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    #231 31 Mai 2022 10:40:41

    Bonjour,

    Décidément, la régularité n'est pas une de mes qualités! :emb:
    Moi qui avais dit que j'essaierais de "revenir", voilà que ce sont à nouveau... 9 livres lus depuis mon dernier passage ici ! :O sans même parler de tous ceux que je ne vous ai pas encore présentés... et la mise à jour de mon index est tout autant au point mort! :S
    Il faut dire: mon pied dans le plâtre (ou plus exactement une attelle rigide, mais de marche, depuis une semaine :pompom:) me fatigue beaucoup, mon médecin m'avait prévenue et je ne la croyais pas vraiment, mais elle avait raison: dès 22h30-23h je suis épuisée et m'endors sur mon ordi, si bien que je n'arrive à faire que la moitié du tiers de ce que je voudrais! Bref...
    Je vais mieux, c'est le principal finalement! :-)

    @Kah Rane : je t'ai (longuement) répondu sur ton propre suivi, il faudra que j'y retourne car tu y es plus productif que moi sur le mien!

    @zoeline : je suis ravie de t'avoir permis de "renouer" avec la lecture! :heart:  Je te réponds au plus vite sur Discord (j'ai vu que tu m'as écrit, mais j'y suis encore moins présente qu'ici! même s'il semble que j'apparais comme "en ligne") et oui, je veux bien qu'on retente une lecture commune! Il faut juste que je me fasse une pré-liste de ce que je "devrais" lire en juin, selon les consignes des trop nombreux challenges auxquels je participe, mais ça peut se faire!

    @cerisia : mais avec plaisir! Les enfants ont bien fait le pont, pas mon mari, moi de toute façon je suis en arrêt de travail... depuis janvier pour burn-out (toujours pas résolue, cette affaire :tetemur:), et actuellement prolongé jusque fin juillet à cause de mon pied, l'orthopédiste ayant estimé que je ne peux prendre aucun risque "à cause de mon âge". Ils sont charmants les médecins, à partir d'un certain âge (le mien je veux dire! j'ai quelques autres exemples, où tout à coup on te fait bien sentir que tu n'as plus 20 ans et que ta santé est censée devenir chancelante...). Mais bon, pour le coup je ne vais pas m'en plaindre! :lol:




    Passons aux livres... ;)
    Je ne vais pas vous mettre tous les neuf maintenant, je vais me contenter, pour commencer, de ceux qui m'ont le moins plu! ;)
    Parmi eux, un flop intégral, une déception inattendue, un livre prometteur mais avec quelques défauts, et un très connu qui a des avis très, très partagés.
    Voyez donc:

    Joyeuses Pâques monsieur Z de Max Billancourt,
    publié chez Librinova en 2022, lu en tant que "lectrice Librinova", et c'est le flop absolu! J'ai mis 01/20... parce qu'il n'est pas possible de mettre moins!
    N.B.: je suis actuellement la seule lectrice de ce livre sur LA, mais sur Babelio, une autre lectrice lui a mis la même note que moi, tandis qu'un autre lecteur l'a encensé, donc bon...

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    Synopsis :Je laisse en majuscules ce qui l'est dans la version originale sur Librinova, pour moi ça démontre de suite "l'esprit" (faussé) de ce livre...
    Un groupe d'amis qui aime se réunir pour faire de magnifiques repas, pêcher le brochet, jouer à la pétanque et discuter avec passion, décide de mener une action pour débarrasser le pays d'un individu qu'ils jugent être un dangereux fasciste, raciste, suprémaciste, xénophobe, homophobe et machiste.
    Ce court roman est un HYMNE À L'HEDONISME, un hommage à ceux qui aiment la vie et le bonheur et, en même temps, UN TERRIBLE PAMPHLET contre l'ignoble et ravageuse bêtise qui, chaque jour, hélas, gagne du terrain dans le quasi silence et la compromission.


    Mon avis :
    Affligeant. Pathétique. Lamentable.
    Ce livre est à oublier, mais je prends quand même la peine de rédiger ce commentaire, puisque je m'y suis engagée en tant que « lectrice Librinova ».
    Je me suis d'abord demandé quelle est ma légitimité pour commenter ce livre : je ne suis pas française... Or, ce livre prétendument politique est surtout très franco-français, car il nous parle essentiellement d'un des candidats aux élections présidentielles, qui ont eu lieu entre-temps. Certes, depuis ma Belgique francophone, nous suivons ces élections avec un certain intérêt. Pour ma part, il s'agit d'une vague curiosité envers ces voisins si proches, géographiquement, culturellement aussi (au moins en partie), et j'ai donc suivi cette campagne électorale qui nous a fait bien un peu sourire, parfois frémir.

    Bref, six amis ex-hauts fonctionnaires, issus de l'ENA, ayant occupé les hautes sphères du pouvoir à différents postes, se retrouvent chez l'un d'eux, pour passer un week-end pêche, pétanque et bouffe. Si la pêche est évoquée avec détails, comme si l'auteur avait eu besoin de démontrer qu'il sait de quoi il parle, la pétanque est à peine mentionnée, mais alors les repas… Oh ! ils auraient pu me mettre l'eau à la bouche, car tous ces plats confectionnés par (ou inspirés de) grands chefs, donnent réellement envie. Mais là, on est à tel point dans la surenchère, avec en plus des vins et autres Champagne absolument hors de prix, que ça devient indigeste.
    Comme disait une autre lectrice sur Babelio, MaggyM que je me permets de citer : «Une bande de bourgeois retraités qui pensent donner une leçon de démocratie tout en se goinfrant de produits dont le prix d'achat ferait vivre une famille de Français moyens pendant une semaine. », ; je la trouve même gentille : avec ce que cette bande de copains ont sur la table, ma maman, petite retraitée belge, vit pendant un mois entier, voire davantage !!

    Oui, bien au-delà de l'aspect « on bâfre parce qu'on aime ça et on en a les moyens », ce livre prétend donner une leçon de démocratie… en dénonçant en long, en large et en travers l'émergence d'un certain monsieur Z, alias Emeric Zoummar, qui ne sera jamais nommé autrement. Le problème, c'est que tout l'argumentaire, si seulement il y en a un, repose sur du vent : on répète encore et encore que Z est un nazi(llon), un facho, ce qu'il assumerait mieux que « Marraine le Pine », désignée quant à elle comme « la pouffe blonde » qui a eu le malheur de dédiaboliser l'extrême-droite. On nous affirme que monsieur Z dit des bêtises, réécrit l'Histoire à sa façon etc. On le sait (plus ou moins), mais pourquoi l'auteur n'a-t-il pas pris la peine de donner au moins l'un ou l'autre exemple concret ? Citer un extrait de discours ou de livre du personnage, mais non : on se contente de déblatérer, encore et toujours en reposant sur du vide. Et à part ça, on a une (très) longue tirade sur le physique ingrat du personnage… mais comme c'est constructif !

    Ajoutez à cela que le tout est enrobé d'une couche bien grasse de grossièreté, que l'auteur semble confondre allègrement avec de l'humour ou de l'irrévérence.
    Voyez par exemple ces six hommes d'âge mûr s'appeler constamment « les copains » - dans la bouche d'un Jean Lefebvre, dans « Le gendarme en balade », c'est rigolo ; ici, c'est pathétique.
    Et ils jurent à tour de bras. Il y a 31 occurrences de « putain » (y compris dans la narration) – pour un livre de 171 pages, ça fait quand même beaucoup ! Je n'ose compter le nombre de « nom de Dieu » et, pire encore, de « cons » qui apparaissent dans ce livre – ce dernier terme désignant tous ces gens qui se sont tournés vers monsieur Z, trop déçus des autres candidats, et surtout de celui que l'auteur encense comme seul intelligent (c'est aussi le seul ancien énarque) et capable de diriger la France, malgré quelques défauts : j'ai nommé Macron (le seul qui aura droit à son vrai nom).
    C'est certain qu'en insultant ainsi tous les déçus du système, on va régler les problèmes de la France, n'est-ce pas ?

    Ah ! et j'oublie : sur la fin du livre, Poutine a envahi l'Ukraine, ça tombe bien, car ça permet à l'auteur d'aller encore plus loin dans l'innommable. Il paraît que les Américains auraient dû envoyer quelques bombes sur Moscou et d'autres villes importantes, car ça aurait calmé la Russie, comme le Japon nous « fout la paix » (sic) depuis Hiroshima. Non mais je rêve ? (Au passage, l'auteur n'a peut-être pas été informé que le Japon d'aujourd'hui a pris fermement position, lui aussi, contre la folie de Poutine ?)

    Ce livre prétendument politique se veut irrévérencieux … mais quand on voit comme il aborde un sujet grave, avec des allégations qui reposent sur du vent, en un concentré de vulgarité et autres grossièretés, il donne surtout envie de vomir au moins autant que cette extrême-droite tant dénoncée. À oublier ! car avec un tel déchet, je regrette vraiment d'avoir postulé pour être « lectrice Librinova » !





    Les sept morts d'Evelyn Hardcastle de Stuart Turton,
    publié chez Sonatine en 2019, puis en poche chez 10/18 en 2020... et, une fois n'est pas coutume, je l'ai lu dans la version poche!
    12/20 pour ce livre archi-connu, auquel je n'ai pas accroché, et j'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à le terminer...

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    Synopsis (très spoilant, mais c'est ainsi) : Ce soir à 11 heures, Evelyn Hardcastle va être assassinée.
    Qui, dans cette luxueuse demeure anglaise, a intérêt à la tuer ?
    Aiden Bishop a quelques heures pour trouver l’identité de l’assassin et empêcher le meurtre.
    Tant qu’il n’est pas parvenu à ses fins, il est condamné à revivre sans cesse la même journée.
    Celle de la mort d’Evelyn Hardcastle.


    Mon avis :
    J'avais repéré ce livre depuis un moment, entre autres grâce à sa couverture, et parce que plusieurs lecteurs que je suis (sur Livraddict ou sur Babelio) l'ont lu plus ou moins récemment, ce qui m'avait interpelée. Et voilà : j'ai passé le pas de me lancer quand il a été proposé en lecture commune sur l'un des challenges auxquels je participe. Cependant, ce n'est qu'après l'avoir commencé (et m'être demandé dès les premières pages : mais c'est quoi ça ?) que mes co-lecteurs ont attiré mon attention sur le fait que, ce livre, on l'adore ou on le déteste !
    Je suis un peu plus nuancée, mais clairement je ne fais pas partie du clan « on adore » !

    Pour commencer, je n'avais que survolé le 4e de couverture (auquel beaucoup reprochent d'être trop spoilant, et en le lisant aujourd'hui, je m'aperçois qu'ils ont tout à fait raison !), Il semble aussi que la 1re parution en français portait de nombreux éloges, comparaisons avec certains "classiques", pourtant lesdites références qui sont citées ici ou là ne me parlent pas : bien sûr je connais Agatha Christie (comme « tout le monde ») mais grâce à sa renommée et les nombreuses adaptations télé ou ciné de ses livres, que je n'ai quant à eux jamais lus ; Dowton Abbey, connais pas non plus (si ce n'est de nom) et ça ne m'intéresse pas ; Cluedo, enfin, mes enfants adorent y jouer et je les rejoins de temps en temps, mais ce n'est pas l'un de mes jeux favoris – et si vous me demandiez d'y jouer là maintenant, je devrais d'abord relire les règles en long, en large et en travers !
    Bref, je n'avais aucun a priori en commençant ce livre, et aucun point de comparaison – qui, dans la plupart des cas, ont déçu ceux qui semblaient en attendre quelque chose…

    Et pourtant, j'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à entrer dans ce livre ! (que j'ai lu dans sa version poche, 600 pages ! je crois bien que je n'ai jamais lu aussi lentement un petit format… moi qui n'ai pourtant jamais été effrayée par les « pavés » !)
    Je peux dire que, en comptant à la très grosse louche, on reste dans le brouillard le plus total, à l'image du personnage principal apparemment amnésique, pendant les 100 premières pages. D'emblée, ça m'a bien un peu déplu, moi lectrice habituée aux polars et thrillers (et par ailleurs je n'ai rien contre une touche de fantastique), mais ici on n'a rien de rien, pas un seul indice, on nage dans une purée de pois épaisse et on se cogne dans tous les recoins de ce vieux manoir en grande partie délabré, où on se retrouve sans même trop savoir pourquoi… Passé la 200e page, les choses se sont à peine éclaircies, de nouveaux personnages sont apparus, notamment ce « médecin de peste » bien énigmatique… et complètement anachronique ! sachant que cette figure est typique du moyen-âge et apparemment jusqu'au XVIIIe siècle, tandis que le contexte de l'histoire, qui parle par exemple de l'utilisation généralisée des calèches (et même d'une automobile privée !) ou d'un téléphone, nous amène plutôt à la fin du XIXe…

    À ce stade, j'avais déjà eu envie d'abandonner au moins 20 fois, mais je me suis entêtée – entre autres par respect pour mes co-lectrices, même si elles m'assuraient que ma défection ne les dérangerait pas. Ainsi, jusqu'à la moitié du livre, j'ai ramé, ramé, ramé… mais peu à peu, bizarrement, le voile de brouillard commence à se lever, et même si l'auteur ne nous laisse encore que très peu d'indices, on en a désormais juste assez pour se dire qu'on a peut-être quand même envie de comprendre le comment du pourquoi… et donc d'aller jusqu'au bout.
    Malheureusement, le rythme ne va jamais vraiment s'accélérer, les indices suivants sont donnés au compte-gouttes, dans un méli-mélo de repères temporels et de personnages, au point que j'ai fini par ne plus très bien comprendre ni le quand ni le qui, d'autant plus qu'on y a ajouté un certain nombre de personnages et de filiations diverses et variées. Et surtout, c'est long, long, long, et cette ambiance pluvieuse dans ce manoir dont on ne cesse de répéter le délabrement… comment dire ? on avait compris depuis un moment qu'il ne fait pas bon vivre à Blackheath, mais l'auteur s'est plu à insister encore et encore sur ce point !

    Et bien entendu, c'est dans les 100 dernières pages, que dis-je, dans les 50 dernières pages, que tout à coup tout fait sens, qu'un twist final vient tout éclairer, pour une « sortie » en eau de boudin – bref, tous les ingrédients qui font tout ce qui m'agace dans un vrai mauvais policier : l'auteur a gardé sa révélation finale sous le coude, et la ressort au bout de ce chemin aussi long que pénible ! Certes, j'avoue : si j'avais accroché un peu plus, peut-être aurais-je trouvé que ce fameux twist final, sans être prévisible, a été en quelque sorte amené… mais j'étais tellement lasse de cette lecture interminable, où les mots ne formaient plus que vaguement des phrases, et cette idée « mais est-ce qu'on va enfin arriver au bout ? », que je n'ai pas eu ce sentiment de satisfaction quand on comprend la soudaine évidence bien préparée par l'auteur.

    Pour le reste, disais-je, je ne fais pas partie de ceux qui ont détesté, car d'une certaine façon, je suis assez admirative de la maîtrise de l'auteur dans ce jeu de piste – qui, en réalité, ressemble bien davantage à une forme d'escape game, où les participants n'auraient à peu près aucune clé, mais doivent tout trouver par eux-mêmes… et bien entendu, font le nécessaire pour y arriver, dans la limite de toute une série de contraintes qu'ils découvrent au fur et à mesure.
    Le problème, c'est que je déteste les escape games...
    Mon côté claustrophobe ne supporte que très mal l'enfermement… or ici, on est quand même dans un fameux huis-clos (autant temporel que géographique), et j'ai réellement eu par moments un sentiment de suffocation, à la lecture de ce livre ! Paradoxalement, c'est précisément à cause de ce ressenti oppressant, un ressenti presque « physique » à la lecture d'un livre qui, pourtant, ne m'emballait pas, que j'en viens à dire que l'auteur a fait très fort – je dirais presque « bravo », si ça n'avait pas provoqué un sentiment plus proche du malaise que de l'adhésion !

    Par ailleurs, comme j'ai déjà soulevé à plusieurs reprises : c'est long, long, long ! Evelyn Hardcastle ne pouvait-elle pas mourir juste 4 ou 5 fois ? Bien sûr, l'auteur a réussi à trouver une quelconque utilité (parfois minime) à chacun des personnages, mais il aurait tout aussi bien pu le faire, en adaptant quelque peu l'intrigue, avec moitié moins de personnages : ça n'aurait pas moins bien marché, mais ça aurait limité la confusion, et surtout cette incommensurable ennui de voir que ça n'en finit jamais…
    Si seulement les personnages avaient été attachants ! mais non, même cela est enlevé au lecteur. Sans vouloir spoiler outre mesure, le tout premier serait presque sympathique dans son désarroi amnésique, mais quand on finit par comprendre qu'en fait c'est un sale type, on recule d'un pas… et les suivants seront de mal en pis, tous des gens antipathiques et/ou peu fréquentables d'une façon ou d'une autre !
    Pour le dire autrement : tout au long de ces interminables 600 pages, l'auteur ne m'a pas donné une seule fois l'occasion de me raccrocher à quoi que ce soit ! Ni un indice puisqu'ils sont distillés à une vitesse de compte-gouttes à la bave d'escargot, ni un personnage puisqu'ils se rendent tous peu aimables ou louches ou peu dignes de confiance, ni un repère temporel puisqu'on joue là-dessus aussi pour mieux perdre le personnage principal (et le lecteur). Je n'ai pas forcément besoin d'être tenue par la main quand je lis un policier (ni un quelconque livre), mais quand on veut en faire trop dans la non-divulgation d'éléments qui permettent de tracer une piste, on finit peut-être par se planter.

    Ainsi, sans me revendiquer de l'équipe qui « déteste » ce livre, je suis très, très loin d'avoir été séduite. J'ai une certaine admiration pour sa construction très maîtrisée et son ambiance très bien rendue, peut-être même à l'excès. Cependant, l'histoire est beaucoup, beaucoup trop longue, avec une multitude de personnages jamais attachants et qu'on finit par ne plus reconnaître, au fil d'indices semés avec une parcimonie insupportable, pour une révélation finale bien trop tardive et même pas convaincante.





    Midnight dancer de Marie H.J.,
    publié en autoédition en 2022, lu dans la version ebook Kindle.
    C'est la première fois que je suis relativement déçue par une homoromance de cette autrice que j'aime beaucoup! 13/20

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    Synopsis : Nous sommes une vibration. Une note sur une portée. Une arabesque sur un plancher. Une évidence.
    Minuit, lorsque Portland cache les espoirs déchus, les passions perdues, les silences trop lourds à supporter.
    Minuit. Quand deux âmes se rencontrent et se reconnaissent sur une mélodie.
    Cameron, le danseur de génie, la muse magnifique. L’homme entravé par les spectres de son passé.
    Alexander, le compositeur-virtuose, le magicien. Le musicien qui n’attend plus rien de demain.
    Cameron, l’Étoile merveilleuse et mutique des bas quartiers. Alexander le célèbre violoncelliste charismatique et mystérieux.
    Minuit. Quelques notes, un entrechat. Une union imprévue qui transforme les cœurs, déchaîne les passions, chasse les fantômes et révèle des espoirs perdus.
    Si aux heures nocturnes, les âmes se dévoilent, aux premières lueurs de l’aube, les secrets ressurgissent.
    Ce qui se crée en plein cœur de l’obscurité résistera-t-il à la lumière ?


    Mon avis :
    J'attendais avec une certaine impatience cette nouvelle romance de l'une de mes autrices favorites dans le genre… j'ai juste un peu tardé entre mes (trop nombreuses) autres lectures, juste assez pour voir que, une fois de plus, Marie H.J. avait réussi à séduire son public !
    Malheureusement, une fois n'est pas coutume, je suis mitigée (et je suis réellement déçue de ne pas être emballée, mais…). J'aime toujours beaucoup la plume de l'autrice, mais cette fois elle n'a pas suffi. Peut-être attendais-je trop de ce livre qui parle de danse (la passion de ma fille, et par un hasard extraordinaire elle est justement en récital, à son niveau d'élève de 13 ans, ce week-end !) et de musique (ma passion, même si finalement je n'en ai pas fait ma profession…) ?

    Bref, deux hommes que tout oppose, ou peut-être rassemble sans qu'ils le sachent, se rencontrent un peu par hasard, et peu à peu une implacable attirance grandit entre eux, autant qu'une tension liée à leurs durs passés respectifs. On découvre ainsi Cameron, la petite vingtaine, qui vit avec ses parents dans le motel qu'ils tiennent à Portland et vient d'obtenir (grâce à son frère) un tout premier emploi dans un bar. Jeune danseur de talent, exerçant son art essentiellement dans la petite école de danse, modeste, de sa tante, il reste complètement traumatisé par un événement de son passé, même 12 ans plus tard, et ne parle qu'avec ses très proches, tandis que ses cordes vocales se bloquent dans toute autre situation. Alexander, de son côté, est une musicien (pianiste et violoncelliste) et surtout compositeur (classique) riche et célèbre, proche de la quarantaine, qui a pourtant fui son monde habituel en Angleterre, pour s'enfermer dans une grande maison trop grise dans cette même ville de Portland, où il ressasse les abîmes qui l'habitent.

    On a ainsi une romance « slow-burn » - qui n'exclut pas quelques scènes un peu plus explicites, plutôt vers la fin vu le choix de l'autrice de cette lenteur, et toujours très maitrisées. J'avoue : je préfère les histoires qui « bougent » un peu plus, tandis que cette ambiance « je t'aime moi non plus » à coups de malentendus qui se succèdent, entre deux êtres pleins de fêlures, sans que rien soit jamais dit, ou si peu, ça a fini par m'agacer ! Certes, on apprend dans un délai raisonnable d'où viennent les failles d'Alexander – et c'est beau, et c'est touchant, et c'est tout à fait plausible. En revanche, les malheurs du passé de Cameron, en dépit d'un prologue qui laisse en apercevoir des bribes très vagues, et diverses allusions çà et là, ne sont réellement dévoilés que très tard dans le livre (je n'ai pas noté, mais c'est à plus de 80% de l'ebook, voire 90%), trop tard à mon goût et, pire encore : ils m'ont semblé tirés par les cheveux, comme si l'autrice avait cherché à créer une histoire qui explique certaines réactions ultérieures du jeune homme, mais c'est tellement moins réaliste que l'histoire d'Alexander, alors que c'est censé être plus poignant… eh bien, pour moi, c'était raté !

    Mais ce qui m'a le plus embêtée dans ce livre, c'est la façon dont Marie H.J. semble envisager le monde de la musique classique : on n'y rencontre que des gens peu agréables, de préférence plein de fric et pas forcément intéressés par la musique même mais par la place en société que la fréquentation d'un artiste célèbre leur donne, tandis que les très rares autres musiciens que l'on croise, dont un violoniste connu semble-t-il, sont vaniteux et hautains. Elle présente ainsi une image très cliché d'une musique classique inaccessible au commun des mortels, car trop « haute » pour qui n'aurait pas assez sur son compte en banque, ou pas les bonnes relations (ce qui revient un peu au même) ; image encore renforcée quand elle l'oppose au bonheur de jouer dans un bar ou l'autre, en toute simplicité.
    Où donc a-t-elle été chercher une telle vision de la musique et des musiciens ? Certes, il existe dans le milieu de la musique classique (comme dans beaucoup d'autres milieux d'ailleurs) des gens « qui s'y croient ». Mais pour le reste, pour avoir côtoyé des musiciens classiques pro depuis ma plus tendre enfance (et certains de ma génération sont devenus pro à leur tour), les musiciens même formés au classique sont des gens comme vous et moi, des gens normaux quoi, capables de se plaire (et donner le meilleur d'eux-mêmes) aussi bien avec un orchestre philharmonique dans un concerto, que dans un bar si ça leur chante ! Comment a-t-elle pu jouer avec cet ostracisme de l'imaginaire collectif sur les musiciens classiques, et même le renforcer ?
    Oh ! je ne dis pas qu'elle affirme ce genre de choses, mais c'est ce qui découle du monde dans lequel évolue Alexander dès qu'il quitte sa maison grise, lui qui en plus semble n'avoir aucun ami proche et certainement pas dans ce monde-là ; c'est ce que j'ai ressenti en la lisant, et je le regrette infiniment !




    Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher,
    BD (eh oui, ça m'arrive!), ou plus exactement roman graphique, publié chez Glénat en 2017.
    Je n'ai pas été emballée autant que d'autres, et ce livre a fait débat sur le BC qui lui était consacré... débat que, j'avoue, j'ai fini par abandonner *. Les maladies mentales et/ou psy sont un sujet trop sensible pour moi (et plus encore actuellement), mais en tout cas ce livre n'a pas réussi à me convaincre réellement: 14/20 - ce qui est quand même "pas mal"!

    * mais vous pouvez réagir ici ;) ou, qui sait, je retournerai peut-être tôt ou tard sur le post du BC! mais définitivement pas aujourd'hui...

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    Synopsis : Une course poursuite contre le temps perdu... Que feriez-vous si d'un coup vous vous aperceviez que vous ne vivez plus qu'un jour sur deux ? C'est ce qui arrive à Lubin Maréchal, un jeune homme d'une vingtaine d'années qui, sans qu'il n'en ait le moindre souvenir, se réveille chaque matin alors qu'un jour entier vient de s'écouler. Il découvre alors que pendant ces absences, une autre personnalité prend possession de son corps.

    Mon avis :
    J'ai lu ce livre dans le cadre du « book club graphique » qui aura lieu ce week-end (21 et 22 mai) sur Livraddict – sans cela, je ne l'aurais sans doute même pas remarqué : je ne suis pas spontanément tentée de lire des illustrés quels qu'ils soient, même s'il m'arrive d'en ouvrir l'un ou l'autre (et même d'avoir eu de bonnes surprises !), et ici, ni le dessin (pour le peu qu'on nous en laisse voir sur les sites de vente en ligne) ni le résumé ne m'attiraient particulièrement… Et que dire des notes dithyrambiques qu'a obtenues ce livre ? Désormais je m'en méfie, car dans de trop nombreux cas, il s'est avéré que je ne partageais pas (et même souvent pas du tout) l'avis général sur un livre trop apprécié.

    Alors, dans le cas présent, je suis quelque peu soulagée de pouvoir dire que non, ce livre ne m'a pas complètement déplu… pour autant, je ne partage quand même pas l'avis dominant, je ne suis pas particulièrement emballée, et plusieurs heures après l'avoir refermé, je cherche encore quel message l'auteur a voulu faire passer…
    En survolant les très nombreux commentaires, je vois que plusieurs y ont vu une BD qui parle de schizophrénie ou de trouble dissociatif de l'identité : ça commence mal ! Ce sont deux maladies différentes, qui n'ont même pas vraiment de symptômes communs, et qui ne se traitent pas de la même façon. le seul « problème », c'est que les deux ont longtemps été confondues, avant que le TDI soit reconnu comme une maladie à part entière… et visiblement, cette confusion a encore de beaux jours devant elle !

    Or, l'auteur est bien un peu responsable de ce malentendu d'interprétation face à son livre, car le peu d'indices qu'il laisse, permet d'imaginer, puis de prétendre tout et n'importe quoi ! Or, il s'agit de maladies graves… Dès lors, ça me dérange beaucoup qu'elles soient traités d'une façon aussi peu « scientifique », sans aucune explication plus réaliste ; ça me semble bien léger que l'auteur ait choisi de traiter ce sujet dans un vague esprit fantastique, de plus en plus teinté de futurisme science-fictionnel sur la fin, sans aucune autre base, amenant les lecteurs à ne pas savoir de quoi on parle, même s'ils se disent ensuite retournés / touchés / bouleversés.
    Oh, je ne dis pas que l'auteur aurait dû nous faire un cours sur les maladies mentalo-psychiatriques à un quelconque moment de son récit. Mais une note explicative en début ou en fin de ce roman graphique aurait pu être utile, tandis que là ça se termine en eau de boudin et on reste dans le flou du début à la fin ! Par ailleurs, une approche par le biais du Fantastique, pourquoi pas après tout… mais ça n'empêche pas de donner une base solide à l'histoire – et, à mon sens, ce n'est pas du tout le cas ici.

    Bref, c'est l'histoire d'un certain Lubin Maréchal, jeune acrobate de cirque, passionné par son métier qui ne suffit pas à faire bouillir la marmite ; il se rend compte un matin, en arrivant à son boulot alimentaire, qu'une journée entière de sa vie est passée sans qu'il en ait conscience – et sans qu'il se soit présenté à son travail ! Pire : le phénomène continue, il ne vit plus sa vie qu'un jour sur deux, sans trop savoir ce qui se passe « l'autre jour », jusqu'à ce qu'il découvre que ses journées perdues sont vécues par un autre lui-même. Un inconnu qui habite son corps, qui lui ressemble donc à 100%, mais qui est très différent dans sa façon d'être et d'agir : autant le Lubin initial est bordélique, autant l'Autre est maniaque ; l'un est entouré d'amis fidèles, l'autre pense commerce et clients ; l'un est amoureux de Gabrielle, l'autre ne pense qu'aux bons coups d'un soir ; l'un est végan, l'autre se nourrit de steaks hachés premier prix – etc., etc., la liste est longue !
    L'auteur laisse d'abord entendre que tout cela aurait commencé à la suite d'une chute lors d'une répétition d'un spectacle de voltige… mais la psy que Gabrielle va encourager Lubin à aller voir, sera très vite formelle : un simple coup sur la tête ne peut avoir provoqué un tel phénomène ! Et tandis qu'il cherche (en vain ?) une solution à son problème, les jours lui échappent et sa vie se délite de plus en plus…

    Après réflexion, je pense que ce livre parle bel et bien d'un trouble dissociatif de l'identité – en tout cas, c'est ce que l'on peut conclure après avoir vérifié ici ou là, dont l'inévitable Wiki (https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_d … ntit%C3%A9 ), mais il y a plusieurs autres sites qui en parlent sans tomber dans une analyse médico-médicale, et qui disent à peu près la même chose !
    Par acquit de conscience, j'ai aussi vérifié la schizophrénie (https://fr.wikipedia.org/wiki/Schizophr%C3%A9nie ) et ma conclusion est que, décidément, ça n'a rien à voir avec ce dont parle ce livre… Je serais curieuse de savoir ce qui a fait penser à tant et tant de lecteurs, selon les commentaires, qu'il puisse s'agir de cette maladie-là ! Sans doute n'ont-ils pas lu ce court article qui explique bien les choses : http://www.aucomptoirdusavoir.yann-bido … e-TDI.html ou, un plus long mais tout aussi intéressant : https://www.santemagazine.fr/sante/mala … ces-915222 .
    En tout cas, on retrouve plusieurs des symptômes d'un TDI chez Lubin (mais pas de la schizophrénie), l'approche proposée par la psy n'est pas médicamenteuse (or c'est un traitement évident pour la schizophrénie), et on a même une explication sur la cause du trouble de Lubin, propre à un TDI et tout à fait plausible, mais qui survient assez tard dans l'histoire et qui est abordée « comme ça en passant », en plus d'une manière relativement négative, si bien qu'on pourrait presque passer à côté !

    Donc, non seulement la confusion entretenue entre un TDI et la schizophrénie me pose question, mais en plus, l'auteur propose une vision résolument manichéenne de la maladie – et, à nouveau, ce point de vue très tranché m'embête : le Lubin initial est un brave type, certes pas hyper-engagé dans la société de quelque façon que ce soit, si ce n'est par son art (le cirque) que trop de gens considèrent comme non productif, voire inutile, ce qui est une vision volontairement exagérée, qui prétend rendre le Lubin initial sympathique, tout en attisant le cliché du pauvre intermittent du spectacle qui attendrit la ménagère de moins de 50 ans… et ainsi l'auteur laisse entendre que c'est ce personnage-là, le « Bon » (comme s'il y avait un bon et un méchant personnage dans un TDI ! à moins d'être nostalgique de Dr Jekyll et Mr Hyde ?..)
    En parallèle, on creuse encore davantage le stéréotype quand on voit comme l'auteur présente l'Autre : carriériste, courant après l'argent et les clients, trop bien coiffé et trop lisse mais dans le fond peu sympathique et manipulateur – le Méchant capitaliste imbu de lui-même, représentation du mal absolu, qui revendique pourtant quant à lui d'être utile à la société… mais c'est dit d'une telle façon que ça le rend encore plus antipathique !
    Mais voilà, pour moi ça n'a pas marché : le désespoir croissant du Lubin initial est certes désolant et aurait pu être touchant, mais il a surtout réussi à m'agacer peu à peu, peut-être parce que son Autre moi est tellement caricatural qu'il en perd toute crédibilité… et dès lors le Lubin initial aussi !

    En parlant de caricature : les psys en prennent pour leur grade aussi ! Nous en avons deux qui interviennent dans cette histoire, je ne vais pas raconter le contexte car ce serait du spoil… mais bizarrement ce sont les deux personnages les plus « moches » de toute la BD, même dans le dessin de leur visage, je n'aimerais pas leur ressembler ! En outre, ils semblent très fermés derrière l'étendue de leur science, peu souriants, pas vraiment empathiques… ou même carrément manipulateur, à la limite d'une certaine folie, pour l'un des deux !
    Pour avoir eu une expérience récente avec l'un ou l'autre psychiatre, je peux dire qu'une telle description est ultra-stéréotypée. Certes, je n'ai pas rencontré que des personnes charmantes et avenantes, et au moins une pouvait correspondre (en poussant un peu) à l'un.e des psys de la BD… mais un autre était tout simplement compétent, humain et même plutôt beau gosse… Bref !

    Pourquoi disais-je alors que ce livre ne m'a pas complètement déplu ?
    En premier lieu, paradoxalement, j'apprécie que l'auteur ait mis en avant une maladie si peu connue… Oh ! vous l'avez compris : je regrette (et beaucoup !) le fait qu'il soit resté très flou sur le diagnostic exact (même pas une note de fin) et que sa vision de cette maladie laisse libre cours à toutes sortes d'interprétations pas forcément correctes. Il n'en reste pas moins que, même avec ce risque d'erreur, au moins on en parle ! En outre, le fait de traiter ce trouble par le biais du fantastique, même s'il accentue le côté trop léger que je déplore, permet aussi de dédramatiser cette maladie qui – comme toutes les pathologies mentales ou psychiatriques – garde un côté mystérieux, effrayant, et pourrait provoquer le rejet… ce qui ne sera finalement pas le cas ici (du moins, pas de la part des amis fidèles), du moins quand il s'agit du Lubin initial.

    C'est l'occasion de souligner aussi à quel point j'ai apprécié les personnages secondaires, et en particulier les amis et la famille de Lubin (l'initial), qui vont rester fidèles à cette amitié (ou à ce lien familial) et le soutenir à leur manière jusqu'au bout. Même Gabrielle, l'amie du Lubin initial avant que son « dédoublement » ne prenne trop de place, aura eu le mérite d'être honnête, même si ça fait mal… Et gros, gros coup de coeur pour Tamara, j'ai adoré cette personnage bien un peu atypique, très « femme libre » mais sans excès, qui ose être elle-même tout simplement !

    Par ailleurs, on est dans une BD, donc parlons (au moins un peu !) du dessin. C'est généralement la pierre d'achoppement pour moi, je suis ultra-difficile à ce sujet – sans doute l'une des raisons pour lesquelles je suis si peu séduite par les BD's en général. Or, ici, j'ai plutôt bien aimé. C'est un dessin assez épuré mais toujours agréable (à part les psys…), pas toujours hyper-expressif, mais juste ce qu'il faut pour faire passer les sentiments des différents personnages. Les couleurs le plus souvent douces sont en plus parfaitement choisies et appuient cet aspect de dessin réussi à tout à fait opportun.

    Enfin, il faut aussi relever le côté onirique de l'ensemble, qui ressort surtout quand il s'agit du cirque. Ce n'est pas central, mais c'est un point important de l'histoire, et on a quelques bien jolies planches (sans phylactères, pour bien imprégner le lecteur d'un plaisir purement visuel) sur le spectacle qui se met en place, par exemple. Cela rappelle à quel point l'Art (ici c'est l'art du cirque, mais c'est vrai pour n'importe quel art de la scène) est important dans nos vies… un point que nos dirigeants ont eu un peu trop tendance à oublier durant les longs mois de covid – je ne sais pas en France ou au Canada, mais en Belgique, et sans vouloir discuter de la nécessité de devoir préserver la population du risque avéré de propagation du virus, certaines mesures concernant l'ouverture (ou non) des théâtres notamment, ont été prises en dépit de tout bon sens !

    En conclusion, j'ai plutôt bien aimé cette BD au dessin doux et épuré, qui a le mérite de mettre en avant une maladie peu connue (le trouble dissociatif de l'identité), malgré l'absence de toute base scientifique, ce qui permet des interprétations partant dans tous les sens. Je regrette aussi l'approche très manichéenne des deux personnages qui habitent notre héros, mais j'apprécie la palette des biens sympathiques amis du « bon ». Enfin, tout ceci est certainement un hommage quelque peu onirique à l'Art (du cirque), et cet aspect est très réussi !





    Et pour finir ce matin, le fameux livre "prometteur", plutôt sympa même, mais auquel je n'ai attribué "que" 14/20 finalement:
    Épée : Tue ce démon de Yann Baroco,
    publié chez Librinova en 2022.

    <image>

    Synopsis : Il est beaucoup trop long... mais ici aussi, je le laisse tel que proposé sur Librinova!
    Rennes, 28 février 1994, 8 heures : l’horloge de la Mort vient de sonner pour l’antiquaire Louis XV et son épouse Céleste. Seul témoin : un chat curieux mais peu bavard.
    L’enquête est menée par le commissaire Truffier, dit La Truffe. Le nez sur la piste comme un limier dans la lande de Kerbraz, il nous emmène du château de Brouméheuc où le vicomte de Lanouée, nostalgique de la vieille France, maître d’équipage d’un vautrait renommé, vieillit entre ses conquêtes féminines et son piqueux Ragot jusqu’aux quais de la Vilaine chez des pénichards flaminds. Qui peut relier des milieux si opposés, sinon Gus le Broque ou Madenn, cette croqueuse d’hommes, prête à tout pour assouvir sa soif de pouvoir. Quant à la jeune Annaïg, cette voyante mythomane nourrie de légendes et de ferveur religieuse, elle laissera les psychiatres dubitatifs. Truffier, policier aux méthodes controversées, est convaincu que l’aveu est la reine des preuves. Persuadé de détenir une vérité qu’il ne fonde que sur sa seule intuition, il ne se laissera impressionner ni par un prétendu innocent, ni par un procureur aux ordres, ni par les prédictions d’une sorcière espagnole qui a vu los jinetes de la Muerte. Poursuivant un démon tout droit sorti de l’Enfer, connaîtra-t-il jamais une vérité que seuls les morts détiennent désormais ; comme dirait Léonie, femme de ménage psychotique :
    Doué da bardon an Anaon (« Dieu pardonne aux défunts »).


    Mon avis :
    Je remercie les éditions Librinova pour le partage de ce titre qui, pour la première fois depuis que j'ai rejoint leurs « lecteurs », correspondait réellement à mes goûts : un policier ! de plus, c'est un polar prometteur, plein de bonnes choses… mais avec quelques bémols, aussi.
    Tout commence d'une façon assez classique mais très visuelle et qui fait entrer le lecteur au coeur même de l'intrigue et de son ambiance : une certaine Léonie, figure marquante semble-t-il de ce quartier de la ville de Rennes, et femme de ménage dans plusieurs demeures, découvre le corps inanimé et poignardé de l'un de ses employeurs, le brocanteur Louis Bienaimé, connu de tous sous le surnom de Louis XV. Elle a le réflexe d'appeler les secours qui, à leur tour, vont découvrir en plus le cadavre de Céleste, l'épouse de Louis XV, décédée dans son lit, d'une façon peut-être suspecte…
    À partir de là, on a toute une enquête menée par un certain commissaire Truffier, qui s'exprime à la 1re personne du singulier et qui est sans aucun doute l'un des personnages les plus importants de ce roman – sans que j'y voie aucune « méthode controversée » comme dénonce un synopsis un peu trop long, potentiellement divulgâcheur et trop enthousiaste…

    Ainsi, l'enquête est assez classique et « à l'ancienne » : on est en 1994, la police scientifique est accessoire, on est très loin des « Experts » quels qu'ils soient ! Cependant, cette intrigue, qui manque parfois un peu de rythme, est ornée de ramifications dans tous les sens et autant de rebondissements qui parviennent à surprendre, et qui permettent au lecteur de rencontrer un grand éventail de personnages marquants et plutôt bien mis en scène : le procureur frileux qui ne veut pas qu'on touche trop au noble du coin, peut-être bien suspect ; la belle-soeur de Louis XV qui collectionne les amants, par soif de pouvoir ou simplement parce qu'elle aime ça ; et toute une population plus hétéroclite de gens du peuple : plusieurs bateliers (dont un vieux Flamand que l'on confondrait avec un clochard, car il passe sa retraite à ramasser les vieux objets inutiles et cassés dans sa poussette hors d'âge), un autre Flamand brocanteur trempant dans des affaires louches auprès d'un groupe de gitans ; la jeune employée de Louis XV et ses délires mystico-psychiatrique ; sa tante qui l'a quasi élevée et qui n'est autre que la fameuse femme de ménage qui connaît un peu tout le monde, etc. Ils ont tous un petit côté cliché, mais l'auteur a réussi à les rendre tellement « vivants », qu'on a l'impression de les voir agir à nos côtés, et on n'est pas loin d'un certain attachement.

    Cela dit, créer des tas de péripéties autour d'une enquête ne suffit pas à faire un bon roman policier, et j'ai terminé ce livre avec un goût d'inabouti. Si tout est clair et bien posé quant à la mort de Louis XV et de son épouse, les intrigues parallèles semblent tout à coup dénuées de réel intérêt (même si elles ont servi un temps à télescoper l'enquête principale, semant le doute dans l'esprit du lecteur), et l'une d'elles ne sera même pas résolue !

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    On ne saura jamais si Gus a réellement tué Madenn, ni comment elle s'est retrouvée dans le fleuve… ou alors j'ai loupé l'info ?


    Par ailleurs, je n'ai pas trop compris pourquoi l'auteur s'est senti obligé d'ajouter des dialogues en espagnol et en néerlandais (flamand)… avec systématiquement la traduction juste à côté ! Comme je parle les deux langues, ça m'a semblé surfait ; les traductions auraient dû se trouver en bas de page ou en fin de chapitre, car ainsi ça paraissait bizarre. Dommage aussi qu'il y ait eu des erreurs, notamment en néerlandais ! Pour ne citer qu'un exemple : « un grand couteau », c'est « een groot mes » - et pas « gross mess » sur une page, et « groot mess » sur la suivante ; « mes » (couteau) ne prend de toute façon qu'un s ! et grand, c'est toujours « groot », jamais « gross », mot qui n'existe même pas en néerlandais.
    Par ailleurs, j'ai aussi trouvé quelques erreurs de français, et certainement au niveau de la ponctuation : clairement, l'auteur ne sait pas utiliser les virgules, en aurait-il peur ? En tout cas, j'ai noté plusieurs exemples, parmi des tas et des tas d'erreurs du genre, je suis disponible pour expliquer plus avant si besoin !

    Bref, c'était un polar délibérément écrit « à l'ancienne », dans un ton plutôt agréable et avec des personnages très typés qui parviennent à se rendre sympathiques. Les multiples ramifications de l'enquête principale réussissent à créer un certain suspense, même si on aurait pu avoir une intrigue plus rythmée, mais certaines branches n'aboutissent finalement pas : dommage ! L'auteur devrait aussi améliorer sa ponctuation (les virgules ne tuent pas !) et utiliser les langues étrangères (espagnol ou néerlandais/flamand) de façon plus avisée.
  • stephanius

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #232 31 Mai 2022 12:09:25

    Tu m'as fait rire avec ton âge. Moi c'est mon ophtalmo qui m'a dit que a mon âge je devais m'attendre à bientôt ne plus bien voir de près.... Charmant

    J'ai dans la pal les 7 morts d'evelyn.... Mais il me fait peur surtout avec tout les abus que j'ai déjà croisé. Je le sortirai un jour parce que en plus de me faire peur, il m'intrigue quand même

    Bon repos
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #233 01 Juin 2022 11:07:10

    Bonjour,

    @stephanius: ah oui l'ophtalmo! :ptdr: Là au moins j'y échappe: je vais chez un ophtalmo spécialisé pour les enfants (eh oui!), après avoir cherché en vain un.e qui me convienne... et donc c'est en allant chez celui-là avec mon grand (qui est myope) que je me suis dit qu'il avait l'air un peu plus sympa/compétent que bien d'autres! Et, par chance, il accepte aussi (dans une certaine limite) les papas et mamans de ses petits patients... mais du coup il ne parle pas d'âge, lui! :yeah:

    Et voilà, je viens vous présenter mes 4 dernières lectures bien notées, c'est facile: je leur ai donné à toutes les quatre un 17/20 sans préméditation!
    Les voici dans leur ordre chronologique de lecture:

    Peter Punk au pays des merveilles de Danü Danquigny,
    publié chez Gallimard (Série noire) en 2022, emprunté en ebook à ma bibliothèque virtuelle (vu que j'ai une toute petite PAL... :sifflote:)

    <image>

    Synopsis : À peine sorti de prison, Desmund Sasse est arrêté et placé en garde à vue pour complicité de meurtre. Le jeune suspect, qui semble le connaître, lui a laissé de longs messages. Mais rien ne tient dans l’accusation et Sasse est vite libéré.
    Il sent pourtant que quelque chose de louche le relie à cette affaire et, bien que résolu à se tenir en dehors des ennuis, il va foncer dedans tête baissée.


    Mon avis :
    Au moment de rédiger mon avis sur ce livre terminé il y a un peu plus de 24 heures, je me demande encore comment je suis arrivée à le lire – ce qui n'est pas un regret, mais plutôt la question : pourquoi ne m'y suis-je pas plongée plus tôt ? Je l'avais vu en librairie, ça j'en suis certaine, mais je suis toute aussi sûre qu'il ne me tentait pas particulièrement ! En outre, au moment où je l'avais repéré dans cette librairie, je sais que je l'avais déjà vu ailleurs, car je me suis dit : « Tiens, en plus il est mis en évidence en rayon ? » Aurait-il fait partie d'une des sélections des « livres de la semaine » sur Babelio ? C'est le plus probable, même si le faible nombre de notes (malgré une moyenne assez intéressante, on est quand même à 4,15/5 au moment où j'écris, mais en seulement 10 notes) me laisse un peu dubitative sur le fait qu'il ait fait partie d'une sélection hebdomadaire, mais après tout je ne sais pas quels critères régissent le choix de ces livres proposés chaque jeudi ?
    Quoi qu'il en soit, ce livre et sa couverture pour le moins originale avaient fini par créer une espèce d'attirance vaguement répulsive… si bien que, quand il est tout à coup apparu parmi les nouveautés sur le catalogue Lirtuel (cette bibliothèque virtuelle belge francophone, gratuite, dont j'ai déjà parlé, et que je remercie une fois encore !), je me suis dit qu'il fallait que j'essaie quand même !

    Et, comme dirait l'autre, « j'm'attendais pas à ça » ! L'histoire démarre très fort : un certain Desmund Sasse sort à peine de prison, qu'il se fait embarquer par une voiture de police et un inspecteur un peu trop zélé. Et hop en garde à vue, car – on le lui expliquera après quelques tergiversations – il est suspecté de complicité de meurtre. En effet, le présumé meurtrier d'un ponte de la ville (homme public que tout le monde sait également présent dans des affaires nettement moins catholiques) lui aurait envoyé toute une série de messages sur son téléphone, faisant de lui son complice. Le problème, c'est que ledit téléphone est au commissariat même, sous scellés depuis l'arrestation de Desmund plusieurs mois plus tôt, alors qu'il était, comme on l'a compris, en prison au moment des faits… Assisté par un ami avocat (qui ne fera que passer dans l'histoire, c'est limite dommage car il avait un potentiel intéressant), et ne sachant plus très bien s'il est ami ou ennemi avec le Commissaire (également un ami du temps de leurs études communes en droit, et celui-là reviendra plus souvent… mais on comprend d'emblée que la vie leur a offert des chemins bien différents !) ; bref, Desmund décide de tirer toute cette affaire au clair, car mine de rien, il se sent quand même impliqué d'une façon ou d'une autre…

    On entre ainsi dans une histoire vue essentiellement par les yeux de Desmund, appelé tout simplement Des' par ses amis, Sasse par les forces de l'ordre, et Peter Punk quand il devient musicien dans certains bars le soir – nom qui lui est donné davantage pour la beauté du titre qu'autre chose, car on n'aura aucune scène dans laquelle Desmund jouerait de son instrument ! Quant au « pays des merveilles », je vous laisse la surprise si vous lisez ce livre…
    … car, comme je vous disais, on entre dans une histoire construite comme un puzzle géant, où toute une série de pièces s'imbriquent les unes dans les autres. On ne le voit pas forcément de suite, les choses se construisent petit à petit, avec les regards croisés de deux autres personnages importants : une certaine Élise qui va sauver la vie de Desmund au moins à deux reprises, et le fameux commissaire cité plus haut, Justin Brincourt, en plein doute sur sa vie malgré le confort et l'aisance dans lesquels il vit – ces deux-là intervenant alors par la voix d'un narrateur extérieur relativement inquiet pour chacun d'eux.

    Ainsi, comme je disais, ce puzzle se construit petit à petit, sous les yeux d'un lecteur qui ne s'y attend pas forcément : c'est que, outre son aspect choral, ce roman se permet aussi quelques parenthèses musicales - et ce n'est pas seulement une playlist : on a parfois juste un titre, mais aussi quelques textes de chansons, qui n'évoquent rien pour moi car ce n'est pas ce que j'écoute… mais ces paroles étaient à chaque fois très parlantes et tout à fait appropriées à l'ambiance du moment ! Desmund nous emmène aussi dans quelques flashes back, sur ses débuts (de voyou) dans cette ville qu'il déteste et aime tout à la fois, sur son enfance chaotique mais dans un quartier privilégié (point de vue financier) mais aussi sordide que n'importe où ailleurs (là aussi, je vous laisse la surprise), ou son amour de l'époque, une petite Corynthe, qu'il a depuis lors perdue de vue mais à qui il n'a jamais cessé de penser avec l'innocence d'un amour d'enfant qu'on veut préserver envers et contre tout.
    Non, je n'en dirai pas plus, car avec ça vous avez compris (ou pas) qu'on a repéré certaines pièces de ce fameux puzzle dès le début, d'autres se trouvent à la périphérie du tableau général mais on ne trouve pas vraiment leur place, d'autres encore étaient tombées un peu plus loin et sont sorties du champ immédiat de notre vision, mais peu à peu tout va s'emboîter parfaitement, avec une maestria qui s'affirme de plus en plus, et on se dit « waouh ! ». Les révélations finales sont inattendues et tout à la fois coulent de source, c'est ce que j'adore dans un policier : plaisir garanti !

    Le tout est servi par une narration qui « joue le jeu », parfois un peu trop peut-être. Ainsi, quand le narrateur d'Élise ou de Justin est aux commandes, on est dans une narration de polar plus ou moins psychologique mais assez « classique », avec juste ce qu'il faut de tension pour que chacun de ces personnages apparaisse comme un peu brisé mais pas complètement mauvais, ou plutôt sympathique malgré un côté sombre – ce qui revient au même. Quand on est aux côtés de Desmund en revanche, c'est-à-dire durant la grande majorité du livre, on est dans un langage plus « populaire », sans devenir bas de gamme : il s'agit plutôt d'une certaine gouaille… On a compris que, malgré sa déchéance sociale, Desmund est un homme instruit, mais qui a plongé de plus en plus bas dans la rue, dont il a pris des expressions, des habitudes, une façon d'être, ce qu'il considère d'ailleurs avec un certain fatalisme lucide mais sans se plaindre. Dès lors, sa façon de s'exprimer oscille sans cesse entre un langage courant ou nettement familier – ou plutôt, je devrais dire qu'il virevolte, car tout cela est parfaitement maîtrisé et ne paraît jamais artificiel !
    Je dois ausis souligner la petite galerie de personnages secondaires bien intéressants, soit attachants soit antipathiques, toujours parfaitement dessinés, et qui participent indéniablement à l'ambiance générale de l'histoire, et aussi à révéler toujours mieux notre pugnace Desmund.

    La seule chose qui m'a un peu dérangée, c'est une critique sociétale récurrente, que l'auteur ne cesse de glisser ici ou là (toujours avec la voix de Desmund). Je n'ai noté que deux exemples, car la plupart des autres étaient tellement imbriqués dans le contexte du moment qu'ils seraient devenus inintelligibles si on les en sortait, mais c'est du même acabit – 10 fois, 20 fois tout au long de ce livre : « (…) la grogne s'est métastasée, râle souffreteux d'un corps social malade, d'un organisme qui ne fonctionne plus, mal commandé par une tête qui s'est mise en grève de la pensée pour s'abandonner avec gloutonnerie à son vice naturel et concentrationnaire. le gâteau a beau grossir, ils sont de plus nombreux à se battre pour une part que chaque réforme réduit un peu plus. »
    Et un peu plus loin (là, Desmund le voyou parle à Justin le flic) : « Le problème est systémique. Tu sers le système, avec un zèle coupable, d'ailleurs. Tu fais partie du problème. À quel moment c'est devenu normal que tout soit tellement emmêlé, la justice et la magouille, le maintien de l'ordre et le bordel ? C'est pour ça que t'as fait flic ? Pour être le larbin de voyous en costard ? »

    Bref, on est en pleine critique sociétale, très franco-française cela dit (enfin, je trouve depuis ma « lointaine » Belgique) et on y ajoute des images de manifestations pour tout et n'importe quoi (ce n'est pas moi qui le dis, c'est Desmund !) tout au long des quelques journées que dure ce polar, et vas-y que je plaigne les pauvres petits casseurs qu'on accuse alors qu'ils ne cassent rien, et que j'invective les très méchants CRS qui font leur boulot alors qu'ils feraient mieux de rejoindre les premiers dans leur (juste ?) combat. Mouais…
    Certes, ce genre de « débat » peut avoir lieu en littérature, même dans un polar, mais ici on sent l'auteur (ou en tout cas son personnage principal, mais au final ne défendent-ils pas les mêmes idées ?) apparemment bien attaché à ces idées très « gilet jaune », et surtout très peu nuancées, qui mettent tous les débats dans le même filet et de toute façon le gouvernement (qu'il a élu, non ? peut-être pas en fait, vu le pourcentage légendaire d'abstentions lors de chaque élection en France…) a toujours tort. Peut-être est-ce vrai. Peut-être au moins en partie. Mais de toute façon c'est très réducteur ; on peut comprendre certaines de ces doléances, mais là il y en a trop, et on se rend compte que, à part creuser (un peu inutilement) l'ambiance générale, elles n'apportent rien à l'histoire.

    Heureusement, cet aspect qui m'a déplu est compensé par la construction très appréciable de ce roman que j'ai évoquée plus haut, mais aussi par un humour discret (et bien un peu noir) mais très présent. J'ai évoqué le choix des noms : Peter Punk donne une idée déjantée du personnage, alors même qu'on ne le voit jamais en musicien ; le « pays des merveilles » je vous laisse voir, mais le clin d'oeil (ironique) se dévoile dès que l'on comprend où on est ; et le nom de la ville – ciel, existe-t-elle vraiment ? Morclose, ça ne s'invente pas ! Il paraît que, en réalité, ce serait Rennes… pourquoi pas ? Moi je me plais à imaginer que l'auteur s'est amusé à un jeu de mots, entre la mort, et l'anglais « close » : c'est que, dans cette ville et surtout ses quartiers malfamés, on est toujours près (close) de la mort… et pourtant, à quelques exceptions près, elle est très peu présente ! On n'est pas dans un thriller, il y aura quelques morts mais presque pas graves (quoique...), à peine évoquées et à peine montrées ; pas de scènes d'autopsies insupportables ou que sais-je… Elle est toujours toute proche, mais rarement tout à fait là.
    Dans cette catégorie « humour » au sens large, j'ajouterai aussi les quelques scènes de castagne, réalistes et visuelles mais sans jamais virer dans le cinématographique de bas étage à l'américaine : non, on est en présence de truands qui respectent certaines règles (pas très légales, mais là n'est pas la question), qui font mal et on a envie d'aller soigner Desmund (d'autres s'en chargeront pour nous), mais le tout reste presque « léger »… et quand on voit un retournement de situation improbable où Desmund parvient à enfermer les deux méchants gros-bras sans cervelle dans le coffre de leur voiture (c'est à peine un spoil), j'ai éclaté de rire ! ça a un petit côté Tex Avery adorable…

    Bref, à part ma petite réserve sur la trop grande présence d'une critique sociétale sans nuances qui finit par plomber certains passages, j'ai beaucoup aimé ce polar pas tout à fait classique, grâce à son personnage principal déjanté mais pugnace, des personnages secondaires truculents et une ambiance gouailleuse sans jamais tomber dans un populaire artificiel. La construction de l'intrigue comme un puzzle où toutes les pièces s'imbriqueront parfaitement est teintée d'un humour (noir) discret mais toujours présent : une très bonne lecture !





    Blackwater, tome 1 : La crue de Michael McDowell,
    publié chez Monsieur Toussaint Louverture en 2022, exclusivement en poche.

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    Synopsis : Alors que les flots sombres et menaçants de la rivière submergent Perdido, une petite ville du sud de l'Alabama, les Caskey, une riche famille de propriétaires, doivent faire face aux innombrables dégâts provoqués par la crue. Mené par Mary-Love, la puissante matriarcale, et par Oscar, son fils dévoué, le clan s'apprête à se relever. Maus c'est compter sans l'apparition, aussi soudaine que mystérieuse, d'Elinor Dammert, jeune femme séduisante au passé trouble, dont le seul dessein semble être de s'immiscer au cœur de la famille Caskey.

    Mon avis :
    Je pense qu'il est actuellement impossible de passer à côté de ce livre… Même pour ceux qui, comme moi, ne suivent pas particulièrement les éditions Monsieur Toussaint Louverture, c'est un fait avéré : leur habituel travail d'édition plus que soigné, faisant de chaque livre, même en format poche, un objet tout particulier, provoque un large engouement à chaque nouvelle publication, quel que soit le livre dont on parle ! Mais ici, en se lançant dans cette saga familiale à raison d'une nouvelle parution tous les 15 jours, l'éditeur a associé la qualité de son travail à un défi marketing, qui semble fonctionner à merveille.

    Tout ce tapage commercial, largement relayé par les bloggeurs et autres instagrammeurs, autour d'un objet culturel dont on soulève plus souvent le travail éditorial que la qualité intrinsèque du texte, ça me hérisse bien un peu. Pourtant, comme vous le voyez, je suis tombée dedans moi aussi, alors que le livre ne m'intéressait pas particulièrement. Pire : je me méfie toujours des formats « de poche », souvent trop difficiles à lire (à cause des petits caractères) pour ma vue défaillante malgré sa correction. Mais voilà : une lecture commune de toute la saga a été proposée sur Livraddict, à un rythme un peu plus raisonnable : on parle plutôt d'un tome par mois, en commençant par le premier autour du 15 mai.
    Que dire ? Non seulement le livre-objet est effectivement séduisant, dans un format poche légèrement plus petit que la moyenne, ce qui lui donne une petite touche particulière – comme si MTL avait à tout prix besoin de se démarquer d'une façon ou d'une autre, mais pourquoi pas ? Et je précise : ce n'est pas une critique, mais un constat, sans doute influencé par l'a-priori quelque peu négatif que j'avais au départ. Ouf ! les caractères sont juste assez grands pour que ce livre ne soit pas trop pénible à lire, même pour moi. Et il faut bien reconnaître que ce format plus petit tient vraiment bien en main, ce qui lui donne un côté agréable auquel on ne s'attendait pas forcément… avec le revers que, vu comme il l'objet-livre est beau, on n'ose le manipuler que du bout des doigts !

    Bref, rassurée sur ces points « techniques », je me suis donc lancée dans cette lecture sans trop savoir à quoi m'attendre, et j'ai été plutôt embarquée – même si je ne peux pas parler, à ce stade, de coup de coeur comme certains crient haut et fort.
    Avec ce tome, on a les prémices, les bases d'une saga familiale qui se déroule, en 1919 pour ce premier tome, dans un village de l'Alabama : Perdido. Perdido se trouve au confluent des eaux rouges d'une rivière du même nom, et des eaux-noires de la rivière Blackwater. Quand la crue arrive, c'est presque tout le village qui est sous eaux – et c'est décrit en peu de phrases, dans une économie de mots parfaitement calculée, qui dit pourtant tout avec un réalisme très maîtrisé : en quelques secondes, je me suis réellement retrouvée au coeur de ce village inondé, avec en arrière-plan de mon esprit les terribles inondations qui ont détruit plusieurs villages en Belgique et en Allemagne l'été dernier – décidément, ça me poursuit ! Cela dit, cette crue n'est finalement que peu exploitée dans le livre ; elle sert surtout de prétexte à l'apparition du personnage marquant que sera Elinor, jeune femme rescapée de l'hôtel du village, sans famille, voyageant seule, ayant prétendument perdu toutes ses références dans l'inondation.

    On comprend d'emblée qu'il y a quelque chose d'énigmatique autour de ce personnage particulier, quelques détails alertent très vite – je ne peux tous les dire car ce serait divulgâcher, mais on peut retenir sans trop en dire, l'espèce de méfiance mêlée de crainte qu'elle inspire aussitôt à Bray, le domestique noir d'Oscar, jeune homme, fils de bonne famille qui va la sauver ; comme si ce Bray avait un quelconque 6e sens (mais cet aspect ne sera absolument pas exploité) lui permettant de ressentir un potentiel danger tapi, et impossible à identifier… mais en tout cas, c'est un sentiment suffisamment puissant pour l'alerter. Mais de quoi ?...

    Ce personnage de Bray me permet de rebondir sur un autre aspect très réaliste de ce livre, qui m'a d'abord choquée, et puis peu à peu – avec l'une de mes co-lectrices en « souffleuse » ;) - j'ai dû me rappeler que c'est tout à fait révélateur du contexte. Je le disais : nous sommes en 1919 dans un État du Sud. Les Noirs sont désormais affranchis… mais ils sont toujours les domestiques des Blancs, ils n'ont pas accès à l'éducation (alors que les petits Amérindiens ont quant à eux un programme spécial, séparément des Blancs bien sûr, mais au moins ils ont le droit d'aller à l'école !), ils vivent en périphérie de la ville et reconstruisent leurs maisons (ou plutôt leurs cabanes, dans ce qu'on n'appelait pas encore un bidonville) détruites par la crue… avec les planches pourries que les Blancs ont jetées dans les déchets. Comme je disais, j'ai d'abord été choquée, car l'auteur relate cela sans aucun état d'âme apparent, mais à nouveau : c'est tout simplement exposé de manière ultra-réaliste et en très peu de mots, car ils seraient inutiles de toute façon. Ça n'en est pas moins révélateur d'un contexte historique pourtant bien connu, mais qui laisse encore et toujours un goût terriblement amer quand il nous est rappelé.

    Et ainsi, la vie du village se réorganise petit à petit, mené économiquement par les quelques familles fortunées du village, dont les Caskey que l'on va suivre au quotidien. C'est eux qui vont accueillir Elinor, femme de tête qui va réussir à charmer presque tout le monde dans le village, à l'exception d'une autre personnalité forte, la mère même d'Oscar son sauveur : Mary-Love, avec qui la relation va être tendue de bout en bout, jusqu'à une apogée... ah non, je ne peux rien en dire!
    L'auteur nous montre ainsi ce quotidien, cette vie partagée entre nouvelles amitiés, attachement avec certains, sans oublier qu'Elinor est une femme résolument « moderne » et ouverte (permettant par exemple à une petite Noire d'apprendre à lire, à la périphérie de l'école toutefois), mais on a aussi cette rivalité constante entre ces deux femmes au caractère marqué.
    C'est là que l'auteur va semer, l'air de rien, quelques éléments qui exacerbent le côté mystérieux, à la limite d'un certain horrifique (mais vraiment on est très loin de scènes insoutenables !), du personnage central qu'est Elinor. le peu qu'il en laisse apparaître est suggéré, toujours avec cet art de tout laisser entendre en très peu de mots, mais c'est alors tellement évident (ai-je trouvé) que ça fait froid dans le dos – et je ne dis pas cela seulement pour la beauté de l'expression : on a tout à coup le sentiment presque physique de sentir un souffle glacé humide dans notre dos !

    La fin, qui n'est donc pas une fin mais un certain cliffhanger (même si l'attente ainsi suscitée, bien réelle, ne me paraît quand même pas insoutenable), a été à mes yeux la partie la plus inattendue du livre et, sans jouer sur les codes du mystère pour le coup, la plus « horrible » malgré tout…

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    La mère en moi hurle : comment peut-on décider de faire un gosse pour l'abandonner à sa belle-mère, et ainsi « se débarrasser » de cette dernière trop envahissante autrement ? Pour moi, abandonner son enfant, même pour se sauver soi-même, et ici de façon froidement calculée, c'est aussi inconcevable que monstrueux !

    Bref, je voulais attendre de voir si ce livre me plairait suffisamment pour aller plus loin dans le cycle de lectures communes, et voilà : j'ai aussitôt commandé le 2e tome !




    Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie,
    publié chez Gallimard (Du monde entier) en 2015, réédité plusieurs fois en poche depuis lors; pour ma part, lu dans la version Kindle de 2016.

    <image>

    Synopsis : «En descendant de l’avion à Lagos, j’ai eu l’impression d’avoir cessé d’être noire.»
    Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l’Amérique qui compte bien la rejoindre.
    Mais comment rester soi lorsqu’on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés?
    Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux États-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria.


    Mon avis :
    Ce livre a été choisi pour le book club du dernier week-end de mai, sur le thème « un.e auteur.e africain.e », parmi plusieurs autres propositions très intéressantes. Je ne me rappelle plus si c'était mon premier choix, avec un thème si vaste en plus ! et le livre n'était même pas dans ma (pourtant bien longue) PAL… mais j'ai quand même craqué !
    Et ce n'est pas (du tout) un regret !

    Il est difficile de résumer ce livre très dense ; ce n'est même pas un risque de trop dévoiler, car il se passe tant de choses ! sans qu'il y ait pour autant une intrigue ultra-prenante, on est plutôt dans une (longue) « tranche de vie » - et c'est narré d'une telle façon qu'on croirait par moments que l'autrice raconte sa propre expérience, à travers son héroïne principale. On rencontre ainsi la jeune Ifemelu. Issue d'une famille d'une classe moyenne éduquée mais peu aisée, surtout après la perte d'emploi de son père, elle poursuit de études comme tous les jeunes de son âge, rejoint une université de son choix, mais peu à peu ouvre aussi les yeux sur les réalités de son pays (le Nigéria, faut-il le préciser ?) : un pays où le pouvoir militaire ne paie pas ses enseignants, où le népotisme règne au su et au vu de tous, etc. Dans ces conditions, fatigués de passer plus de temps à faire grève qu'à pouvoir suivre des cours de qualité, de nombreux jeunes gens rêvent de partir à l'étranger, même sans raison économique, même sans guerre, « pour avoir le choix » de leur propre vie – et, en top du classement des pays de rêve, les États-Unis !

    Avec un brin de chance, Ifemelu obtient le visa tant convoité, ainsi qu'une bourse partielle pour aller étudier dans ce pays rêvé. Mais, une fois arrivée sur place, elle déchante : pour la première fois de sa vie, elle « découvre » qu'elle est Noire et que ce n'est pas un avantage – du tout ; qu'elle est une femme, trop jolie pour trouver un boulot simple qui lui permettrait de compléter sa bourse. Peu à peu pourtant, elle va traverser les difficultés et affronter son destin, qui est peut-être bien au Nigéria quand même… et se (re)trouver elle-même, en assumant totalement son africanité.

    Mais tout ce livre est aussi une immense histoire d'amour, entre Ifemelu et son amour de jeunesse Obinze, fils d'universitaire, mais dont le chemin sera bien différent. S'étant vu quant à lui refuser un visa pour les États-Unis (qui rejettent alors tous les hommes un peu trop basanés, potentiels terroristes !), il se retrouve à Londres, sans papiers, marginal, n'ayant accès qu'à des emplois manuels grâce à magouille et compagnie… Expulsé sans ménagements, il se construit une nouvelle vie au Nigéria, sans jamais pouvoir oublier Ifemelu…
    Évidemment, raconté ainsi, on croirait presque à une mauvaise romance, mais c'est bien plus que ça ! Certains moments touchent certes à une narration de romance classique ; mais la plupart du temps, leur histoire est « juste » sous-jacente, comme un leitmotiv dont l'importance est louvoyante, mais qu'on n'oublie jamais tout à fait, peut-être aussi parce que nos deux protagonistes sont présentés de façon tellement réaliste et proches de nous, qu'ils en deviennent profondément attachants.

    Outre cette histoire d'amour omniprésente même quand elle est en sourdine, l'autrice aborde tout un tas de thèmes potentiellement polémiques dans ce livre : le racisme (ordinaire, et ses particularités américaines), le sexisme (aggravé ici par la couleur de sa peau, mais on a aussi un exemple d'un couple bien blanc où tout n'est pas rose…), l'immigration en général, la vie en Afrique et en particulier dans son Nigéria qu'elle n'hésite pas à critiquer mais qu'elle chérit malgré tout, l'immense espoir qu'a représenté l'élection d'Obama pour tant et tant de gens – parmi bien d'autres sujets abordés. Elle secoue véritablement le lecteur, qui se trouve ainsi confronté à ses propres pensées, à ses convictions, à ses espoirs ou à ses déceptions.

    Ses doléances sur la situation des Noirs aux États-Unis sont dures, et on se demande comment c'est encore possible en ce XXIe siècle, parfois même on a envie de dire qu'elle exagère, et pourtant on sait que c'est (hélas) réaliste et réel, quand certains de ses exemples bien concrets nous éclatent en plein visage. Tout à coup on est presque heureux de ne pas être américain… même si l'Europe n'est pas forcément plus exemplaire ! La scène de l'expulsion d'Obinze d'Angleterre, par exemple, très réaliste elle aussi, est particulièrement dérangeante, et on se sent mal à l'aise… même si on se disait au chapitre précédent que le système « magouille et compagnie » pour avoir du boulot même sans papiers, ça ne pouvait pas marcher, et de se demander pourquoi il n'a pas plutôt exploré la voie légale ? (l'autrice restant assez évasive sur ce point)
    Et on a beau se dire que l'Angleterre, ce n'est plus tout à fait l'Europe, depuis le Brexit – dont on ne parlait pas encore au moment de la parution de ce livre, cela dit – j'ai quand même mal à mon Europe, quand je me rappelle ces images que l'on a pu voir notamment au Journal télévisé, il y a si peu de temps.

    Je revois ainsi le « Petit-Château », à Bruxelles, passage obligé pour tous les immigrés, car c'est là que peuvent s'enregistrer les sans-papiers avec tout leur espoir d'une vie meilleure. Chaque jour, des files de gens (femmes, hommes, enfants) de toutes les couleurs du monde stationnent dans l'attente d'être reçus. Et voilà : du jour au lendemain, une nouvelle file a été créée juste en face de la « traditionnelle » ; une file plus rapide, plus efficace, garantie d'office d'un accueil et de papiers certes temporaires, mais des papiers quand même… C'est une file strictement réservée aux Ukrainiens. Comme si les victimes de cette guerre-là méritaient plus d'attention que tous les autres… Ah mais oui ! regardez-les : ils sont caucasiens et/ou chrétiens et/ou blonds aux yeux bleus… et ils se battent contre le grand méchant Poutine.
    Oh, bien sûr, c'est une chance, et sans doute même une nécessité pour tous « ces gens-là », qui ont besoin de protection urgente : il fallait faire quelque chose, je ne discute pas cela une seule seconde !… Mais pourquoi eux (comme par hasard bien Blancs) avant tous les autres ? Même l'été dernier, lorsque la Belgique, en coordination avec d'autres pays de l'UE, a exfiltré ses propres employés (et ceux de l'UE) nationaux d'Afghanistan, car ils auraient été considérés comme trop occidentalisés et se sont ainsi trouvés en danger de mort dès la prise de pouvoir par les Talibans ; même ces Afghans-là n'ont pas bénéficié du même niveau de protection, d'accueil, de bienvenue tout simplement, quand ils sont arrivés devant ce même « Petit-Château »…

    Bref, j'en ai déjà trop dit, alors que je ne souhaite pas entrer dans un quelconque débat polémique après la lecture de « Americanah » - on est déjà bien assez bouleversé soi-même, un commentaire de livre n'est pas le lieu pour débattre de ces problèmes historiques graves… et malheureusement toujours d'actualité. S'il faut se confronter à l'avis des autres, je le ferai uniquement dans le cadre du book club, et avec des pincettes - pas parce que c'est le BC et que je me méfierais des autres lecteurs, ce serait le comble ! mais parce que ce sont des sujets extrêmement sensibles, qui peuvent provoquer des prises de position très tranchées (ou au contraire exagérément ouvertes, sans discernement), surtout en ces temps de repli identitaire que l'on observe un peu partout en Occident…
    Mais je crois avoir illustré ainsi, spontanément car j'ai laissé mes doigts écrire tout seuls, à quel point ce livre remue au plus profond, même si on n'est pas directement concerné !

    Avec ça, le langage est généralement de (très) bon niveau, on est à mi-chemin entre du courant (notamment dans les quelques dialogues, qui paraissent toujours tout à fait naturels) et du soutenu sans fausse honte, très maîtrisé.
    Je dois aussi souligner à quel point la traduction semble bien travaillée. Certes, je n'ai pas lu ce livre dans l'original, pas même un extrait. Mais pour ne citer qu'un exemple : l'autrice fait référence plusieurs fois à son accent étranger, elle qui parle pourtant aussi anglais au quotidien dans son pays, mais un anglais pas toujours compréhensible pour les Américains (et vice-versa). Or, sans jamais tomber dans le piège d'une quelconque exagération façon « imitation d'un accent » (ce qui me hérisse toujours un peu), la traductrice a réussi à faire passer cette dichotomie entre les deux (et même plusieurs autres) façons de parler une même langue – sans oublier d'autres particularités, les Nigérians parlant entre eux l'une ou l'autre langue locale (dont l'igbo, l'autre langue d'Ifemelu), tandis que les Noirs américains notamment parleraient un langage qui leur est propre, « l'ebonics », que ni les Noirs africains, et encore moins les Blancs américains, ne parviennent à comprendre réellement… Tout cela fascine la traductrice en moi, or c'est exposé (et traduit) avec un certain art didactique, que j'apprécie beaucoup.

    Mon seul regret, finalement, est que les diverses allusions au pouvoir politique nigérian en place au fil des ans ne soit pas explicité – que ce soit en note de bas de page, ou plus intelligemment, dans une postface par exemple, c'est mon dada dès que je trouve un livre suffisamment « exotique » et que je voudrais en savoir plus, mais que le livre même ne me le permet pas. Certes, on trouve toutes les informations nécessaires (et facilement) sur Internet notamment, mais je continue de penser que c'est aussi le rôle du livre même de donner au moins quelques éléments, surtout quand il s'agit d'un roman comme celui-ci ! mais bon, c'est une remarque un peu « en passant », car cette absence d'un complément d'informations ne peut être imputée ni à l'autrice, ni à la traductrice.

    Bref, c'est un livre aussi dense que bouleversant, qui aborde de nombreux sujets potentiellement polémiques, comme le racisme (ordinaire, avec ses particularités américaines), l'immigration, le sexisme aussi, ou encore la vie dans un pays africain que l'autrice chérit tout en soulignant ses nombreuses failles, etc. Mais c'est aussi une immense histoire d'amour entre deux protagonistes attachants, et tout cela touche au plus profond, dans une langue de très bon niveau, et en plus très bien traduite.




    Qui est là ? d'Anders Roslund,
    publié chez Mazarine en 2022, lu dans la version ebook proposée par NetGalley

    <image>

    Synopsis : Cinq bougies sur un gâteau d’anniversaire. Zana est aux anges. Pourtant, ce jour va sonner le glas de son enfance et changer à jamais la vie de toute sa famille.
    Lorsque le commissaire Ewert Grens entre dans cet appartement à Stockholm à la suite d’une plainte d’un voisin, l’odeur de pourriture et de décomposition le prend à la gorge. Ce qu’il voit ne cessera de hanter sa mémoire.
    Vingt ans plus tard, après une infraction où rien n’a été volé, il est amené à retourner au même endroit. Que sont venus chercher les cambrioleurs ? Quand il découvre ensuite que le dossier de l’époque a disparu des archives sécurisées de la police, Ewert est persuadé que Zana est en danger. Le temps lui est compté : il doit à tout prix retrouver la petite fille d’alors avant ses poursuivants… Une course contre la montre commence, pendant laquelle il devra s’allier avec son ennemi d’autrefois. Une quête qui les emmènera aux confins de l’Europe de l’Est.
    Trois jours. C’est tout ce dont ils disposent.


    Mon avis :
    J'avais repéré ce livre en librairie et avais aussitôt trouvé cette couverture très belle – dans la limite de ce que l'on peut appeler « beau » pour ce qu'on sait qui va être un roman noir. Cependant, c'était une fois encore un de ces livres qui attire mon attention, mais pour lequel je ne craque pas de suite. Ainsi, quand j'ai reçu un mail de NetGalley m'avertissant que je pouvais « solliciter » pour ce livre, puis que ma demande a été acceptée, je me suis beaucoup réjouie ! Bien évidemment, j'en remercie les éditions Mazarine et NetGalley.

    Et voilà : ce n'est qu'après avoir commencé ce livre que je me suis rendu compte que ce livre est l'énième épisode d'une série mettant plusieurs personnages récurrents en scène. Parmi eux, on notera l'ex-agent infiltré Piet Hoffmann, que je n'avais encore jamais rencontré, mais je sais qu'il est un rouage essentiel de la série « Trois secondes, trois minutes, trois heures » - d'ailleurs, ce livre-ci aurait pu continuer la série avec un titre du style « Trois heures » !! - ; et plus encore le commissaire Ewert Grens, qui semble-t-il fait également partie des trois opus précités, mais qui apparaît quant à lui dans un rôle important depuis plus longtemps encore : ceci est sa 8e enquête policière, dont le premier épisode a été initié en 2004 en Suède, 2009 en traduction française, avec le livre « La bête » (alors publié aux Presses de la Cité) - un livre que, par un hasard extraordinaire, j'ai justement lu ce mois-ci !

    Dès lors, je me suis trouvée quelque peu partagée… Ceux qui me suivent, même de loin, le savent : j'ai un petit côté psychorigide sur l'ordre des numéros dans une série, je n'aime pas bien lire les différents tomes dans le désordre. Alors, ici, avoir lu le premier, avoir acheté le suivant (qui, soit dit en passant, ne se trouve plus que –difficilement- en occasion, quel que soit le format, mais heureusement il est numérisé, ce qui n'était pas le cas de « La bête »), et puis passer directement au dernier paru, sans en avoir été « prévenue » - car ni l'éditeur ni NetGalley ne le mentionnent, en aucune façon, ce que je trouve bien dommage ! – ça m'a d'abord réellement dérangée !
    Heureusement, selon la formule consacrée, ce livre peut se lire de manière indépendante – même si des allusions à un passé commun, entre Ewert et Piet, ou entre Ewert et ses adjoints (Sven, qui était déjà présent dans « La bête » lui aussi, et Marianna, que je rencontrais pour la 1re fois, mais avec qui Ewert travaille depuis déjà 10 ans disait-il), prouvent et rappellent constamment qu'il y a eu quelque chose avant, et que les relations entre ces différents personnages évoluent, même si, c'est vrai, cela se fait de manière assez discrète, et ne gêne pas vraiment l'enquête même du présent livre.

    Maintenant que vous voilà prévenus, entrons (enfin !) dans le vif du sujet.
    On a au départ deux histoires qui semblent complètement différentes. Un rapide flash-back nous montre Ewert Grens arrivant sur les lieux d'une scène de crime absolument atroce – et, toujours, tout est dans la suggestion, mais c'est juste horrible : toute une famille, père, mère, fils et fille ont été tués, seule la petite dernière a survécu, elle qui vient de souffler son gâteau d'anniversaire pour ses 5 ans… Une vingtaine d'années plus tard, Ewert est appelé sur une nouvelle scène de crime : un homme a été tué exactement de la même façon que le père de famille 20 ans plus tôt, d'une façon tellement spécifique qu'il y a forcément un lien…
    Parallèlement à ça, on fait la connaissance de Piet Hoffman, sa femme, leurs deux fils de 8 et 10 ans, et leur fille nouveau-née. Retiré des « affaires » depuis un certain temps, car il l'a promis à sa femme pour le bien de leur famille, désormais directeur d'une agence de sécurité, il n'en reste pas moins sur le qui-vive, constamment. Et avec raison : on le contacte, d'une façon qui, ici aussi, fait terriblement froid dans le dos, pour « l'inviter » à reprendre lesdites affaires, pour un commanditaire rompu aux codes du grand banditisme et autres trafics internationaux.
    Ce n'est pas un grand spoil de dire que les routes d'Ewert et de Piet vont se croiser, et que l'auteur va nous emmener en Albanie pour une certaine partie du livre. Si vous voulez en savoir plus : lisez-le !

    Amateurs de polars/thrillers, soyez prévenus toutefois : pour ma part, moi qui ai pourtant toujours du mal à comprendre le comment du pourquoi dans une enquête, j'ai été surprise de comprendre très vite (sans en saisir toutes les implications, cela dit) qui pouvait bien être le commanditaire qui arrive à manipuler Piet Hoffmann ; et j'ai aussi rapidement (quoique plus tardivement) aperçu un schéma de comment cette personne parvenait à ses fins presque trop facilement.
    Mais soyez aussi rassurés : même si un schéma des identités et autres interactions se dessine assez facilement, je pense que c'est délibéré de la part de l'auteur (en tout cas, je ne peux pas croire que ce soit simple maladresse) : en semant ces indices tout au long du livre, comme j'apprécie beaucoup, il permet au lecteur de se faire sa propre enquête en parallèle de celle des policiers. Et pourtant, ce livre reste un vrai page-turner avec ses rebondissements et autres surprises qui font que, peu à peu, on ne peut plus le lâcher !

    Pour le reste, comme je disais plus haut, j'ai lu le tome initial de la série des enquêtes d'Ewert Grens il y a trop peu de temps, je ne peux pas m'empêcher de « comparer » en quelque sorte, car j'ai aussitôt remarqué qu'on trouve ici des thématiques apparemment chères aux auteurs – dont il ne reste qu'Anders Roslund, son complice Börge Hellström de plusieurs autres livres de la série étant décédé en 2017.
    C'est la violence faite aux enfants et aux familles et si, ici, on n'est plus face à un prédateur pédophile récidiviste, on est quand même dans un monde qui n'épargne en rien les enfants : je l'ai dit, ça commence très fort, avec cette petite fille de tout juste 5 ans, et mention au petit Hugo, à peine 10 ans, qui agit déjà en « chef de famille » quand les circonstances l'exigent. C'est aussi la façon dont un père ou une mère réagissent quand leur enfant est en danger, jusqu'où il ou elle est capable d'aller pour protéger sa famille.
    Et, partant de là, c'est aussi la même interrogation (quoique moins tranchée que dans « La bête ») sur la notion de justice : jusqu'où peut-on se contenter de la justice telle qu'elle existe, avec toute son impuissance face à certaines situations ? Jusqu'à quel point un policier (a priori intègre) peut-il accepter certains comportements ? Et surtout, comme un leitmotiv terrible : vengeance est-elle justice ?
    (Pour le clin d'oeil, c'est un sujet qui me poursuit : par un (autre) hasard extraordinaire, je viens de commencer « Le comte de Monte-Cristo », que je connais dans les grandes lignes, merci Jean Marais, mais que je n'avais encore jamais lu… Mais je digresse !)

    En réalité, entre « La bête », 1er opus de ce duo d'auteurs, et ce dernier numéro, écrit désormais par Anders Roslund seul (désolée de me répéter !), seul le ton a peut-être un peu changé, et encore… J'ai envie de dire, et tant pis pour le mauvais jeu de mots, que ce livre-ci est moins « bestial » (je vous l'avais dit !). Oh ! il y a ici comme dans le tome initial des scènes d'une grande violence, à la limite de l'insoutenable – mais, alors que ces scènes avaient un côté physique dans « La bête », entre instantané montré et suggestion, ici on est bien davantage encore dans la suggestion, et dans une analyse psychologique très poussée. Dès lors, ça paraît peut-être moins cru lors de la lecture et, même si on sait que c'est horrible, on continue de tourner les pages sans trop être troublé. Et puis on y repense, après avoir refermé au bout d'un chapitre – car, page-turner ou pas, il faut bien de temps en temps préparer à manger, ou dormir la nuit ! On se rend alors réellement compte de tout ce qu'on a « vu » dans les pages tout juste lues, et tout à coup un frisson glacé nous traverse l'échine !
    Autant dire que l'écriture est parfaitement maîtrisée, parfaitement dosée pour mener le lecteur là où l'auteur le veut bien… même si le lecteur (moi en l'occurrence) se croit quelquefois malin d'avoir compris un certain nombre de choses avant qu'elles soient dites.

    Mon seul regret finalement, dans ce livre - et je ne sais pas trop si c'est parce qu'il « faut » absolument trouver au moins un petit bémol, ou si ça m'a réellement gênée, mais en tout cas ça me turlupine bien un peu – c'est le regard parfois un peu cliché que l'auteur porte sur certaines choses. La mafia albanaise et ses ramifications partout en Europe, ok, on sait que ça existe… mais là, elle nous est en quelque sorte assénée (sans être jamais nommée telle quelle, cela dit, mais c'est tellement évident que c'est de ça qu'on parle !) comme si son existence et ses méfaits étaient indiscutables. Et quand on y ajoute que tous les flics d'Albanie (sauf un, comme par hasard) en font partie peu ou prou, car en tout cas ils reçoivent l'une ou l'autre commission sur les bénéfices selon leur implication, mouais… Si encore c'était étayé d'une quelconque façon - dans une bibliographie ou filmographie par exemple, même en suédois ! au moins il y aurait une trace : après tout, Anders Roslund est aussi journaliste d'investigation ! – mais non, ça repose sur le seul cliché. Or, même si c'est réaliste, même si c'est peut-être vrai, on est dans de la pure accusation spéculative, et ça me dérange bien un peu.
    Idem pour la vision quand même très noire que l'auteur propose d'une certaine jeunesse suédoise : désoeuvrée, vivante en périphérie de l'une ou l'autre grande ville, sans avenir (après tout, c'est le cas pour beaucoup partout en Europe, hélas !), ils plongeraient tous les yeux fermés et sans état d'âme dans le grand banditisme. Sérieusement ? Certes, c'est possible, au moins pour une partie d'entre eux… mais autant l'auteur se montre humain pour ses personnages fétiches, autant il condamne ceux qui sont de toute façon laissés-pour-compte, et à nouveau, ce n'est étayé en aucune façon. Dommage…

    Pour autant, ces défauts certes présents n'altèrent que très peu la lecture très prenante de ce thriller, à l'écriture parfaitement maîtrisée et aux indices bien dosés, amenant le lecteur à se faire sa propre enquête, tout en se laissant surprendre encore et encore par les nombreux rebondissements de cette histoire internationale, qui soulève des thématiques dures (comme les violences aux enfants ou la notion de justice) dans des scènes parfois très violentes, mais toutes en suggestion. Un très bon opus de la série du commissaire Ewert Grens !

    #QuiEstlà #NetGalleyFrance

  • Kah Rane

    Lecteur fou

    Hors ligne

    #234 02 Juin 2022 17:19:47

    Coucou ma Domi :D

    Quand tu balances des avis de lecture sur ton suivi, tu ne fais pas les choses à moitié :o
    Tu les compiles, tu obtiens un roman à ton tour, tu pourrais te faire grave de pognon :o
    Tu attends quoi là ? :lol:

    Sinon, ouais, empiler les morts dans mes lectures, c'est ma grande passion.
    Avant, j'avais le délire de compter les cadavres à travers mes bouquins policiers/thrillers pour savoir quel était l'auteur le plus généreux dans ce domaine :lol:
    Ouais, je ne tourne pas rond mais je pense que tu le sais depuis un bon moment :lol:
    Ce n'est pas comme si on se connaissait d'hier :lol:
    Si tu as besoin d'un ou plusieurs tuyaux, tu sais où t'adresser mais attention, mes services ne sont pas gratuits è_é

    Des instincts de tueur en série ?
    Peut-être mais je ne me pose pas la question.
    je sais juste que j'aurais aucun mal à faire disparaître un corps si on devait s'en prendre à ma soeur ou à ma nièce.
    L'entourage est prévenu d'ailleurs et depuis, ben ils font attention :lol:

    En tout cas, La libellule noire est hyper sympa à lire et je sais déjà la note que je vais lui attribuer ^^
    Je vais bien voir si à la fin de cette lecture, demain, cette note sera confirmée :)

    D'ici là, je te souhaite une belle soirée, d'excellentes lectures et je te dis à très bientôt :)
    Des poutous :pink:
  • Taevinn

    Collectionneur de pages

    Hors ligne

    #235 03 Juin 2022 15:49:30

    Coucouu !

    Effectivement c'est compliqué de passer à côté de Blackwater, pour ma part le résumé ne me tente pas trop, j'attendrais peut être une sortie en coffret ou qu'il soit disponible à ma médiathèque pour tenter parce que je ne suis pas sûre d'apprécier et ce que tu en dis me conforte un peu dans mon doute.

    J'ai déjà vu quelques avis sur Qui est là ? et ce qui revient souvent c'est que pour les personnes qui lisent beaucoup du genre certaines ficelles sont prévisibles que c'est plus du thriller grand public. Je l'ai dans ma WL parce que même si j'en lis beaucoup, le côté "prévisible" ne me dérange pas tant que c'est pas trop non plus, je préfère même ça plutôt que l'on nous sorte un accusé sorti du chapeau. En tout cas ton avis me fait le remonter en haut de ma WL il me tente vraiment bien et pour l'été ça peut être sympa.

    Bonne lecture ! Au plaisir de voir tes prochains avis !
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #236 06 Juin 2022 15:42:11

    Hello,

    Je ne fais que passer aujourd'hui, mais je dois aboslument m'arrêter, car le monument classique que je viens de lire mérite à lui seul un post unique! car en plus, c'est un coup de coeur, malgré ses quelques "faiblesses" que j'ai pu trouver çà et là...

    Je vous présente donc mon ressenti de l'archi-connu:

    Le comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas,
    on ne compte plus le nombre d'éditions et réédition depuis 1844; pour ma part, je l'ai lu dans la version Kindle parue chez Halcyon Press Ltd, une maison d'édition anglaise (!! ça ne s'invente pas) qui a fait faillite depuis lors, mais qui a réédité un certain nombre de classiques français dans ce format électronique.

    <image>

    Synopsis : La vengeance est un plat qui se mange froid, mais certains offensés l'assaisonnent avec raffinement tel qu'ils l'élèvent au rang d'une gastronomie. Edmond Dantès, le héros du Comte de Monte-Cristo, est de ceux-là. Jeune marin, âme candide et fils modèle, il semble promis au bonheur et à une brillante carrière dans la marine, quand soudain tout s'écroule.
    Du jour au lendemain, il se voit précipiter dans un abîme de détresse et de ténèbres. Arrêté comme comploteur, il est enfermé au château d'If, la prison de Marseille, pour y croupir jusqu'à la fin de ses jours. Sa faute? S'être attiré la jalousie de deux rivaux. Sa malchance? Avoir affaire à un magistrat arriviste et malhonnête.
    Mais, au bout de quatorze ans, Dantès s'évade et reparaît, après complète métamorphose en richissime aristocrate, pour châtier les trois misérables responsables de ses malheurs.


    Mon avis :
    Que pourrais-je dire de ce livre qui n'ait déjà été dit ? Avec ses environ 175 ans d'ancienneté (les premiers épisodes de ce qui était alors un « feuilleton » ayant été publiés dès 1844) et le succès énorme que ce roman épique a connu depuis ses débuts, et qui ne se dément pas malgré son âge, ma voix ne va pas apporter grand-chose de nouveau à (l'analyse de) cette oeuvre !
    Pour la petite histoire (vous savez que je commence presque toujours mes commentaires par poser le contexte de ma lecture), c'est la toute première fois que je m'attaque à ce livre. Et pourtant, qui ne connaît Edmond Dantès et sa vengeance orchestrée avec une froide détermination calculée qui donne bien envie de ne jamais être son ennemi !? Pour ma part, avec un mari escrimeur et passionné de cape et d'épée (les seules fictions qu'il lise jamais, d'ailleurs, même si, ici, il est assez peu question de combats singuliers ou autres duels…), je n'ai pu échapper au visionnement du film à plusieurs reprises – celui de 1954, car c'est celui-là que mon mari préfère, et qu'il a depuis fort longtemps en format VHS. Je ne suis pas certaine d'avoir jamais vu une quelconque autre version, mais en tout cas ce film est plutôt plaisant, après tout Jean Marais est bel homme ! ;) Tout ça pour dire que je connaissais l'histoire dans les grandes lignes, mais avais quand même oublié bien des détails, et je n'avais donc jamais lu la moindre ligne de ce roman.

    Pire : j'ai essayé dans ma jeunesse de lire, au moins 2 ou 3 fois, « Les trois mousquetaires », l'autre monument populaire de l'auteur… Or, sans que je me rappelle pourquoi, je ne suis jamais arrivée au bout, ce qui m'a laissée toutefois assez frustrée, au point d'entamer ce pavé-ci un peu à reculons. Mais voilà : il avait été proposé en lecture commune sur l'un ou l'autre challenge (mais finalement ça ne s'est pas fait, ou alors je l'ai laissée filer sans la rejoindre ?), si bien que j'avais installé ce livre désormais libre de droits sur ma liseuse. Plus récemment, d'autres challenges littéraires me demandent de lire des classiques et/ou un livre de plus de 1.000 pages. Or, celui-ci rassemble les deux critères, j'ai mûri (du moins je l'espère) depuis cette jeunesse évoquée et l'échec des Trois mousquetaires : c'était donc l'occasion ou jamais de m'y lancer.

    Et, surprise : c'est tellement passionnant que je l'ai dévoré, ce livre !
    Oh ! certes, plusieurs aspects ont indéniablement vieilli, et feraient sans doute hurler les puristes du politiquement correct d'aujourd'hui. Je pense en premier lieu à une vision de la femme quand même très ancienne, certes réaliste et propre à cette époque, mais qui n'en a pas moins un petit quelque chose (et même plus) de choquant pour une femme de notre siècle actuel, d'autant plus qu'Alexandre Dumas ne se pose visiblement aucune question à ce sujet, et je présume que c'est « normal », mais c'est aussi gênant, désormais. Plus d'une fois j'ai brièvement levé les yeux au ciel, et j'ai carrément fait une pause à ce passage – qui n'est pas pire que d'autres, mais c'était sans doute celui de trop, à 68% de l'intégrale : « Il était évident que Mme Danglars était sous l'influence d'une de ces irritations nerveuses dont les femmes souvent ne peuvent se rendre compte elles-mêmes, (…). » Sérieusement ?...
    Pareillement, les allusions aux peuples non français (ah la remarque sur la cuisine italienne comme « l'une des plus mauvaises cuisines du monde » !), et pire encore quand il s'agit des Orientaux (y inclus les Grecs, pourtant bien considérés comme occidentaux, aujourd'hui…) ou des « Nubiens », tomberaient aujourd'hui sous le coup d'une condamnation pour racisme affiché, de ce racisme ordinaire qui se voudrait presque bienveillant, mais qui est désormais plus que malvenu.

    Enfin, Dieu, la main de Dieu, la vengeance au nom de Dieu etc., de même que le regret d'avoir été plus loin que Dieu et d'être devenu Satan, c'est une thématique quand même très présente aussi – même si, ouf ! notre cher comte parle un moment donné très clairement de son libre-arbitre (sous l'oeil de Dieu, mais quand même !). Cela aussi, c'est très « dans l'air du temps » de l'époque de l'auteur, mais c'est quand même très orienté, si l'on peut dire, et dans un pays où la liberté de culte était alors en cours (on insiste sur cela à l'une ou l'autre reprise), l'athéisme ne faisait vraisemblablement pas partie de ces libertés…

    Tout ceci montre que ce livre s'inscrit parfaitement dans son temps : Alexandre Dumas écrivait pour les lecteurs de son époque, point. S'attendait-il seulement à être encore lu avec passion près de 200 ans plus tard ? si tous les écrivains l'espèrent sans doute un peu, il a quant à lui clairement fait le choix de s'ancrer dans son époque – ou, tout du moins, dans le début du XIXe siècle, où commence l'intrigue. Ainsi, outre les éléments évoqués plus haut, il fait référence à des événements politiques bien réels, que nous autres lecteurs de deux siècles plus loin, avons appris au cours d'histoire… mais peu ou prou oubliés (à moins d'être spécialiste et/ou passionné par le sujet).
    Pour ma part en tout cas, ça fait très longtemps que j'ai vaguement étudié ces épisodes historiques, et de toute façon sans grand approfondissement, car en Belgique, on n'étudie pas l'Histoire de France à la loupe ! Ainsi, cette « guéguerre » entre bonapartistes et royalistes, dans le contexte explosif de la Restauration après l'exil de Napoléon et ses velléités de retour au pouvoir, ça paraît presque désuet aujourd'hui… et pourtant il faut bien se rendre compte, et Dumas le fait avec brio : que de victimes, que de vies bouleversées, pour avoir voulu croire en une Révolution plutôt qu'en un Roi, en un Roi plutôt qu'en un Empereur, en un Empereur plutôt qu'en la démocratie !
    La triste histoire d'Edmond Dantès, qu'il ne pourra comprendre lui-même (puisqu'il a été jeté en prison, dans ce terrible château d'If, sans qu'on lui expose jamais le moindre chef d'inculpation !), est entièrement basée là-dessus, ce qui le poursuivra jusqu'au bout, en y ajoutant diverses guerres et autres conflits plus ou moins régionaux auxquels la France a pris part dans les quelques années suivantes.

    Tant que j'en suis aux « faiblesses » (mot que j'ose à peine prononcer en parlant d'un tel livre !) de ce roman, on notera quelques facilités scénaristiques, qui contribuent à une certaine ambiance… mais quand on y réfléchit, on se rend compte qu'Alexandre Dumas a quand même pris le risque de ne pas être tout à fait crédible. En effet, le livre commence de façon très réaliste : on a vraiment l'impression d'être avec Edmond Dantès en train d'accoster à Marseille après un long voyage, il y a là dès le début un sens du dialogue (à ce moment-là, encore très simple) qui fleure bon le Midi, j'avais presque l'impression de lire Pagnol ! (qui est bien postérieur à Dumas… mais qui l'a précédé dans mes propres lectures). On ressent le bonheur du jeune homme d'être rentré au pays en menant à bon port le bateau malgré le décès du capitaine, on est ému de son empressement à retrouver son vieux père, on vibre avec lui quand il rejoint sa fiancée si amoureuse… et on tombe avec lui de Charybde en Scylla quand il est (bien injustement, puisque le lecteur est dans la confidence) arrêté… jusqu'à tout perdre, et de façon aussi terrible qu'irrémédiable !
    Bref, c'est un début extrêmement prenant, très prometteur, et ces premiers jours, premières semaines insensées en prison, où notre jeune héros passe par tant et tant d'émotions qui déchirent le coeur et préparent le lecteur, d'ores et déjà, à « accepter » une future vengeance – alors que, à ce moment-là, on le croirait bel et bien perdu à jamais, si on ne connaissait la suite de l'histoire…

    Mais alors, sa rencontre tellement improbable avec l'abbé Faria, le fait qu'ils parviennent à creuser une galerie entre leurs deux cellules, avec quasi rien, au nez et à la barbe de leurs geôliers, c'est quand même très, très fort ! (ou alors Dumas prenait lesdits geôliers pour de vrais benêts sans cervelle ? simples exécutants d'un système qui broie les hommes, y compris les geôliers eux-mêmes, qui en perdent toute acuité) Pire encore : cette fortune colossale que Faria aurait découverte et qu'il lègue à notre ami Edmond, c'est carrément trop beau pour être vrai… mais il fallait bien que ça existe, sinon le tout nouveau comte de Monte-Cristo n'aurait pu élaborer une triple vengeance aussi sophistiquée !
    Bref, ce sont deux postulats de base, sur lesquels repose l'essentiel de l'intrigue, qui sont quand même très farfelus, si on veut bien y réfléchir… et pourtant ça marche, on accepte d'y croire ! Et de là, tout coule de source, et on ajoute les petites cachotteries des uns et des autres – qu'on se demande comment Dantès a pu en apprendre autant au sujet de chacun (l'histoire de Benedetto par exemple ! c'est quand même un peu surréaliste), alors qu'il était soit en prison, soit en train de voyager et/ou de peaufiner son éducation initiée avec l'abbé Faria ?!

    Quoi qu'il en soit, comme je disais, le lecteur accepte tout et « ça marche », car bien au-delà de ces petits creux irréalistes dans la narration, Alexandre Dumas est un formidable conteur, qui parvient à capter encore et toujours l'attention du lecteur, malgré les facilités, malgré les longueurs aussi – c'est qu'on n'écrit plus aujourd'hui comme on écrivait à l'époque, certains passages seraient désormais sans aucun doute élagués – s'il s'agissait d'un roman contemporain - sans que ça enlève rien à l'intrigue !

    Un formidable conteur qui maîtrise parfaitement son propos. Pour ne citer qu'un exemple (celui qui aurait pu le plus « m'inquiéter ») : on a beau ne pas trop connaître le système bancaire de ce milieu du XIXe siècle (ni celui de nos jours, d'ailleurs !), dans l'histoire de Danglars s'entend, l'auteur parvient à rendre les choses suffisamment claires pour qu'on mesure le poids autant que le caractère aléatoire de sa fortune, puis toute l'intensité de sa déchéance, comme si c'était naturel et qu'on avait toujours eu affaire à un tel système ! Ainsi, une histoire potentiellement compliquée à saisir, est rendue avec un souci didactique qui ne semble pourtant jamais lourd, et avec une telle fluidité, qu'on en saisit les différentes subtilité sans difficulté.

    De même, quand il digresse – et il digresse souvent, pour amener l'un ou l'autre élément qui sera déterminant par la suite, je pense notamment à toute l'histoire (longue !) du bandit romain Luigi Vampa : ça prend des pages et de pages, on se demande tout à coup ce que ça a à voir avec notre comte de Monte-Cristo… et pourtant on se prend à cette histoire dans l'histoire, car elle est habilement contée, avec un souci réaliste et visuel qu'on ne peut s'empêcher de souligner quand on le trouve dans l'un ou l'autre roman contemporain, alors qu'ici il s'inscrit dans la narration de façon tellement naturelle ! malgré un langage qui a bien quelques aspects désuets (et c'est normal !). On a vraiment l'impression d'être aux côtés de ce malheureux pâtre transi d'amour pour sa belle, et qui ne trouvera d'autre voie que le banditisme, mais un banditisme avec tous ses codes d'honneur, et en plus « cultivé », puisque notre Luigi lit des classiques !

    Et bien entendu, un autre aspect qui fait la réussite de tout roman : on éprouve des sentiments forts pour les personnages : un attachement évident et spontané pour les « bons », autant qu'on a envie de voir Monte-Cristo aller au bout de sa vengeance envers ceux qui ont provoqué son terrible emprisonnement, pour des raisons tellement viles en plus !
    On s'attache d'emblée à ce jeune marin prometteur qu'est Edmond Dantès, on aime le lien presque paternel qui existe de la part de l'armateur Morrel, on a envie que la belle Mercédès reste fidèle envers et contre tout comme elle a « promis » et on s'indignerait presque (si ce n'est cette part en nous qui se dit que la vie continue, malgré tout…) qu'elle ait finalement cédé à son autre, si mauvais prétendant ; on adore l'abbé Faria et sa douce folie bien intelligente en fait, on se lie d'amitié pour les différents bandits corses et autres contrebandiers. Et, bien entendu, on admire et on craint bien un peu l'insaisissable comte de Monte-Cristo ; on retient son souffle quand on le voit aussi bien jouer la comédie avec ceux qu'il a déjà condamnés à son tour, autant qu'on s'émeut, profondément, quand de-ci de-là il se laisse quand même aller à une bribe de bonheur, notamment en compagnie des jeunes Morrel.

    Je ne vais pas faire toute la liste, j'en ai déjà beaucoup trop dit, mais est-ce encore divulgâcher, quand il s'agit d'une oeuvre aussi ancienne et, surtout, aussi connue ?
    Un roman de presque 200 ans, qui accuse quelques rides certes (dont un certain sexisme ou racisme, propres à son époque), quelques facilités scénaristiques et longueurs peut-être aussi, mais il se lit toujours avec la même passion, grâce à son réalisme souvent visuel, les sentiments forts que suscitent les différents personnages, et surtout cet indéniable talent de conteur, une fluidité de tous les instants malgré un langage parfois désuet, qui me fait dire pour conclure : brave monsieur Dumas !




    À très bientôt, je reviens vite vous répondre et vous présenter au moins un autre livre (car j'en ai terminé un autre à peu près en même temps que Monte-Cristo ), et en attendant, portez-vous bien! ;)

  • Octabrina_

    Mange-mots

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    #237 06 Juin 2022 16:28:35

    Coucou par ici!
    Comment vas-tu ?

    Pas de soucis pour les conseils ^^ Je dois avouer que sur ma Kobo, je n'ai encore jamais acheté de livres et pourtant j'en ai presque 200 dessus xD Mais chut, il ne faut pas le dire ! Bon courage à ton grand pour ses examens ^^

    Oui effectivement j'ai beaucoup aimé La librairie des rêves suspendus ^^ Oh bah oui c'est ce qui manque sur les livres numériques, le fait de pouvoir toucher les pages et couvertures... Mais bon on ne peut pas tout avoir :ptdr:
    Blaine une valeur sûre, je n'en suis pas si certaine xD J'ai abandonné un de ces livres dernièrement... Pas du tout réussi à accrocher ! Mais bon c'est le jeu, on ne peut pas tout aimer :p

    Bonnes lectures à toi :bisous:
  • Bouledechat

    Passionné du papier

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    #238 10 Juin 2022 14:40:36

    Hello ! C'est drôle je viens également de terminer Le Comte de Monte Cristo, ça a été un vrai coup de cœur pour moi aussi et je ne pourrais pas en parler mieux que toi ! :pink:

    Je te rejoins sur tous les points, celui que je rajouterais peut-être serait celui de la transcendance et de la morale - car dans cette œuvre les deux sont liés -, toutes ces questions à propos du bien et du mal, et surtout vers la fin, de l'apprenti sorcier qui joue à Dieu et qui, finalement, en arrive à douter du bien-fondé de son entreprise, et personnellement bien que n'étant pas croyante moi-même la récurrence du thème et des questionnements divins m'a énormément emballée ! Faut-il aller jusqu'au bout de la vengeance ou trouver la rédemption malgré tout ? Après tout c'est une question qui va bien au-delà du mystique...

    Les moments où le comte fait preuve de bonté sont tellement savoureux pour le lecteur... J'ai adoré me demander jusqu'au bout (ou presque) quel choix il allait faire concernant les enfants de tous ses bourreaux. Et je dirais que finalement il fait un choix très personnel, et qui m'a bien plu d'ailleurs ! En tous cas, que d'émotions, j'ai du passer par des dizaines de ressentis différents au fur et à mesure de ma lecture et ils étaient tous très forts. J'avais un peu l'impression de lire une tragédie, plus longue et sans les vers.

    A bientôt ! :)

    Dernière modification par Bouledechat (10 Juin 2022 14:45:42)

  • magiciennedoz

    Ingénieur en construction de bibliothèques

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    #239 28 Juin 2022 22:44:30

    cc bon j'arrive ici !

    et mon dieu quel suivi !!!!!! ce ne sont pas des avis ce sont thèses ! :D  c'est merveilleux ! j'en reste baba !
    du coup je me suis abonnée  !
    belle soirée à toi :bisous:
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #240 08 Septembre 2022 10:13:11

    Bonjour à tous!

    Je ne suis (à nouveau) plus venue ici pendant une éternité !
    C'est que juillet et août sont les mois sacrés des vacances scolaires... et avec trois enfants (+ l'homme, puisqu'il est enseignant) à la maison, je n'ai eu que peu d'occasions de vaquer à mes propres occupations, comme écrire des commentaires des livres lus par exemple ;) , car si j'ai bien profité d'une vie de famille intense, l'ambiance n'était jamais tout à fait paisible ni sereine, autant dire qu'il m'est alors impossible de rédiger quoi que ce soit...
    Je m'attache actuellement à rédiger les critiques des livres que j'ai lus pendant ces vacances, parce que j'aime en garder une trace malgré tout, et ce même si les souvenirs sont devenus plutôt flous pour certains livres... et je ne promets pas de rédiger un commentaire pour tous ces livres, on verra bien, en tout cas je ne veux me mettre aucune pression!

    Quoi qu'il en soit, je suis enfin "libéréééée, délivréééée"! car désormais la rentrée a eu lieu, on apprivoise peu à peu nos nouveaux rythmes, avec un énorme changement pour moi : j'ai enfin repris la musique!! :pompom:
    Bon, je m'étais mise au piano en janvier dernier, dans la petite école privée où vont mes deux fils (au départ, c'était "à défaut de mieux", et puis j'y ai pris goût =D ); en avril, j'ai timidement repris le chant, mais je n'ai eu que peu de cours... mais voilà: désormais j'ai réintégré une académie de musique (je vous épargne les détails, mais ça a bien changé depuis mon enfance/adolescence, c'est devenu un vrai parcours du combattant pour trouver une place !), où je vais pouvoir reprendre la clarinette - que j'avais étudiée jusqu'à un certain point, mais je n'avais jamais tout à fait fini le cursus... - et, comme les académies exigent un cours complémentaire, normalement le solfège (que l'on appelle désormais "formation musicale", ah ah!), cours que j'ai terminé quant à lui depuis ... 1987!! (ça ne me rajeunit pas!), j'ai été "obligée" de trouver un autre cours, et j'ai ainsi intégré l'ensemble instrumental bois de l'académie. J'y ai été hier soir pour la première fois, et c'était vraiment très chouette!

    Avec tout ça, même si je n'ai pas (encore) repris le travail (mais ça, c'est une autre histoire...), je vais sans doute lire bien moins qu'avant ! mais désormais, ce n'est pas un regret... et bien entendu, la lecture reste l'une de mes passions, mais désormais elle n'est plus "seule" ;)

    **********************



    Bref, voici les quelques chroniques rédigées ces derniers jours, sur des livres lus cet été.

    Plein gris de Marion Brunet,
    publié chez PKJ en 2020, lu dans sa version ebook - lecture terminée le 23 juillet, avis rédigé le 05 septembre... - 17/20

    <image>

    Synopsis : Qui a tué le leader de la bande ? Sur le voilier pris dans la tempête, chacun suspecte l'autre...
    Lorsque Élise et Victor découvrent le corps de Clarence, noyé près de la coque de leur voilier, Emma comprend que leur croisière a définitivement viré au cauchemar. Avec la disparition de son leader charismatique, ce sont tous les secrets de la bande qui remontent à la surface, les rancœurs et les lâchetés qui régissent toujours un groupe. Et quand une tempête terrifiante s'annonce, les émotions et les angoisses se cristallisent dans une atmosphère implacable...


    Mon avis :
    J'avais découvert ce livre tout à fait par hasard, car il était cité dans un « Je bouquine » de mon fils, comme une espèce de référence pour le genre Thriller, par un auteur (je ne sais absolument plus qui !) que le magazine avait mis à l'honneur dans ce numéro-là. Le titre et la couverture m'avaient interpelée, je l'avais mis dans ma WL et puis à peu près oublié… jusqu'à ce qu'il soit mis en évidence dans une sélection Jeunesse de ma bibliothèque – Lirtuel, cette bibliothèque virtuelle belge francophone, en ligne et gratuite, que j'ai déjà mentionnée plusieurs fois. Je l'ai aussitôt emprunté, et finalement lu dans les derniers jours de la durée dudit emprunt, mais il est tellement passionnant que je l'ai lu en un rien de temps !

    L'histoire commence très fort : le corps sans vie d'un jeune homme remonte à la surface, en pleine mer, face aux yeux incrédules des jeunes occupants d'un voilier de plaisance. Il ne faut que quelques phrases pour comprendre que ce jeune homme s'appelait Clarence, et que c'était « notre ami » comme dit la narratrice : en effet, un groupe de jeunes gens, navigateurs expérimentés pour la plupart (on le saura un peu plus tard), sont partis en mer pour leurs vacances, mais l'irréparable a été commis. Car, oui, on comprend aussi très vite que quelqu'un sur ce bateau a tué Clarence… mais qui, et pourquoi ?

    Bien sûr, la réponse nous sera donnée tôt ou tard, mais ce n'est clairement pas l'essentiel de la narration, même si on sait qu'on va y arriver. Ainsi, par la voix d'Emma, la narratrice et plus proche amie de Clarence, l'auteur nous raconte toute l'histoire, en alternant deux temporalités sans aucune indication (pas d'italique pour les flashes back, par exemple) – mais on comprend à chaque fois d'emblée si elle parle de l'histoire au présent, cette navigation pendant les vacances, ou des faits passés qu'elle égrène peu à peu, comme si elle avait besoin de comprendre elle-même comment ses amis et elle en sont arrivés à la mort (au meurtre !) de Clarence.
    Ces deux histoires-en-une (si l'on peut dire) paraissent très différentes, mais bien évidemment, se rejoignent peu à peu.
    Les nombreux flashes back (qui apparaissent au fil des chapitres, comme je disais, sans aucun marquage particulier) reprennent l'histoire depuis l'enfance de Clarence et d'Emma, amis à l'école dès leurs 11 ans, et plus encore en mer, et leur duo est peu à peu devenu quatuor, avec « l'intégration » de deux autres jeunes navigateurs, Élise et Sam. Un équilibre entre eux s'installe peu à peu, entre construction d'une amitié grandissante, histoires d'amour naissantes, parfois partagées, parfois pas du tout alors qu'on laisse croire que… ça n'en reste pas moins un équilibre, qui va être durement touché quand Clarence, à la suite du divorce de ses parents, se retrouve affublé d'un « demi-frère » (je n'ai jamais compris pourquoi on dit « demi » quand il s'agit d'une famille recomposée, et qu'il n'y a aucun lien de sang, ce qui est donc bien le cas ici), Victor. C'est une histoire gentillette en apparence, mais si on pense à la fragilité que peuvent avoir les ados dans ces moments de la construction d'eux-mêmes, de l'estime de soi face dans le regard des autres, c'est un véritable drame qui se joue entre eux, et dont le lecteur mesure peu à peu l'incommensurable ampleur.

    En parallèle à cela, donc (je ne sais plus selon quel rythme), Emma raconte aussi leur croisière au présent… une croisière qui, indépendamment de la mort de Clarence (comme si ça ne suffisait pas), va peu à peu tourner au drame – tout simplement à cause de mauvaises conditions météo qu'ils avaient mal anticipées. On se retrouve ainsi avec un voilier véritablement en perdition, malgré l'expérience nautique avérée des protagonistes… mais ce voilier devient un jouet face aux éléments déchaînés, et les divers dangers d'une mer peu à peu bien hostile. L'autrice décrit cela avec une grande maîtrise – je ne sais quelle est son expérience nautique, mais on y croit réellement ! Et cela donne une couleur « catastrophe » à toute l'histoire, dans une tension permanente qui ne cesse de monter… et qui, surtout, happe complètement le lecteur, dans un crescendo magistral !

    Ma lecture date de trop longtemps (oui, oui : à peine plus d'un mois, mais j'ai lu « trop » d'autres livres entre-temps) pour que je me rappelle ce que j'ai ressenti face aux personnages en tant que tels, et mes quelques notes n'en disent rien. Mais je ne peux que dire que, si j'avais été dans la situation du / de la meurtrier /-ère de Clarence, je crois bien que j'aurais agi de la même façon.
    En résumé, et quitte à me répéter (mais tant pis), c'est donc un thriller jeunesse très habilement construit, d'une façon progressive qui dégage une tension permanente, entre flashes back expliquant peu à peu le fond de l'histoire, et l'aventure de notre jeune équipage et son voilier en perdition, qui présente un petit côté « catastrophe » qui ajoute à la tension. On frôle le coup de coeur, et j'ai apprécié le ton juste pour parler de (la fin de) l'adolescence, dans une bonne intrigue, agréable à lire !


    **********************



    Frère ! de Jean Tévélis,
    aux éditions Magnard 2021, lu dans sa version ebook - lecture terminé le 24 juillet, avis rédigé le 05 septembre - un moyen mais honorable 14/20

    <image>

    Synopsis : Eddy et Diego sont deux gamins des cités, deux frères. L'un danse, l'autre deale : à priori, tout les sépare. Pourtant, tous deux nourrissent le même rêve : celui de changer de vie, de voir plus grand. Et comme souvent dans la vie, il n'y a pas de bon ou de mauvais garçon : le courage et la droiture ne sont pas là où on croit.

    Mon avis :
    J'avais emprunté ce livre car il faisait partie d'une sélection Jeunesse de ma bibliothèque – Lirtuel, cette bibliothèque virtuelle belge francophone, en ligne et gratuite, que j'ai déjà mentionnée plusieurs fois – et je me suis retrouvée à « devoir » le lire presque en précipitation, parce que entre-temps on arrivait à la date d'échéance de l'emprunt.

    C'est l'histoire de deux frères ados, assez proches en âge, mais plutôt opposés pour le reste, qui vivent dans une famille (très) défavorisée : revenus insignifiants (on ne sait pas trop d'où ils viennent, d'ailleurs), le père absent, une mère neurasthénique qui ne vit plus que par et pour sa télévision, une grande soeur active qui a choisi d'aller vivre sa vie dans une cité voisine où elle s'en sort tant bien que mal – mais aide ses petits frères quand elle le peut. Ils sont tous deux animés, eux aussi, du désir de sortir de cette misère quotidienne, mais les voies qu'ils choisissent sont bien différentes : tandis que l'un s'enfonce dans la délinquance qui lui fait miroiter des gains rapides et faciles, l'autre met tout en oeuvre pour réussir un concours de danse (car, oui, issu de ce milieu sans espoir, il a néanmoins osé faire de la danse classique !) afin d'intégrer la section danse de son lycée, ce qui lui permettrait concrètement de poursuivre son rêve… Évidemment, les choses ne se passent jamais tout à fait comme on le voudrait, et malgré leurs différences et la distance polie mais irrévocable qu'ils ont peu à peu laissée s'installer entre eux, les deux frères vont se révéler l'un à l'autre dans les moments critiques…

    Alors, du peu de notes que j'avais prises à côté de ma lecture, je peux souligner que j'avais apprécié la plume très agréable et très abordable de l'auteur : ça se laisse vraiment lire avec un certain plaisir et une évidente fluidité ! Par ailleurs, les messages apportés (l'espoir envers et contre tout, la valeur de la fraternité et de l'entraide, la tolérance aussi) sont bienveillants et ne peuvent que rallier la sympathie des lecteurs, à travers des personnages qui ont certes leurs côtés sombres, mais qui sont attachants même dans leurs pires décisions.
    Cependant, ce livre abonde tellement de clichés que ça en est décourageant : on notera (entre autres) l'image négative et ultra-stéréotypée des jeunes (et de la mère !) qui vivent dans les cités ; l'omniprésence des dealers dans lesdites cités ; l'image du garçon danseur (image présentée comme l'antithèse des cités), que les autres (au sens large) assimilent d'office à un gay et maltraitent à cause de cette « déviance » (ce n'est pas moi qui le dis hein !!) ; la meilleure amie d'origine étrangère qui comme par hasard est forte de caractère et toujours prête à aider ; etc. – le tout dans un climat peu propice à l'épanouissement, mais où les frères pourtant presqu'ennemis vont finir par se serrer les coudes, parce qu'ils s'aiment malgré tout, mouais ! On est dans un monde genre « bisounours des cités » : tout va mal, parce que c'est une cité (« le » cliché par excellence, qui revient encore et encore), mais tout va bien parce que le lien entre frères est plus fort que tout ! On dirait parfois que l'auteur n'a pas pu s'empêcher de mettre de la guimauve partout où il le pouvait, même dans cette réalité dure que peuvent être les cités qu'il sur-dévalorise par ailleurs : ce n'est pas très cohérent.
    Avec tout ça, le coeur du message, ce lien indéfectible malgré tout entre des frères tellement différents, c'est beau et c'est fort… mais ça manque de crédibilité!

    On continue néanmoins de lire ce livre, pour les raisons citées plus haut : vraiment ça se laisse lire, on est en vacances donc il ne faut pas du trop compliqué, et puis l'histoire est plus gentille qu'elle n'en a l'air à première vue, ce qui donne vaguement envie de poursuivre, malgré un optimisme qui semble parfois un peu forcé…
    Hélas, ce n'était peut-être pas une bonne idée, car la fin m'a carrément déçue ! Si le sort d'Eddy (le « méchant » frère à la base) finit dans une espèce de happy end pleine d'espoir

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    il envisage de devenir pompier, lui qui n'est définitivement pas à l'aise à l'école mais qui a découvert qu'on peut aider les autres grâce au sport, et même en vivre!

    – et, tout happy end que ce soit, c'est sans doute la partie la plus réaliste de l'histoire ! -, la façon dont Diego (le « gentil » danseur) va agir pour « sauver » son frère… en provoquant un gigantesque carambolage, est tout simplement surréaliste, et a un côté inacceptable (je n'en dirai pas plus car je suis déjà, très clairment, à la limite du spoil). Ainsi donc, le gentil a complètement perdu tout sens civique pour voler au secours de celui qui ne le méritait pas vraiment, les choses s'arrangent pour tout le monde comme par magie, et tout est bien qui finit bien. Sérieusement ?

    Bref, je retiens de ce roman le côté belle histoire de fraternité où, malgré des différences marquées, liées à un environnement (très) défavorisé, on finit par triompher des pires difficultés, ensemble. La plume est fluide et vraiment agréable, et le message plein d'espoir est tout beau, mais l'histoire est pleine de clichés qui finissent par lasser, et affichent tout à la fois un côté « bisounours » qui la rend bien peu crédible, jusqu'à une fin qui pose question : dommage !


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    Cops and love, tome 1 : Will Hunter, le bad boy de Mo Gadarr,
    en autoédition, juillet 2022, lu dans sa version ebook (SP!) - lecture terminée le 06 août, avis rédigé le 06 septembre - un tout bon 18/20

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    Synopsis : Will Hunter est satisfait de son existence. Il dirige El Paraìso, la plus grande boîte de la ville. Il sort avec une femme belle, soumise à ses désirs et peu encline à le faire changer. Les fêtes s'enchaînent aussi vite que les produits qu'il consomme. Will est un oiseau de nuit et il aime ça.
    C'est cet aspect de sa vie que tout le monde connaît.
    En effet, Will cache à tous ses véritables origines : il est le fils d'une famille entière de flics. En effet, les Hunter sont policiers de père en fils ce qui place d'office notre héros dans la position du vilain petit canard au sein de sa fratrie de mecs bien.
    De son côté, Ranza est une maitresse femme. Elle ne se démonte pas et sacrifie ses ambitions quand son oncle la congédie du jour au lendemain de son travail en restauration. Pour élever sa petite sœur et s'en sortir, elle répond immédiatement à une annonce pour devenir danseuse dans la plus grande discothèque de la ville et obtient le poste. Elle va donc devoir supporter les regards libidineux d'une clientèle friande de ses spectacles sensuels. Mais elle va surtout devoir croiser Will et comment dire que le courant est loin de passer entre eux...
    Mais le monde de la nuit est loin d'être dénué de dangers surtout quand la famille de Will décide de se pencher sur ce qui se passe réellement dans la boîte gérée par le bad boy des frères Hunter. Liée sans le vouloir au secret de l'enquête après un évènement dramatique, Ranza va devoir se rapprocher de Will et des risques que cela comporte.
    Quelque chose de positif peut-il naître de cette association impromptue ?
    Le benjamin de la fratrie Hunter est-il voué au destin tragique d'un voyou notoire ?


    Mon avis :
    Je remercie une fois encore Mo Gadarr de m'avoir fait parvenir son nouveau livre ! Ceux et celles qui me connaissent le savent : depuis ma découverte de « T'as qu'à maigrir », que j'avais adoré (certainement le tome 1), je suis l'autrice avec plaisir – ce n'est pas pour rien que j'ai postulé pour devenir l'une de ses lectrices « privilégiées » ! Tout ne m'a pas emballée au même niveau depuis lors, mais je reste fan de sa plume fluide et agréable. Ici, non seulement elle déploie tout son talent avec brio, mais en plus, j'ai tout particulièrement apprécié le fait qu'elle se soit complètement renouvelée, en s'attaquant à un sous-genre de la romance relativement peu exploité (du moins, à ce que je sais…) : une romance policière, teintée d'un évident érotisme parfaitement maîtrisé. Pourtant, j'étais public difficile à la base : c'est que je lis beaucoup moins de romances qu'à une époque, au profit des polars et autres thrillers, l'un de mes genres de prédilection depuis bien longtemps ! Or, avec cette romance policière, Mo Gadarr m'a tout à fait convaincue !

    On est dans une romance de type « ennemies to lover », et la construction de cet aspect de l'intrigue est définitivement classique – ce qui n'est pas un reproche, mais clairement, ce n'est pas là que Mo Gadarr a voulu se démarquer. Ainsi, Will Hunter, le benjamin d'une famille de 4 garçons, tous flics de père en fils, croit s'être épanoui dans son côté rebelle, ayant choisi et assumant une vie à l'opposé des autres membres de sa famille : il rêve de devenir patron de la boîte de nuit dont il est déjà gérant, il enfile les nuits cocaïnées et autres mauvais plans, etc. Cependant, lors d'un repas de famille (où ses frasques montrent à quel point il veut s'afficher différent de son père ou de ses frères, envers qui il semble n'éprouver que des sentiments négatifs), il croise le chemin, de façon très électrique, d'une certaine Ranza. Cette jeune femme, orpheline comme lui (Will a perdu sa mère très jeune), recueillie par un oncle et une tante qui ne sont pas tout à fait ravis de cet état des choses, s'épanouit quant à elle dans la cuisine, mais se heurte sans cesse au refus de son oncle, traiteur, de laisser s'exprimer son talent. Hélas, oncle et tante décident de rentrer « au pays » (on l'a compris : au Mexique, d'ailleurs Ranza, de son vrai nom Esperanza, restera caractérisée par son accent assez marqué tout au long du livre), elle se retrouve seule à devoir gérer sa petite soeur encore lycéenne et, n'ayant plus les moyens d'assurer l'entreprise de son oncle, elle n'a d'autre choix que de trouver un autre emploi rapidement. Elle répond ainsi rapidement à une annonce pour une pole-danseuse dans une boîte de nuit (car elle a aussi ce talent caché, dont l'origine n'est jamais tout à fait expliquée : on sait qu'elle a exercé un tel métier dans des bars lugubres au Mexique autrefois, mais pourquoi et comment a-t-elle appris à danser, jusqu'à être l'une des meilleures, alors que sa seule passion affichée est la cuisine : mystère, ou alors j'ai loupé quelque chose…). Et, vous l'avez deviné : elle se retrouve ainsi face à Will, qui décide cependant de l'embaucher, car vraiment elle est la meilleure.

    Eh oui : ce sont des personnages stéréotypés à souhait, le bad boy encore adulescent qui se rebelle contre sa famille de flics, et la jolie Mexicaine aux multiples talents qui va lui tenir tête… mais ils sont tellement bien travaillés tout au long de l'histoire, avec çà et là un flash-back utile à la compréhension des réactions de chacun, ou ces petites scènes du quotidien, chacun de son côté, qui disent tellement qui ils sont réellement, que « ça marche » ! En effet, nombre d'autres romances « ennemies to lovers » m'ont ennuyée, car la relation « ennemies » semble si souvent très artificielle, comme créée exprès pour qu'il y ait une histoire à raconter. Au contraire, ici, les personnages sont tellement humanisés qu'on y croit tout à fait : la souffrance de Will dans ses souvenirs après la mort de sa mère, par exemple, fait vibrer, comme la passion de Ranza pour la cuisine ou son souci constant de tout faire pour que sa petite soeur ait le meilleur avenir possible, le tout avec un caractère fort et des réactions qui font sourire, la rendent très attachante ; dès lors, la relation explosive entre les deux fonctionne et, même si on devine que ça va bien finir (il n'y a aucun mystère sur ce point), on est attentifs aux rebondissements et on y croit !

    En parlant de rebondissements : l'autrice a su créer une tension de type polar qui monte crescendo, avec cette boîte de nuit pas très catholique ; l'héritier des patrons, un type vaguement mafieux qui veut être calife à la place du calife (et certainement à la place de Will) sous des dehors d'une politesse exagérée ; la relation de ce bellâtre avec Ranza, qui met le lecteur mal à l'aise, sentiment amplifié par le fait que Ranza s'imagine quant à elle avoir trouvé le prince charmant alors qu'on devine/sait qu'il n'en est rien (mais on ne sait pas encore jusqu'à quel point on aura raison ! mais chut, c'est du spoil !) ; ou encore les relations de Will avec sa famille ; son obsession à cacher le fait qu'il est fils et frère de flics, etc. C'est une tension parfaitement exploitée et qui ne se dément jamais, dont je ne dirai aucun détail car ce serait divulgâcher, mais en tout cas, on frémit réellement pour nos protagonistes, on tourne les pages pour voir comment ils vont se sortir de telle ou telle situation tendue, et Mo Gadarr ne nous épargne pas l'une ou l'autre scène vraiment dure, si bien que le coeur du lecteur habitué, sans doute, à des romances plus soft, est embarqué dans un train de montagnes russes… pour son plus grand plaisir !

    Enfin, j'ai envie de dire « last but not least », on est ici dans de la new romance, ce qui implique la présence de quelques scènes érotiques. J'ai déjà lu un certain nombre de romances de cette tendance, si bien que ce n'était pas inattendu (j'ai d'ailleurs été étonnée de lire certains commentaires qui mettaient en garde face à ce fait, alors que c'est juste « normal » dans ce sous-genre moderne de la littérature sentimentale).
    Tout cela pour dire que ces quelques scènes-là sonnent terriblement juste, comme si elles étaient un véritable prolongement de cet amour véritable qui s'installe peu à peu entre nos deux protagonistes : je peux dire sans aucune hésitation que, dans la littérature plus ou moins érotique que j'ai déjà parcourue, les scènes de ce livre-ci sont parmi les plus belles que j'aie jamais lues. le plume de Mo Gadarr est ici au sommet de son talent (et on espère qu'elle y restera encore longtemps !) : chapeau !

    Bref, je ne peux que vous conseiller de découvrir cette romance « ennemies to lover » à la construction classique mais tout à fait crédible (ce n'est pas toujours le cas), et c'est aussi une romance policière où une tension de type polar est parfaitement exploitée et ne se dément jamais, portée par tout le talent de l'autrice. Ajoutons à ça, comme je viens de dire, quelques scènes érotiques toutes empreintes d'un véritable amour, qui comptent parmi les plus belles que j'aie jamais lues dans ce type de littérature : bravo !

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    Killer kills killers de Danny-Philippe Desgagné,
    publié aux éditions du 38 en mai 2021, lu dans sa version ebook - lecture terminée le 06 août, avis rédigé le 08 septembre - j'ai hésité entre un bon 15 ou un très bon 16/20, et j'ai tranché pour le 15/20...

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    Synopsis : Dans une métropole nord-américaine, le corps atrocement mutilé d’un homme est découvert dans la cour arrière d’une épicerie de quartier. Trois autres assassinats, tous plus violents les uns que les autres, s’enchaîneront dans un temps record. Toutes les victimes, uniquement des hommes, sont assassinées selon des modes opératoires reposant sur des mises en scène d’une horreur absolue. Il n’en faut pas plus pour que le mot serial killer soit lâché.
    Sepp Ganser, enquêteur chevronné à la criminelle, est temporairement séparé de son coéquipier Gabriel Sykes et contraint de faire équipe avec la profileuse Hélène Laffont. L’hypothèse qu’avance cette dernière repose sur la théorie que les victimes sont elles-mêmes des tueurs en série. Tués comme ils tuaient leurs victimes.
    Les primaires battant leur plein, Ganser est conscient qu’il ne peut se dérober aux exigences politiques. Les deux protagonistes, que tout sépare, acceptent de faire un compromis : trois semaines ensemble. Passé ce délai, si rien n’est résolu, Ganser retourne à ses vieilles habitudes.
    Mais la réalité est à mille lieues de tout ce qu’ils pourraient imaginer. Leur ville est l’hôte d’une Konvention (avec un K comme Killer), devant se tenir sur cinq jours. Cinq jours durant lesquels tout est permis, même l’inimaginable. Même la possibilité qu’un des participants soit un tueur de tueurs. Et même la possibilité que Ganser et Laffont soient eux-mêmes conviés à cette Konvention…


    Mon avis :
    Voici un livre tout à fait étonnant, qui prend le contre-pied, d'une certaine façon, de ce que l'on a l'habitude de lire en policier et/ou thriller. Pour commencer, remettons-le en contexte : je ne me rappelle même plus trop bien comme je l'ai découvert. Était-ce grâce à son apparition dans une en bande publicitaire sur le site de Babelio, avec quelques autres nouveaux titres des éditions du 38 ? Je sais qu'une telle annonce m'avait fait remarquer plusieurs autres de leurs livres, mais je ne jurerais pas que celui-ci en faisait partie. Était-ce tout simplement, alors, une suggestion de l'offre Kindle quotidienne ? Peu importe : quand il m'a été proposé dans le cadre de mon abonnement Boobox (une box livresque en ligne, qui a arrêté ses activités il y a quelques jours à peine ! pourtant c'était sympa…), alors que je venais de l'acquérir par ailleurs, j'ai su qu'il m'était destiné !

    Je ne vais pas réécrire le résumé proposé par l'éditeur, mais j'avoue que ce 4e de couverture ne prépare (absolument) pas à ce qu'on va trouver dans ce livre ! Oui, c'est l'histoire d'un certain Sepp, policier chevronné, habitué à travailler en équipe avec un Black, qui porte sans aucun doute un nom également mais que j'ai complètement oublié, car il n'est jamais appelé (par Sepp et dès lors par les autres) autrement que « Grand Blond » ! Ainsi, d'emblée le ton est donné : ce livre, pourtant très dur par moments, est bourré de ce type d'humour sympathique et un peu décalé, parfois même quand le propos ne s'y prête guère ! Il faut lire, par exemple, les dialogues entre Sepp et le coroner (qui, dans ce livre, joue un rôle quasi identique à celui d'un médecin légiste, ce qui m'a parfois semblé un peu confus, mais je ne suis pas spécialiste des subtilités en la matière, surtout écrites par un Québécois qui place son intrigue aux États-Unis, et de toute façon c'est vraiment un détail), dialogues qui ont lieu, en plus, sur chaque nouvelle scène de crime : c'est à chaque fois une nouvelle page d'anthologie de ce genre décalé pince-sans-rire ! Or, même si ça ne fait pas toujours tout à fait mouche, on peut reconnaître sans aucune hésitation que cette façon d'aborder plus légèrement certaines scènes par ailleurs bien sanglantes, les dédramatise, les rendrait presque « acceptables » - pas dans le sens où des tueries seraient admissibles, mais dans le sens où le lecteur va accepter de continuer à lire malgré tout, et son intérêt sera même amplifié!

    Ainsi, Sepp et son coéquipier le « Grand Blond » sont confrontés à une série de meurtres qui finissent par les faire frémir : outre la barbarie affichée à chaque nouvelle scène, les deux flics se rendent compte que, apparemment, un copycat reproduit les mises en scènes des plus célèbres tueurs en série qui ont sévi plus ou moins récemment dans tous les états-Unis, en tuant à leur tour et à leur façon lesdits serial killers ! Ainsi, on a compris le titre, et c'est déjà complètement flippant, d'autant plus que l'auteur ne nous épargne pas les détails sanglants… mais on est loin du compte encore !
    Sepp va se faire quasi « kidnapper », et contraindre à retrouver ce tueur hors normes, dans le cadre de la Konvention… Cette Konvention, avec un K comme killer, est un événement épisodique extrêmement sélect, et bien entendu tout à fait secret même s'il a lieu dans un grand hôtel, où ne sont conviés… que des serial killers, pour parler de leurs méthodes, de leurs façons de faire face à la justice, et autres joyeusetés. La seule exigence : il leur est strictement interdit de pratique leur « art » durant cette Konvention – voilà pourquoi l'organisateur a recruté Sepp, connu pour son expérience de flic, pour que le tueur anarchique soit identifié, que l'hécatombe cesse et que les killers eux-mêmes règlent son compte à celui qui ne respecte pas la seule et unique règle de la Konvention. Inutile de dire que ce recrutement est « obligatoire » (sous la menace de s'en prendre à la famille de Sepp), qu'il lui est interdit d'en parler à quiconque de ses collègues ou supérieurs dans la police (pour eux il est tout simplement en congé !), et qu'il va en plus se retrouver à devoir faire équipe avec une profileuse très douée elle aussi dans son domaine, Hélène, qu'il va trouver insupportable dès le début.

    En disant cela, je me demande si je ne suis pas déjà à la limite du divulgâchis, pourtant j'aurais aimé entendre parler de cette « Konvention » de façon plus claire dans le résumé, qui reste assez évasif sur ce dont il s'agit réellement, alors que ce n'était pas bien difficile à expliquer !
    Bref, Sepp et sa coéquipière Hélène, tout aussi forcée que lui à collaborer à ce qui ressemble bien un peu à une mascarade, mais alors hautement mortifère, vont se mettre en devoir de retrouver l'assassin, intégrant ainsi la Konvention sous la fausse identité d'un couple de serial killers. Bon, on l'a compris : Sepp n'est pas un débutant, et c'est aussi un homme de caractère qui sait qu'il peut compter sur son (ex-)coéquipier quoi qu'il arrive ; il n'empêche qu'il mène son enquête dans un environnement extrêmement angoissant (y compris pour le lecteur) et que, en même temps, on a presque peur qu'il aboutisse, car on devine que le sort réservé au tueur par ses pairs, sera insoutenable… Vont-ils arriver au bout de leur enquête, alors que les cadavres dévastés s'accumulent, et que l'organisateur de la Konvention leur met une pression qu'on ne peut qualifier que de diabolique ?

    Hélas, on arrive à l'irréparable en cours de route – qui pour moi a été une grande claque, je ne m'y attendais pas du tout

    Spoiler (Cliquez pour afficher)

    j'ai été littéralement « soufflée » par la mort d'Hélène ! je ne m'habitue pas aux (heureusement très rares) thrillers dans lesquels l'un des personnages principaux est tué prématurément…

    – qui nous mène à une 2e partie, post-Konvention, encore plus musclée, pas tant dans l'action, quoique… mais certainement dans la description des scènes de crime, qui devient de plus en plus nauséabonde. Désormais, Sepp tourne définitivement le dos à son métier de policier et part pour ce qui ressemble furieusement à une croisade personnelle, dont il veut arriver au bout quoi qu'il (lui) arrive !

    Avec tout ça, mon sentiment vis-à-vis des personnages est un peu mitigé. J'ai beaucoup apprécié le personnage d'Hélène, véritable pendant à celui de Sepp, d'abord opposé, mais on devine d'emblée qu'ils vont finir par savoir travailler ensemble – et peut-être même plus ? J'ai apprécié aussi que l'auteur, à travers tous ces événements monstrueux, continue de s'attarder à la vie privée et familiale des protagonistes : la fidélité mutuelle entre Sepp et le « Grand Blond » quelles que soient les circonstances ; la difficile vie de famille de Sepp, qui adore sa femme, mais regrette de n'avoir pas pu avoir d'enfants (avec ce détail qu'ils ont tous deux faits des tests mais ont refusé de savoir qui des deux ne pouvait procréer, et Sepp aime tellement sa femme, qu'il ne lui dira jamais qu'en réalité il sait, et que c'est elle qui est stérile…) ; ou encore le passé difficile d'Hélène, qui s'est retrouvée orpheline à la suite du meurtre de sa famille… par un serial killer quand elle était enfant ! Mention aussi, bien entendu, au « Grand Blond », qui apparaît relativement peu, mais dont j'ai aimé le côté « cool » et son indéfectible amitié envers son coéquipier, même quand ce dernier part en vrille.

    En revanche, j'ai eu du mal à suivre Sepp dans la deuxième partie… Oh ! certes, on comprend ses motivations, qui correspondent à son caractère et à tout ce qu'on nous a présenté de lui jusque-là, mais son choix de s'enfoncer aussi profondément dans l'illégalité, même pour traquer des êtres pires que tout, reste le choix controversé d'un homme qui se prend tout à coup pour un justicier sans peur et sans reproche, ce qui pose l'éternelle question : où est la limite entre justice et vengeance et/ou peut-être rendre justice soi-même ? Je ne veux pas trancher, ce n'est pas le but ici, mais le choix clairement assumé de Sepp (j'allais dire : de l'auteur) a quelque chose de dérangeant quoi qu'il en soit, peut-être précisément parce que l'auteur (cette fois je n'hésite pas) donne l'impression qu'il ne se pose pas cette question, ou en tout cas le personnage de Sepp l'élude, tant il est obsédé par sa quête… Au risque de me répéter : je le comprends, et même à 200%, mais décidément je ne parviens pas tout à fait à approuver cette démarche !
    Dès lors, même si cette deuxième partie est passionnante – et encore plus barbare que la première partie, c'est dire ! avec foisons de détails crus et cruels, mais tout à coup « justifiés » - je n'ai jamais réussi à accrocher tout à fait. Je ne lisais plus que pour savoir où tout cela allait nous mener (même si, à un certain point, on devine le fin mot de l'histoire), ce qui est bien un peu la définition d'un page-turner… mais avec un mouvement de recul à chaque nouvelle page tournée !
    Quoi qu'il en soit, on ne peut nier que ce sont tous des personnages forts et bien campés… qui portent une histoire quand même tout à fait invraisemblable (non ?) et parviennent à nous y faire croire !

    Ainsi, je recommande ce thriller pour sa grande originalité, et son humour décalé omniprésent même dans les pires moments. Mais sachez que c'est une histoire très sanglante, avec profusion de détails macabres dans le chef de serial killers avérés, puis de celui qui s'autoproclame justicier contre ces derniers, si bien que la limite entre justice et vengeance est ici complètement effacée, ce qui peut déranger.


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    Enfin, je termine avec un livre dont j'ai rédigé la chronique un peu plus tôt, malgré le manque de concentration possible durant tout l'été... mais je n'ai pas eu le "choix": il s'agissait d'un livre reçu en Masse critique privilégiée, pour lequel j'avais postulé avant de savoir (i) qu'on partirait en vacances cet été, on s'est décidés vraiment à la dernière minute! et (ii) que ce serait si compliqué de rédiger quoi que ce soit, que je n'aurais plus assez de concentration/motivation...

    Pourtant, ce livre d'une autrice jamaïcaine, qui fait partie de la rentrée littéraire, vaut vraiment le détour !

    Si le soleil se dérobe de Nicole Dennis-Benn,
    aux éditions de l'Aube, il sort aujourd'hui ce 8 septembre ! - lecture terminée (en avant-première, donc) le 14 août, avis rédigé le 22 août - un très bon 18/20

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    Synopsis : Patsy est une jeune femme jamaïcaine, coincée entre une mère obsédée par la religion et une petite fille, Tru, qu'elle ne sait pas tout à fait comment aimer. Son obsession est de quitter l'île pour l'Amérique, terre de libertés, et aussi - surtout? - le pays où s'est exilée Cicely. La meilleure amie d'enfance, mais aussi l'amour secret, l'objet de tous les désirs. Cicely et Amérique se confondent dans l'esprit souvent torturé de Patsy, qui finit par obtenir un visa et traverse l'océan, laissant tout derrière elle. Sauf que ni Cicely ni l'Amérique ne tiendront leurs promesses...
    et c'est une existence rude et violente qui attend Patsy. Une représentation obsédante de l'immigration et de la féminité, des fils silencieux de l'amour qui s'étendent à travers les années et les océans du monde entier.


    Mon avis :
    Pour commencer, je remercie très sincèrement les éditions de l'Aube et Babelio, grâce à qui j'ai découvert ce livre dans le cadre d'une masse critique privilégiée. J'avais postulé sans trop savoir à quoi m'attendre, et j'ai été presque surprise de le recevoir… quelques jours à peine avant de partir pour des vacances improvisées en famille ! Si ce départ imprévu a fait grand bien à tout le monde, l'engagement pris pour cette masse critique inattendue en a souffert : j'ai à peine lu durant ces presque deux semaines en Béarn (une bien belle région… ;) ), si bien que je ne me suis attaquée que très tard à ce livre-cadeau tellement prometteur, pourtant. Pour combler le tout, peu après notre retour en Belgique, j'ai à nouveau suspendu toute lecture et/ou commentaire de livre, pour une nouvelle raison imprévue : l'hospitalisation de ma maman, âgée de 83 ans, à la suite d'une chute dans les escaliers chez elle…
    Tout va bien maintenant, merci, mais entre-temps, les jours de retard dans la rédaction de mon commentaire n'ont cessé de s'allonger. J'en suis sincèrement désolée, d'autant plus que la seule conclusion qu'on puisse donner est : il faut lire ce livre !

    En effet, je disais que je ne savais pas trop à quoi m'attendre en postulant pour ce livre, qui reste pour l'instant encore peu mentionné (voire pas du tout) sur les réseaux, qui s'animent pourtant depuis quelques jours autour de la rentrée littéraire – rentrée dont ce livre, pas encore sorti à ce jour, fera partie très prochainement. Cependant, j'ai lu ici ou là (et certainement sur Babelio) les avis des quelques autres chanceux qui l'ont reçu également. Ce ne sont que des avis positifs, il faut le souligner, qui relèvent pour la plupart les grandes thématiques assez « classiques » qui traversent ce roman : l'immigration illégale, ce fameux « rêve américain », mais aussi le racisme, la violence des hommes, l'homosexualité féminine… et ces avis, à ma grande surprise maintenant que j'ai terminé ce livre, semblent ne mentionner ce roman qu'à travers le prisme desdites thématiques.

    Alors, bien sûr, il serait absurde de prétendre que ces thèmes ne seraient pas présents ; au contraire, ils sont même omniprésents, mais contrairement à ce que certains de mes co-commentateurs pourraient laisser penser, ils ne prennent jamais la place d'un avant-plan. En réalité, l'autrice donnerait presque l'impression d'aborder ces thèmes (tellement « à la mode », pourtant !) presque par accident, mais jamais pour eux-mêmes. Ils apparaissent d'une façon extrêmement subtile, comme en filigrane de toute autre chose : l'histoire d'une femme, tout simplement, à la recherche d'elle-même. Alors oui : on est bel et bien dans le contexte particulier du « rêve américain », désenchanté certes, mais c'est l'histoire de cette femme plus que tout qui est centrale, et qui remue de bout en bout.

    De plus, c'est une femme comme vous et moi, même pas exceptionnelle, même pas parfaite, même pas géniale (du tout), mais Nicole Dennis-Benn nous raconte son histoire avec un formidable talent de conteuse qui prend aux tripes.
    Et donc, c'est aussi une femme terriblement jamaïcaine : notre Patsy est issue d'un quartier pauvre de Kingston, la capitale. Elle avait rêvé de pouvoir étudier pour s'en sortir, comme d'autres, refusant obstinément les voies illégales (dont le trafic de drogue) tellement faciles qui règnent dans ledit quartier, tandis que dans un coin de sa tête traîne l'envie de rejoindre « un jour » son ex-meilleure amie, et aussi ex-petite amie (ce qu'on comprend sans que ce soit jamais dit de manière directe) Cicely, partie vivre aux États-Unis, dont elle reçoit des lettres régulières lui laissant croire qu'elle y est attendue.
    Mais deux événements vont l'empêcher de réaliser quoi que ce soit, du moins dans un premier temps : la plongée de sa mère dans un certain fanatisme religieux encouragé par son église locale, à qui elle consacre désormais tout son temps, son argent (pour le peu qu'elle en a) et toute son énergie, obligeant la trop jeune Patsy, encore enfant, à tout gérer chez elle pour simplement survivre ; puis une grossesse inattendue et non souhaitée, mais qui sera bien évidemment menée à terme jusqu'à la naissance de la petite Trudy-Ann, appelée Tru par tous, enfant précoce que la trop jeune Patsy, alors à peine sortie de l'adolescence, ne parvient pas à aimer…
    Ainsi, quand de façon inespérée, Patsy obtient un visa touristique pour les États-Unis, c'est l'occasion de tout planter là (y compris Tru) pour enfin vivre sa vie – car Patsy n'a pas la moindre intention de rentrer en Jamaïque à l'expiration de son visa, et advienne que pourra !

    Bien évidemment, on l'a compris, son « rêve américain » va très vite tourner à une espèce de cauchemar, car Cicely – alors son seul et unique contact en Amérique, et la personne en qui elle a placé tous ses espoirs de sa vraie vie qu'elle peut enfin s'autoriser à vivre – a choisi son propre rêve américain, dans lequel Patsy n'a pas la moindre place… Et ainsi, de déboire en désillusion, de belles ou mauvaises rencontres en bouts d'espoir, Patsy se construit néanmoins sa propre vie dont elle est enfin actrice pleinement assumée, même si ça n'a plus grand-chose à voir avec un rêve.
    Ainsi, tout au long du livre, l'autrice propose l'évolution de Patsy durant une dizaine d'années à partir de son départ pour les États-Unis, dans une alternance déséquilibrée de chapitres : je n'ai pas compté, mais on est de l'ordre de 3-4 chapitres consacrés à Patsy, à sa vie américaine, mais aussi à de nombreuses digressions sur ce qu'elle a vécu avant, en autant de flashes back plus ou moins reliés à sa nouvelle vie, pour un seul chapitre centré sur Tru (avant de repartir sur Patsy, et ainsi de suite). La petite Tru est désormais enfant abandonnée, du moins par sa mère, ce qu'elle ne parvient pas à bien appréhender. Heureusement (ou pas?), Patsy avait eu le réflexe de confier Tru au père de celle-ci, un homme marié, policier intègre et déjà père de 3 garçons, qui connaît à peine cette fille qu'il n'avait pas davantage désirée, d'autant plus qu'elle lui rappelle au jour le jour son ex-maîtresse qu'il n'a jamais réellement cessé d'aimer.

    Plus on avance dans le roman, et plus l'histoire de Tru prend de l'ampleur, jusqu'à arriver à un équilibre beaucoup plus naturel d'un chapitre pour Patsy, suivi d'un chapitre pour sa fille devenue ado plutôt rebelle et pas toujours bien dans sa peau, mais entêtée et bien décidée à se battre à son niveau pour ses rêves à elle. C'est là aussi que le roman prend quelques facilités, qui seraient presque décevantes au vu de l'ensemble : on regretterait presque que l'autrice surjoue l'homosexualité de mère en fille (était-ce vraiment nécessaire ?), et un happy end qui, sans gâcher les choses, n'est pas tout à fait crédible… ou alors, aurait mérité un développement un peu plus long ! Après tout, on approche des 600 pages : quelques pages de plus n'auraient pas été excessives, et auraient donné plus de relief à ce final qui, tel quel, a un petit côté bisounours qui ne cadre pas tout à fait avec l'ensemble, mais qui n'en est pas moins réjouissant, bien sûr !

    Quoi qu'il en soit, c'est sans doute cette alternance de points de vue, et son déséquilibre mesuré, qui exprime le mieux à quel point l'autrice est douée pour nous raconter une histoire tout simplement humaine, sans jamais porter de jugement, mais touchant à nos sentiments, à notre ressenti de façon tout aussi fine, quel que soit le personnage : jamais elle ne juge Patsy comme une mauvaise mère - c'est pourtant ce qu'elle est, d'une certaine façon ! seriez-vous capable, vous, d'abandonner votre enfant pour aller vivre votre rêve, seule ?... – mais nous entraîne dans les méandres de la liberté retrouvée de la jeune femme, encore et toujours mêlée d'une culpabilité que rien ne semble pouvoir effacer malgré le temps qui passe. Et de la même façon, elle nous attache à la vie bousculée de la petite, puis jeune ado Tru, qui ne comprend pas cet abandon mais apprend à vivre avec, maladroitement aimée par ce père qui ne sait comment l'apprivoiser et une belle-mère improvisée en mal de fille mais éternellement jalouse de celle qui fut « l'autre femme ».

    C'est un imbroglio parfaitement maîtrisé de sentiments humains, magnifiquement exploités, sans jamais prendre de parti tranché… et qui en plus sont réellement universels. En effet, comme je le soulignais plus haut, l'autrice place son intrigue dans le contexte particulier de l'immigration (illégale) jamaïcaine aux États-Unis, mais il est indéniable que l'on pourrait trouver des situations similaires n'importe où sur le globe, en plus ou moins dramatique sur certains aspects, mais toujours avec cette justesse dans l'exploration de l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus fragile, dans son besoin de liberté individuelle, dans ses relations à la famille quelle qu'elle soit, ou d'accomplissement personnel envers et contre tout.