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Dans la pénombre rougeoyante du Trap - bar et bordel, haut lieu des rencontres les plus ultimes - le narrateur s'est voué à la beauté de Pascual, l'ancien skin à la cruauté si parfaite. Il est entré à jamais dans la dépendance de cet homme qui ne se donne pas, mais qui impose ses lois, en maître et en roi des cérémonies de la soumission amoureuse. Au Trap, on croise aussi le vieux poète Alcandre, ancien dandy au panache insolent, à l'inspiration désormais tarie, qui cherche dans l'humiliation du corps la vérité des mots et la clarté insaisissable des signes. Au Trap encore, il y a Grégoire, titubant entre ce " théâtre d'abjection " et ses retraites fiévreuses chez les moines, sur la colline sacrée de Vézelay. Et il y a Ellert, jeune père à la patience et la douceur de victime, dont Pascual fera son servant, laissant le narrateur à sa quête, à son vertige. Tous les personnages de Paradis de tristesse se tiennent à la proue d'eux-mêmes, dans l'expérience d'un manque qui, par-delà les injonctions du désir, les rituels de l'échange et l'épuisement du plaisir, leur désigne un horizon immense. Cet horizon en eux, c'est la joie, la Grâce ou l'Inspiration. Une transcendance quelconque, peut-être une rédemption ? Ecrit dans une langue fervente, inspirée, pleine d'une dévotion en quelque sorte iconoclaste, Paradis de tristesse serait à inscrire sous le signe d'une chute vers le haut, d'une ascension d'Icare. Le sublime y surgit dans une trivialité factuelle (exposée crûment, mais jamais décrite complaisamment), telle une saxiphrage, une fleur de douleur dont la beauté rimbaldienne et baudelairienne rachète l'origine profane, pour dire au monde qu'il n'y a rien en l'homme qui ne mérite compassion. Et qui ne contienne un peu du Ciel.