TraumaHélène Duffau2003

"J'aimais les gens. Ils me l'ont bien rendu. Comme bon nombre de femmes, j'ai été violée. Comme bon nombre d'hommes, j'ai été sodomisée. Je n'aime ni l'un ni l'autre." Handicapée de l'amour, la narratrice vit pour le sexe mais ne l'apprécie pas. Parce que la vie lui a pris ce qu'elle avait à donner, parce qu'elle le lui a dérobé avec brutalité, elle est devenue rancunière, vengeresse, calculatrice. A son tour, elle prend sans rendre. A sa manière, elle dérobe, soutire, prélève. Parce qu'aucun traitement, aucun soin n'est parvenu à endormir la violence des actes, parce que le viol est profondément ancré dans sa chair, parce que l'outrage est indélébile, parce que la douleur est omniprésente, parce que tout son être s'effondre à chaque date anniversaire, parce que le corps se souvient et commémore, elle a organisé sa survie. Son plaisir est intellectuel. Il lui faut anticiper, s'y préparer, imaginer, visualiser. Son plaisir est gustatif. Elle en explore les arômes, mêle les parfums, teste les mélanges. Son plaisir est auditif, olfactif, musculaire, sensitif, viscéral et malin. Pour vaincre son virulent passage annuel, pour surmonter le malaise, la narratrice récolte la semence des hommes, sève qu'elle a appris à congeler et à consommer. "J'ai transformé venger en purger. Expurger en expier." Mue par une écriture froide et tranchante, Hélène Duffau offre une saisissante leçon de survie. A force de précision réaliste, elle parvient à une forme d'épure, de perfection formelle qui renforce l'intensité de ce Trauma.