Une honnête femme
Henry Bordeaux1938

Lucile est l'honnête femme. Elle a brisé l'amour de son fiancé pour conclure un mariage plus avantageux. Elle a réduit son mari en esclavage. Il y a quelque chose de pire qu'un homme nul, disait une femme d'esprit, c'est un homme annulé. « Lucile jouait de son mari comme un organiste joue de son instrument, et cet art n'est point rare chez les femmes. Elle savait qu'en frappant telle touche il rendait tel son. Elle pouvait à son gré le fâcher ou l'apaiser, tirer de lui des roulements de tonnerre ou des solos de galoubet. Elle avait particulièrement certains mots en mi bémol avec quoi elle l'aurait mené se pendre du cœur le plus satisfait. » Qu'est-ce au juste que Lucile ? Une de ces femmes qui rapetissent tout ce qui les entoure. Elle ne se rencontre point avec une pensée généreuse qu'elle ne la traite en elle-même de chimère ou ne la défigure par quelque basse interprétation. Les coalitions morales de la province surveillent sa vertu et les circonstances la garantissent. Ainsi demeure-t-elle honnête jusqu'à la fin, du moins jusqu'à la fin du roman.