est réellement peiné quand ça va mal, mais « sans plus ». Mais surtout, c'est sa grande naïveté qui n'a cessé de me surprendre : elle accepte un dossier que lui transmet un stagiaire sans se poser la moindre question ; elle la bourreau de travail part tout à coup en vacances avec ledit dossier… mais ne répond pas aux appels téléphoniques de son employeur sous prétexte qu'elle est en vacances ?! et surtout, elle la scientifique, fait tout à coup confiance à une application informatique censée faire revivre la voix de son compagnon disparu grâce à une série d'algorithmes ??? Certes elle est encore en processus de deuil, donc fragile face à ce genre de « gadget », mais on nous dit tellement par ailleurs qu'elle est brillante, peu connectée, etc., etc., et là elle tombe dans le panneau les yeux fermés… au point que le lecteur va finir par adhérer lui aussi malgré un doute qui a subsisté sur cette fameuse appli que, pour ma part, jamais je n'aurais accepté d'installer sur mon téléphone ! Il y a là une évidente incohérence entre sa tête bien faite de scientifique, et sa fragilité exacerbée dans ce processus de deuil, un an après qui plus est – cette fragilité ne me semble pas suffisante pour contrer un esprit théoriquement formé et exercé à penser avec détachement et rigueur. Pour une scientifique si brillante, elle est bien trop souvent gouvernée par ses seules émotions…

    Quant aux autres personnages, je reste sur une certaine déception. J'aurais aimé un plus grand développement de Liam ou d'Annaïk, qui sont très joliment présentés, pour être ensuite quasi complètement laissés de côté… au profit de la palette de nouveaux amis de Shan, à qui elle fait confiance tellement vite, malgré ses réticences qu'on répète bien pour faire bonne mesure. Il n'en reste pas moins qu'elle fonce avec eux tête baissée, et là, à nouveau, son esprit soi-disant scientifique semble l'avoir bien désertée ! Quant à ses nouveaux compagnons de route, j'ai d'abord été agacée par la mini-apologie des « zèbres » que l'autrice parvient à glisser – c'est qu'on m'en a rabâché les oreilles, sur ces « zèbres », à l'époque où je fréquentais assidument différents groupes de (jeunes) mamans : à en croire certaines, des tas d'enfants (les leurs en premier lieu) feraient partie de ces fameux « zèbres », et au final ce pseudo-diagnostic expliquerait tout et n'importe quoi dans le comportement de ces enfants différents – comme si nous ne l'étions pas tous, différents ! Mouais…
    Je précise aussi que je ne veux en aucun cas dénigrer les enfants réellement différents, pour qui le quotidien peut être une véritable souffrance. Mais, en l'absence d'un diagnostic sérieux, qui plus est difficile à poser, j'ai l'impression que cette notion de « zèbre » est bien souvent galvaudée…
    Bref, avec cet a priori déjà assez négatif, je n'étais pas très encline à me laisser convaincre par cette partie-là… Et ensuite, pour le peu que ces personnages-là ont été exploités, je ne vois pas en quoi le fait d'être des « zèbres » apporte quoi que ce soit à l'histoire – d'autant plus qu'ils sont tous devenus adultes, et pour certains plus vraiment tout jeunes ! Alors, ok, zèbre un jour, zèbre toujours, mais est-ce à ce point important ? Ok, ils ont tous développé des compétences particulières qui, mises ensemble, leur permettent d'étudier ce « bruit » ; ok, Shan se sent à l'aise parmi eux… mais j'ai envie de dire : et alors ? C'est bien davantage un aspect « flower power » vaguement scientifique qui est exploité, que la somme d'intelligences particulières et « différentes » !

    Tout cela étant dit, et malgré toutes les réserves et mini-déceptions ou autres irritations énoncées, il faut bien dire que « ça marche » ! À coup de chapitres jamais très longs, de quelques rebondissements qui frôlent parfois l'ésotérisme mais qui restent maîtrisés, d'un jeu de fausse piste qui sera finalement plus ou moins abandonnée, l'autrice est parvenue à imposer un rythme qui fait que, sans être tout à fait un page-turner, ce livre prenant se laisse lire avec une certaine impatience, le désir de voir les choses évoluer, et chaque nouvelle page lue accélère ce besoin de savoir où tout cela va nous mener.
    Le tout est servi par une plume agréable, soucieuse de présenter de façon claire et intelligible tous les aspects techniques autour du « bruit » (que ce soit scientifiquement exact ou non, c'est en tout cas bien expliqué !), et qui tend à rendre les personnages proches du lecteur sans être tout à fait attachants pour autant.
    Et alors, le cliffhanger final, même s'il n'est même pas complètement inattendu (quoique…), m'a laissée complètement baba ! Effet final pour finir de glacer le lecteur, ou bien y aura-t-il une suite ? Mystère, mais cet aspect-là est très réussi !





    La terre fredonne en si bémol de Mari Strachan,
    publié aux éditions Nil en 2011, sorti en poche chez 10/18 depuis lors (avec une couverture très différente mais sympa aussi), mais pour ma part lu en GF reçu dans un swap :pink:
    Un énorme coup de :heart: : 20/20 !

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    Synopsis : Agée d'une dizaine d'années, Gwenni Morgan grandit dans un petit village du pays de Galles. Friande de romans policiers, elle se pose beaucoup de questions sur sa famille et la petite communauté au sein de laquelle elle évolue. Face aux énigmes et aux secrets du monde adulte, elle décide un jour de lancer son enquête, comme les détectives de ses livres préférés. Où est donc passé Ifan Evans, ce berger au visage tout rouge dont elle s'est toujours méfiée ? Pourquoi son épouse, la douce Mme Evans, semble-t-elle si mystérieuse et si troublée depuis quelque temps ? Et que veulent dire ses filles, la petite Catrin et sa sœur Angharad, lorsqu'elles répètent que leur père est parti avec un gros chien noir ? Lorsque le corps d'Ifan Evans est retrouvé, flottant dans le réservoir d'eau, c'est toute la petite communauté qui est soudain en émoi. S'agit-il d'un drame passionnel ou d'un crime commis par Guto, l'idiot du village ? Les langues commencent à se délier. Alwenna, la meilleure amie de Gwenni, bien " trop délurée " aux yeux de tous, semble disposer d'informations cruciales au sujet de sa grand-mère. A travers le regard fantaisiste d'une enfant un peu précoce, Mari Strachan nous montre combien il est difficile de construire son histoire dans un monde où tout se sait mais rien ne se dit. Lorsque la vérité éclate enfin au grand jour, les secrets de famille brisent l'harmonie apparente du petit village paisible de l'après-guerre. Mais Gwenni a compris depuis longtemps qu'il faut sortir des sentiers battus pour créer la carte géographique de sa propre vie... Le soir, portée par le murmure de la Terre, Gwenni s'envole de son lit pour parcourir la campagne, et alors certaines réponses se dessinent.

    Mon avis :
    Mais quel titre intriguant, et quelle jolie couverture ! J'avais découvert ce livre lors d'un swap l'an passé, je ne sais même plus trop comment, très certainement un peu par hasard. Je ne me rappelle plus précisément la consigne majeure, mais il me semble me rappeler que l'idée était de choisir l'un ou l'autre livre des îles britanniques. Ainsi, quand je suis tombée sur ce livre d'une autrice inconnue du Pays de Galles, ça a été d'emblée un coup de foudre, avant même de le tenir entre les mains – et je remercie aujourd'hui encore ma swappeuse-swappée, qui se reconnaîtra j'espère, d'avoir si bien choisi !

    C'est que ceux qui me suivent le savent : dans une autre vie j'ai joué de la clarinette… instrument en si bémol ! Quant à savoir si la terre fredonne réellement, j'ai un peu de mal à le dire ; ce qui est certain, en revanche, c'est que, dès que j'entends de la musique (de préférence classique, ça ne marche pas trop avec les chansons, variétés etc.), j'entends non seulement un air ou une mélodie, mais réellement une suite de notes qui chantent dans ma tête… pas forcément justes, et on s'en fout un peu ! Ce qui est remarquable, en revanche, c'est que j'entends systématiquement ces airs en si bémol, comme si j'allais pouvoir les jouer à la clarinette dans l'instant ! Je sais que les musiciens comprendront ce que je veux dire par là ; je m'excuse auprès des autres pour qui ça pourrait sembler obscur… Je leur dirai alors seulement que cette idée de « fredonner en si bémol » est quelque chose qui me touche énormément, intimement, car c'est toute ma vie qui en est remuée – une vie depuis toujours empreinte de musique, à travers ma maman avant que je m'y mette moi-même, puis j'ai commencé la clarinette à 10 ans, et même si je n'ai quasi plus guère joué ces dernière années, ça fait quand même une quarantaine d'années que « tout cela » me fait vibrer.

    Mais penchons-nous maintenant sur le livre même, avec sa jolie couverture au titre reliéfé – ce qui ajoute au plaisir. Il nous conte une histoire qui touche à beaucoup, beaucoup de sujets, sans que l'autrice donne jamais l'air de se disperser, car c'est aussi, tout simplement, le quotidien d'une jeune fille de presque 13 ans (12 ans et demi, dit-elle elle-même - pour ça le synopsis s'est planté, elle n'a pas "une dizaine d'années" notre Gwenni !) à l'imagination débordante, ce qui n'est pas forcément ni bien vu ni très « habituel » dans un petit village du Pays de Galles, on suppose dans les années 1950 (puisque la petite Gwenn, notre héroïne, serait née vers la fin de la Guerre). C'est un petit village où tout le monde se connaît depuis toujours et où tout se sait sur les uns et les autres ; c'est une époque où la vie paroissiale est prépondérante, avec son « école du dimanche » où l'on va en famille et où l'on se retrouve divisé par tranches d'âge, et les sermons de « la Voix de Dieux », surnom bien opportun du révérend ! C'est un village gallois typique, aussi : la mer toute proche fait partie du décor au même titre que les moutons sur les collines herbeuses ; à l'école il faut parler anglais mais le gallois reste la langue vernaculaire que tout le monde utilise partout, au grand dam des quelques Anglais installés là et qui ne parviennent pas à s'intégrer complètement.

    Un double événement va bouleverser à tout jamais la vie de Gwenni, notre jeune héroïne. D'une part, sa meilleure amie de toujours, de tous ses jeux et de tant d'instants partagés, s'éloigne insensiblement, trouvant un intérêt soudain aux garçons, que les deux petites filles avaient toujours rejetés jusque-là, comme des êtres étranges. C'est que Gwenni et son amie Alwenna sont à cet âge magique où on a encore un pied dans l'enfance, mais où on se sent implacablement tiré.e vers l'adolescence, qui n'a peut-être pas l'intérêt démesuré qu'on lui donne aujourd'hui, mais qui n'en est pas moins un passage, ouvrant peu à peu une autre façon de voir et considérer la vie, sa famille ou ses amis. Et cela se ressent très fort à travers tout le livre, car Gwenni garde encore et toujours son côté un peu naïf et enfantin, un peu ingénu même parfois, tout en tombant peu à peu, presque malgré elle, dans une toute nouvelle maturité de très jeune adulte…

    D'autre part, la mort du mari de l'institutrice, jeune femme cultivée dont Gwenni était très proche, va projeter tout le village dans une autre dimension. Il apparaîtra très vite que la mort n'était pas accidentelle, et le ou la coupable sera identifié.e (très rapidement dans la tête du lecteur, beaucoup plus tard dans le livre) sans qu'il y ait de réelle enquête, c'est vraiment un aspect très secondaire et dont l'apparente non-résolution n'est pas un obstacle au reste de l'histoire. Car ce meurtre (car c'en est un) va surtout servir de déclencheur, en réveillant (et faisant éclater) des secrets enfouis que certains voudraient taire à jamais, mais il est des silences qui créent plus de malheur que la vérité…

    Il est difficile de dire à travers une telle tentative de résumé à quel point ce livre foisonnant entraîne le lecteur au coeur de ce village comme si on en faisait partie, en suivant toujours les événements à travers les yeux de Gwenni, dans un langage toujours juste, très imagé et parfois même onirique. On retiendra longtemps les pichets Toby qui ornent la cheminée, et à qui l'imagination de Gwenni prête vie en fonction des événements ; on verra Gwenni « voler » la nuit dans ses rêves et on suivra presque avec tristesse ses essais infructueux d'y parvenir aussi en journée quand elle est éveillée ; on aime sa candeur face à l'idiot du village aussi innocent que l'agneau qui vient de naître.
    On a ainsi une galerie de personnages pas toujours sympathiques, mais qui suscitent des sentiments indéniablement forts chez le lecteur. Outre Gwenni, on s'attache à son père, qu'elle n'appelle jamais autrement que « Pa' », ouvrier maçon follement amoureux de sa femme et tendre avec ses filles, mais bien impuissant face au pire ; car justement, on comprendra peu à peu que « Ma' » souffre d'une dépression sévère (mot jamais prononcé toutefois, n'oublions pas que tout est vu par le regard de Gwenni, à une époque où, en plus, on ne parlait guère de telles maladies…), dépression qu'elle combat tant bien que mal à coup de médicaments mais sans y parvenir tout à fait, et ce meurtre au village va la précipiter dans plus sombre encore, au point de rejeter violemment sa propre fille, qui reste malgré tout aimante et ne rêve rien d'autre que voir sa mère aller mieux…
    J'ai vraiment apprécié cette présentation ciselée et réaliste, toute en subtilité et sensibilité, des personnages même les moins sympathiques, ce qui donne en plus un sentiment de grande sincérité. Par exemple, j'ai lu certains commentaires très durs envers la mère de Gwenni, qui n'est certes pas un personnage agréable… mais moi, plus que tout, j'admire cette façon de la présenter, tellement travaillée l'air de rien et terriblement juste : j'ai rarement vu une approche aussi touchante des affres de la dépression, sans minimiser pour autant les souffrances qu'un tel état peut provoquer chez les proches de la personne atteinte.

    Bref, c'est là un livre magnifique, qui présente une tranche de vie typique d'un village gallois dans les années 1950, vue par une jeune fille de pas tout à fait 13 ans, à cheval entre enfance et adolescence, et surtout débordante d'imagination. Pour autant, elle conte son histoire sans fioritures ni sans faux-semblant, quand des secrets enfouis éclatent au grand jour. La langue est ciselée, toujours juste, souvent imagée, parfois onirique ou même poétique. Un véritable régal pour le lecteur, et mon coeur en vibre encore… en si bémol !





    Et je termine ce matin sur un tout petit livre, "emprunté" à mon fils pour une lecture commune assez intéressante, même si je n'ai pas follement apprécié ledit livre (14/20) :

    Coraline de Neil Gaiman,
    il existe toute une série d'éditions et rééditions, pour ma part je l'ai lu dans la version GF d'Albin Michel, datant de 2019.

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    Synopsis : Coraline vient de déménager et découvre son environnement, une étrange maison qu'elle et ses parents partagent avec des voisins peu communs : deux anciennes actrices et un vieux toqué éleveur de souris savantes. "Je suis une exploratrice !", clame Coraline. Gare pourtant : derrière la porte condamnée, un monde magique et effrayant l'attend.

    Mon avis :
    Voici un livre dont j'avais entendu parler depuis bien longtemps : mon mari et moi avons le film quelque part dans notre DVD-thèque ; et mon fils aîné a dû lire ce livre en vo dans le cadre de son cours d'anglais l'année passée. Pour autant, je n'ai jamais vu le film (le DVD est toujours sous film plastique !) et, malgré le fait que j'avais envisagé de le lire en même temps que mon fils, finalement je ne l'ai jamais fait… Je l'ai pourtant ressorti dans le cadre d'une lecture commune, et je ne sais toujours pas très bien si j'en suis heureuse ou non !
    Il faut dire que, pour commencer, j'ai eu la surprise de découvrir que non seulement mon fils aîné (désormais 14 ans et demi) connaissait le livre, mais en plus ma fille (13 ans) a vu le film lors d'une pyjama party chez une copine, je ne sais pas trop à quel âge, et mon petit dernier (9 ans) l'a vu tout récemment lors d'une récré (!!) : comme il faisait vraiment trop moche pour sortir, la maîtresse a décidé de passer ce film à ses enfants de 4e primaire (CM1 pour mes amis français)... Ainsi, mon gamin m'a aussitôt dit : « Tu vas vraiment lire ça ? mais c'est flippant ! » Autant dire que ça commençait fort (mal), pour moi qui n'aime pas trop ce qui est classé comme « horreur », même si on n'est pas tout à fait dans ce registre… mais bon, mon petit n'avait pas l'air particulièrement traumatisé, et puis je suis adulte n'est-ce pas ?

    Avant de parler plus avant de ce livre, je dois ajouter que j'avais d'abord envisagé de le lire en vo anglaise, ce qui ne devrait me poser aucun problème – si ce n'est quelques vérifications de vocabulaire. Toutefois, après de longues tergiversations avec moi-même, et pour des raisons strictement personnelles, j'ai finalement décidé de le lire en traduction française malgré tout… J'y ai sans doute perdu au charme de la langue originale, ce que j'ai gagné en rapidité : ce livre, déjà très court à la base (à peine plus long qu'une novella, on est plutôt de l'ordre du conte), se lit extrêmement vite, car il ne présente vraiment aucune difficulté. de plus, sans être tout à fait un page-turner, il se laisse lire avec intérêt.

    En parlant de conte : j'ai lu (je ne peux décidément pas m'en empêcher !) divers avis comparer ce livre à « Alice au pays des merveilles » ou au monde de Tim Burton. Pas de chance pour moi (ou bien si ?) : je n'ai jamais lu l'oeuvre de Lewis Carroll, et la version dessin animé de Walt Disney fait partie de ceux que j'ai le moins aimés ! et dont je n'ai que de très vagues souvenirs. Quant à Tim Burton, cet univers ne m'a jamais attirée, donc je n'en ai jamais rien vu non plus… Je suis donc incapable de soutenir l'une ou l'autre de ces comparaisons, sachant en plus que, de toute façon, je n'aime jamais trop comparer des oeuvres différentes – sauf si l'idée me vient spontanément !
    Néanmoins, on est bel et bien dans un univers proche d'un conte, avec une personnage qui vit des aventures tout à fait extraordinaires après avoir transgressé une directive (ses parents lui ayant plus ou moins interdit d'ouvrir cette porte qui ouvrait sur un mur !), poussée par son ennui de fille unique qui se sent seule, vaguement rejetée alors que ses parents doivent tout simplement travailler (même s'ils sont à la maison, un sujet qui résonne tout particulièrement en cette période où le télétravail est devenu quelque chose de tout à fait normal pour toute une série de professions !).
    Sauf que ces aventures extraordinaires tournent très vite à quelque chose qui relève de l'illusion, mais alors du côté sombre de la force, et qui donne au lecteur un sentiment persistant, parfois presque pesant, de bizarrerie. Avec ça, on a de nombreux rebondissements, dont certains m'ont réellement surprise !

    Cela dit, si je suis capable d'apprécier la valeur de la construction très maîtrisée de cette courte histoire, les descriptions très réalistes et effectivement « flippantes » des événements (même si l'adulte en moi ne réagit clairement pas de façon aussi émotionnelle qu'un jeune enfant) ; si j'ai parfois ressenti une certaine inquiétude pour Coraline, je ne me suis jamais réellement attachée à aucun des personnages – sauf peut-être au chat dont j'ai apprécié l'esprit indépendant malgré un comportement qui peut sembler hautain.
    Peut-être est-ce à cause de ce qu'on m'a rabâché quand j'étais (jeune) maman : qu'il faut parfois laisser les enfants s'ennuyer, que c'est bon pour eux, pour leur imaginaire ? Dès lors, je suis partagée entre un vague sentiment d'irritation envers cette gamine relativement privilégiée qui, d'une certaine façon, fait des caprices parce qu'elle s'ennuie (elle m'a tellement rappelé certains moments avec les miens, d'enfants qui tournent dans les pieds des parents à les rendre fous ! cela dit avec toute la gentillesse d'une maman parfois débordée, en vrai j'adore mes enfants !) ; et la force de cet imaginaire, qui a d'ailleurs valu plusieurs prix à ce petit livre, mais qui a effectivement un côté « flippant », même s'il ne relève pas de la pure horreur et n'affecte pas vraiment le lecteur adulte.

    Une lecture plutôt en demi-teinte, donc, et si plusieurs copinautes ne m'avaient pas dit tant de bien de l'auteur par ailleurs, ce ne serait définitivement pas ce livre qui me donnerait envie de le découvrir davantage !

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (05 Mai 2022 10:12:08)

  • stephanius

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #219 05 Mai 2022 12:34:55

    La terre fredonne en si bémol me tente bien
  • domi_troizarsouilles

    Propriétaire d une PAL boulimique

    Hors ligne

    #220 10 Mai 2022 12:04:04

    Hello!

    Les jours passent... et je ne suis décidément toujours pas à jour dans ce suivi, tandis que les nouvelles lectures s'accumulent! :ohlecon:
    MAIS, bonne nouvelle (enfin je crois), j'ai enfin commencé à mettre à jour mon index par titres de la première page! :pompom:

    Petites nouveautés:
    * j'ai fait un découpage alphabétique plus clair (ça me permet à moi-même de m'y retrouver)
    * j'ai ramené à la lettre L tous les titres qui commencent effectivement... par un L, y compris tous les livres dont le 1er L est un article (le, la ou les)

    J'espère que ça vous plaira, et n'hésitez pas à me dire si vous y trouvez des erreurs ou quoi...
    J'ai encore du taf: là je suis arrivée au 13 juillet 2021 :emb: - ça fait donc presque un an que je n'avais plus mis ce truc à jour!!




    Et là-dessus je vous présente d'emblée mes trois dernières lectures (pas de place pour des "anciennes" dans ce post... :'S)

    Dark secrets de Michael Hjorth et Hans Rosenfeldt,
    publié à l'origine sous ce titre chez Prisma en 2013 (c'est l'édition que j'ai lue), édité ensuite chez 10/18 en version poche en 2014... et puis repris tout récemment par Actes Sud (dans leur collection Babel Noir), qui a fait de "Dark Secrets" le titre de la saga, et qui a ajouté un tout nouveau titre pour ce 1er tome: "Celui qui n'était pas un meurtrier".
    Quoi qu'il en soit, j'ai passé un très bon moment de lecture: 17/20.

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    Synopsis : À Västerås, petite ville de Suède, le cadavre d'un adolescent est découvert au fond d'une mare, le coeur arraché. Les efforts de la brigade spéciale s'essoufflent et l'enquête piétine. L'éminent profiler Sebastian Bergman, de passage pour liquider une succession, demande à rejoindre l'équipe chargée de cette affaire. Intelligent et intuitif, mais mal accueilli par la brigade à cause de son arrogance, Bergman se lance dans une course contre la montre pour éviter que d'autres meurtres ne se produisent, tout en s'efforçant de conjurer d'anciens démons...
    Dark Secrets inaugure une trilogie au succès retentissant, adaptée en série TV et traduite dans vingt-trois langues, dans la plus pure tradition du roman policier suédois.


    Mon avis :
    Moi qui suis plutôt amatrice de policiers et autres thrillers, je ne lis que peu de « polars nordiques », qui sont pourtant généralement reconnus pour leur intérêt ! C'est une fois encore un challenge sur Livraddict, en l'occurrence celui qui invite au voyage et qui met en avant la Suède ce mois-ci, qui m'a décidée à me lancer dans cette littérature noire venue de Scandinavie, que je connais somme toute très peu. Pourquoi ce livre-ci en particulier ? Pour la bonne et simple raison que, toujours selon les règles de ce même challenge, les points sont doublés si le roman est écrit à quatre mains !
    Eh bien, je me suis régalée, malgré quelques longueurs çà et là.

    Comme l'indique le synopsis, l'action se passe dans la petite ville de Västerås. La découverte dans une mare, du corps d'un adolescent criblé de coups de couteau et à qui on a enlevé le coeur, met les services de police en émoi… d'autant plus que la police locale a tardé à s'intéresser au dossier, à l'origine une simple disparition, pour diverses raisons bien humaines (c'était le week-end, la mère venue se plaindre pour disparition n'était pas convaincante : une fugue vers la capitale semblait tellement plus crédible et « pratique » !). Dès la découverte du corps cependant, une équipe de la Criminelle de Stockholm est envoyée sur les lieux, et s'efforce de reconstituer les choses, plus ou moins aidée ou gênée par la responsable locale (qui pense plus à sa carrière flico-politicarde qu'à l'enquête même) et le policier le premier en charge de l'enquête (qui n'a de cesse de montrer qu'il est meilleur que tous les autres).
    En parallèle, et sans lien apparent avec ce qui précède, on suit le parcours d'un certain Sebastian Bergman. Psychologue ayant autrefois travaillé avec la police, il est actuellement sans emploi, en quelque sorte « au fond du trou », à la suite de la mort tragique de sa femme et de sa fille, dont il ne parvient pas à faire le deuil. La seule chose qui le maintient vaille que vaille en vie est son addiction : cette pulsion à conquérir une femme, qui qu'elle soit sans aucun « critère », juste cette excitation de la conquête jusqu'à conduire ladite femme à coucher avec lui, et s'enfuir ensuite au petit matin… Il est persuadé que cette pulsion qu'il ne peut réfréner lui permet de comprendre particulièrement bien les tueurs en série, qui auraient en effet une pulsion similaire… mais pour un autre « assouvissement » !

    C'est que Sebastian a un taux de réussite élevé dans son ancienne carrière, notamment avec l'un ou l'autre tueur en série ; il est reconnu comme « le meilleur », mais tout autant détesté, car il est arrogant, imbu de lui-même et de sa réussite, grossier même parfois (pas tant dans son vocabulaire que dans sa façon désinvolte et souvent irrespectueuse de s'adresser aux autres), sans même parler de cette réputation de « coureur de jupons » qu'il ne dénie pas, même s'il ne s'agit pas tout à fait de ça.
    Et c'est surtout un héros, ou plus exactement un anti-héros, comme je les aime ! Torturé à l'intérieur, pour une raison bien légitime qui plus est, mais qui « se défend » comme il peut, ici avec cette arrogance exacerbée, j'adore ! ;) Bon, j'avoue sérieusement : si j'avais un tel collègue par exemple, ce serait « la » personne que je ne supporterais pas et que je m'efforcerais d'éviter autant que possible. Mais dans un roman policier, c'est le type même de protagoniste qui m'enchante, eh oui !

    C'est là que les deux histoires se rejoignent, avec une ficelle si grosse qu'il faut être plus qu'aveugle pour ne pas la voir : Sebastian arrive lui aussi à Västerås, pour liquider la maison familiale désormais vide à la suite du décès de sa mère. En fouillant vaguement les choses qu'il pourrait garder, il découvre un paquet de lettres qui le mettent en éveil… Parallèlement à ça, tout à fait par hasard (ben voyons !), il tombe sur son ancien ami (vraiment ?) Torkel, chef de l'équipe de la Crim' venue enquêter sur ce meurtre odieux cité plus haut. Les deux voient l'intérêt qu'ils pourraient trouver dans l'autre : Sebastian a besoin d'accéder aux fichiers de la police pour pouvoir résoudre le mystère des lettres tout juste lues, même s'il n'a aucunement l'intention de reprendre du service, tandis que Torkel espère pouvoir compter sur les talents du psychologue, malgré la vive opposition de plusieurs autres membres de l'équipe de la Crim'.
    Et c'est ainsi que Sebastian se retrouve engagé par un Torkel qui ne parviendra jamais à décider s'il a bien fait ou non d'adjoindre à l'équipe celui qu'il considérait autrefois comme proche, tandis que les provocations et l'arrogance perpétuelles de Sebastian entraînent un antagonisme marqué, surtout de la part des deux femmes de l'équipe – seul le jeune geek de service est plutôt sympathique avec Sebastian, mais c'est paradoxalement le personnage le moins travaillé. Cependant, le professionnalisme du psychologue ne peut que convaincre tous les autres, malgré leur irritation quasi-constante. Sebastian, de son côté, se surprend à apprécier d'avoir repris du service, se rend compte que ça lui fait du bien, même s'il refuse tout à la fois de l'admettre. C'est pourtant pour lui un véritable chemin de rédemption qui se dessine petit à petit…

    On l'a compris : dans ce polar, le focus est définitivement orienté sur la psychologie, souvent très fouillée, des personnages… et j'aime beaucoup ça ! même si c'est parfois « trop ». Je pense notamment à tous les passages sur ce policier local qui ne cessera de regretter d'avoir foiré en début d'enquête, et qui va ensuite commettre bourde sur bourde dans l'espoir absurde de prendre une revanche – il joue certes un petit rôle dans l'histoire, mais pas vraiment déterminant, et même inintéressant. Or, les auteurs passent des pages et des pages à nous conter sa vie privée, ses doutes, ses motivations, au point qu'on finit par se demander si ça va avoir un quelconque lien avec l'enquête (cependant, ça ne ressemble même pas à une quelconque fausse piste !), et finalement non… Tous ces passages-là auraient pu (dû ?) être sérieusement raccourcis : ça n'aurait en rien gêné l'intrigue, et ça n'aurait même pas affecté ce souci évident qu'ont les auteurs de présenter leurs personnages avant tout comme des êtres humains, certes professionnels quand il s'agit des policiers ou du psy, aux prises avec un meurtre, et aucun d'entre eux n'est jamais tout à fait blanc ni tout à fait noir.

    Pour le reste, portée par une plume et agréable, toujours réaliste sans chercher à en mettre plein la vue et pourtant très visuelle aussi, l'intrigue se déroule à un rythme plutôt tranquille, fait de fausses pistes (dont un certain nombre sont montrées au lecteur alors que les enquêteurs s'y laissent entraîner au moins un petit moment) et de vraies avancées, qui s'accélèrent petit à petit, dans un tempo de plus en plus rythmé, jamais effréné toutefois, la psychologie des personnages primant encore et toujours – et cela prend son temps.
    Comme je l'ai dit plus haut à propos de la rencontre aléatoire (mais tellement « programmée » !) de Torkel et Sebastian, on voit çà et là d'énormes ficelles dans la narration – mais je ne peux pas dire si c'est parce que le fait de lire beaucoup de polars finit par développer cette plus grande facilité à les voir, en tout cas ça ne m'a pas gênée, au contraire ! Par ailleurs, sachant que le lecteur avance au rythme des policiers, avec parfois un chouïa d'avance comme un clin d'oeil des auteurs, j'ai assez vite compris certains ressorts de cette enquête – et notamment, j'ai très vite eu un énorme doute sur l'affaire plus privée de Sebastian, qui en plus s'est avéré exact ! – jusqu'à une résolution finale toujours de la même veine : elle fourmille de ces détails que les auteurs gardaient en réserve mais qui s'emboîtent parfaitement, comme un puzzle dont le lecteur aurait eu toutes les pièces, que ce dernier coup de pouce des auteurs lui permet de placer correctement. Avec toujours cette dimension que j'apprécie : c'est l'humain bouleversé et bouleversant qui est au centre de tout, à la limite d'un certain drame… et un cliffhanger qui laisse espérer qu'on trouvera vite Sebastian dans une nouvelle enquête !





    Cuffs, collars and love, tome 1 : Le sergent de Christa Tomlinson,
    chez Juno Publishing 2015, lu en version ebook.
    J'aime bien les (homo)romances érotiques, mais là c'est "trop", et d'une certaine façon mal appréhendé: 14/20.

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    Synopsis : Sergent Logan Pierce : Chef de l’unité d’élite du SWAT de Houston. Il mène son équipe avec une efficacité tranquille, mettant hors d’état de nuire des criminels endurcis tout en gardant son équipe en sécurité. Mais derrière les portes closes, il laisse libre cours à une partie plus sombre de lui-même. C’est un dominant dans le monde de la soumission et de la Domination. En tant que Dom, il a contrôlé de nombreux soumis, mais il n’en a jamais eu un qui soit à lui. Et c’est parce qu’il ne veut qu’un seul homme : le Caporal Clay Foster.
    Caporal Clay Foster : agent du SWAT hautement qualifié. Il est toujours le premier à affronter les situations dangereuses de leur travail. Au fil des années, il a remarqué les regards admiratifs discrets de son sergent et il soupçonne son attirance. Une nuit, avec un baiser, il en a la confirmation. Clay plonge tête baissée dans la passion brutale du BDSM dans laquelle Logan l’introduit. Il se soumet au contrôle de Logan, acceptant les douces chaînes qui le lient à son sergent. Mais des secrets, à la fois les siens et ceux de Logan, vont le forcer à quitter la sécurité des bras de son Dom.
    Logan refuse de lâcher ce qu’il voulait depuis si longtemps : posséder Clay, qui arbore fièrement son collier. Clay veut être à lui. Il le sait et Clay le sait également. Logan peut-il guider Clay en toute sécurité à travers les obstacles qui les séparent jusqu’à ce qu’il puisse réclamer son soumis une fois de plus ?


    Mon avis :
    Ayant tout à coup envie d'une homoromance, mais pas trop immersive a priori, au risque de délaisser mes autres lectures en cours, j'ai choisi ce livre reçu il y a quelque temps dans le cadre de mon abonnement Boobox. Et j'ajouterai que je voulais explicitement un tag « érotique », pour les besoins du challenge « Diversifions les genres » sur Livraddict – ça me permettait tout simplement d'ajouter un nouveau genre à mon palmarès actuel, tout en respectant cette envie de romance.

    Si mon attente précise ainsi définie n'est pas déçue, ce n'est quand même pas un livre qui m'a emballée ! On nous parle de Logan, le fameux sergent et chef d'une équipe d'intervention du S.W.A.T. (dont un équivalent français serait le GIGN ou le RAID, dans la mesure où ce sont également des corps d'intervention d'élite bien connus du grand public notamment grâce aux séries télé…), gay très au fond de son placard, amoureux depuis longtemps de l'un des hommes de son équipe, Clay, ouvertement bisexuel et plutôt coureur. On ne comprend pas très bien pourquoi Logan décide tout à coup de chercher à conquérir Clay, alors qu'ils sont amis depuis des années, et que cette relation forte leur convenait tout à fait bien jusque-là, au risque de perdre cette amitié et de mettre leurs deux carrières en péril.
    Mais bien sûr ce n'est pas tout : depuis son retour de la guerre d'Irak, Logan est devenu adepte du BDSM en tant que dominant, car la découverte de cette forme de sexualité lui a permis de « combattre » un éventuel stress post-traumatique, et il a ainsi fini par admettre que le fait d'être dominant est carrément sa personnalité.

    Partant de là, on a toute une histoire à la « je t'aime moi non plus », entre Logan qui séduit Clay sans lui exprimer ses préférences au lit, puis il les lui annonce petit à petit tout en le « testant », jusqu'à ce que Clay découvre qu'il aime être un bon petit soumis (tiens donc !)… mais rien n'est jamais simple. Logan est très maladroit malgré son assurance, peut-être parce que son caractère dominant s'exprime bien au-delà de la sphère privée, ce dont Clay finit par s'effrayer (et pour ma part, j'ai envie de dire : à juste titre !), cette possessivité déplacée de son amant ne lui convient pas, au point de préférer le rejeter… malgré tout l'amour qu'il semble bel et bien y avoir entre eux.
    Le problème, c'est que cela tourne en boucle : un jour ils s'aiment et tout va bien, le lendemain rien ne va plus et chacun s'énerve ou boude de son côté, mais même dans ces cas-là on est dans du pur érotique de bout en bout. En effet, à partir de quelques pages seulement, on ne compte plus les scènes de sexe, il n'y a quasi que ça dans ce livre ! Bon, j'aurais pu le deviner, mais d'une certaine façon ça devient lassant, car ça rend le tout très, très long, ils n'arrêtent pas ! c'est même au détriment d'un cadre plus fouillé à cette histoire.

    En effet, on nous parle çà et là de quelques actions du S.W.A.T. auxquelles l'équipe participe, mais c'est à peine évoqué, et alors très « à l'américaine », par exemple : dans une intervention (qui ne prend que quelques lignes) sur une prise d'otage, ils n'ont d'autre choix ( ?) que de tirer en pleine tête du « méchant », et en rentrant à la base ils sont tous tristes mais ça fait partie du boulot, et paf on rentre chez soi et on couche… Je ne sais pas, j'ai l'impression que dans un texte français équivalent, le chapitre suivant aurait été consacré à la rencontre des protagonistes chez le psy ; ici, rien de tout ça, on tue un mec en pleine tête et puis la vie continue, avec sa bonne dose de sexe, après tout, tuer un suspect c'est pas grave… Ce passage-là, en plus, comme je disais, ne prend que quelques lignes entre deux scènes érotiques, mais réellement ça m'a choquée !

    On notera aussi la présence des autres membres de cette équipe du S.W.A.T., c'est sympathique et ça donne une certaine légèreté parfois, mais ça peut conduire à une certaine ambiguité. En effet, les autres membres de l'équipe sont régulièrement mis en scène, eux qui voient qu'il se passe quelque chose (malgré le fait que Logan et Clay ont décidé de rester discrets), et appuient parfois juste là où ça fait mal, ce qui permet à l'autrice de développer, en quelque sorte, sa compréhension du BDSM, dans un contexte amoureux où chacun respecte l'autre (ou du moins est censé le faire) – car les réflexions, souvent très justes, des uns et des autres, vont amener Clay à avoir des doutes, à réfléchir plus avant à ce qu'il veut réellement de cette relation (tandis que Logan semble ne jamais douter de rien, il en est énervant !).
    En outre, parmi l'équipe, on a un autre couple : Carlos, ami de toujours de Logan (d'ailleurs c'est Carlos qui a conduit Logan vers le BDSM), entretient une relation similaire, en tant que dominant lui aussi, avec l'une des seules femmes du groupe, Tiffany. C'est au fil de discussions avec Carlos que Logan parvient peu à peu à être plus « cool », tandis que Clay apprend toutes les subtilités de l'état d'un soumis en discutant avec Tiffany.

    On pourrait penser que c'est sympa, cette approche toute en respect et en amour, avec un côté presque pédagogique, sur tout ce qu'est le BDSM – sujet sur lequel j'ai déjà lu plusieurs romances, et ce n'est, clairement, pas toujours aussi « soft » !
    Cependant, je ne suis pas certaine que ce livre conviendrait (si l'on peut dire ainsi) à quelqu'un qui n'a jamais lu sur le sujet car, outre cette approche relativement douce, on a quand même aussi tous les conflits entre les deux hommes qui ressortent très fort, et surtout, ce côté presque « manipulateur » de Logan – il n'est jamais défini ainsi, mais c'est ce que j'ai fini par ressentir ; Clay me semble mieux travaillé, mais trop amoureux pour être tout à fait crédible, et trop vite soumis (et heureux avec ça). Ainsi, on s'écarte constamment de ce côté a priori didactique que l'autrice semble avoir voulu imprimer à son livre…et je trouve ça presque « dangereux », pour une forme de sexualité quand même potentiellement électrique !
    Pour les lecteurs qui rechercheraient une initiation (toute livresque !) au sujet du BDSM (et en particulier entre deux hommes), je conseillerais plutôt le très bon « Recherche dom pour étude de terrain » d'Aurélie Chateaux-Martin.





    Widjigo d'Estelle Faye,
    publié chez Albin Michel - Imaginaire en octobre 2021, lu en format ebook.
    Je n'ai pas aimé... mais je reconnais le plume réellement envoûtante! Paradoxalement 16/20...

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    Synopsis : En 1793, Jean Verdier, un jeune lieutenant de la République, est envoyé avec son régiment sur les côtes de la Basse-Bretagne pour capturer un noble, Justinien de Salers, qui se cache dans une vieille forteresse en bord de mer.
    Alors que la troupe tente de rejoindre le donjon en ruines ceint par les eaux, un coup de feu retentit et une voix intime à Jean d'entrer. A l'intérieur, le vieux noble passe un marché avec le jeune officier : il acceptera de le suivre quand il lui aura conté son histoire.
    Celle d'un naufrage sur l'île de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt. Celle d'une lutte pour la survie dans une nature hostile et froide, où la solitude et la faim peuvent engendrer des monstres...


    Mon avis :
    Je crois bien que je suis passée complètement à côté de ce livre…
    Je l'avais emprunté une première fois auprès de la bibliothèque belge francophone en ligne (et gratuite !) « Lirtuel », car le titre énigmatique et la couverture originale m'avaient attirée… mais je ne suis pas (du tout !) parvenue au bout lors de ce premier essai, j'ai fini par laisser tomber à moins de 10% et la date limite de l'emprunt est arrivée, créant un vague sentiment de frustration, car vous le savez (ou pas) : je n'aime vraiment pas abandonner un livre, à moins qu'il ne me plaise pas du tout, mais ce n'était même pas le cas ici ! Certes, je ne dirais pas non plus que j'étais follement emballée, clairement non, mais ça ne me déplaisait pas ; ça créait plutôt un sentiment de malaise, de flou et la question qui a très vite surgi : où l'autrice veut-elle nous emmener avec « tout ça » ?

    Alors voilà : un jour où j'errais sur le catalogue de Lirtuel, je suis retombée sur ce roman, avec l'avis qu'au moins un exemplaire était disponible de suite. N'était-ce pas l'occasion de laisser une nouvelle chance à ce livre, sans plus attendre ? Je l'ai donc ré-emprunté et, vive les mystères de l'informatique, mon téléphone me l'a proposé à la page exacte où je m'étais arrêtée la fois précédente ! Les choses étaient encore suffisamment fraîches dans ma mémoire, j'ai pu reprendre à cet endroit-là sans souci… mais toujours avec la même « réserve » : quand j'avais ici ou là du temps pour lire, ce n'est jamais vers ce livre-ci que je me dirigeais ; ainsi le temps passait, je lisais à peine quelques pages et me lassais très vite tout en me sentant submergée, et la question du départ est devenue lancinante : qu'est-ce que l'autrice cherche à nous raconter avec cette histoire qui semble « tourner en rond » ? Quel est son message, quel est son but ?

    Et je dois dire : je n'ai toujours pas trouvé ! malgré un twist final que je n'avais pas du tout vu venir, mais qui m'a semblé tout à fait approprié, dans la ligne (d'une certaine façon) de toute ce qui précède car il explique les choses en partie… mais il est arrivé beaucoup trop tard pour me sortir de l'enlisement incrédule dans lequel ce livre m'avait plongée.
    Moi qui aime surtout les polars et thrillers pour leur aspect « action »… ou la littérature dite « contemporaine » ou « blanche » selon les plateformes quand elle raconte une (belle) historie, ici on se retrouve dans un monde qui touche à l'imaginaire (sans pour autant croiser une quelconque créature originale, ou peut-être que si ?), un onirisme évident mais alors très sombre et qui frôle l'horrifique, pour un roman d'ambiance, une espèce de huis-clos à l'air libre qui ne mènera finalement… nulle part !

    Tout commence en l'an 1793. Un jeune lieutenant révolutionnaire, plus tout à fait certain de la juste cause de cette Révolution au nom de laquelle il n'a cessé de répandre la mort, arrive avec ses hommes quelque part loin en Bretagne, avec la mission de capturer un noble local promis à la guillotine. La Bretagne, c'est alors ce bout de terre où le peuple reste peu ouvert à cette Révolution venue de Paris, et où ledit noble local, marquis, est très apprécié, si bien que les choses se compliquent très vite pour les jeunes soldats.
    Ces derniers arrivent néanmoins à entrer dans le château où, à la surprise de tous, le noble les accueille sans aucune crainte : il ne se sent absolument pas menacé et leur propose même de rester là la nuit pour se reposer… ce que le lieutenant finit par accepter, tandis qu'il est invité personnellement par le marquis dans ses appartements. Et là, au fil d'une discussion que le marquis domine de bout en bout, il raconte au jeune homme un pan de sa vie passée, une histoire fabuleuse qu'il a vécue au début des années 1750, dans le Nouveau-Monde où il était allé se perdre, pour échouer dans une mission improbable à bord d'un bateau qui fera très vite naufrage sur l'île alors bien inhospitalière de Terre-Neuve… le marquis narre au jeune lieutenant cette « aventure » dans un pays sombre et sans lumière, toujours gris et pluvieux ou neigeux, dans des conditions de vie absolument ahurissantes, tandis que ses compagnons d'infortune se faisaient tuer les uns après les autres…

    Et donc, comme je disais plus haut, on a là un roman d'ambiance, qui met en scène la lente déchéance des survivants de cet équipage, leurs relations les uns avec les autres, leurs réactions face aux morts successives, et la confiance aveugle mais parfois remise en question de la seule personne du groupe capable de les sortir de là (ou pas ?), en les menant prétendument vers un village d'autochtones qui semble pourtant à jamais inaccessible. C'est aussi une terre de légendes, où le meilleur mais surtout le pire de chacun va pouvoir ressortir, dans une atmosphère généralement pesante et glaçante.

    Je reconnais ainsi, sans aucune hésitation, que la plume d'Estelle Faye dans ce livre est ensorcelante et parfaitement maîtrisée. L'autrice ne tient certes pas le lecteur en haleine, pas comme dans l'un de mes chers polars en tout cas, mais le conduit néanmoins à revenir encore et encore dans son histoire malgré une hésitation initiale à chaque fois - après tout, n'ai-je pas emprunté deux fois ce livre que je voulais d'abord abandonner ? Elle parvient à se réinventer (notamment sur la façon dont les différents protagonistes vont « disparaître » à tour de rôle), tout en creusant encore et encore ce climat proche de l'horrifique, mais qui ne vire pourtant jamais à de l'horreur pure, jusqu'à la dernière ligne, et ce même avec un retournement de situation final, que je n'avais vraiment pas vu venir.

    Ajoutons à ça quelques chapitres en forme de bonds dans le temps, précisément quelques retours vers le salon breton du marquis en train de raconter cette histoire au jeune lieutenant : ce sont autant de coupures dans une narration autrement envoûtante mais aussi très sombre, et j'aurais aimé avoir davantage de telles interruptions, car elles permettaient aussi de donner un certain rythme à l'ensemble, cassant cette impression d'enlisement que je signalais plus haut.

    C'est donc, à mes yeux, un travail d'écriture très intéressant, carrément réussi… le seul problème, c'est que je n'ai pas aimé du tout ! J'ai vraiment l'impression d'être confrontée à l'un de ces rares livres (vous est-ce jamais arrivé ?) que l'on est près d'admirer pour sa qualité narrative, sa maîtrise de bout en bout, mais malgré cette conscience aiguë d'une vraie réussite, on ne parvient pas à s'y plaire, et on le referme sur un certain regret, comme si on passait à côté d'un truc fabuleux qu'on n'a pas su saisir…

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (10 Mai 2022 12:27:11)