[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #121 05 Juillet 2021 00:53:14

    Bonjour (ou bonsoir) tout le monde!

    Je viens de me rendre compte que j'ai à nouveau un énorme retard: 11 livres à encoder!
    Les commentaires sont rédigés et tout et tout, la plupart sont même déjà partagés sur Babelio (j'avoue...), mais les mettre ici me prend un peu plus de temps, temps que je n'ai pas trop eu ces derniers jours, donc voilà... Je vais en ajouter l'un ou l'autre dès maintenant!

    Les filles au chocolat, tome 3: Coeur mandarine de Cathy Cassidy
    Un gentil 17/20

    <image>

    Synopsis : Summer, 12 ans, voit son rêve d'être danseuse devenir réalité : elle est sélectionnée pour les examens d'entrée dans une prestigieuse école de danse ! Mais, pour elle qui a l'habitude d'être la soeur parfaite aux yeux de sa jumelle Skye, la pression monte. Et ni sa grand-mère, aux commandes de la famille pendant que Paddy et sa mère sont en lune de miel, ni sa grande soeur Honey, en pleine crise d'ado, ne se rendent compte que Summer est envahie par le stress. Le seul qui y prête attention, c'est Tommy, un garçon qu'elle déteste.

    Mon avis :
    Une fois de plus Cathy Cassidy parvient à captiver son public désormais fidèle (je crois), dans une histoire qui permet de poursuivre le quotidien des sœurs Tanberry et de leurs (beaux-)parents, tout en se penchant sur l’une d’entre elles en particulier.

    Après Cherry la « pièce rapportée » grâce aux nouvelles amours entre son veuf de père Paddy et la très sympathique mère des quatre filles, puis Skye la jumelle passionnée d’Histoire qui avait un peu trop tendance à vivre dans ses rêves, voici donc l’histoire de l’autre jumelle : Summer, passionnée de danse, son rêve est de devenir danseuse étoile. Elle a raté une première audition à l’école du Royal Ballet, audition qui s’était déroulée alors qu’elle avait 11 ans, en plein divorce de ses parents. Désormais âgée de 13 ans, affublée d’un petit ami populaire pour qui elle ne ressent pourtant pas cette « étincelle » que sa sœur lui décrit et semble vivre, elle se voit proposer une possibilité d’une nouvelle audition pour une toute nouvelle école de danse, qui se promet d’être une école d’excellence. Comment ne pas résister ? Mais Summer est perfectionniste, et momentanément « abandonnée » par sa sœur jumelle qui semble avoir trouvé l’amour, et sa mère qui s’envole en voyage de noces à l’autre bout du monde avec Paddy qu’elle a tout juste épousé. Va-t-elle obtenir l’une des rares places dans cette nouvelle école, elle qui a reçu le prix de « la fille à qui tout réussit » à la fin de l’année scolaire ?

    On comprend d’emblée que les choses vont être plus compliquées que prévu…
    Je pense que ce n’est pas un spoil de dire que le thème central de ce tome-ci est l’anorexie – c’est même l’un des mots-clés qui apparaît le plus clairement sur Babelio ! Tout l’art de l’auteure est d’avoir réussi à présenter cette grave maladie de manière progressive, toujours avec une grande délicatesse. En outre, si le besoin de perfection est l’élément déclencheur principal de la jeune fille, elle aborde aussi plusieurs autres éléments qui pourraient l’avoir favorisée, et notamment ce mal-être que peuvent ressentir certaines jeunes filles en voyant leur corps changer, devenir « gros » alors que ce sont juste les formes féminines qui se mettent en place, mais que pour une raison ou une autre elles ne sont pas « prêtes » face à ce changement – certes purement hormonal et inévitable, mais tellement bouleversant !

    On sent toute la détresse de cette jeune fille, son enlisement dans sa maladie et l’incompréhension des autres… qui voient bien qu’elle maigrit, mais ne cessent de la condamner en croyant bien faire, à travers des phrases du genre « il faut manger » qu’elle ne peut pourtant plus entendre. On souffre réellement avec Summer ! et pour moi c’est particulièrement touchant, avec un petit côté alarmant aussi, car ma propre fille, qui aura 13 ans en janvier prochain, est passionnée de danse et rêve elle aussi d’en faire sa profession. Pour elle qui est déjà de constitution squelettique (chance et tout à la fois calamité héritée de son père !), serai-je capable de voir si un jour elle glisse sur cette pente dangereuse d’un contrôle total et dangereux de son corps ?...

    A ce propos justement, j’ai trouvé le rôle de la mère de Summer un peu ambigu dans l’histoire. Elle semble avoir été bien absente, car en pleins problèmes notamment financiers à cause de son divorce, au moment de l’audition ratée de sa fille deux ans plus tôt – mais bon, cet épisode-là est évoqué pour insister sur l’importance de la danse dans la vie de Summer, sans toutefois développer tout ce qui a pu se passer à l’époque. Et voilà que désormais la mère s’envole pour le Pérou au moment le plus « dangereux » pour sa fille – certes ce n’est pas elle qui l’a choisi, on le lui a offert en voyage de noces, il paraît que c’était un vieux rêve à elle, elle ne pouvait refuser, ok… Mais pourquoi ce choix de l’auteure de la faire « disparaître » précisément à ce moment-là ? Pour s’épargner le débat difficile de trancher si une mère aurait été capable de voir et réagir si elle avait été présente, ou au contraire si elle serait restée aveugle et impuissante comme tous les autres proches de Summer ? c’est clair que, en éloignant la mère, l’auteure évitait de devoir creuser ce lien mère-fille tellement particulier (ou pas, mais moi j’ai l’espoir de l’avoir, au moins par moments, avec ma fille !), car ça pouvait très vite devenir terrain glissant… Par ailleurs, elle n’hésite pas à donner un (tout petit) mauvais rôle au père ! Cet évitement, du côté de la mère, m’a semblé un peu dommage… même si ça ne gâche rien à l’histoire même, c’est juste mon cœur de mère qui se pose la question.

    Finalement, le seul personnage vraiment présent pour Summer, tout à fait touchant avec en plus un petit brin d’humour, c’est son amoureux de toujours qu’elle ne voit pourtant pas vraiment, le considérant plutôt comme un embêtant. Pourtant, son amitié (ou autre chose ?) va devenir de plus en plus précieuse. Je dirais d’ailleurs que l’aspect romance de cet opus-ci est sans doute bien moins abouti que dans les deux précédents, au profit d’un plus grand développement d’une amitié véritable et solide, teintée d’amour adolescent certes, mais ce n’est pas cet amour qui prend la place, c’est plutôt une attention réelle à l’autre, d’une façon presque désintéressée, et ça fait chaud au cœur !

    Bref, un nouveau tome tout doux, tout mignon, malgré le fait qu’il traite d’un thème dur et difficile. A mettre entre toutes les mains sans hésiter !





    Les saisons de la tempête d'Elle Cosimano
    Pas mal du tout avec un bon 16/20

    <image>

    Synopsis : Lors d'une froide et longue nuit, Jack Sommers a été confronté à un choix: vivre pour toujours selon les anciennes règles magiques Gaïa, ou mourir.
    Jack a choisir de vivre, et en échange, il est devenu un Hiver -une incarnation physique et immortelle de la saison sur Terre.
    Chaque année, il doit chasser la Saison qui le précède. L'Été tue le printemps. L'Automne tue l'Été. L'Hiver tue l'Automne. Et le Printemps tue l'Hiver.
    Le tout est régi par un macabre classement qui donne droit à des promotions ou à une Annihilation totale.
    Mais contre toute attente, Jack tombe amoureux de Fleur, la Printemps chargée de l'éliminer. Pour être ensemble, ils vont devoir échapper au terrible cycle meurtrier dans lequel ils sont prisonniers. Mais leur créateur ne les laissera pas partir si facilement…
    Ensemble, ils sont la tempête !


    Mon avis :
    Un sujet bien original pour ce livre qui m’a bien plu, sans être un coup de cœur toutefois. Je me rends compte, au moment d’écrire ce commentaire, que je suis davantage gênée par les divers commentaires que j’ai lus, qui me laissent perplexe, que par le livre même… En fait, je l’avais repéré depuis un moment en librairie mais, comme c’est souvent le cas, pas acheté de suite. Je me suis décidée assez brusquement quand j’ai réalisé qu’il remplissait les critères de l’un des nombreux challenges de lecteurs auxquels je participe, dès lors je n’ai plus hésité.

    Et voilà que, arrivant peu à peu au bout de ma lecture, alors que je commençais à rassembler mes idées, j’ai eu la bête idée de lire d’autres commentaires, et je ne peux plus en faire abstraction, c’est ballot…
    J’ai ainsi découvert que ce livre a apparemment fait l’objet d’une grosse campagne de promotion de son éditeur et/ou des réseaux sociaux. Pour ma part, je n’en étais pas du tout consciente. Par ailleurs, les commentaires semblent s’accorder sur des erreurs d’orthographe ou de grammaire, ou même de traduction !! C’est très bizarre : moi qui suis habituellement ultra-sensible à ce genre de « problème », je n’ai tout simplement rien remarqué. Tout m’a semblé correct, lisible, d’un bon niveau de français, sans être exceptionnel certes, mais on est bien loin de certaines horreurs que j’ai parfois trouvées ailleurs ! Il y a quand même un point particulier qui m’interpelle : en Belgique francophone, les études de traductions, c’est un niveau bac+5 (bac+4 de mon temps, eh oui ! je suis traductrice de formation…) ; dès lors, je suis quand même hallucinée de voir un certain nombre de lecteurs déplorer des erreurs de traduction… peut-être y a-t-il un nombre exponentiel de traducteurs sur les plateformes de lecteurs ? Cependant, quand on va voir les profils de l’un ou l’autre par curiosité, on découvre que certains n’ont même pas encore atteint l’âge du bac !? cherchez l’erreur…

    Quoi qu’il en soit, je ne vois que deux options : soit il y a eu un effet de « crions aux fautes » sur ce livre, que tout le monde a consciencieusement repris sans fondement (ou alors minime) ? soit c’est effectivement bourré de fautes diverses et variées, mais alors, pourquoi ne les ai-je pas vues ? Ai-je donc à ce point été captivée par ma lecture ?
    Oui et non. Pendant toute la première partie, je n’ai cessé de me demander comment l’auteure allait s’en sortir pour jongler entre toutes ces incarnations de saisons, qui par définition ne peuvent pas se rencontrer, à part chaque saison montante à son tour, qui tue la précédente, descendante. Quand on dit « tuer », d’ailleurs, c’est bien plus qu’une chasse figurée : il s’agit bel et bien de tuer et d’infliger de la douleur, même si on sait que cette dernière ne sera que temporaire et « réparable ». Tous les moyens sont permis pour la saison montante, tandis que la descendante peut tenter de résister autant que possible, mais sera de toute façon vaincue. On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la réalité de nos saisons, ici par 50° de latitude nord, avec le printemps passé (2020) qui est « monté » très, très tôt (on était en manches courtes sous le soleil dès mars !), alors que ce printemps-ci nous a concocté une météo digne d’un automne jusque fin mai, avant de virer brutalement à une pseudo-canicule… J’ai presque regretté, d’ailleurs, que l’auteure n’insiste pas davantage sur ces aspects météorologiques qui peuvent survenir quand ces saisons montante et descendante s’affrontent, mais cela ne fait clairement pas l’objet de sa première partie. Bref, c’est plutôt réussi, c’est crédible, ça « marche » !

    Mais que se passe-t-il si ces incarnations de saisons décident vraiment de s’allier ?...
    Et voilà : une fois que le décor est planté, que le lecteur a bien compris qui est qui et que les quatre Saisons désormais complices, bon gré mal gré, passent enfin à l’action, on alterne scènes de combat et plus ou moins longs trajets de fuite. Cette action est omniprésente et ne laisse que peu de repos au lecteur ; enfin on a des scènes montrant le vrai pouvoir des saisons, on voit leurs forces et leurs faiblesses suivant l’environnement où elles se trouvent et on voit l’impact, parfois spectaculaire, sur la météo – que ce soit voulu ou non. Tout cela est plutôt prenant, l’action est fluide et rythmée, il y a peu de moments creux et on suit la progression des Saisons rebelles avec un intérêt qui ne faiblit pas.

    Mon seul vrai regret est j’ai eu un peu de mal à m’attacher à Jack, l’Hiver et personnage principal masculin. Tour à tour narrateur avec Fleur, Printemps et personnage principal féminin, il prend néanmoins plus de place – au sens propre : il a droit à plus de chapitres qu’elle ! Il a un côté sombre et très directif sans être tout à fait le bad boy, alors qu’il est sans arrêt en train de douter. Fleur est beaucoup plus attachante, avec sa description physique particulière, ses pouvoirs waouh ! aussi forts qu’impressionnants, et son assurance dans ses choix une fois qu’elle les a posés. Je n’ai pas compris, d’ailleurs, pourquoi elle a de tels pouvoirs, alors que Jack semble n’en avoir aucun, à la limite d’une certaine lâcheté qu’il se reproche d’ailleurs alors que les autres le rassurent sans être tout à fait convaincants. On pourrait croire que, d’emblée, les saisons sont complètement déséquilibrées, selon la force (ou pas) de leurs incarnations… Les deux autres saisons, quant à elles, Julio l’Été et Amber l’Automne sont un peu trop secondaires, alors que leur rôle est tout aussi important suivant le fil rouge de ce livre ; dès lors, ça aurait été sympa que la narration soit partagée entre les quatre personnages.
    Ainsi donc, paradoxalement, c’est le personnage principal qui suscite le moins d’engouement, alors que les trois autres se détachent chacun pour une raison ou une autre et sont très crédibles dans leur rôle, dans leurs aspirations, dans leurs affinités l’un envers l’autre même. Oui, ça manque un peu de profondeur psychologique, mais ce n’est pas ultra-gênant et en tout cas ça n’entrave pas l’avancée de l’histoire !

    Enfin, les références à la mythologie grecque, à travers l’incarnation de Gaïa, présentée ici comme la fille que Chronos aurait eue avec Ananké, avant de tuer cette dernière, ajoutent une dimension particulière à ce livre, certes inexacte : dans la « vraie » mythologie, c’est Chronos qui est le fils de Gaïa, et non l’inverse, alors qu’Ananké est une divinité peu connue mais bel et bien alliée à Chronos. Cependant, ces divinités sont tellement « connues » (même par moi qui ne suis pas du tout spécialiste), je ne peux pas croire que l’auteure ne le sache pas… et je souris de sa liberté d’auteure qui a choisi une telle inversion des rôles entre Chronos et Gaïa pour les besoins de son histoire. Après tout, elle ne prétend pas réécrire la mythologie grecque ! En revanche, ces références à des personnages « forts » donne une dimension supplémentaire à l’histoire, en l’ancrant dans une dimension mythologico-fantasy toute particulière, bien adaptée à l’originalité de cette histoire.

    Bref, de façon générale j’ai vraiment bien aimé ma lecture. Quelques regrets et quelques faiblesses çà et là, mais l’idée de base était aussi originale que risquée, et au final elle tient la route du début à la fin, dans une écriture fluide et agréable. J’ai d’ailleurs été surprise de découvrir qu’il y a un deuxième tome (pas encore traduit en français), car je ne vois pas trop ce qui pourrait encore être ajouté !





    La suite au prochaine épisode!

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (13 Juillet 2021 23:29:14)

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #122 13 Juillet 2021 23:56:54

    Bonsoir,

    Me voici enfin de retour, avec toujours autant (voire plus!) de commentaires à ajouter ici... j'ai tellement de retard que je vais finir par abandonner, je n'arrive plus à me suivre moi-même! :O et à nouveau, il y a "un peu de tout" - et je ne vais pas pouvoir mettre plus de 3 ou 4 livre ce soir, alors que j'en ai bien une dizaine en attente...
    Enfin voilà, je me lance, et je continue, on verra bien où ça me mène...

    Rebelle du désert, intégrale d'Alwyn Hamilton
    Une brique de plus de 1.000 pages, intégrale publiée chez France Loisirs: 16/20

    <image>

    Synopsis : Le destin du désert repose entre ses mains.
    Prisonnière d'une vie étouffante au coeur du désert, Amani n'aurait jamais imaginé galoper un jour sur un cheval fantastique, en compagnie d'un fugitif recherché pour trahison. elle se se serait jamais doutée non plus qu'elle en tomberait amoureuse... ni qu'elle l'aiderait à mener la résistance contre le sultan.


    Mon avis :

    Et voici une nouvelle trilogie présentée en intégrale par France Loisirs. J’avais bien aimé la couverture, et sans trop savoir de quoi il s’agissait, mais attirée aussi par le synopsis intriguant, je n’ai pas résisté à l’achat.
    Comme je l’ai fait pour d’autres intégrales présentées de la sorte, je vais proposer un avis pour chaque tome séparément, et puis une note globale, moyenne mathématique, pour l’ensemble.

    Tome 1 : Rebelle du désert

    Je commence la rédaction de cet avis spécifique au tome 1, alors que je suis déjà bien avancée (je dirais à peu près à la moitié) du suivant. De plus, je lis plusieurs livres en même temps et, pour peu que je sois un peu trop fatiguée, je finis par mélanger (même brièvement) les différentes histoires, qui se re-distinguent pourtant bien vite car les univers de ce que je lis sont quand même bien différents ! Dès lors, il ne faut pas s’étonner si mon avis sur cette partie-ci déborde un peu sur la suivante, tout simplement parce que je ne me rappelle pas à 100% où sont les frontières entre ces deux tomes…

    Ma première impression de ce livre a été un fugace sentiment de déjà-vu, ce à quoi je pouvais m’attendre cela dit : on est dans un univers de fantasy « à l’orientale », tout comme Rozenn de Laëtitia Danae, que j’ai lu il y a bien peu de temps. Ce n’est pas une déception, après tout j’avais plutôt bien aimé Rozenn, mais plutôt une vague contrariété : sans les besoins d’un challenge bien particulier ;) , je n’aurais pas spontanément enchaîné (avec juste quelques livres d’écart) deux lectures dans un même type d’univers, d’autant plus que, si j’aime bien la fantasy, ce n’est pas non plus mon genre de prédilection. Et finalement, ce n’est pas un regret : oui, l’univers est très similaire, avec des points communs de-ci, de-là… mais l’intrigue et les protagonistes sont bien différents, et très vite attachants. On se laisse emporter par cette histoire… avec quelques bémols toutefois.

    On découvre ainsi la jeune Amani, qui n’a qu’une idée en tête : quitter la ville poussiéreuse (poussière du désert, et poussière métallique de la fabrique d’armes qui y est installée, seule source de revenus pour la majorité de ses habitants) où elle a grandi, dans la famille de ses oncle, tante et cousins-cousines qui la détestent, elle la fille d’une criminelle, condamnée à mort pour avoir tué son propre mari. Elle a repris le rêve de sa mère : rejoindre une autre tante qui vit à la capitale, à l’autre bout du désert ; là, elle espère pouvoir prétendre à une vie meilleure. Mais ses plans ne se déroulent pas comme prévu, entre l’abandon de Tamid, son meilleur (et en fait unique) ami, handicapé, et l’irruption d’un étranger mystérieux, Jin, qui ne cesse de croiser sa route, parfois en sauvant sa vie. Les deux finissent par s’allier bon gré mal gré pour traverser le désert. Ainsi, peu à peu, Amani découvre qui elle est vraiment, et qui est Jin, jusqu’à changer ses plans pour le meilleur… ou pour le pire !

    Ainsi, comme je le disais, on est dans un univers de fantasy orientale très travaillé et très convaincant, qui se dévoile petit à petit, avec ce désert omniprésent, synonyme de danger mortel ou de formidable opportunité. Les personnages d’Amani et de Jin sont très attachants, et le lecteur souhaite les voir ensemble bien avant que l’autrice évoque seulement la naissance de sentiments entre eux. Ça, c’est pour la part que j’ai appréciée.
    Mais c’est aussi un monde très politique, comme je l’ai déjà souvent remarqué dans les différents romans de fantasy que j’ai pu lire : on se fait la guerre pour des frontières, pour un peu plus de pouvoir, pour des idées – quitte à ne pas avoir grand-chose à proposer à la place, si ce n’est une idée assez utopiste d’une façon de gouverner. Et franchement, même si ces parties-là sont aussi bien travaillées, même si elles sont convaincantes, ce n’est pas ma tasse de thé, et peu à peu je crois bien que j’ai décroché… Je veux bien lire un combat de temps en temps, c’est même assez intéressant, mais tous ces enjeux politico-familiaux, cette menace de guerre qui plane et les ennemis qui ne sont jamais ceux qu’on croit, j’ai du mal. Je dois avouer que, par moments, je ne savais plus qui était qui parmi la flopée de personnages secondaires, pourtant bien typés, mais trop nombreux, au sein de la Rébellion et en-dehors – or, certains d’eux ont quand même un rôle assez important… Ce décrochage ne m’a pas empêchée de suivre l’histoire dans son ensemble, mais pour tout dire : j’ai quand même passé quelques pages en diagonale, au risque de perdre des infos qui se révéleraient essentielles plus tard, mais tant pis…

    Soyons justes : je me dis aussi que ce livre qui présente un univers tout à fait imaginaire manque cruellement de « repères » ! Non seulement on n’a pas de table des matières (ça n’aurait rien changé à l’histoire même, mais ça aurait eu un côté « rassurant »), mais en plus on n’a pas la moindre carte qui présenterait ce monde, qui permettrait de visualiser les forces en puissance – pour moi c’est essentiel dans ce genre de littérature. Je ne sais pas ce qu’il en est des tomes vendus séparément, mais pour cette intégrale, à ce sujet-là, France Loisirs a raté son coup !

    A part ça, la plume est alerte et sympathique, fluide même dans ces passages politiques qui m’ont moins emballée. Elle est aussi très axée « young adult », ce qui n’est pas forcément gênant en soi, mais qui a sans doute ajouté à mon sentiment de ne pas accrocher comme j’aurais voulu ou espéré : tous ces personnages qui n’ont pas 20 ans ou tout juste, certains sont même encore des enfants, et les rares plus âgés ne sont généralement que ceux à combattre… disons que, vu mon propre âge, et malgré le fait qu’ils sont tous attachants, je n’ai pu m’identifier à aucun d’entre eux, même en imagination. Ce n’est pas spécifique à ce livre-ci, mais comme ici c’est très long (si on considère toute l’intégrale), il faudrait quand même que les auteurs de fantasy y pensent : il y a aussi des « vieux » qui lisent leurs livres, et qui ont envie (ou besoin ?) de pouvoir réellement « rejoindre » les personnages, et pas seulement les considérer comme des enfants turbulents qui veulent jouer aux grands, certes avec un mélange de bienveillance et parfois d’irritation, mais ce n’est pas suffisant. Dans tous ces mondes créés de toute pièce, à part les méchants ou un impressionnant Gandalf qui lui est hors d’âge, j’aimerais parfois avoir l’impression d’être « représentée » aussi parmi les personnages secondaires du côté des bons, voire même parmi les personnages principaux…

    Bref, un premier tome prometteur dans un univers déjà abordé, repris ici à une sauce un peu différente mais tout aussi bien travaillée, mais qui ne m’a pas tout à fait convaincue, à cause de ses longueurs (à mes yeux) politico-familiales et de son orientation trop young adult à mon goût – ce qui n’enlève donc rien de sa valeur à ce livre, mais clairement il ne correspond pas suffisamment à ce que j’ai envie de lire actuellement…

    Ma note pour ce tome I : 15/20


    Tome 2 : La trahison

    Après la présentation du contexte et de cet univers de fantasy orientale particulier, on entre dans le « tome intermédiaire » : celui où l’action est plus lente, voire quasi-inexistante, faisant place à plus de réflexion, à ces débats politiques tellement courants dans plusieurs fantasies que j’ai lues récemment ! Il y a bien quelques mouvements mineurs en début de tome, mais très vite Amani se trouve prisonnière du harem du sultan, où la grande majorité de l’intrigue va se passer – tandis que Jin, qu’on avait légitimement considéré comme l’amour de sa vie dans le tome précédent, a tout simplement disparu, et quand elle y pense, c’est avec un mélange de déception et de colère.

    Certes, quelques nouveaux personnages apparaissent, et cela ajoute au sentiment de confusion face à la multiplicité des personnages que j’avais déjà évoquée pour le tome précédent. Quelques-uns ressortent du lot (Sam par exemple), d’autres déjà connus réapparaissent et sont davantage mis en avant (Shira), mais un certain nombre sont trop secondaires pour être vraiment retenus, et pourtant prennent de la place, décidément je ne suis pas parvenue à m’y faire.

    De même, comme dans le tome précédent, je déplore l’absence de représentation graphique du décor : la ville d’Izman, et plus encore le palais du sultan, est évidemment immense et plein de recoins plus ou moins secrets – déjà rien que le harem seul est gigantesque, même si l’auteure insiste plusieurs fois qu’il s’agit malgré tout d’une prison ! Une petite carte, un plan des lieux aurait permis de mieux visualiser les choses car, même si les descriptions sont bien précises et permettent de se faire une vague carte mentale, ça aurait été quand même plus « confortable ». Il y a déjà tant et tant d’informations dans un tel livre, ça n’aurait pas été du luxe de ne pas devoir, en plus, s’occuper de géographie architecturale pour tenter de s’y retrouver.

    Au final, ce qui est vraiment intéressant dans cette 2e partie, ce sont les nombreuses joutes verbales entre Amani et le sultan – une Amani qui croit le manipuler et qui est bien naïve, à la limite de l’aveuglement, j’en ai été persuadée du début à la fin ; face à un sultan arrogant, sûr de lui et de son pouvoir, mais qui « joue »… et justement : il est tellement sûr de lui qu’il ne mesure peut-être pas tout à fait les choses, mais en dire plus serait spoiler ! Mais au-delà de l’intrigue propre à l’ambiance de ce désert du Miraj, c’est toute la logique politique d’un tyran qui est mise en avant, et qui pousse à la réflexion : après tout, n’est-ce pas sous le prétexte, auquel il semble croire fermement, de sauver son peuple que le sultan a tué son père incapable de gouverner ; qu’il s’est allié à des forces ennemies au risque de se voir occupé et contre qui il souhaite désormais faire la guerre ? Il est convaincant dans un rôle presque bienveillant, façon despote éclairé, qui justifie violence et autres décisions arbitraires. Tout cela n’est finalement qu’un reflet imaginaire de ce que tant de nos pays ont connu d’une façon ou d’une autre tout au long de leur Histoire !

    Bref, on reste dans la lignée du tome précédent, avec un ralentissement qu’on aurait pu craindre ennuyant mais qui pose d’autres bases. Ce n’est pas pour autant un page-turner : on ne dévore pas les pages sans plus pouvoir s’arrêter, ce n’est pas à ce point, mais vraiment on a envie de savoir ce qu’il va advenir d’Amani, et on brûle de la voir rejoindre la Rébellion, un jour…

    Ma note pour ce tome 2 : 16/20


    Tome 3 : La tempête

    Au moment de terminer ce livre, je me suis tout à coup fait une réflexion : mais cette trilogie a la structure classique d’un concerto ! Par acquit de conscience, j’ai vérifié sur Google, qui me tend la perche Wikipedia ce 21 juin 2021 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Concerto) en disant ceci :
    Le concerto, généralement, comporte trois mouvements :
    •    le premier, vif, de forme « sonate » ;
    •    le second, lent, de forme « lied » ou « thème varié » ;
    •    le dernier, rapide, de forme « rondo ».

    Bien sûr, ce sont là des généralités, chaque compositeur (pour paraphraser Wiki) se [gardant] bien de brider [son] génie par le respect de formes figées ; néanmoins, il y a bien de ça. Un premier tome avec beaucoup d’action, beaucoup de mouvement, des rencontres, des balles qui sifflent dans tous les sens, de la magie de djinn qui se révèle. Un deuxième tome beaucoup plus lent, qui doit compenser le manque de vivacité (au risque d’endormir le lecteur) par une plus grande profondeur, un aspect « réflexion » plus poussé (en musique, et peut-être pour certains livres, j’aurais dit « par une grande beauté », mais je ne parlerais pas en ces termes ici).

    Et voici un troisième tome qui renoue avec l’action, beaucoup d’action, puisque désormais on part en guerre ! Certes, les chemins sont sinueux, mais dès le début on a des scènes de combat – ce n’est pas que j’aime ça, mais les deux premiers tomes tendent tellement vers cela, que ça aurait été une vraie déception, d’une certaine façon, s’il n’y avait rien eu de tel. Les personnages arrivent à maturité et prennent des décisions de plus en plus importantes et souvent sensées (enfin !), osent s’affirmer plus que jamais, sans renier leurs origines pour autant – de plus, certains auxquels on s’était attachés, sont balayés dans le feu des combats, ce qui donne une dimension dramatique sans laquelle tout cela n’aurait pas été crédible. C’est donc bien le 3e mouvement vif, et on devine dès les premières pages qu’il a le potentiel de terminer l’intégrale de façon convaincante.

    Je ne vais pas refaire l’analyse complète des choses à ce stade : la plume de l’auteure est toujours aussi alerte et fluide, et les pages se tournent désormais un peu plus vite… difficile de dire si c’est parce que c’est tellement plus passionnant, ou parce qu’on voit qu’on arrive au bout de ce gros volume papier, ce qui est d’autant plus motivant ! ou peut-être un mélange des deux, mais en tout cas on y va, et ça passe mieux que jamais.

    Je distinguerai un seul élément plus particulier dans la construction de ce troisième tome : le recours aux légendes, le pouvoir des mots (qui peuvent faire prisonnier, ou au contraire libérer un djinn) et des histoires, qui transcendent la réalité en la rendant plus acceptable, plus belle peut-être, plus compréhensible certainement. C’est ainsi que, à plusieurs endroits différents au fil des chapitres (je n’ai pas compté, mais je dirais au moins 4 ou 5 fois), on en a un très court qui poursuit l’histoire, mais sous forme d’une légende qui serait née de l’action – dans ces chapitres-là, les héros ne sont pas nommés, et leurs exploits sont déformés juste assez pour avoir l’air fabuleux, mais pas trop pour que le lecteur comprenne bien que c’est telle ou telle action qui continue. L’auteure avait déjà utilisé ce procédé l’une ou l’autre fois dans les deux tomes précédents, mais ici, comme je disais, de tels passages sont plus nombreux. Ça permet de parler de certains événements sans s’appesantir sur des passages potentiellement très durs, on pourrait presque dire que c’est une technique d’évitement, mais en même temps le fait que ce procédé soit répété et chaque fois sous un format court, ça donne du rythme à l’ensemble et ainsi j’ai bien apprécié ! Sans oublier le fait que, par l’une ou l’autre allusion dans ces chapitres ou même dans d’autres, l’auteure touche du doigt le monde tellement proche et connu (au moins de nom) des 1.001 Nuits, qui fait bien toujours un peu rêver.

    Ainsi donc, je peux dire que la boucle est bouclée. Si les trois tomes ne sont pas tout à fait égaux, ils sont tous trois agréables et accrocheurs même quand ils prennent un peu plus de lenteur. Ce troisième tome quant à lui est suffisamment solide pour laisser une impression d’ensemble très positive, et on continuera de rêver un moment de ce désert, qui n’est pas si inhospitalier que ça, quand on l’aime et qu’il représente bien plus que quelques grains de sable.

    Ma note pour ce tome 3 : 17/20

    => soit une moyenne toute ronde de 16/20





    Et je danse, aussi d'Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat
    Un vrai coup de coeur! J'ai mis 19/20

    <image>

    Synopsis : La vie nous rattrape souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Pour Pierre-Marie, romancier à succès (mais qui n’écrit plus), la surprise arrive par la poste, sous la forme d’un mystérieux paquet expédié par une lectrice. Mais pas n’importe quelle lectrice ! Adeline Parmelan, « grande, grosse, brune », pourrait devenir son cauchemar… Au lieu de quoi, ils deviennent peu à peu indispensables l’un à l’autre. Jusqu’au moment où le paquet révèlera son contenu, et ses secrets... Ce livre va vous donner envie de chanter, d’écrire des mails à vos amis, de boire du schnaps et des tisanes, de faire le ménage dans votre vie, de pleurer, de rire, de croire aux fantômes, d’écouter le Jeu des Mille Euros, de courir après des poussins perdus, de pédaler en bord de mer ou de refaire votre terrasse. Ce livre va vous donner envie d’aimer. Et de danser, aussi !

    Mon avis :
    Pour une fois je n’ai pas lu les commentaires avant de terminer ce livre, et je suis très étonnée de voir sa note relativement basse… Pour moi, ce livre est magnifique, un véritable petit bijou de légèreté, de tendresse, de français recherché sans être pédant (c’est suffisamment rare pour être remarqué), de bonheur, sans pour autant exclure les petits et grands drames du quotidien.

    A travers un roman épistolaire (sous forme d’e-mails exclusivement), on fait la connaissance et on suit les aventures à distance de Pierre-Marie, écrivain à succès (il a même eu un Goncourt !) en panne d’inspiration, et Adeline, illustre inconnue pas trop heureuse dans la vie mais piquante et « vivante », qui se dévoile peu à peu tout en entraînant « son » écrivain à se découvrir aussi. Ce qui naît entre eux peu à peu est aussi touchant que fort, léger que profond, avec aussi quelques touches d’humour, de cet humour qui ne fait pas se plier de rire – je ne crois pas que ce soit le but des auteurs, de toute façon – mais qui fait sourire d’avoir eu le privilège de recevoir ce petit moment de bonheur.

    Il y a, peut-être, çà et là, quelques petites longueurs : on a envie de savoir qui est Adeline et pourquoi elle a tout à coup écrit à Pierre-Marie, on commence à le deviner avant que ce soit révélé mais le « suspense » sur ce petit secret est bien maintenant pendant longtemps, un tout petit peu trop mais c’est vraiment un moindre mal ! Par ailleurs, on aurait pu craindre une certaine monotonie en lisant un tel roman à deux voix, mais pas du tout ! Jamais je ne me suis lassée, comme Pierre-Marie et Adeline j’attendais de découvrir la réponse de l’autre, leur façon de rebondir à un mot, une expression dans le mail précédent, et ainsi on se rend compte comme on s’est attaché à eux, alors qu’on en sait assez peu au final ! En outre, ce risque de duo trop exclusif est « cassé » par l’intervention de quelques autres personnages, bien sympathiques ou tellement typés qu’on les suit avec plaisir aussi ; tous tournant autour de Pierre-Marie : un ami d’enfance et sa femme, une amie envahissante de ladite femme ou encore l’éditeur lui aussi devenu ami – tous ceux-là ajoutent une touche de saveur indéniable.

    Bref, c’est un roman réjouissant sans prise de tête, magie des mots et d’un échange épistolaire sincère qui surgit dans le quotidien de personnages (extra)ordinaires et attachants, et on soulignera la couverture originale qui me plaît beaucoup ! Un excellent moment de lecture !





    Mascarade de Ray Celestin
    C'est la suite (même si ça peut se lire indépendamment) de l'excellent "Carnaval", que j'avais commenté ici. 18/20 pour ce nouvel opus tout aussi emballant!

    <image>

    Synopsis : 1928. Chicago est la cité de tous les contrastes. Du ghetto noir aux riches familles blanches, en passant par la mafia italienne tenue par Al Capone, la ville vit au rythme du jazz, de la prohibition et surtout du crime, que la police a du mal à endiguer. C’est dans ce contexte trouble qu’une femme appartenant à l’une des plus riches dynasties de la ville fait appel à l’agence Pinkerton. Sa fille et le fiancé de celle-ci ont mystérieusement disparu la veille de leur mariage. Les détectives Michael Talbot et Ida Davies, aidés par un jeune jazzman, Louis Armstrong, vont se charger des investigations.
    Au même moment, le corps d’un homme blanc est retrouvé dans une ruelle du quartier noir. Le meurtre en rappelle un autre à Jacob Russo, photographe de scènes de crime, qui décide de mener son enquête.
    Quel est le lien entre ces deux affaires ? Y a-t-il un rapport avec le crime organisé ? Car la vieille école d’Al Capone et de la contrebande d’alcool est menacée par de jeunes loups aux dents longues qui, tels Lucky Luciano ou Meyer Lansky, n’hésitent pas à se lancer dans le trafic de drogue.
    Jazz, mafia, tensions raciales et meurtres inexpliqués, après Carnaval, nous retrouvons dans ce thriller passionnant, inspiré de faits réels, le cocktail explosif qui fait la signature de Ray Celestin.


    Mon avis :
    Second tome d’une quartologie (je ne sais pas si ça se dit ;) pour une saga en quatre tomes), dont le 4e opus ne sortira qu’à la fin de l’automne prochain en langue originale anglaise, ce livre propose une nouvelle multi-enquête époustouflante. Il reprend, en quelque sorte, les ingrédients qui ont fait le succès du premier, tout en proposant suffisamment de différences pour que ce ne soit pas un remake qui serait devenu fastidieux au fil des pages - ce qui n’est donc pas le cas ! Si je lui donne une note un tout petit peu plus basse (18 au lieu de 19/20 pour le premier), c’est peut-être parce que l’effet de surprise formidable du 1er tome, lu dans la première quinzaine de ce mois de juin, n’est désormais plus présent. Aurais-je dû lire ce 2e tome un peu plus tard, le temps de laisser couler et « d’oublier » toutes les sensations que cet auteur incroyable parvient à faire naître ?
    Je crois d’ailleurs qu’on peut lire ce 2e volet sans avoir lu le précédent – bon, je n’en ai pas l’expérience, puisque je suis en train de tout lire « dans l’ordre », mais voilà : les deux personnages principaux ont mûri, on les retrouve 10 ans plus tard dans une autre ville, et si certains traits de leur passé apparaissent ici ou là (la mention à leur famille pour Michael, ou la relation avec Louis Armstrong pour Ida), ils sont de toute façon réexpliqués brièvement et ne gênent en rien ni la compréhension ni l’évolution de l’enquête.

    Ainsi donc, peut-être au même titre qu’un personnage à part entière, c’est une nouvelle ville qui est mise à l’honneur : le Chicago de la fin des années 1920. Alors que La Nouvelle-Orléans était célébrée et réellement « aimée » dans le tome 1, malgré ses revers qui n’étaient jamais cachés, ici Chicago est présentée dans toute sa noirceur, sans aucune concession. On ne retrouve plus ce sentiment de profond attachement, qui n’est peut-être pas utile d’ailleurs, mais au contraire une certaine désespérance sans fond.
    Mais peut-être est-ce davantage lié au contexte qu’à la ville même, quoique… Je m’explique : Ray Celestin place cet opus en pleine Prohibition, synonyme du florissement intempestif (et souvent couvert, voire encouragé par la police et les élus locaux) des réseaux de production clandestine et/ou de distribution d’alcools de contrebande – avec toutes les dérives, notamment au niveau de la santé des consommateurs, que cela implique. C’est l’âge d’or de la mafia (encore !) et en particulier d’un certain Al Capone, véritable roi de la ville, plus puissant que les puissants, richissime, c’est vraiment lui qui tire toutes les ficelles de ce trafic incroyablement lucratif (en y ajoutant quelques bordels et autres activités annexes) ; pourtant l’auteur n’hésite pas à le montrer comme très malade, aussi, ce qui paradoxalement le rend terriblement humain, presque « acceptable » (pour ne pas dire attachant, mais non, n’exagérons rien !) malgré tous ses méfaits.

    Et, peut-être encore davantage que dans le 1er tome et une certaine indolence typique de cette ville sudiste qu’est La Nouvelle-Orléans, l’auteur dénonce la ségrégation qui règne à Chicago. A nouveau, il la montre à travers quelques exemples qui laissent pantois. On notera l’interdiction pour les orchestres de ce jazz de plus en plus à la mode, de réunir musiciens Blancs et Noirs, ce qui a conduit à l’appropriation du jazz par certains orchestres blancs, permettant ainsi de le diffuser dans des quartiers moins ghetto-isés, et l’amenant dès lors à un succès encore plus fulgurant, tandis que lesdits musiciens ne s’arrêtent pas, eux, à une différence de couleur, mais ne peuvent jouer ensemble que dans la clandestinité. On souligne le fait que les Blancs aisés paient des intermédiaires Noirs-mais-pas-trop pour aller s’encanailler dans les quartiers Noirs lors de certains de ces concerts, ou pour bénéficier des services de certaines jeunes filles, un autre business bien lucratif ! Surprenante aussi, et probablement vraie, la révélation selon laquelle les abattoirs de Chicago, alors parmi les plus importants au monde, n’ont pas réussi à mettre en place un quelconque syndicat pour ses très nombreux ouvriers, tout simplement parce que ceux-ci, issus de diverses origines (Polonais, Irlandais, Italiens, autre Européens arrivés après la 1re guerre mondiale, et Noirs bien sûr) ne s’entendant pas entre elles, restaient éternellement incapables de s’associer pour défendre leurs droits et intérêts pourtant communs… A noter aussi une autre forme de ségrégation, qui est ici touchée du doigt à quelques reprises : on parle d’homosexualité, alors tout à fait illégale et considérée comme une maladie, que les Blancs aisés font soigner à coups de psychanalyse et d’électrochocs en hôpital psychiatrique.

    Ce qui me touche sans doute particulièrement ici, au-delà de l’Histoire, c’est que toute cette histoire de ségrégation semble avoir traversé le temps et reste accrochée à cette ville, peut-être même à tous les États-Unis (qui prétendent par ailleurs enseigner la démocratie au monde entier) ! Dans ce livre, on est à la fin des années 1920 comme je disais plus haut ; pourtant, Prohibition en moins et modernité en plus, ce sont les mêmes conditions de ghetto-isation qu’on retrouvait dans le magnifique « Devenir » de Michelle Obama, sa ville de naissance où elle a grandi à la fin du XXe siècle pourtant, situation dont elle avait pu s’extraire grâce à l’éducation (et probablement un bon lot de chance, notamment d’avoir eu des parents qui la poussaient en ce sens), mais dans le fond, c’est ahurissant de se dire que rien n’a fondamentalement changé en près d’un siècle…

    Mais revenons à notre livre : on retrouve l’ex-policier Michael Talbot et l’ex-apprentie détective Ida Davis. Tous deux ont quitté La Nouvelle-Orléans pour Chicago, ils ont mûri avec 10 ans de plus, et travaillent désormais en équipe pour cette grosse agence de détectives qui employait déjà Ida. Michael reste l’image de l’incorruptibilité, il pose toujours ses divers choix dans cette optique-là, la plupart du temps avec une grande assurance, quel que soit le prix à payer. Ida quant à elle, grâce à son opiniâtreté et au soutien implicite de son aîné, a enfin obtenu un vrai poste d’enquêtrice et révèle de réelles dispositions pour ce métier. Elle reste amie, et le croise à plusieurs reprises, avec ex-Lewis devenu Louis Armstrong qui, après un passage raté par New York, est désormais en pleine ascension. Il fait partie d’un orchestre de jazz à Chicago et se découvre alors à lui-même plus que jamais, encore en début de carrière mais déjà avec la virtuosité et la reconnaissance d’un public de plus en plus conquis.

    En parallèle à ces personnages du 1er tome, on a ici deux autres personnages principaux qui vont eux aussi mener la même enquête, en la prenant – comme c’était déjà le cas dans le 1er tome – par un bout différent car leurs points de départ ou motivations sont différentes.
    On rencontre ainsi Jacob Russo, photographe professionnel, de plus en plus souvent armé de son tout nouveau Leica (en mentionnant au passage à quel point ce nouvel appareil a été une révolution pour les photographes !), qui immortalise les scènes de crime pour la police – nombreuses vu le taux de criminalité de cette ville ! Il rêvait de devenir lui-même policier, mais une cheville boiteuse fait qu’il a été recalé ; pourtant, il profite de son travail de photographe pour s’intéresser lui aussi aux enquêtes, soutenu par l’un ou l’autre enquêteur qui le connaissent, car il fait aussi preuve d’une grande sagacité souvent supérieure à celle d’autres policiers, et peut ainsi réaliser son rêve malgré tout, sous le titre « d’attaché » à la police.
    Et on a aussi Dante Sanfelipe : ancien membre de la garde rapprochée d’Al Capone, il s’est enfui à New York après le décès (par ingestion de champagne frelaté) de toute sa famille, morts plurielles dont il se sent responsable puisque c’est lui qui avait fait entrer chez lui ce champagne… Devenu héroïnomane, désabusé de la vie à laquelle il s’accroche pourtant, en compagnie de son chien bâtard aussi hirsute que fidèle qu’il a recueilli autrefois sans jamais le nommer, il retourne auprès d’Al Capone qui lui confie la résolution d’une enquête qui s’avèrera (évidemment !) la même que celle de tous les autres, mais prise par un autre bout donc.

    Pourtant, ici, et c’est sans doute (outre la présentation d’une nouvelle ville et la maturité des deux premiers personnages) le plus grand changement par rapport au 1er tome : les enquêtes sont menées en parallèle avec bien des différences, et offrent tout au long du livre des approches différentes dont on tente de comprendre les ramifications, mais cette fois ces différents enquêteurs vont réellement se rencontrer ! Et ainsi, les différentes facettes d’une même vérité bien complexe sont à nouveau présentées par petits bouts au lecteur (ce qui avait été un coup de génie dans le premier tome, du moins à mes yeux). Mais désormais l’auteur opte pour une approche un peu plus classique dans la résolution finale de l’enquête, en permettant à ces différents bouts de vérité de se recouper – cela dit, ça ne se fait pas en un instant ! ces « rencontres » sont mêmes tardives, et pas simultanées, ce qui permet d’entretenir un certain suspense dans le suspense – autrement dit, ce procédé des différents aspects d’une même solution est à nouveau exploité de façon magistrale, tout en permettant aux lecteurs plus « classiques » de s’y retrouver dans une résolution finale désormais complète.

    À travers tout cela, au risque de me répéter, l’auteur réussit à créer un attachement fort envers ses différents personnages. La famille de Michael est nettement moins « présente » que dans le 1er tome, et à vrai dire ça m’a bien un peu manqué, mais c’est un moindre mal car son image d’incorruptible et quelque peu ténébreux détective est suffisante pour le rendre presque séduisant. Ida quant à elle prend toute son ampleur dans ce roman, entre ses contradictions toujours présentes mais mieux assumées, sa découverte de l’amour, ou son lien d’amitié indéfectible depuis l’enfance avec Louis –ce qui permet d’ailleurs de donner un « petit rôle » au musicien dans l’enquête, dépassant ainsi les seules limites du décor jazzy historique. Jacob est d’emblée attachant, peut-être à cause de son handicap qui l’a rendu pugnace, et son intelligence qu’il laisse s’exprimer. Enfin, même Dante, qui mérite sans doute un certain titre d’anti-héros (on le voit se piquer bien plus d’une fois ! pour ne citer qu’un exemple) est, à l’image d’Al Capone pour qui il travaille, incroyablement humain dans son désespoir, ses regrets tout entachés de culpabilité, mais aussi son attachement pas assumé et pourtant réel envers son chien, ainsi que son désir de vivre malgré tout !

    Tout cela est toujours sublimé par une écriture apparemment neutre mais toujours très précise, au scalpel, extrêmement bien traduite qui plus est. Elle est aussi très visuelle, notamment dans les scènes d’action – le passage d’Ida sur les toits du stade (chut je n’en dirai pas plus !) est vraiment exceptionnel et m’a donné des frissons !

    C’est donc un nouveau tome magistral, qui fait écho au premier tout en étant probablement assez indépendant pour pouvoir être lu seul ; il est sans complaisance envers la ville de tous les délits, dans un contexte historique très lourd, mais avec énormément d’humanité dans tous ses personnages même les plus improbables. Pour moi une nouvelle, très grande réussite !





    Haute saison d'Adèle Bréau
    Après deux romans excellents, et dans un genre très différent, je ne m'attendais pas à une révélation... mais c'est un petit livre tout à fait correct: 15/20.

    <image>

    Synopsis : Anglet, fin juillet. À la réception du Club Océan, Germain accueille comme chaque semaine les nouveaux arrivants, avec un mélange de plaisir et d’appréhension…
    Au milieu des habitués, certains clients goûtent pour la première fois aux « joies du club ». Chantal, qui débarque sans grand enthousiasme avec ses petits-enfants, Matthias, papa solo ayant cédé à l’appel de l’option « mini-club », et Fanny, venue en famille pour tenter de resserrer les liens, vont plonger dans ce huis clos aussi enjoué qu’inquiétant, dont la feuille de route est claire : faites connaissance et a-mu-sez-vous !
    Mais qu’a-t-on à partager avec des êtres si différents ? Entre tournois de tir à l’arc, plaisirs du self et jeux apéro, ces vacanciers contraints de cohabiter parviendront-ils à rompre la glace malgré les secrets qu’ils ont emportés dans leurs bagages ? Peut-on réparer ce qui a été brisé ? Faut-il se lever à l’aube pour avoir un transat à la piscine ?


    Mon avis :
    Gentil roman de vacances sur un thème plus que remâché, je ne m’attendais pas à une révélation littéraire, et donc je ne suis pas vraiment déçue, mais ce n’est clairement pas inoubliable ! Quand je dis thème « remâché », à vrai dire je n’ai pas d’exemple qui me vienne en tête en littérature, mais côté cinéma ou télé, il y a tout un tas d’exemples. Citons notamment les célébrissimes « Bronzés » (qui proposent néanmoins une ambiance beaucoup plus années 1970 et liberté sexuelle, un peu dépassée pour certains aspects, quoique…), ou plus encore la gentille série familiale « Camping Paradis » qui, comme son nom l’indique, se déroule dans un camping et non dans un club, mais à part ça on est typiquement dans le même type de scénario : on passe une semaine en club, selon diverses motivations plus ou moins affichées, on dépose ses valises souvent bien chargées de soucis divers et variés, et on voit ce que ça donne, sous une pluie de bons sentiments et de bonne humeur parfois un peu forcée…

    Il y a une telle multitude de personnages que c’est presque difficile de bien distinguer qui sont vraiment les « principaux » dans cette histoire. Néanmoins, ils sont très vite très typés, si bien qu’on les reconnaît sans aucun problème. On commence ainsi par faire la connaissance de Fanny, femme de fort caractère, dont le couple avec Victor est en crise : vont-ils pouvoir surmonter leurs silences ? Elle est aussi maman de deux jeunes préados, dont Margaux qui découvre un premier aperçu d’un monde sans parents du haut de ses 14 ans… et qui est un personnage secondaire très principal ! On rencontre aussi Chantal, qui attend depuis 10 ans de pouvoir profiter de sa retraite, après s’être consacrée à la maladie de sa maman, perdant ainsi le contact avec sa fille et ses petits-enfants qu’elle traîne ici avec elle. On croise en parallèle Matthias le workaholic et papa tout juste séparé, qui voudrait, peut-être, réapprendre à vivre, mais ne sait pas trop comment s’y prendre. Enfin, on a un 4e personnage, le seul qui s’exprime à la 1re personne du singulier et non depuis le point de vue d’un narrateur omniscient : le très timide Germain, le gars du coin, qui vit vaille que vaille avec une lourde culpabilité à son poste de responsable de la réception du club.
    Tous ces gens et ceux qui gravitent autour d’eux se frôlent, se croisent et se rencontrent vraiment, au début à leur corps défendant, mais peu à peu une vraie relation typiquement « de vacances » mais non moins vraie et sincère, se noue entre eux, leur permettant de partager leurs fardeaux avec ceux qui étaient encore des inconnus quelques jours avant, et qui sont sensés le redevenir quelques jours après.

    C’est du typique, c’est du connu, et pour tout qui a déjà passé des vacances en club, ça a un indéniable air de vécu ! Je précise de suite : j’ai moi aussi, une et une seule fois, vécu ce genre de vacances, pas à la plage mais à la montagne en été, dans un village super-équipé pour le ski mais beaucoup moins pour les activités sans neige, et situé dans une zone touristiquement quasi-morte à l’époque et loin de tout, quelque part dans les Pyrénées françaises… Heureusement, nous avions alors trouvé çà et là quelques lieux de regain d’activité, animés par des passionnés. Quoi qu’il en soit, c’est le genre de vacances que je n’ai jamais aimées, mais ça « rassurait » mon homme, et donc on a tenté une semaine ainsi, au milieu de périple à travers la France. Est-ce pour cela que je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher aux différents personnages de ce roman ? Oh, je les ai trouvés intéressants, je n’ai pas d’autre mot, et j’avais vraiment envie de voir ce qu’il allait advenir de chacun d’eux, mais je n’ai été réellement émue par aucun d’entre eux, pas plus que je n’aurais eu envie de devenir amie avec l’un ou l’autre.

    On est donc face à une montagne de clichés, tant dans l’ambiance que dans un certain nombre de situations, il ne faut clairement pas en attendre une grande originalité car ce n’est pas ce chemin-là que prend l’autrice  – tout son art consistait plutôt à rendre ses pages tout à fait crédibles et évocatrices, et ce pari-là est réussi ! Par exemple, elle vise dans le mille et au-delà, quand elle évoque à quel point les (jeunes) enfants sont les vecteurs des relations : ce sont eux qui, avec leur innocence et leur impatience de profiter de ces vacances, vont jeter des ponts et créer des liens avec les uns et les autres, « obligeant » les adultes à se confronter. Je choisis ce dernier mot à dessein, car il s’agit vraiment d’une confrontation avec une bonne dose de mauvaise volonté dès les premières pages : j’ai trouvé le début du livre plutôt sombre et peu engageant. On insiste tellement sur les divers problèmes quotidiens des quelques personnages principaux, qu’on a juste envie de faire un pas en arrière. Vont-ils vraiment râler ainsi ou broyer du noir tout du long ?

    Et puis on continue quand même, parce que l’écriture est vive et entraînante malgré tout, et l’ensemble sent bon l’été, la plage, la mer dont on entend le ressac même quand on a une chambre sans vue… et parce que les enfants précités courent devant nous tout excités, on ne peut plus que les suivre, tenter de les rattraper et puis non ! Profitons plutôt tranquillement d’une bonne petite lecture sans prise de tête, sans folle originalité, mais qui fait du bien car elle est aussi pleine de bons sentiments qui se découvrent peu à peu… et il se lit si facilement qu’on peut tout à la fois garder un œil vaguement distrait sur les enfants qui se jettent dans les vagues, et peut-être enfilerons-nous à notre tour un maillot pour rejoindre nos têtes blondes, en laissant sur le transat ce petit roman sans grande importance mais bien sympathique ?





    Voilà, je vous laisse avec ces quelques lectures... mais il y a vraiment encore pas mal de trucs à ajouter!
    Bonne nuit!

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #123 15 Juillet 2021 23:47:39

    Re-bonsoir,

    Bon, apparemment personne n'est inspiré par ce que je lis! :ptdr:
    Je continue quand même mon suivi, au moins pour ma mémoire - il va falloir, aussi, que je remette à jour ma table des matières, qui ne contient aucune de mes lectures récentes!
    Bref, voici quelques titres supplémentaires ce soir:

    Le silence de la ville blanche d'Eva García Sáenz de Urturi
    Mi-figue, mi-raisin => 15/20

    <image>

    Synopsis : Quand le passé vient à nouveau hanter une ville…
    Dans la cathédrale de Sainte-Marie à Vitoria, un homme et une femme d’une vingtaine d’années sont retrouvés assassinés, dans une scénographie macabre : ils sont nus et se tiennent la joue dans un geste amoureux alors que les deux victimes ne se connaissaient pas.
    Détail encore plus terrifiant : l’autopsie montrera que leur mort a été provoquée par des abeilles mises dans leur bouche. L’ensemble laisse croire qu’il existe un lien avec une série de crimes qui terrorisaient la ville vingt ans auparavant. Sauf que l’auteur de ces actes, jadis membre apprécié de la communauté de Vitoria, est toujours derrière les barreaux. Sa libération conditionnelle étant imminente, qui est le responsable de ces nouveaux meurtres et quel est vraiment son but ?
    Une certitude, l’inspecteur Unai López de Ayala, surnommé Kraken, va découvrir au cours de cette enquête un tout autre visage de la ville.


    Mon avis :
    Un policier quelque peu inhabituel, mais c’est sans doute davantage lié à son contexte très espagnol que la lectrice francophone que je suis connaît en fait très peu, étant beaucoup plus habituée aux polars français, belges aussi bien sûr ;) , ou nord-américains, qu’à une histoire particulièrement exceptionnelle (quoique…) – qui, de plus, est assez sombre ! Il faut dire : je lis beaucoup de policiers (et thrillers), si bien que je deviens difficile… et j’ai lu récemment quelques livres qui sont devenus des coups de cœur absolus du genre, du coup j’étais d’autant plus attentive ! A noter que j’avais remarqué ce livre depuis plusieurs mois en libraire, mais me suis tout à coup décidé à le prendre pour deux challenges ;)

    L’autrice nous convie donc dans la ville basque de Vitoria, et oublie d’emblée (ou est-ce un choix éditorial ?) de préciser que le nom complet est Vitoria-Gasteiz – le premier en espagnol, le second en basque, si bien que les deux sont accolés pour donner son nom « officiel » à la ville. En outre, c’est apparemment cette ville qui est la Ville Blanche… mais malgré le fait qu’on se promène dans ses rues et alentours, au fil des meurtres et des errances du personnage principal, cela n’est mentionné à aucun moment, ni pourquoi cette ville porte un tel nom. À part le culte à la Vierge Blanche qui est assez central dans ce livre, le lecteur n’a guère d’indices pour faire le lien entre le lieu et son nom. Certes, nous ne sommes pas dans un guide touristique, mais quand on donne autant d’importance à des lieux et que le titre s’y rapporte, pourquoi ne pas l’expliciter un peu plus clairement ? Peut-être est-ce transcendant pour les lecteurs espagnols ? mais une fois encore : pas pour moi. Cela dit, comme mentionné plus haut : je ne pense pas que ce soit le fait de l’autrice qui, en toute logique, s’adresse avant tout à un public compatriote ; mais la traductrice et/ou l’éditeur avaient peut-être un rôle à jouer – que ce soit sous forme de notes de bas de page, certes vite barbantes, ou une « note du traducteur » plus complète en début ou fin de volume ? ? On a bien toute une page consacrée à l’eguzkilore !

    N.B. j’ai lu plusieurs critiques qui disent qu’on découvre le passé de la ville et qu’on apprend « plein de choses » sur Vitoria et la culture basque. Ah bon, vraiment ? Moi je n’ai rien appris de particulier sur le passé de la ville, « seulement » une histoire particulière d’un couple bien précis, mais qui aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs. On explore aussi les environs de la ville, certaines réalités campagnardes d’antan, mais qui, là aussi, auraient pu se passer dans nos campagnes et, à mes yeux, n’apportent pas d’éclairage pertinent sur l’histoire de ce pays basque en particulier ! Le plus marquant est la référence constante aux fêtes de la Virgen Blanca… mais dont on parle comme d’un fait connu (ou qu’on peut consulter sur Wikipedia), sans que ce soit expliqué de façon « didactique »… Oui, un certain nombre de faits locaux sont exposés, c’est même là toute l’ambiance basco-espagnole dont je parlais, c’est indéniable ; mais pour moi ce n’est pas ça, expliquer ! – et, dès lors, comment peut-on « apprendre » ? Clairement, l’autrice s’adresse à un public qui connaît, ou qui a une culture suffisamment proche pour appréhender certaines subtilités sans avoir l’impression de creuser un puits de questions auxquelles il n’y a pas vraiment de réponses… ou en tout cas je n’ai pas réussi à me les approprier à travers ce livre.

    Je disais donc, on l’a peut-être compris : j’ai eu du mal à bien entrer dans ce livre, et cela a duré une bonne première moitié. Comme mentionné ci-dessus : c’est l’ambiance très locale, basco-espagnole qui m’a un peu gênée.
    J’oublie de préciser, j’aurais peut-être dû le dire d’emblée : j’ai appris l’espagnol, et je le parle même plutôt convenablement, après plusieurs voyages en Amérique latine notamment. Mais ici c’est différent, rien que les noms des protagonistes sont surprenants et il faut un temps d’adaptation pour être certain qu’on a bien compris qui est qui. Pour citer un exemple : le personnage principal s’appelle Unai, mais on l’appelle le plus souvent par son surnom « Kraken » (qui lui a été collé à l’adolescence à cause d’une croissance aléatoire ; surnom inspiré du monstre légendaire, qui n’a rien de basque ni d’espagnol soit dit en passant), ou bien encore ses supérieurs l’appellent par son nom « Ayala »… sauf que son nom complet López de Ayala, alors ?! tout cela, une fois encore, est très espagnol, et déconcertant quand on y est confronté à chaque page. Autre exemple : on nous présente d’emblée sa coéquipière comme « Esti », ok c’est inhabituel mais ça passe, pourquoi pas après tout. Mais quand tout à coup elle devient Estíbaliz, d’abord je me suis demandé si on parlait bien de la même, eh bien oui, alors est-ce son prénom complet ou son nom ? et en fait c’est bien son prénom… mais à part très localement dans ce pays basque profond et si peu connu du lecteur francophone lambda, qui connaît un tel prénom ? (et bien sûr, çà et là on lui donne aussi son nom de famille « coupé », quand Ruiz de Gauna est limité à Gauna)

    Au-delà de cette adaptation nécessaire à une culture certes intéressante, mais trop locale pour être appréhendée avec aisance, ce sont les dialogues qui m’ont posé problème. Car, pour moi, la plupart ne sont pas des dialogues… Les divers protagonistes donnent leur avis, leurs idées, partagent avec les autres, à coup de longues tirades en forme de monologues, sans aucune interruption. On n’entend pas les toussotements de leurs interlocuteurs, les pieds des chaises qui frottent le sol, le bruit de leurs pas rythmés sur le sol (lors de leur footing matinal) ou du verre qu’on pose un peu trop brusquement sur la table d’un bar ; on ne voit pas les interlocuteurs acquiescer ou au contraire lever les yeux au ciel. Non, c’est une suite de (longs) monologues que personne ne tiendrait jamais dans une conversation orale normale ! Pire : on a même parfois des incursions dans un vocabulaire recherché, intéressant certes, mais qui ajoute à l’absence de naturel. Or, il ne suffit pas de mettre un tiret devant le paragraphe d’un cours magistral pour en faire un dialogue !… Il faut que ce dialogue « vive », qu’on ait l’impression de l’entendre comme si c’étaient des voisins dont on surprend la conversation : il aurait fallu alléger le discours, et ajouter quelques tirets pour glisser les interventions des interlocuteurs, et le tout serait devenu beaucoup plus digeste et agréable.

    Et pour terminer sur ce départ raté : c’est aussi dans cette première moitié du livre que l’autrice insère l’histoire d’un médecin dans les années 1970, sans aucun lien apparent, de quelque façon que ce soit, avec les événements en cours en 2016. Ces chapitres apparaissent à un rythme espacé mais régulier. Au premier, on est intrigué ; au deuxième, encore un peu plus ; au troisième, c’est l’irritation qui apparaît : va-t-elle enfin nous donner une clé, aussi petite soit-elle, au lieu de nous mener en bateau de cette façon qui finirait par me faire décrocher ? car le suspense, c’est bien, mais un suspense un peu trop plat et sans aucun indice, c’est surtout lassant.

    Et puis, passé les 50% affichés sur ma liseuse, enfin ! devrais-je dire, je ne sais pas si l’autrice a joué avec ses effets, ou si elle s’est elle-même laissé aller à écrire de façon plus spontanée et dès lors plus entraînante, mais tout à coup l’intrigue s’accélère, l’action s’emballe, des liens se font dans la tête du lecteur, avec juste assez de ruse de la part de l’autrice pour qu’aucune réponse ne soit jamais donnée. Au contraire : chaque nouvelle « clé » (car enfin de vrais indices sont semés et semblent prendre sens) ouvrent une porte qui va nous conduire à une nouvelle pièce apparemment vide où tout est à recommencer. L’autrice nous balade, au sens propre comme au sens figuré, et on se prend au jeu. Tour à tour on suit la police avec impatience quand on comprend qu’on est sur la même longueur d’ondes qu’eux (mais on aboutit à l’une ou l’autre impasse), parfois on a envie de les secouer car on a compris certaines choses avant eux, ou au contraire on ne voit pas trop vers où ils vont mais on les suit sans hésiter. L’intrigue est devenue haletante, un vrai échange avec le lecteur !
    Pour tout dire : même les dialogues, tellement lourds au début, semblent désormais naturels… ou alors, ce livre est-il tellement devenu un page-turner dans sa deuxième moitié, qu’on ne voit plus les défauts tellement apparents au début ?
    En tout cas, on va de rebondissement en révélation, de retournement de situation en surprise. On met les indices bout à bout et on croit comprendre et puis non… donc notre attention ne cesse d’être entretenue. Ça ne s’arrête plus, c’est trépidant, et on s’attache plus que jamais aux pas d’Unai qui deviendrait presque, vraiment sympathique.

    L’écriture, à mes yeux, est donc assez inégale. Intéressante mais trop recherchée et peu naturelle dans la première moitié, et puis tout à coup plus qu’emballante dans la seconde moitié – et tant mieux car ainsi on ferme le livre sur une note très positive ; mais j’aurais préféré une plus grande fluidité dès le début, et ainsi une plus belle harmonie sur l’ensemble !
    Quant aux personnages, pour moi le plus attachant a été… le tueur ! avant même qu’on sache exactement qui c’est, mais quand on comprend ses motivations, et malgré tout le mal qu’il a fait, il est probablement celui qui touche le plus profondément. En revanche, parmi les « bons », l’autrice n’a pas réussi à être convaincante dans la dimension dramatique qu’elle semble vouloir leur donner. Elle nous raconte l’histoire d’Unai dans un de ces dialogues qui n’en est pas un, une histoire (triste, évidemment) dans laquelle il y a bien une certaine émotion… mais qui ne parvient pas tout à fait à toucher, sans doute à cause de son ton trop magistral, si bien qu’on en ressort davantage avec un sentiment de frustration étonnée qu’une réelle compassion. De même, l’histoire d’amour naissante d’Unai semble prometteuse. Elle est à peine évoquée, mais on la « sent », c’est presque beau dans une certaine langueur… et puis quand tout à coup elle se concrétise, c’est presque brutal et on ne comprend plus où sont les vrais sentiments – en tout cas, pour le coup, je n’ai pas réussi à suivre le cheminement de notre anti-héros, dans cette histoire qui occupe quand même une place importante…
    Enfin, ce sont plutôt un certain nombre de personnages secondaires qui, à cause de leur côté un peu abrupt, dans le sens où ils sont moins « travaillés » que la vie présentée d’Unai, et dès lors plus crédibles, sont émouvants à leur façon aux yeux du lecteur : mention pour les deux hackers avec qui la police va « travailler », ou le grand-père d’Unai et sa sagesse populaire liée aussi à son grand âge.

    Ainsi donc, je ne peux pas dire que ce livre ne m’ait pas plu, au contraire, je suis même assez curieuse de lire le 2e tome (qui date de 2017 dans sa version espagnole !). Mais l’ambiance très locale déconcertante (et que ni le traducteur, ni l’éditeur n’ont veillé à éclairer davantage, de quelque façon que ce soit) et l’écriture assez inégale (lente et style « cours magistral » dans la première moitié, puis heureusement haletante ensuite) laisse un sentiment malgré tout mitigé, de même que l’attachement aux personnages est aléatoire : on aime le tueur ou certains personnages secondaires très typés, tandis que les personnages principaux ne parviennent pas tout à fait à toucher. J’espère être davantage (dans le sens « plus positivement) surprise avec le 2e tome… que, non, je ne tenterai pas de lire en espagnol (même si j’ai zyeuté le début sur ma Kindle), on attendra sagement sa sortie en français !





    Oscar Wilde et le jeu de la mort de Gyles Brandreth
    Je ne savais pas trop à quoi m'attendre... mais j'ai été tout à fait déçue! 12/20

    <image>

    Synopsis : Facétieux Oscar Wilde ! Après avoir choqué le monde par ses boutades lors de la première triomphale de L'Eventail de Lady Windermere, le voici qui propose à ses amis une curieuse activité pour les distraire : le jeu de la mort. Chacun inscrit sur une feuille le nom de la victime de son choix et aux participants de deviner qui veut tuer qui. Mais quand la Mort commence à frapper les victimes potentielles dans l'ordre exact où elles ont été tirées, le drame succède à la comédie. Flanqué de son fidèle ami Robert Sherard, et assisté par Arthur Conan Doyle et par le peintre Wat Sickert, Wilde mène l'enquête avec plus de zèle que jamais. Car son nom et surtout celui de sa femme figurent sur la liste funèbre...

    Mon avis :
    Mais quelle lecture pénible ! Selon le mot d’ordre à la « bienveillance », actuellement très à la mode, je ne vais pas lancer des tomates sur ce livre, je vais plutôt préférer dire qu’il ne m’a pas convenu… mais c’est au point que, si je ne m’étais pas engagée à le lire dans le cadre d’un challenge en équipe, je l’aurais abandonné après quelques pages seulement ! Pire : dans mon enthousiasme pour ledit challenge, j’avais carrément acheté les trois premiers tomes de cette série – heureusement à prix modique et en occasion, ces livres n’étant pas disponibles en format Kindle, mais je n’ose imaginer comme j’aurais râlé si je les avais payés au prix plein dans une autre édition qu’en poche ! J’ai commencé par le n° 2 pour les besoins dudit challenge, je n’ai à aucun moment été gênée par le fait d’avoir manqué le premier tome (ou alors sans m’en apercevoir), reconnaissons au moins ce mérite. Mais pour le reste…

    D’abord, ce livre est prétendument un Policier… mais l’enquête policière n’est qu’un vague prétexte qui se dilue dans une toute autre histoire : une tranche de vie, véritable mini-biographie d’Oscar Wilde. C’est sans doute intéressant… mais quand je choisis de lire un polar, c’est pour lire un polar, pas une biographie déguisée, dans laquelle l’enquête se noie à peu près complètement. J’ai lu certains commentaires disant que la résolution est évidente ; moi je l’ai trouvée alambiquée, mais de toute façon sans aucun intérêt – oui, vraiment : un prétexte alléchant pour écrire tout autre chose, et cette autre chose ne m’a absolument pas séduite !

    Pour tout dire, à la base, je ne suis pas fan de l’époque victorienne… Certains la vantent, la louent, comme une époque extraordinaire : vraiment ? Les hommes plus ou moins fortunés passent leur temps de bar en restaurant, cigarette ou cigare au bec, à goûter les meilleurs vins tout en discutant de qui est gentleman ou pas, tandis qu’ils méprisent « le peuple » (et les personnes de couleur) avec une telle condescendance que ça en est indécent. Les femmes sont présentées comme de pauvres petites choses, jolies à 20 ans, corsetées avec tous les désagréments (et risques !) que cela suppose, puis laides et grosses passé leurs grossesses – et si c’est vrai (j’en suis un exemple vivant), c’est particulièrement malséant dans la bouche d’un dandy décrit lui-même comme mou et obèse ! Elles ont droit à leurs premiers magazines féminins… dont les rédacteurs en chef sont des hommes ! L’homosexualité est un crime, punissable de plusieurs années de travaux forcés ! Dois-je continuer ?...

    Soyons juste : on peut reconnaître au moins un atout à ce livre, pour qui aime cette époque (et qui me trouvera sans doute bien des arguments pour la défendre ;) ) : l’ambiance propre à l’entourage d’Oscar Wilde est sans aucun doute bien rendue. Tous les éléments y sont, quoi qu’on en pense, entre les moyens de transport tels que cabs ou fiacres, les pièces de théâtre qui avaient alors du succès (ou pas), quelques inventions intéressantes (comme les serrures de toilettes publiques que l’on peut ouvrir avec une pièce d’un penny, ou la mise en place de règles pour la boxe !), et j’en passe. Le tout a un ton définitivement désuet, résolument voulu. Le personnage principal peut être vu comme adorable par ceux qui l’apprécient, mais profondément arrogant et agaçant pour les autres – dont moi. Je n’ai jamais lu que des extraits de ce qui est considéré comme son œuvre majeure, et jamais par choix : c’est lors de mes études en traduction que j’ai eu l’un ou l’autre cours sur le sujet, et sur les différentes traductions (en français) dont ladite œuvre a déjà fait l’objet. Rien de tout cela ne m’a jamais convaincue… mais bon, c’est ainsi : je ne suis pas lectrice de « classiques » quels qu’ils soient, et si je me risque parfois à en lire l’un ou l’autre pour ma culture, ce n’est jamais avec grand enthousiasme, et Dorian Gray me tente encore moins que bien d’autres romans d’avant la fin du XXe siècle !

    Cela dit, bien au-delà d’une certaine ambiance qu’elle parvient à créer, ce genre d’écriture qui prétend « faire d’époque » présente un problème majeur. Ainsi, tout en retraçant une biographie en lieu et place de l’enquête espérée, l’auteur use et abuse d’un style ampoulé et désagréable. Dès les premières pages, j’ai spontanément pensé à ce bon vieil adage que les anciens de mon village répétaient autrefois quand l’un ou l’autre de la bande de jeunes dont je faisais partie voulait, sans le savoir, faire part de ses maigres connaissances avec cet air supérieur que seule l’adolescence pardonne : « La culture, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale. » Bon, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, en l’occurrence : je ne porte ici aucun jugement sur la culture de Gyles Brandreth, il est clairement passionné par Oscar Wilde et tout ce qu’il raconte sur cet auteur irlandais devenu personnage, ainsi que sur ses fréquentations bien réelles qui trouvent aussi leur place dans ce livre (dont le très insipide narrateur, Robert Sherard), repose sur des faits avérés et vérifiables.
    Mais alors, qu’est-ce qu’il étale !... On en a jusqu’à l’indigestion, de cette confiture victorienne, et ça n’en finit pas, et ça dégouline à coups de citations de divers auteurs qu’Oscar Wilde semblait apprécier (dont beaucoup de Shakespeare) – ou pas, renvoyant à autant de notes de bas de page qu’on ne compte plus, sans parler des nombreux italiques « en français dans le texte ». C’est lassant, c’est répétitif et sans surprise, c’est interminable !

    Non, décidément, rien ne m’a vraiment plu dans ce livre et, si je ne lui donne pas une note désastreuse, c’est parce que je crois malgré tout que ça peut plaire à d’autres, qui seraient plus sensibles à l’époque mise en scène, plus familiers de (et séduits par) le personnage principal, ou moins regardants face à la quasi-absence de réelle intrigue policière.





    Earthend, intégrale de Gillian Anderson & Jeff Rovin
    Avis en demi-teinte: 15/20

    <image>

    Synopsis : Partout sur la planète, des adolescents sans aucun lien commencent à présenter des symptômes inexplicables. La fille du représentant indien à l'ONU se met à parler une langue qui n'existe pas et souffre de violentes visions. Une jeune Haïtienne manque de se noyer sur la terre ferme. Un étudiant iranien s'immole par le feu...
    À New York, la célèbre psychologue pour adolescents Caitlin O'Hara est chargée de traiter la fille de l'ambassadeur indien, qu'elle pense être sous le choc des tensions qui menacent son pays et pouraient bien mener à une guerre nucléaire. Mais très vite, Caitlin est obligée de reconnaître qu'elle a affaire à un phénomène plus sinistre encore, lié à des forces issues d'une civilisation disparue.


    Mon avis :
    Encore une trilogie vendue en intégrale chez Belgique Loisirs. Je ne l’aurais probablement pas vraiment regardée dans un contexte « normal », mais depuis que je suis sur LA et ses différents challenges proposés par les autres participants, je me tourne vers des livres qui ne m’auraient pas aussi vite attirée autrefois.

    Cela dit, je constate que ce format ne me convient pas forcément… Avec mon incapacité viscérale à abandonner un livre en cours (même si la liste de tels livres s’allonge !), je ne peux pas juste me dire : je lis un tome puis j’arrête pendant x semaines, non, je ne peux m’empêcher de poursuivre… et si en plus c’est pour les besoins d’un challenge en particulier, on y va ! ;) Il n’en reste pas moins, sauf si je suis vraiment embarquée dans l’histoire et ne peux lâcher de tome en tome, je n’aime pas trop ainsi enchaîner les différents opus… et donc on l’a compris : ici, même si l’histoire ne m’a pas trop déplu, je n’étaiss pas emballée au point de vouloir à tout prix poursuivre la saga d’une traite ! Du coup, mon avis risque d’être un peu plombé par cette « obligation » d’avoir dû terminer toute l’intégrale, dans un délai précis qui plus est…

    Ah, et avant de plonger à mon avis par tome (quand même ! ;) ), il y a un détail en particulier qui m’agace avec ce livre : c’est qu’il a été co-écrit, il y a bien deux auteurs… mais celui de l’autrice, et surtout actrice célèbre, apparaît en super-grand (pour mieux vendre, je suppose ?), alors que le co-auteur apparaît en nettement plus petit… N’a-t-il donc écrit qu’une phrase sur dix – toutes proportions gardées ? c’est d’autant plus absurde que le fait d’être une actrice connue ne garantit en aucune façon d’avoir une bonne plume, mais bon… Que les Américaines y aient cru, c’est une chose, mais qu’un éditeur francophone ait reproduit la chose, je ne comprends vraiment pas.

    Tome 1 : Visions de feu

    La première chose qui m’est venue à l’esprit dès les premières pages, c’est : mais que c’est américain ! Précision pour mes amis canadiens qui me lisent (peut-être) : j’entends « américain » au sens que nous donnons spontanément ici et qui n’est pas exact géographiquement, car on se réfère alors uniquement aux Etats-Unis d’Amérique, sans doute car ils sont ceux qui ont le mieux réussi à nous bombarder de leurs productions culturelles – quoi qu’on entende par ce dernier mot.
    Cela rejoint sans doute aussi ce que j’écrivais plus haut, d’une certaine façon : on « sent » l’actrice, ou plus précisément, la personne qui sait ce qu’il faut montrer aux caméras pour que ça marche, qui a l’habitude des scénarios à succès, et qui s’y risque à son tour, son co-auteur n’étant plus qu’un faire-valoir pour mettre le tout en forme ? Évidemment je ne sais pas comment ils ont travaillé ensemble, mais vu le pedigree de l’un et de l’autre, on se les imagine se partageant les tâches de la sorte, comme si on était à côté d’eux…

    Et donc, pour revenir au livre même : même s’il n’a pas la structure d’un scénario, ce premier tome en a bien les ingrédients. Il est extrêmement visuel, on suit Caitlin et les différents autres personnages comme s’ils étaient filmés et qu’on assistait au film. C’est une qualité que j’apprécie généralement dans un livre !
    Sauf que, il ne faut pas non plus se leurrer : il ne suffit pas de remplacer la plume par une caméra pour avoir un tout bon livre ! Et ici, hélas, d’autres éléments jouent plutôt en sa défaveur… Le premier est sans doute le revers de cet aspect cinématographique : à force de vouloir tout montrer, jusque dans les détails, certes très visuels eux aussi, mais détails quand même, on finit par se perdre un peu, et à ressentir une certaine longueur. C’est cette impression que l’intrigue avance, certes, mais à un tempo beaucoup trop lent par rapport à l’excitation qu’on devrait pouvoir ressentir dans cet univers si prenant. J’imagine que, dans un film, des effets spéciaux jouant sur les sentiments, à la limite de la terreur, auraient suffi à maintenir l’attention sans faille ; mais les seuls mots, malgré tout leur pouvoir d’évocation, ne suffisent pas quand on insiste aussi longuement. Je ne me suis pas tout à fait ennuyée, ce n’est pas ça, mais par moments je me disais : « ok on a compris, on peut passer à la suite maintenant – et bouger un peu ? ».

    Enfin, c’est sans doute un autre détail mais il est bien là et c’est un autre point faible pour ce livre : à travers toute l’histoire qui se situe entre une certaine science-fiction bien un peu horrifique, et un pseudo-ésotérisme dont on ne reçoit que quelques maigres clés (il faudra avancer dans les tomes suivants pour en savoir davantage), on a aussi une romance entre Caitlin la psy, et Ben son tellement gentil ami interprète à l’ONU, que l’on sent très amoureux d’elle, et elle le lui rend peut-être. Mais là aussi, c’est une histoire de « je veux, je ne veux plus, je veux quand même », très lente et complètement engluée dans cette pudeur très américaine, qui a aussi quelque chose de très artificiel ! Je ne dis pas que j’aurais voulu davantage de scènes de sexe, ce n’est pas du tout nécessaire. Mais disons que Caitlin, qui est présentée de bout en bout comme une scientifique surdiplômée, très intelligente, reconnue dans sa profession, rationnelle et qui met toujours la raison en avant même dans les conditions surnaturelles de la présente histoire, et à part ça femme libérée qui a « fait un enfant toute seule », et ainsi devenue mère d’un enfant handicapé qu’elle assume parfaitement… eh bien, dès qu’il s’agit de Ben, elle se comporte en gamine (limite vierge) effarouchée qui ne sait pas vraiment ce qu’elle veut ! Toute la contradiction de la femme, peut-être, mais ici c’est tellement exagéré que ça n’en est plus crédible.

    Bon, à part ça, de façon générale, ce tome 1 – comme c’est souvent le cas pour des tomes 1 – présente les choses plus qu’il n’en dévoile, tout en proposant une histoire certes lente mais plutôt bien ficelée. On s’attache aux personnages, à Ben l’éternel amoureux éconduit, à Caitlin même dans ses côtés agaçants, à son fils Jacob bien sûr ; et alors, tous les personnages secondaires contemporains ont une « présence » (sans doute, une fois encore, très cinématographique) qui fait qu’on les suit avec plaisir et anticipation (parfois même angoisse) eux aussi, et cela va jusqu’au chien de la jeune Maanik, le bien-nommé Jack London, j’adore ! J’ai eu plus de mal avec les quelques personnages secondaires de l’autre civilisation, ou avec ceux du « Groupe », car les uns comme les autres sont à peine effleurés, on en sait trop peu pour vraiment comprendre les choses, de plus ils ne sont pas présentés sous un jour particulièrement enthousiaste – on ne sait pas trop bien s’ils sont les bons ou les méchants, et clairement, dans cet univers finalement assez manichéen, tout est fait pour que seuls les bons avérés aient une chance de se distinguer !

    Bref, une bonne histoire mais pas exceptionnelle, dans un style très cinématographique qui oublie que la littérature a besoin de plus de mouvement, car l’imagination du lecteur (qui n’est donc pas dans la tête des auteurs) ne suffit pas à combler les lenteurs qu’une caméra aurait peut-être remplacée par des effets spéciaux spectaculaires.

    Ma note pour ce tome I : 15/20


    Tome 2 : Rêves de glace

    Je crois que je pourrais recopier mot pour mot ce que j’écrivais pour le 1er tome… L’écriture est toujours aussi cinématographique, mais présente toujours autant de longueurs ! On a perdu des personnages attachants comme Maanik, et j’avoue que je m’attendais à la revoir et que j’ai presque été déçue que ce ne soit pas le cas – c’est là qu’on comprend qu’elle n’avait qu’un rôle, certes important mais « de passage », dans le premier tome uniquement. En revanche, l’archéologue membre du fameux Groupe, dont on ne comprend toujours pas les motivations (ni du Groupe, ni de l’archéologue même, que l’on comprend peu à peu se poser des questions à propos de son employeur), devient un personnage réellement de premier plan. Or, s’il est d’un abord plutôt sympathique, il est aussi trop ambigu pour qu’on s’y attache vraiment… et l’expérience qu’il fait dans ce tome, expérience qui est décrite en long, en large et en interminabilité, s’envole peu à peu vers des territoires éthérés.
    Certes, on s’y attendait en partie, le synopsis de ce tome (quand il est vendu seul) le laisse entendre, et le 1er tome y préparait de toute façon. Mais pour ma part, j’ai de moins en moins accroché, je crois même que j’ai carrément décroché par moments.

    Je suis assez partagée sur mon appréciation de ce tome, à vrai dire. J’hésite vraiment entre une certaine admiration (ou quelque chose qui y ressemble) pour la création d’un univers particulier, cette ancienne civilisation aux aspects très ésotériques et pourtant très proche de la nôtre d’une certaine façon. On ne croit pas une seule seconde qu’elle ait pu exister, mais elle est présentée d’une façon presque didactique, les choses sont expliquées et répétées, il y a des comparaisons que font les personnages avec ce qu’ils connaissent de notre époque, et ainsi servent de repères au lecteur. Mais c’est long, long, long… on est bien davantage dans le trip ésotérique un peu fumeux (au sens propre comme au sens figuré) quand dans l’action, ça manque terriblement de rythme.
    Effet accentué par le fait que, comme je mentionnais plus haut, l’intrigue est principalement partagée entre Caitlin et ce fameux Mikel… or, je n’ai plus eu de plaisir qu’à suivre Caitlin, alors que les passages sur Mikel me laissaient entre lassitude, questionnement et une certaine irritation face à ce personnage à qui les auteurs n’ont pas réussi à donner de vrai relief. Dommage !

    Ma note pour ce tome 2 : 14/20


    Tome 3 : La tempête

    Enfin ça bouge un peu ! Rien ne devient vraiment rythmé, on n’en est pas à ce stade-là, mais Mikel prend enfin une certaine ampleur en s’affirmant davantage – même s’il reste plus ou moins manipulé, au moins désormais on « sent » qu’il a un avis et ce qui ressemble à des convictions issues de sa petite enfance. Il n’en devient pas tout à fait attachant, mais au moins il n’est plus irritant et on le suit désormais avec ce qui ressemble à de la curiosité.

    Caitlin quant à elle devient de plus en plus intéressante, ses allers-retours entre les deux civilisations maintiennent l’attention plus que jamais, et le lien profond qu’elle a avec son fils, son réel souci de mère qui s’inquiète pour lui quand ça ne va pas, et qui ferait n’importe quoi pour lui venir en aide, même prendre les risques les plus insensés, ça paraît tellement réaliste (à mes yeux du moins) que ça la rend encore plus attachante qu’elle n’était au début ! Ces passages-là, comme dans le 1er tome (mais ils étaient un peu moins nombreux et moins « centraux », du coup je n’avais même pas pensé à les mentionner), sont non seulement comme une « ossature » autour de laquelle s’intègrent les différents éléments du livre, mais en plus ils touchent profondément, et dès lors sont hautement appréciés.
    On aime aussi le retour d’un des personnages marquants du 1er tome – même si je n’ai pas tout à fait compris le pourquoi du comment

    Quant à l’ambiance… elle me laisse dubitative. On a quitté les aspects limite horrifique du 1er tome (et complètement absents dans le 2e), au profit d’un climat plus tendu : ici on est vraiment dans le thriller, des méchants très méchants qu’on parvient enfin à identifier, et dont on a envie de comprendre les motivations plus que jamais, pour mieux les faire tomber.
    En revanche, ce thriller aux accents ésotériques s’accompagne d’une grande part de mystique, qui en plus va crescendo, jusqu’à un climax complètement éthéré et très peu crédible – du moins c’est ce que j’en ai ressenti, mais en dire davantage serait du spoil, là je suis déjà à la limite ! Mais disons que le message presque « religieux » autour de cette civilisation tellement proche de la nôtre par certains aspects, et cette dichotomie, présentée avec beaucoup d’insistance dans cette langue cinémato-didactique que manie si bien ce duo d’auteurs, entre Prêtres (sic !) et scientifiques appelés « Technologues », ça ne m’a pas paru tout à fait innocent et m’a dès lors profondément dérangée.

    Bref, l’aspect plus rythmé bienvenu de ce dernier tome est contrebalancé par une insistance ésotérique un peu trop lourde, si bien que je referme le livre avec le sentiment d’une légère déception, surtout par rapport à ce qu’on aurait pu espérer au départ. Ca n’en reste pas moins un bon livre… mais à lire quand on a le temps, et dans une disposition d’esprit plus ouverte peut-être que la mienne ?

    Ma note pour ce tome 3 : 15/20

    => soit une moyenne de 14,67 que l’on arrondira à 15/20 (dommage que l’on ne puisse pas mettre 14,5, car ce serait plus proche de la réalité ! mais mettre 14 ne serait pas tout à fait juste)




    Foxcraft, tome 1 : Les possédés d'Inbali Iserles
    Un gentil 15/20...

    <image>

    Synopsis : Isla et Pirie sont deux renardeaux qui vivent en marge de la ville avec leur famille. Dans leur tanière, ils sont à l'abri des sans-fourrures qui les considérent comme des vermines. Mais un jour, alors qu'Isla cherche à rentrer chez elle, elle découvre que son terrier a pris feu. Sa famille a disparu et des renards inconnus rôdent dans les environs, poussant la jeune femelle à fuir en direction du monde froid et hostile des sans-fourrures. Seule, affamée et inquiète, Isla cherche sa famille, en vain. Alors qu'un énorme chien s'apprête à la dévorer, un renard nommé Siffrin la sauve in-extremis. Siffrin est lui aussi à la recherche du frère d'Isla. Il aurait un rôle important à jouer dans un conflit qui menace le monde des renards...

    Mon avis :
    Un petit livre dans la plus pure lignée de la « Guerre des clans », d’ailleurs il est indiqué d’emblée (sur le 4e de couverture) que l’autrice fait partie du groupe de co-auteurs Erin Hunter, qui a créé ladite Guerre. Mais ici, au lieu d’être au milieu de chats sauvages (les seuls que j’aie lus d’Erin Hunter, et uniquement le 1er cycle), on se retrouve au milieu de renards, qui sont aussi, plus encore que les chats de la Guerre des clans, pourvus de vagues pouvoirs fantastiques, qui sont restés « Foxcraft » en français aussi - c’est clair que « la ruse (ou l’art) des renards », ça faisait tout de suite moins ésotérique !

    Ces pouvoirs sont évoqués, quelques-uns sont peu à peu montrés au lecteur, mais comme dans tout bon tome 1, on ne va guère en profondeur, on les présente en les effleurant à peine, pour mieux laisser entendre qu’ils seront développés « plus tard »… comme tout le reste de l’intrigue d’ailleurs : qui est exactement Siffrin qui va tant aider Isla malgré un passé trouble dont il ne veut rien dire ? Que va devenir le grand loup Farraclaw qui intervient relativement peu mais qu’on devine avoir une importance qui n’est pas encore dite ? Et surtout, qu’en est-il du frère d’Isla, le fameux Pirie que tout le monde semble chercher plus ou moins désespérément pour des motifs divers ? Toutes ces questions sont posées, et pour toutes on trouve peu à peu quelques indices, mais bien entendu rien n’est résolu en aucune façon !

    A part ça, le point de vue d’une jeune renarde est intéressant et bien rendu, de façon très réaliste et facilement identifiable, entre sa peur des fameux « peaux-nues » (que le synopsis présente assez bizarrement comme des « sans-fourrures », nom qui, sauf erreur de ma part, n’apparaît pas une seule fois dans le livre même, on y parle bien – et uniquement -  de « peaux-nues » !) ou de leurs « broyeurs » aux yeux aveuglants qui parcourent inlassablement les routes appelées, sans surprise, « rivières ». Car cette jeune renarde vit bel et bien en ville, ou du moins à la lisière des faubourgs, mais n’est plus tout à fait sauvage. Ainsi, elle vit en marge de cette société humaine, se mettant plus qu’à son tour dans des situations dangereuses, comme on peut les imaginer ! Je me les représente plus que jamais, à vrai dire, car bien que j’habite en pleine ville, capitale même ; or, le confinement de l’année passée a rendu plusieurs animaux sauvages plus téméraires, et nous avons croisé à plusieurs reprises… un (magnifique) renard ! en plein milieu du jardin partagé de l’immeuble !

    Bref, c’est un livre agréable, qui présente des personnages sympathique même s’ils sont relativement peu analysés. Clairement, on est dans un livre jeunesse, et pour de grands enfants ou jeunes préados pas trop regardants à une analyse fine des personnages (Isla est d’emblée une héroïne un brin colérique, mais ça ne va jamais beaucoup plus loin) et qui se laisseront emporter par une succession de rebondissements assez soutenue : comme Isla, le lecteur n’a pas trop le temps de souffler, et enchaîne les pages avec une certaine impatience.

    En revanche, pour un adulte plus difficile, une éventuelle lecture à un 2nd niveau (comme c’est parfois le cas dans ce type de littérature) est plus ambiguë, et pour moi assez peu convaincante. On peut y voir une certaine critique de notre façon de nous comporter envers la vie sauvage : il y a une indéniable dénonciation des zoos, ou comment nous, ces fameux peaux-nues, pouvons nous amuser à aller regarder des animaux sauvages enfermés ? éternel débat dans lequel les partisans de la liberté à tout prix s’opposent systématiquement à ceux qui y voient davantage une préservation ultime de tant d’espèces menacées. Et bien sûr, pour en revenir aux renards, on dénonce également les campagnes systématiques de ramassage de la « vermine » et leur euthanasie au fur et à mesure. Pour ce qui est de la dernière, je ne suis pas certaine que de telles campagnes existent encore par chez moi, je me suis sentie bien peu interpelée… Quant aux zoos, je fais indéniablement partie de ceux qui se réjouissent des multiples naissances de bébés pandas enregistrées à Pairi Daïza (« zoo » que j’adore ! d’ailleurs je suis abonnée…), assurant ainsi une reproduction, autrement très compliquée à l’état sauvage, et avec la promesse d’une réintroduction dans leur habitat naturel ! même s’il est clair que, malgré l’espace et la qualité des soins qui sont donnés à ces « prisonniers », rien ne vaut la liberté, du moins quand elle est possible avec suffisamment de pérennité.

    Quoi qu’il en soit, l’impression générale laissée par ce livre est qu’on reste constamment dans une certaine superficialité : l’évocation des pouvoirs réels de cette fameuse « foxcraft » est trop vague, le personnage de Siffrin est trop équivoque pour qu’on sache si on peut s’y attacher ou s’il est vraiment détestable, le caractère d’Isla n’est pas assez approfondi… C’est l’action qui est primordiale et qui fait tourner les pages, mais ce n’est pas tout à fait suffisant, et j’hésite à entamer le tome 2 – que j’ai acheté mais, même si j’ai envie d’en savoir plus, je crains tout autant qu’on reste dans ce ton qui en dit un peu mais pas assez ! Or, si c’est tout juste acceptable pour un tome 1, ça risque de devenir frustrant si ça perdure !





    Vieux criminels de Nicolas de Crécy
    16/20

    <image>

    Synopsis : « Extorquer des fonds, ouvrir des bouteilles avec les dents, faire l’amour dans un motel !…
    Tu te souviens ? »
    Ils ont connu la gloire sous le nom de Bonnie Parker et Clyde Barrow, quand ils semaient la mort le long des routes du Texas. À présent, ils sont Éva et Claude et vivent planqués de ce côté de l’Atlantique, dans cette France où Valéry Giscard d’Estaing sera bientôt président. Ils tiennent le lavomatique d’une localité perdue des Cévennes, dissimulant ainsi un commerce illicite de poudre blanche. Mais les clients sont rares, la boutique périclite et les truands doivent revenir à leur passion de jeunesse, le hold-up. La tentative est un naufrage. Après une fuite piteuse, Éva et Claude s’égarent dans un sous-bois où ils découvrent, effarés, l’être le plus vulnérable qu’il soit donné de rencontrer.
    Pour ce premier livre de littérature générale, Nicolas de Crécy imagine un récit d’une originalité totale, une farce baroque qui met en scène une formidable galerie de personnages et où l’humour noir fait des merveilles.


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre en librairie, attirée par le titre et la couverture (qui ne ressemble à rien !), puis comme tant d’autres, je l’avais reposé en attendant un autre jour d’inspiration… jour qui est venu bien plus tôt que prévu mais autrement : peu après, ce livre est apparu dans le catalogue virtuel de ma bibliothèque, du coup je n’ai plus hésité.
    J’ajouterai d’emblée que, contrairement à plusieurs auteurs des critiques lues çà et là sur les différentes plateformes de lecteurs, je ne connaissais pas du tout l’univers de Nicolas de Crécy. N’étant pas (ou que très rarement) lectrice de bandes dessinées et autres, pour moi c’était un illustre inconnu.

    Mais le plus surprenant, finalement, c’est que j’avais interprété spontanément « l’odyssée cévenole de Bonnie & Clyde », telle que ça apparaît sur le bandeau du livre, au figuré : dans mon esprit, et sans trop m’attarder sur le 4e de couverture, on allait trouver là une histoire locale campagnarde d’un couple de criminels… mais pas du tout ! L’auteur prétend vraiment nous présenter le mythique couple meurtrier, qui aurait mis en scène sa fin, laissant d’autres se faire abattre par les balles de la police en Louisiane, tandis qu’eux s’enfuyaient vers la France, où ils se seraient réinstallés sans trop d’éclat (pour ne pas être arrêtés) mais en poursuivant une vie en marge, jusqu’à aboutir au fin fond de la campagne cévenole à un âge désormais avancé – on est en 1976, on fêtera notamment les 67 ans de Clyde dans le courant du livre.
    C’était improbable, ça paraissait « trop », et pourtant ça s’avère vraiment bien ficelé et tout à fait crédible.

    Mais là où le synopsis, suivi par certains critiques, voit de l’humour noir, moi je vois plutôt un récit contemporain effectivement noir, qui dénonce certains travers de notre société (même si on parle de la 2e moitié des années 1970, qui semble tellement éloignée de notre début de XXIe siècle, et pourtant…) sans aucune concession, avec plus d’un clin d’œil certes, mais c’est alors un humour noir et grinçant –et en tout cas, pour moi, l’humour (même noir) fait rire ou au moins sourire, or ici je n’ai pas une seule fois souri, j’étais même de plus en plus glacée !

    Ainsi, à travers Bonnie devenue Éva (car elle avait trouvé beau le mot « évanescente », l’un des premiers mots français rencontrés à son arrivée en France) et Clyde devenu Claude, entourés de toute une série de personnages secondaires qui gravitent autour d’eux, parfois carrément mis en avant, l’auteur plonge au cœur d’une communauté locale très caricaturée : on a le parrain de la pègre locale, gros et gras et surtout incapable de tuer malgré tous ses autres méfaits… et aussi son sens de la famille qui amène ainsi son neveu incapable lui aussi à l’avant-plan ; on a le curé trop beau pour être sincère et pourtant complètement idéalisé dans son rôle d’ecclésiastique un peu figé ; on a l’enfant, fils inespéré et inattendu du couple d’enfer ; on a même les traditionnels gendarmes, qui eux vont toujours rester au second plan, mais que l’on voit si bien dans leur petit rôle ! Tous ces personnages ont leur propre histoire plus ou moins développée, de façon souvent savoureuse (même si, pour tous, c’est aussi assez noir) et truculente.

    C’est que, sans surprise vu le background de l’auteur, l’écriture est extrêmement visuelle : il croque avec une précision sans défaut les traits importants des personnages et des situations. Le choix des mots semble toujours très recherché, rien n’est laissé au hasard, parfois c’est même un jeu (comme cette histoire d’évanescente qui mêle le nouveau prénom de Bonnie et sa nouvelle naissance ; et il y a quelques autres passages du genre). Quelques fois, on se situe à la limite du pompeux, mais on ne tombe finalement jamais dans l’exagération. C’est donc un tout bon niveau très appréciable.

    Et c’est donc dans cette langue que, bien au-delà d’un pseudo-humour sur lequel tant d’autres semblent s’accorder, mais avec une apparente désinvolture qui masque à peine une véritable dénonciation, l’auteur se penche sur un toute autre sujet qui reste tristement d’actualité : notre rapport à la vieillesse, et les divers handicaps qui en découlent. Ça parle de la décrépitude des corps que l’on constate jour après jour, de la perte irrémédiable de la beauté même s’il en reste des traces, du regard que l’on porte sur l’autre avec qui on partage ces années qui ne reviendront jamais mais qui ont amené AVC et fauteuil roulant ; ça parle de la peur de se retrouver parqué en maison de retraite, mais aussi de la déliquescence d’un couple, quand l’une ne supporte plus de voir sa propre déchéance à travers celle de l’autre.
    Ça parle aussi, bien entendu, du regard des autres sur cette vieillesse : un regard partagé entre l’admiration envers un couple mythique vaguement inquiétant pour ceux qui ne savent pas qui ils sont vraiment, et un certain dégoût face à ce vieillard en chaise roulante qui ne se lave plus vraiment et qui a de drôle d’obsessions, ou face à cette femme excentrique qui semble mener son monde à la baguette tout en s’étonnant des jeunes fous soixante-huitards qui arrivent peu à peu dans sa campagne depuis ce lointain Paris, clamant la libération de la femme, mais laissant leurs femmes faire la vaisselle pendant qu’ils bavardent en d’interminables réunions enfumées…
    Bref, comme expliqué plus haut, c’est une histoire plutôt sombre, sans illusion sur ces vieux jours qui nous guettent tous – à moins de partir jeunes ?

    Avec tout ça, je ne peux pas vraiment dire si je me suis attachée aux personnages ou non… N’importe quel autre couple de criminels aurait peut-être été sympathique sous la lumière apportée par l’auteur dans leur vieil âge ; mais ici, leur passé (qui est rappelé çà et là, sans jamais trop entrer dans les détails, mais on trouve pléthore d’articles sur leur histoire réelle, sans avoir besoin de chercher longuement !) les rend quelque peu inaccessibles et vaguement antipathiques. Avec leur âge en plus, c’est « pathétique » le premier mot qui me vient à l’esprit, avec des aspects touchants dans ce désespoir quotidien qui semble envelopper Clyde, tandis que Bonnie s’enfonce dans un indéniable côté acariâtre. Mention toutefois pour le petit Célestin – qui interpelle, aussi, lui l’enfant dans toute son innocence mais aussi ses questions, alors qu’il grandit dans un milieu vraiment particulier, indéniablement défavorisé aux yeux de notre société polissée… ; ou la jeune et belle Iris, amoureuse d’un homme qui n’en vaut pas la peine.

    Bref, en terminant ce livre, je garde un sentiment d’incertitude envers les personnages, tandis que la fin de l’histoire me laisse un peu dubitative. Ce n’est pas un coup de cœur malgré toutes les qualités développées plus haut. Mais indéniablement, c’était une lecture originale et intéressante, aucun regret donc !





    J'arrête pour ce soir.
    À suivre: des histoires de Gémeaux (en duel ou non ;) ), une jolie histoire de maman-fée, ma première rencontre avec Agatha, et quelques autres encore.
    À bientôt!

    Dernière modification par domi_troizarsouilles (15 Juillet 2021 23:48:25)

  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #124 16 Juillet 2021 03:11:31

    Pour tout dire, à la base, je ne suis pas fan de l’époque victorienne… Certains la vantent, la louent, comme une époque extraordinaire : vraiment ?


    On peut trouver une période fascinante sans avoir pour autant envie d'y vivre!  C'est mon cas, et je pense, celui de bien des amateurs de cette époque!

    Dommage pour Wilde!  Tu as déjà lu ses écrits?  J'avais beaucoup aimé De l'importance d'être constant, c'est très drôle.  J'avais moins accroché au Portrait de Dorian Gray.

  • Coralit

    Apprenti Lecteur

    Hors ligne

    #125 16 Juillet 2021 20:32:21

    Bonsoir,

    Je partage l'avis de Grominou : j'aime beaucoup l'époque victorienne et sa littérature mais je n'aurais pas nécessairement aimé y vivre !
    Grande admiratrice de Wilde, je n'ai jamais été attirée par le concept de Gyles Brandreth. En revanche, je recommande les œuvres d'Oscar Wilde: ses nouvelles, pour commencer par exemple (l'excellent et drolatique Fantôme de Canterville). J'ai également beaucoup aimé l'humour pince-sans-rire de sa pièce de théâtre L'importance d'être constant. Le Portrait de Dorian Gray est à découvrir aussi. Nettement moins connu, son roman érotique Teleny, écrit en collaboration avec plusieurs de ses amis mais qu'il aurait ensuite entièrement remanié (la paternité de ce roman reste encore soumise à controverse) qui fut une expérience de lecture...inédite, pour moi, avec des aspects franchement pénibles et d'autres très intéressants. Je finirai en mentionnant ses deux dernières œuvres, son chant du cygne littéraire, qui me touchent profondément et me laissent un sentiment d'indignation et de profonde compassion pour Wilde: De Profundis et La Ballade de la geôle de Reading.
    Je m'arrête là mais je pourrai continuer en vous parlant des biographies qui lui ont été consacrées, des écrits de son petit-fils, de sa correspondance,...

    Bonne soirée!
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #126 20 Juillet 2021 01:09:24

    Bonsoir,

    A Grominou et Coralit: non en effet je ne connais pas Oscar Wilde... Plus exactement: j'en ai lu des bribes certes, lors de mes études, mais jamais un livre complet, mais je dois dire que déjà à l'époque ça ne me tentait pas! Et après "l'introduction" par Gyles Brandreth, il est devenu encore plus rédhibitoire à mes yeux. Mais peut-être lirai-je quand même l'un de ses livres un jour dans le futur? quand ma PAL sera un peu moins énorme et que je n'aurai rien d'autre à faire de mes journées que lire au coin du feu... :sifflote:
    Je veux surtout dire par là: dans ma vie actuelle j'ai besoin de lectures-plaisir, de lectures qui me font envie (même s'il y a parfois des ratés, comme le montre ce suivi!), et clairement, Oscar Wilde n'en fait pas partie pour le moment...

    Grominou tu m'interpelles quand même...
    Je n'avais jamais trop pensé en ces termes, qu'il y a des périodes qui fascinent mais au cours desquelles on ne voudrait pas vivre... Et pourtant c'est tellement vrai! Moi par exemple, je ne sais pas trop si je suis fascinée, mais j'aime beaucoup lire tout ce qui tourne autour de la 2e guerre mondiale... mais clairement, je suis bien heureuse d'y avoir échappé!
    Pour en revenir à la période victorienne, en fait je ne suis pas vraiment (pas du tout même!) connaisseuse, mais a priori pas particulièrement attirée... et après ce roman je le suis encore moins!
    A vous lire je le regretterais presque... et je suis preneuse si vous avez des conseils de livres qui la mettent mieux en valeur! ;)

    Là-dessus, continuons le voyage au pays de mes lectures, car la liste s'allonge plus vite que je n'ai le temps de compléter ce suivi!
    On commence par deux livres qui comportent le mot "gémeaux" dans le titre... rien à voir avec moi-même (je suis Poissons), mais j'ai fait ce choix pour les besoin d'un challenge. Cela a donné une intéressante découverte, et une lecture plus mitigée:

    Gémeaux de Maud Tabachnik
    Pour une fois ma note correspond exactement à la moyenne reçue par ce livre: 16/20

    <image>

    Synopsis : En cavale, Génosi - une " pointure " de la mafia française recherchée par l'Etat du Massachusetts pour avoir abattu un policier - croise les frères Hunter, deux jumeaux abrutis d'alcool et de violence qui sillonnent la Californie en mobile home. Sam Goodman, le flic beau gosse, part pour San Francisco avec mission d'arrêter coûte que coûte le Corse et ses deux âmes damnées qui tracent leur route avec des cadavres. Sur place, il retrouve Sandra Khan, du San Francisco News, qui se remet tant bien que mal de l'enquête qu'elle a menée à Boulder City à la frontière du désert de Mojave. Uni pour la première fois dans la lutte contre le mal, le duo de choc nous fait suivre, à bout de souffle, une chasse à l'homme sans merci.

    Mon avis :
    J’avais déjà entendu parler de cette autrice mais n’avais encore jamais rien lu d’elle… et me voilà en train de commencer par le 4e opus d’une série rassemblant le policier Sam Goodman et la journaliste Sandra Khan ! Si l’histoire même est tout à fait compréhensible en tant que telle, on comprend quand même très vite que les deux protagonistes principaux ont déjà eu des contacts et autres aventures, et qu’en plus ça les a marqués. Or, si certaines phrases font vaguement référence à ces événements, on est quand même incapable de les appréhender, et ça laisse la vague impression d’avoir manqué quelque chose, même si c’est sans incidence directe sur cette nouvelle histoire.
    Alors, pourquoi commencer par un tome 4 ? Pour les besoin d’un challenge, évidemment ! ;) Il fallait former le mot « gémeaux » avec les lettres du titre : je ne me suis pas foulée… =D

    Et donc, que dire de ce livre déjà un peu « ancien » ? C’est un roman extrêmement noir, il faut avoir le cœur bien accroché car certaines scènes sont réellement atroces, alors qu’elles sont montrées avec un certain détachement, sans aucune nuance et certainement sans aucun sentiment, à coup de phrases généralement assez courtes et très directes. C’est très déroutant !
    En fait, on s’approche tour à tour des différents protagonistes : pour les « méchants » c’est par les yeux d’un narrateur omniscient qui se penche soit sur les jumeaux (il n’est jamais question de gémeaux au sens astrologique, en fait…) qui ne fonctionnent généralement qu’en duo, entre Gil le meneur et Jeffrey l’attardé à la suite d’un accident de naissance ; soit sur le bandit corse, Dominique Genosi, qui est tombé de charybde en scylla après un coup foireux sur le sol américain et qui doit se refaire pour pouvoir se venger de ceux qui l’ont laissé tomber ; tandis que pour nos « bons » personnages récurrents, on passe carrément à la 1re personne du singulier, mais parfois c’est Sam Goodman qui parle, et d’autres fois – plus souvent – c’est Sandra Khan.
    Or, dès qu’on s’approche des jumeaux ou de Genosi, on entre dans un langage volontairement proche de l’oral et/ou très argotique – ce type même de langage qui accentue le côté un peu vieillot de ce livre, car dans les polars plus modernes, on n’utilise plus (ou en tout cas beaucoup moins) de tels artifices pour faire paraître les méchants à moitié débiles et dès lors encore plus méchants… D’ailleurs, cette imitation de l’oral est assez désagréable à lire (dans n’importe quel type de livre), même si, dans le cas présent, ça ne gêne pas vraiment le rythme. En revanche, quand on est aux côtés du policier ou de la journaliste, le langage est beaucoup plus « classique », même s’il y a çà et là encore quelques dérapages vers une certaine oralité, mais de façon bien moins marquée.

    Avec tout ça, je ne me suis vraiment attachée à aucun des personnages. Sam comme Sandra sont sympathiques et, pour ce qui est de Sandra surtout, font naître des sentiments que les « bons » personnages principaux dans un policier sont enclins à susciter. Pourtant, même s’ils sont sympathiques et qu’on aime bien les retrouver, la magie n’opère pas tout à fait – peut-être précisément parce que, en commençant l’histoire au 4e tome, on a manqué les bases, celles-là même qui nous auraient permis de mieux les apprécier au fil des tomes ?
    Quant aux autres… Dominique Genosi, à part le fait qu’il porte le même prénom que moi ( !), est vraiment le méchant détestable dans toute sa splendeur, dans ce sens-là il est même très réussi. Gil arrive sur la 2e marche du podium, à peine sauvé par le fait que, à sa façon, et malgré le désert de bêtise et de méchanceté qu’est sa vie, il prend soin de son frère envers et contre tout. Ledit frère, l’attardé Jeffrey, est probablement le personnage le plus « humain », justement à cause de son handicap qui le rend clairement irresponsable même dans les horreurs qu’il commet… mais justement, ces horreurs sont à un tel « niveau » de non-acceptable que, au final, on ne s’attache pas à lui plus qu’aux autres. En fait, c’est un peu comme si les spots étaient tournés tout droit sur les jumeaux, qui sont mis en scène en tant que personnages presque-principaux, et du coup ils ne laissent pas indifférents, ça remue même un peu par moments dans quelque chose qui s’approche d’une pitié un peu navrée, mais on est très loin de l’attachement !

    Bref, ce livre n’est pas un coup de cœur dans le genre, mais j’ai trouvé cette écriture très directe assez piquante, une entrée en matière marquante dans l’univers de cette autrice que les différents sites qui en parlent présentent comme atypique, et je veux bien le croire ! Quoi qu’il en soit, ce livre m’a suffisamment interpelée pour me donner envie de découvrir cette fois le 1er livre de la série, ou bien tout autre livre en one-shot, afin de m’immerger davantage dans cette façon originale, certes très noire mais intéressante, de voir le monde.




    Le Duel des gémeaux de Robert Ludlum
    Un honnête 15/20, et ainsi je dépasse la moyenne, qui stagne sous les 14...

    <image>

    Synopsis : Décembre 1939... Une étrange organisation s'efforce de soustraire à l'attention des Allemands un coffre rempli de manuscrits anciens. Le précieux chargement quitte la Grèce en direction de l'Italie dans le plus grand secret. Quelques jours plus tard, une riche et influente famille d'industriels milanais est assassinée. Seul Vittorio, le fils aîné, échappe au massacre.
    Quels sont les liens entre les deux affaires ? Pourquoi Vittorio demande-t-il sur son lit de mort à ses deux fils jumeaux d'élucider le mystère ? Pourquoi ces mystérieux documents ont-ils causé la mort d'une famille et risquent-ils aujourd'hui de précipiter définitivement le monde dans le chaos ? Un terrible duel s'engage entre Andrew et Adrian, "gémeaux" déchirés qui compte chacun remettre la main sur des documents explosifs et s'en servir... Pour le meilleur ou pour le pire.


    Mon avis :
    Que ça faisait longtemps que je n’avais plus lu de roman d’espionnage ! Le tag n’est pas (encore) acté sur la fiche BBM, mais c’est incontestablement un thriller du genre, en tout cas il correspond à 100% à la description que l’on peut trouver sur Wiki sur le « sous-genre » du thriller d’espionnage (je cite l’extrait de la page https://fr.wikipedia.org/wiki/Thriller_(genre) , consultée ce 8 juillet : « Sous-genre du film d’espionnage, c'est un thriller dans lequel le héros est un agent du gouvernement qui doit réagir contre des agents d'un gouvernement rival, d'une organisation criminelle ou plus récemment contre des terroristes. » Ici, le gouvernement est la Résistance anglaise, contre toute une série d’ennemis que je ne vais pas dévoiler au risque de spoiler, car ils se révèlent tout au long du livre, mais c’est vraiment tout à fait ça !

    Et en effet, entre le moment où j’ai commencé à lire des « livres d’adulte » (vers mes 15 ans ?) jusqu’à ma panne de lecture beaucoup plus récemment, j’ai dû en lire un certain nombre… mais je les ai à peu près tous oubliés, je ne pourrais même plus donner ni le nom d’un auteur, ni le moindre titre ! Et pourtant, j’ai l’impression d’avoir rouvert une vieille boîte (vu le contexte du coffre caché, c’est on ne peut plus approprié =D ) d’où sortent les mêmes émotions qu’autrefois : une écriture très visuelle avec beaucoup d’action, avec des scènes parfois très dures et sanglantes et en même temps profondément remuantes ; des discours politico-ésotériques qui donnent envie de tourner les pages plus vite – pas parce que c’est passionnant, mais parce que tout à coup on passe à une lecture en diagonale ; et puis tous ces doutes que l’on a encore et toujours à l’instar du héros : à qui peut-on vraiment faire confiance (ou pas) ? Y a-t-il vraiment de la place pour l’amitié, et jusqu’où peut-elle alors aller ? Et jusqu’à quelles extrémités sommes-nous prêts à suivre le héros au nom de sa quête, de sa vérité ?

    Bref, ça aurait pu être un bon moment de lecture plein de mouvement et sans vraie prise de tête… malheureusement on passe un peu à côté : non seulement le contexte ésotérique ne convainc pas (car trop alambiqué, toujours plus ou moins caché, si bien qu’on perd tout l’intérêt qu’il aurait pu avoir), mais – pire encore – les personnages principaux manquent de crédibilité. Bon, on est d’accord : ce n’est pas ce qu’on leur demande ! On veut qu’ils bougent, qu’ils résolvent des énigmes, qu’ils piègent les méchants, qu’ils y risquent leur vie et qu’ils s’en sortent encore et toujours… et pour ça, c’est tout à fait réussi ! Mais leur psychologie est beaucoup trop superficielle, et il faut croire que je ne peux plus me contente d’une approche gros-muscles-avec-plein-de-fric, mais un cerveau parfois douteux et zéro psychologie, le tout à la limite de l’incohérence.

    En fait, le livre est clairement divisé en deux partie, ne laissant la place au « duel des gémeaux » du titre qu’un vague dixième tout à la fin du livre, même s’il est annoncé dès le dernier quart, ce qui est quand même bien tardif ! On a d’abord l’histoire de Victor Fontine jeune homme, qui va rejoindre la résistance anglaise par des chemins bien détournés et semés d’embûche… Un Victor, d’abord Vittorio Fontini-Cristi selon son nom italien, qui est d’emblée présenté comme un branleur qui n’a pas vraiment envie de reprendre l’héritage de son père (qui, lui, compte beaucoup sur son aîné !) et qui, sûr de son importance et de sa fortune, jeune homme pourri gâté, il se permet tout et n’importe quoi, et notamment d’arriver en retard aux réunions de famille… Si cela va changer son destin, ça va aussi fondamentalement changer son caractère au point d’en faire un héros de la Résistance tout à coup plein de ressources… Sans blague ???

    Et puis, la guerre finie, las de cette vieille Europe, devenu père, il émigre avec sa famille aux États-Unis, où une fois encore sa fortune va lui permettre une installation parfaitement réussie. Mais voilà, ses fils, faux jumeaux mais semblables malgré tout, apparemment nés sous le signe des gémeaux, ce qui est à peine évoqué… et puis carrément asséné lorsqu’ils entrent réellement en jeu !?
    Et paf, on nous présente donc ces deux frères dont on fête l’anniversaire, et à partir de là toute l’histoire, cette vieille histoire qui avait tant accaparé leur père et qui semblait oubliée, réapparaît, alors que l’on découvre parallèlement que les deux frères sont ennemis à cause d’une sombre affaire politico-militaire. Et partant de là, avec un minimum d’explications, on part dans cet antagonisme à la sauce ésotérique recuite. Sauf que ça ne marche plus ! En effet, si on acceptait les « raccourcis » dans l’histoire du père, on ne s’en contente plus dans les aventures des jumeaux.
    Ce n’était pourtant pas bien compliqué : sans tomber dans une littérature enfantine, on aurait aimé partager avec eux quelques moments (importants) de leur vie d’enfants puis de jeunes gens : voir réellement leur complicité, ressentir davantage le moment où ça a « cassé », et les voir s’éloigner. Or, tout cela, qui aurait permis de nous attacher à l’un ou à l’autre, de comprendre leurs motivations même du côté du « méchant », on n’y a pas droit ! comme je disais plus haut : c’est à peine mentionné, et on entre directement dans l’action qui suit, mais sans aucune base, et c’est frustrant !

    Bref, c’est vraiment un bon livre du genre, très visuel et plein d’action, mais un peu ancien (il date quand même de 1976 pour la version en anglais, 1994 pour la traduction française qui ne semble pas avoir été revue depuis lors, et qui est tout à fait acceptable, là n’est pas le problème !), et qui semble faire une certaine apologie de la fortune et des capacités extraordinaires que cette dernière donnerait aux hommes qui en sont pourvus (pour le meilleur ou pour le pire !), sans aucun discernement ni finesse psychologique… et au final, ça me manque quand même.





    On passe maintenant à quelque chose de complètement différents... vous l'aurez deviné: pour les besoins d'un challenge! :ptdr:
    Petite lecture gentille, ça fait du bien parfois de "se reposer" ainsi:

    Maman est une fée, tome 1: Une baguette très magique de Sophie Kinsella
    Ici aussi un gentil 16/20

    <image>

    Synopsis : Ella a un secret: sa maman est une fée! À l'aide de sa baguette magique, elle peut lancer des sorts fabuleux... ou provoquer des catastrophes: comme mettre la pagaille au supermarché et faire pleuvoir du chocolat chaud dans la cuisine. Heureusement, Ella sait comment rattraper les bêtises de sa maman...

    Mon avis :
    Un tout gentil petit livre pour jeunes enfants (6-8 ans me semble raisonnable, même si la relative grosseur du livre et l’histoire bien sympathique permettent sans doute de le lire encore avec plaisir jusque 10-11 ans, avec la fierté de le lire entièrement seul alors !). Il se présente davantage comme un recueil de petites nouvelles, précisément trois petites histoires différentes qui tournent autour du même sujet : la fameuse baguette magique de la maman-fée d’Ella, baguette qui se présente comme un téléphone quand maman n’est pas en mode fée, et qui devient un redoutable instrument quand il est sous forme de baguette, car maman-fée n’est pas très douée et provoque des catastrophes plutôt que des tours de magie!

    C’est donc gentil (je sais, je me répète, mais ce mot est vraiment parfait pour ce livre !), plein de bon sens et de bons sentiments, avec des mini-leçons de vie l’air de rien, comme par exemple : ne pas vouloir paraître ce qu’on n’est pas, avoir la patience d’attendre quand c’est nécessaire ou savoir participer (à une compétition sportive ici) sans tricher pour gagner à tout prix ! Mais ce n’est jamais présenté comme une morale écrasante, non, ça sort vraiment tout seul au fil de l’histoire, et ce sont des histoires pleines d’humour, aussi. Certes, l’adulte en moi n’a pas rigolé à se tordre les côtes, mais j’étais quand même bien amusée !

    Pour être complète : j’ai choisi ce livre car un des challenges auxquels je participe demandait une couverture avec une baguette magique. Faites une recherche sur l’ami Google, et vous trouverez… Harry Potter, ou Harry Potter ! Or, si j’aime beaucoup la fameuse saga, je l’ai déjà lue 2 ou même 3 fois (dont une première fois en anglais au moins jusqu’au 4e tome, peut-être le 5e je ne me rappelle plus…), et ce n’est pas ça que j’ai envie de lire pour l’instant. Mais voilà : les autres livres avec une telle couverture ne semblent pas courir les rues… et puis je suis tombée sur celui-ci ! La couverture est sympathique, j’estimais que ce serait vite lu (et je confirme !), donc c’est parfait pour le challenge. Et, dans la foulée, je pourrai le proposer à mon petit de 8 ans qui, pas très grand lecteur, a déjà lorgné dessus et sera sans doute content (je l’espère) de le découvrir ! Si on ajoute qu’il se termine par quelques petits jeux et une recette, c’est vraiment un petit livre parfait pour un lecteur débutant à moyen.





    Revenons à une lecture plus "sérieuse"...

    Noyade de J.P. Smith
    Et encore un 16/20!

    <image>

    Synopsis : Joey, huit ans, passe l'été dans un camp de vacances au milieu des bois. Le moniteur de natation, Alex Mason, s'est juré qu'à la fin du séjour, tous les garçons sauraient nager. Or Joey a peur de l'eau. La veille du départ, Alex l'abandonne sur un radeau au milieu du lac, le mettant au défi de rentrer tout seul à la nage. Joey ne se présente pas au réfectoire ce soir-là. Les recherches s'organisent : il n'est plus sur le radeau. Il est nulle part. On ne le retrouvera jamais... Vingt ans après, Alex est devenu promoteur immobilier à New York. Ses méthodes et sa morgue lui ont attiré de solides inimitiés, mais sa réussite est éclatante. Jusqu'au jour où ça dérape. Du sang dans l'eau de la piscine, des photos compromettantes qui arrivent sur le smartphone de sa femme, un ascenseur bloqué entre deux étages... Les épisodes perturbants se succèdent, transformant en cauchemar le quotidien d'Alex et des siens.
    Joey serait-il de retour ?


    Mon avis :
    Livre emprunté à la bibliothèque un peu par hasard, je ne pourrais trop dire pourquoi j’ai tout à coup décidé de le prendre car, à part le fait que c’est un thriller et que j’aime le genre, il y a des titres et/ou des couvertures plus attirantes quand même ! Et puis je l’ai lu à toute vitesse (si l’on peut dire), par obligation : j’ai tardé avant d’entamer cette lecture, mais je dois le rendre demain, et il n’y a plus aucun exemplaire disponible, donc je ne peux même pas prolonger l’emprunt – oui, c’est un système d’emprunt virtuel, avec des exemplaires dispo, d’autre à réserver parfois à des dates très lointaines, et puis des titres comme celui-ci qui « passent » et disparaissent ensuite…

    Bref, c’est un plutôt bon thriller, mais qui présente quelques maladresses qui m’ont (pour le mieux) déroutée. Je citerai notamment un changement de focus assez « brutal », le souci de rester constamment dans un certain flou à propos de ce qu’est devenu le jeune garçon disparu (mais davantage comme une litanie que comme une véritable enquête à la recherche de ce qui aurait pu lui arriver), et des cassures de rythme dans la narration.

    Pour commencer : le focus est d’abord mis sur Joey, sa détresse face à ses parents en train de divorcer, ce qu’il perçoit sans trop comprendre ; du haut de ses 8 ans, il voudrait que tout redevienne comme avant avec des parents aimants. On arrive à son camp de vacances, ce fameux camp à l’américaine comme on voit parfois dans certains films, qui ressemble davantage à un exercice paramilitaire de longue durée pour têtes blondes, qu’à nos gentilles colos à la gauloise ! : on l’y voit malheureux, mais s’adaptant petit à petit, soutenu par son moniteur principal. Et puis tout à coup on a cet épisode de natation « forcée », qui ne marche évidemment pas vu sa peur panique de l’eau – qu’est-ce donc que ce moniteur de natation qui force ainsi un enfant paniqué à se jeter à l’eau !? Moi qui adore l’eau, j’ai du mal à concevoir une telle peur (que j’ai pourtant pu observer, et plusieurs semaines de suite, chez ma propre fille), mais je comprends encore moins qu’un prétendu moniteur soit mauvais au point de complètement dégoûter un enfant. Et puis soyons clair : cette façon de faire archaïque et contre-productive en natation (et un vrai nageur devrait le savoir), ça fait très cliché, aussi !

    Et paf l’enfant disparaît sans laisser aucune trace, et il n’apparaîtra jamais plus comme personnage principal, alors qu’on s’était déjà bien attaché à lui. Déception !
    Et re-paf les spots se tournent sans transition sur ce si discutable moniteur de natation, mais 21 ans plus tard (oui, c’est précis, et c’est fait exprès mais je n’en dirai pas plus). Jusqu’à ce que des petits événements, apparemment isolés, viennent peu à peu ternir sa vie parfaite d’homme richissime… À noter que, quoi qu’on en pense, là aussi on est dans le cliché à la limite du gauchisme : l’auteur nous présente d’emblée Alex comme le méchant qui a trop bien réussi, qui écrase ses adversaires grâce à sa fortune, fortune qui ne lui doit rien car c’est un héritage de ses propres parents déjà fortunés, mais le bougre entretient en plus un certain mythe du type qui s’est construit à partir de rien… Et n’oublions pas l’image très sexiste de sa femme, qui est là vraiment comme une potiche dans le plus pur sens du terme : elle sert de décoration, de prétexte ; elle n’a ni boulot ni apparent centre d’intérêt dans la vie, à part paraître au bras de son multimillionnaire de mari… et si elle se secoue (un tout petit peu) par moments, lui trouve cette vie privilégiée de femme entretenue tout à fait normale !

    C’est d’ailleurs très paradoxal, et pour moi sans doute le plus grand coup de maître dans ce roman : c’est que le lecteur ne parvient pas à décider si Alex est un méchant que l’on voudrait voir derrière les barreaux, ou une victime certes pas tout à fait innocente mais qu’il faut protéger, et plus encore sa famille ! Il oscille constamment entre ces deux rôles pourtant totalement contradictoires, avec le rappel régulier de sa non-assistance à personne en danger avec le petit Joey, lorsqu’il avait seulement 18 ans : inconscience d’un jeune étudiant trop éloigné de la réalité d’un jeune enfant, ou méthode archaïque discutable d’un moniteur-champion trop imbu de lui-même et incapable de se remettre en question ? sans oublier la crainte (très cliché, là encore) pleine de lâcheté, que ce qu’il ne considère que comme un incident dans son parcours sans faute jusque-là, ne vienne entacher la poursuite de ses études et, plus tard, sa carrière professionnelle qu’il voit déjà brillante. Et ce sera le cas, mais quand sa vie se voit perturbée par ces quelques événements troublants, qui va agir ? Est-ce un homme posé et réfléchi, sûr de lui dans sa réussite, ou un véritable voyou ? L’auteur nous balade littéralement de l’un à l’autre : on a peur avec Alex mais de manière vraiment glaçante ! Pour tout dire : je me suis réveillée la nuit (alors que j’étais vers le milieu du roman), comme ça m’arrive parfois et puis je me rendors, sauf que là j’avais littéralement l’impression de suffoquer, comme si c’était moi qui étais en train de vivre cette noyade… et j’ai vraiment dû me forcer à compter mes respirations pour retrouver un apaisement ! Et dans le chapitre suivant, on se dit qu’il mérite bien tout ce qu’il lui arrive, et on voudrait bien participer aux actions du harceleur…

    En outre, la structure du livre est parfois déroutante : outre le grand saut de 21 ans entre les épisodes du camp, et les retrouvailles du lecteur avec un Alex devenu patron d’un empire hôtelier, on a un récit assez linéaire, mais entrecoupé de flashes-back qui semblent parfois tomber de nulle part – sur les parents de Joey par exemple, mais sans jamais retrouver l’attachement qu’on avait pu avoir au début – et aussi quelques passages durant lesquels on entre clairement dans la tête de celui qui harcèle désormais Alex. Le tout donne une impression parfois décousue, qui en plus casse quelque peu le rythme ! sans pour autant permettre de souffler dans cette montée de l’angoisse que l’on sent chez Alex. Cette angoisse, d’ailleurs, comme je le disais, très partagée au début et pendant un bon bout du livre, se transforme peu à peu en une curiosité inquiète, avec toujours les mêmes questions : qu’est devenu Joey ? qui est donc le harceleur d’Alex adulte ?

    On l’a compris : la psychologie des personnages est assez poussée, mais c’est une approche très comportementale, alors que les motivations réelles restent assez basiques. On est plutôt dans l’analyse des rouages qui poussent à commettre tel ou tel acte, on les déploie comme un médecin légiste analyserait un corps : à la loupe et avec un certain détachement. L’auteur invite ainsi le lecteur à comprendre le cheminement de sa pensée. C’est habile sans être extraordinaire ; c’est prenant sans être complètement interpelant…
    Cet effet est sans doute accentué par un langage assez cinématographique. Comme je l’ai déjà mentionné plus haut pour les colos, mais c’est le cas de bien d’autres passages : ils évoquent très vite l’un ou l’autre extrait de ces films ou séries américaines que l’on voit si facilement à la télé et, sans pouvoir dire avec précision quelle scène de quel film ou série correspondrait à quel passage du livre, le lecteur peut se faire tout le film du livre avec ces extraits épars ! Ce qui est un autre indicateur, en fait, que tout cela est quand même très stéréotypé.

    Beaucoup de blabla finalement, pour dire que j’ai assez bien aimé ce livre, malgré un vague sentiment mitigé qui persiste plusieurs heures après avoir tourné la dernière page. C’est un thriller que l’on lit avec intérêt et plaisir, sans pouvoir dire que ce serait 100% passionnant, mais l’angoisse monte dans un crescendo glaçant, pour se transformer peu à peu en curiosité malsaine. Aura-t-on les réponses ? Il faut lire le livre pour le savoir, car les choses sont amenées habilement, au milieu des fausses pistes et des cassures de rythme – peut-être voulues finalement ?




    Bon et ce soir je suis "en forme" =D alors j'ajoute encore un titre - la liste en retard diminue!
    Une très belle découverte, à laquelle n'ai aussi mis "que" 16/20, mais j'ai déjà acheté les deux tomes suivants... et je dois me "retenir" de ne pas en prendre d'autres encore (mais j'ai une PAL trop importante dira-t-on):

    Agatha Raisin enquête, tome 1: La quiche fatale de M.C. Beaton

    <image>

    Synopsis : Sur un coup de tête, Agatha Raisin décide de quitter Londres pour goûter aux délices d'une retraite anticipée dans un paisible village des Costwolds, où elle ne tarde pas à s'ennuyer ferme. Afficher ses talents de cordon-bleu au concours de cuisine de la paroisse devrait forcément la rendre populaire. Mais à la première bouchée de sa superbe quiche, l'arbitre de la compétition s'effondre et Agatha doit révéler l'amère vérité : elle a acheté la quiche fatale chez un traiteur. Pour se disculper, une seule solution : mettre la main à la pâte et démasquer elle-même l'assassin.

    Mon avis :
    En cette période estivale où les cosy mysteries sont plus que jamais mis en avant dans les librairies, et notamment la nouvelle série historique de cette autrice dont les deux premiers opus en traduction française sont désormais publiés à titre posthume, il était temps que je me lance dans cette saga qui semble la plus connue, la plus longue aussi (et en plus je viens de voir qu’elle continue, en vo du moins ! forcément avec un autre auteur désormais), et certainement celle qui a donné ses lettres de noblesse à ce genre pourtant si éloigné d’un policier plus traditionnel.

    Cette saga est d’ailleurs si connue qu’il me semble utile d’avancer quelques précisions avant d’approfondir mon avis sur ce premier tome :
    - J’ai vu il y a quelques années (probablement en 2017, année renseignée pour la diffusion sur la chaîne publique française) les premiers épisodes télé tirés de cette série… et j’ai le souvenir que, s’il y avait bien un petit côté intriguant, je m’étais surtout profondément ennuyée ! Bon, je ne suis pas très télé, si ce n’est en bruit de fond, mais pour le coup, je n’ai pas terminé ladite série, et n’ai aucune envie de la poursuivre maintenant que la saison 3 est en train de repasser sur la même chaîne publique française…
    - Les policiers et thrillers sont incontestablement mes deux genres de prédilection, sans trop distinguer l’un de l’autre à vrai dire (même si, parfois, la différence saute aux yeux, dans beaucoup d’autres polars on est à la limite de l’un vers l’autre !)… mais j’accuse une assez grande méconnaissance du genre cosy en particulier, même si j’en ai déjà lu quelques-uns d’auteurs divers désormais. Mes héros favoris sont plutôt un commissaire Adamsberg ou un commandant Servaz : on n’est clairement pas dans le même monde qu’Agatha !
    - Dans le même ordre d’idées, j’ai lu bien peu de « classiques » ! Ainsi, quand je lis çà et là qu’Agatha Raisin est une version moderne d’une certaine Miss Marple… dont j’ai certes déjà entendu parler, mais dont je n’ai jamais lu aucune aventure ! – pour ma part, je passerai mon tour pour une telle comparaison, que je suis bien incapable de soutenir ou contredire…
    - En revanche, il y a quelques semaines seulement, j’ai lu le premier tome d’une autre série de la même autrice, le fameux Hamish Macbeth, et celui-là pourrait sans aucun doute me servir de référence, tant on y retrouve les mêmes ingrédients de base… mais dans des univers suffisamment différents pour ne pas le confondre, ni jamais s’ennuyer !

    Bref, j’ai beaucoup aimé suivre les aventures de cette Agatha, « jeune » retraitée volontaire de 53 ans, qui a suivi aveuglément son rêve d’enfant d’acheter un cottage dans un village anglais des Cotswolds, elle profondément citadine et londonienne, et n’ayant jamais « vérifié » d’une quelconque façon si une vie à la campagne pourrait réellement lui convenir. D’emblée ça donne le ton : on rencontre une femme d’âge presque mûr (et pas très éloigné du mien, j’étais trop heureuse de trouver enfin une personnage principale à qui je pouvais m’identifier au moins par l’âge, avec même la petite délectation de penser que je suis un peu plus jeune !), dure en affaires, ne vivant que pour son travail, sans famille ni vrai ami, mais fonceuse et un brin écervelée dans ses choix, et pourtant assumant parfaitement ce caractère de battante à la limite de l’antipathie. On l’a compris : elle est particulièrement typée, presque caricaturale, mais cette analyse sans concession de ses forces et de ses faiblesses, ainsi que de son évolution (particulièrement lente et pourtant peu à peu visible) au fil de l’histoire, la rendent tout à fait crédible malgré ses côtés stéréotypés. C’est même pire : tous les autres personnages qu’elle croise, et qui auront plus ou moins d’importance dans l’histoire, sont abordés d’une même façon très « cliché » et pourtant qui passe, tant c’est humanisé à coups de traits qui font écho à telle ou telle personne que l’on connaît, et dès lors ça devient plus que crédible et en tous points acceptable.

    À partir de tels personnages, on est véritablement – comme je l’avais déjà souligné pour le tome 1 de Hamish Macbeth – dans ce qui s’apparente à une étude sociale d’un microcosme particulier, ici un village anglais de cette région typique champêtre du sud-ouest de l’Angleterre, où on reste un nouveau-venu si on n’y est pas né (même après 20 ans d’installation), où l’accueil semble sympathique mais reste superficiel à moins de mettre les bouchées doubles, ce qu’Agatha va s’employer à faire avec de très gros sabots. C’est l’histoire de la vie quotidienne de ce village, ses rituels et fêtes, ainsi que l’intégration lente d’Agatha, assortie d’une découverte touristico-culturelle assez légère mais bien présente des environs – c’est tout cela qui est mis en avant dans ce roman assez court en plus. Et c’est vraiment réjouissant car c’est écrit dans une langue très visuelle, et ça « sonne vrai » : on a vraiment l’impression d’être aux côtés d’Agatha à l’assaut de ce village où elle a décidé de se plaire coûte que coûte, malgré ses déboires et ses doutes. On retrouve cette « ambiance anglaise » d’un petit village que d’autres séries ont montrée d’une façon ou d’une autre ! eh oui : si je n’ai pas accroché à la série télévisée de cette saga, comme dit plus haut, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt, par exemple, les enquêtes d’un Insepcteur Barnaby (Midsomer Murders en vo), dont le « décor » est assez similaire.

    À côté de ça, paradoxalement, l’intrigue policière (indispensable, sinon on ne serait pas dans un « mystery », aussi cosy qu’il soit !) paraît presque anecdotique. Elle ne prend guère de place, elle est là comme en arrière-fond, elle paraît presque insignifiante. On comprend vite que c’est une certaine obsession dans l’esprit d’Agatha, mais ça n’empiète pas vraiment dans son quotidien ; il n’y a pas de crescendo, pas de suspense insoutenable, et on est même tenté de croire la police qui a conclu que le meurtre (qui fait l’objet principal de l’enquête) était un accident, et qu’Agatha perd son temps à s’entêter, résultat de son ennui profond alors qu’elle peine à s’intégrer vraiment au village… Et pourtant ! c’est sans doute là qu’est tout l’art de l’autrice, et l’élément majeur « l’air de rien » qui a fit le succès d’une telle série : toute discrète qu’elle soit, l’enquête est bien là, et les pages se tournent toutes seules sans qu’on ait même l’impression d’être dans un page-turner. Mais voilà : on est devenu un presque-ami d’Agatha, on est véritablement entré dans son cottage, dans sa vie, dans son quotidien, et on a envie de passer du temps avec elle… que ce soit dans son aventure villageoise ou dans son entêtement à résoudre un mystère auquel personne (à part la femme du pasteur, bien sympathique quant à elle, et j’espère qu’elle prendre au moins autant de place dans les prochains tomes !) ne semble croire vraiment.

    Bref, c’est une première incursion réjouissante dans un univers très particulier mais tellement crédible tant il est empli d’humanité, malgré ses caractères (volontairement) stéréotypés. Je lirai la suite (bien à l’aise, car on est quand même à plus de 30 tomes, dont une grande partie sont déjà traduits !) avec grand plaisir et intérêt, en espérant que ces aventures à suivre garderont les mêmes ingrédients qui marchent si bien.

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #127 26 Juillet 2021 12:48:22

    Bonjour à tous,

    Je continue mon voyage à travers les livres, avec toujours un certain retard - le premier que je vais ajouter ici a été terminé il y a deux semaines déjà!

    La machine de Katia Lanero Zamora
    Une autrice belge que je découvrais, d'ailleurs en voyant le livre je l'avais d'abord crue espagnole, mais non, ce sont "juste" ses origines... et elle en joue plus que de raison (à mon goût)! ce qui donne quand même un 15/20 tout à fait honorable

    <image>

    Synopsis : Nés dans le confort de la famille noble des Cabayol, Vian et Andrès sont deux frères inséparables. Mais dans un pays où la révolution gronde et où les anciens royalistes fourbissent leurs armes pour renverser la toute jeune République, ils vont devoir choisir leur camp... Grande fresque familiale où les batailles politiques rejoignent les bouillonnements personnels, La Machine est une œuvre forte, absolue et puissante.
    Après son roman très remarqué Les Ombres d’Esver, Katia Lanero Zamora nous y dessine des destins inoubliables.


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre en librairie, il a d’ailleurs voyagé du rayon « jeunes » au rayon « fantasy »… mais, comme tant d’autres, c’est l’un de ces livres qui m’avait attirée mais que je n’ai finalement pas pris. À noter quand même que, si je prenais tous les livres qui attirent mon œil, j’en aurais jusque sur mon balcon et je serais ruinée !... et puis voilà que je l’ai trouvé peu après dans le catalogue de ma bibliothèque en ligne : je n’ai plus hésité ! Il m’a pourtant fallu renouveler l’emprunt pour un deuxième mois (l’emprunt classique étant de 30 jours), car je n’avais pas réussi à le caser dans mes lectures du premier mois, et puis je l’ai lu vraiment « sur le fil » !
    Est-ce cela qui a influencé mon avis ?

    J’ai été très mitigée tout au long de cette lecture, et les avis généralement dithyrambiques que je lis au sujet de ce roman, sur l’une ou l’autre plateforme de lecteurs, me font penser que je suis peut-être passée à côté ? Cela dit, je rejoins ce que dit la majorité : ce livre, présenté comme faisant partie de la SFFF, est clairement une version pseudo-imaginaire de la guerre d’Espagne de la fin des années 1930, avec des rappels du passé plus lointain de l’Espagne, et notamment des petits airs de Reconquista et de domination espagnole en Afrique du Nord (on pense aussitôt aux tristement célèbres enclaves de Ceuta et Melilla…).

    Bref, une fois qu’on a compris tout cela, on se demande du début à la fin pourquoi l’autrice a choisi le chemin d’une Fantasy pour exposer cela, en restant tellement proche d’un monde hispanique que ça en est gênant. Pour ne citer que quelques exemples : au lieu de « Don » + le prénom, on appelle les maîtres « Duen » ou « Duenito » pour les jeunes ; les pauvres vivent dans le « Barriobrero », jolie contraction de barrio obrero, qui veut tout simplement dire quartier ouvrier ! Ou encore, l’un des camps d’entraînement militaires où sera envoyé l’un des deux jeunes héros, se trouve dans le désert, au bout d’un voyage en train puis une traversée de quelques heures en bateau, pour se retrouver dans une ville arabisante, que le peuple de Panîm (d’où sont issus nos héros) ont repris aux « Maurabes ». Les riches élèvent des taureaux de combat et pratiquent la tauromachie, tandis que les pauvres récoltent fruits et légumes dans les champs des riches dès leur plus jeune âge. Enfin, ils ont à peu près tous des prénoms hispanisants, à part peut-être les héros : à part le père Colin qui fait très français, Vian qui ne ressemble à rien, ou Andrès qui a l’accent dans le mauvais sens, la grande majorité des autres ont des prénoms clairement espagnols !

    Ça a peut-être un intérêt « imaginaire » pour un jeune adulte (qui est, je pense, la cible principale d’un tel livre) qui ne connaît pas trop les grands traits de l’Histoire du XXe siècle, et/ou qui n’a aucune notion de la langue et culture espagnole, c’est une façon comme une autre d’introduire un sujet difficile et pas joyeux-joyeux (surtout quand on se rappelle que ce sont les « mauvais » qui ont gagné, dans la vraie vie, merci Franco…). Mais moi j’en ai surtout ressenti un malaise constant, une irritation presque : quand je lisais « duen » ma tête entendait « don », j’avais envie de remettre l’accent d’Andrès à l’endroit, etc. En fait, sans m’attendre à un roman historique, j’ai été très gênée de trouver un récit d’un épisode quand même terrible de l’histoire européenne (et espagnole en particulier), qui paraît tout à coup moins grave par le biais d’un imaginaire. Pourtant, il ne trompe pas  ceux qui ont repéré l’astuce… et je me demande franchement comment l’autrice va s’en sortir dans le ou les tome.s suivant.s, à moins de s’écarter de l’Histoire pour de bon ! (cela dit, je ne vais pas forcément lire la suite, mais c’est une autre histoire)

    En outre, je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages. Les frères Vian le révolutionnaire amoureux d’une fille du village (et futur père avec elle) ou Andrès le militaire obligé de cacher son homosexualité (alors punie de mort) agissent pendant trop longtemps comme les enfants gâtés qu’ils sont, incapables d’assumer complètement leurs choix de vie mais (heureusement !) toujours un peu poussés par les autres ou par les événements. Ils donnent l’impression de passer leur temps à hésiter, façon un pas en avant, trois pas en arrière, puis tout à coup prennent une décision et assument les conséquences, et puis paf ça recommence d’une façon ou d’une autre, et c’est ainsi presque jusqu’à la fin ! Certes, leurs choix ne sont pas évidents dans le contexte vraiment dur de cette histoire et vont, pour une raison ou une autre, à l’encontre de toute leur éducation… mais ils ont un côté trop indécis, dans une période où les choix ne sont pas forcément faciles, mais où les forces en face d’eux, elles, n’ont aucune hésitation, et plongent dans les extrêmes ! Certes, tout cela les rend aussi très humains… mais ils ont tous deux un côté trop timoré à mon goût ; ça m’a énervée, ces allers-retours entre leur conscience, leurs nouvelles convictions et les relents de leur éducation, qui dénote en plus d’une certaine naïveté dont ils semblent incapables de se défaire !

    Tout ça pour dire : le livre n’est pas forcément mauvais ! C’est juste moi qui n’ai pas réussi à accrocher pour les différentes raisons développées ci-dessus, mais au-delà de ça, il a plusieurs autres éléments qui peuvent le rendre séduisant. L’écriture est limpide et assez nerveuse : il y a toujours de l’action sans que ce soit « trop », des rebondissements en tous sens et, à plus d’un moment, une tension qui pousse à tourner les pages de façon inquiète.
    Le début presque tranquille met les choses en place, avec plusieurs flashes-back qui nous renvoient à l’enfance des deux frères, entre l’amour inconditionnel de leur mère partie trop tôt, la domination inflexible et sans nuances de leur grand-père (contre qui leur père ne s’oppose jamais !) ou la complicité de leur gouvernante, passages qui sont toujours habilement amenés.

    Ensuite, lorsqu’on entre plus sérieusement dans l’action, le fait de suivre les événements en parallèle, au coeur du village avec Andrès ou au sein des troupes de combat avec Vian ; bref, cette alternance donne un rythme palpitant au récit. On a vraiment l’impression d’être à leurs côtés, et on voit ainsi à quel point leurs chemins (et surtout l’entourage de chacun) s’opposent, et comme ils sont proches malgré tout, dans leur relation fraternelle qui ne faiblit jamais malgré les dissensions qu’ils ont pu avoir. C’est extrêmement touchant… et je veux bien croire qu’il y ait moyen de s’attacher à eux – sauf que ça n’a pas été le cas pour moi.

    J’aime aussi beaucoup (évidemment !) la place que l’autrice donne aux femmes dans ce livre… et qui, quant à elle, n’a sans doute rien de réaliste en regard à l’Histoire de l’Espagne, mais qui fait chaud au cœur malgré tout ! Par exemple, la meneuse de la révolution est une femme, son bras droit est une autre femme (amie d’enfance des frères en plus, même si cet aspect n’est pas approfondi dans ce tome-ci) ; et même parmi les plus riches, si les femmes (la mère des frères, et puis leur belle-mère après la mort de la première) a une place plus « traditionnelle », ce sont quand même elles qui font bouger les choses à leur petit niveau : elles seules osent s’opposer au grand-père – même si c’est sans résultat. Et mention pour la jeune Lea !

    Bref, c’est un livre plaisant porté par une plume nerveuse, mais le caractère trop timoré (à mon goût) des deux frères a fait que je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à eux. Cette réécriture « Fantasy » d’un épisode bien triste de l’Histoire d’Espagne a eu pour moi un côté désolant.





    Cadaver sancti de Jennifer Holparan
    Je reste sur du 15/20, même si on a quelque chose de complètement différent du précédent!

    <image>

    Synopsis : À Boston, un tueur en série laisse derrière lui des cadavres de femmes selon un rituel similaire au martyre des saintes. Gravé dans leur chair, un texte en hébreu... Interrogé dans le cadre de l'enquête, Tim, prêtre d'une trentaine d'années, a la surprise de retrouver dans la jeune inspectrice chargée de l'enquête, Darcy, la petite fille dont il était tombé amoureux enfant, un jour d'été. Celle-ci a grandi mais elle est restée le tourbillon incontrôlable qui l'avait charmé. Heureuse de pouvoir mettre à profit l'érudition religieuse de son ami, Darcy l'entraîne dans sa traque du tueur...

    Mon avis :
    Voici sans doute l’un des plus anciens livres de ma PAL ! Certes, je ne l’ai encodé que très tardivement : quand j’ai remis à jour mon LA, en novembre 2020… mais l’édition date de 2013, or on sait que les sorties France Loisirs (dont je suis membre depuis tout début 2007) ne durent que le temps d’une saison, parfois un chouïa davantage mais vraiment pas beaucoup. De plus, vu l’état déjà bien jauni des pages, on voit qu’il n’est plus nouveau. Eh oui : ça devait être mon achat de la saison cette fois-là, puisque je suis toujours restée abonnée depuis lors, même pendant toute ma panne de lecture !
    J’avais déjà pensé le ressortir pour le challenge Policier, dans lequel les titres latinisants permettent de gagner des points, mais j’ai tellement d’autres polars (et n’ai cessé d’en acheter ou emprunter plus récemment !) qu’il est finalement resté en bas de PAL… jusqu’à ce mois de juillet, où un autre challenge demande (entre autres) de former le mot « cancer » avec les lettres du titre. Et voilà !

    Je termine ce livre à moitié-convaincue, mais l’autre moitié atterrée…
    Commençons par le moins bon : les personnages sont extrêmement stéréotypés, vus par les yeux d’une autrice qui a tout à coup eu une idée intéressante : faire un duo d’enquêteurs inhabituel, composé d’une fliquette excentrique et d’un prêtre, qui se sont connus tout enfants et jamais revus ensuite.
    Mais elle l’exploite avec des préjugés gros comme des maisons, si bien que les deux protagonistes principaux sont très, très peu crédibles, et en plus particulièrement irritants ! Bon, je précise ma pensée : j’ai relativement peu d’a priori sur la jeune flic Darcy, présentée comme surdouée, ayant suivi une formation auprès du FBI où elle était brillante, mais ayant ensuite raté l’examen psychologique pour intégrer définitivement le célèbre Bureau… mais toujours amenée comme « la punkette » à cause de son look extravagant et son caractère entier et survolté. En fait, son trait est vraiment exagéré. Pour ceux qui connaissent : on retrouverait chez notre Darcy des caractéristiques qui font une parfaite Samira Cheung (dans la série du commandant Servaz chez Bernard Minier)… sauf qu’ici, le manque criant de nuances, le fait que cette jeune flic se comporte surtout comme une nana égoïste et bien un peu dérangée, avec des épisodes proches de la schizophrénie qui sont mal exploités, eh bien on n’y croit pas !

    Mais alors Tim, le prêtre !! Pour avoir fréquenté certains milieux cathos et leurs représentants, je peux dire que, à part quelques extrémistes (comme on trouve, hélas, dans toute les religions), on rencontre surtout des hommes qui ont choisi une voie qu’on ne comprend pas toujours, et dont ils doutent parfois… Mais ici, la vocation de Tim repose sur un malentendu ridicule : son chagrin d’amour d’enfant, après avoir perdu la petite Darcy dont il était tombé amoureux… le temps d’un été où ils n’avaient pas 10 ans ! Est-ce sensé être perçu comme de l’humour ? Franchement ?... Rien que par cette entrée en matière on est dans le préjugé un peu débile et extrêmement stéréotypé, je n’y trouve aucun humour, c’est désolant.
    Pour le reste, je n’ai jamais croisé aucun prêtre, en vrac, qui soit jeune mais copain-copain avec son évêque, qui soit complètement figé dans une non-sexualité au point de se soûler de façon complètement idiote quand il entre dans un bar un peu hot pour le besoins de l’enquête, qui n’ait absolument aucune « autorité » ni naturelle ni grâce à son col romain (il a plutôt l’air d’un étudiant un peu paumé au milieu des collègues flics de Darcy, ou auprès de ses parents), et qui joue à l’enfant gâté avec ses parents richissimes grâce à qui il peut rouler en Porsche… On l’a compris : à force de vouloir croquer un personnage, volontairement cliché (du moins je suppose que ce stéréotype est voulu !), l’autrice en fait trop, beaucoup trop, et du coup ça ne passe pas !

    Je suppose aussi que ces traits de caractère hyper-exagérés chez nos deux personnages principaux font partie de ce que certains commentaires interprètent comme de l’humour – beaucoup en parlent, moi je le « ressens » comme quelque chose en sous-marin, mais qui n’est pas parvenu à éclore, bloqué par l’autrice elle-même… Oui, on sent ces tentatives d’humour, qui sont pleines de potentiel… mais qui tombent à plat car ce sont les protagonistes qui les véhiculent, alors qu’ils n’en ont pas la carrure, par manque de crédibilité et excès de clichés. Il aurait fallu arrondir les angles, même un tout petit peu, chez Darcy – il y avait bien ce petit côté sombre, par exemple, mais qui est à peine évoqué sans jamais être approfondi, pourtant ça l’aurait rendue plus humaine ; et faire de Tim un prêtre avec une consistance plus réaliste, certes avec ses doutes, mais aussi un homme avant tout, et pas cet espèce d’être asexué et au caractère de gamin…

    À côté de ça, pour moi c’est un vrai paradoxe : l’intrigue est absolument géniale ! Je ne vais rien en révéler car vraiment ça vaut la peine de découvrir les choses petit à petit, avec en plus un crescendo qui fait qu’on ne peut plus lâcher le livre. On sent le travail de recherche sur les saintes martyres et les textes s’y rapportant, sans oublier certains passages bibliques. De la même façon, on perçoit une grande connaissance (ou une documentation solide à ce propos) de la ville de Boston – ce n’est pas au point que j’aurais envie de m’y rendre, mais ces aspects-là sont parfaitement réalistes sans jamais pêcher par exagération, si bien qu’on suit nos différents personnages dans les rues de la ville comme si on y était.

    Quant à l’écriture, le fait de « titrer » chaque chapitre par une mini-phrase en italique, démontrant la plupart du temps une tentative d’humour, et annonçant le contenu dudit chapitre, non seulement je n’ai pas trop compris à quoi elles servaient, mais en plus j’ai cessé de les lire car elles n’apportaient rien, si ce n’est accentuer le décalage entre mon plaisir pour l’enquête et mon irritation face aux personnages… Dommage !
    À côté de ça, l’autrice utilise donc un certain crescendo dans son intrigue. Au début on rencontre quasi exclusivement les policiers (avec Darcy en avant-plan) et Tim. Puis, peu à peu, on entre dans l’univers, les pensées de l’un ou l’autre personnage secondaire le temps de quelques lignes en début de tel ou tel chapitre, ce qui donne un autre focus à l’intrigue, tout en rendant l’ensemble plus vivant. C’est presque (télé)visuel même, comme dans ces séries télé qui présentent les différentes victimes d’un meurtre par exemple, par les yeux d’un total inconnu, qui n’est pas (du tout) le personnage principal… mais qui finira par jouer un (petit) rôle dans l’histoire, ou parfois pas du tout.
    Ainsi, quand on entre dans les pensées des futures victimes du tueur, on ne comprend pas tout de suite qu’on se trouve dans l’antre de cet « ennemi », la révélation ne se fait que petit à petit, amenant un sentiment d’horreur mêlée d’inquiétude. Or, bien évidemment, cette nouvelle tension, qui s’accentue au fil des pages, participe au phénomène « page-turner » de plus en plus évident !

    Bref, ce n’est pas un coup de cœur, à cause du manque de crédibilité et de maturité des personnages (et de l’autrice ?), mais l’intrigue est vraiment maîtrisée et prenante. Un livre plein de promesses pour l’avenir de l’autrice, si du moins elle parvient à rendre ses personnages plus humains, tout simplement.





    Les possibles de Virginie Grimaldi
    Grosse déception, malgré une plume agréable... 13/20

    <image>

    Synopsis : Juliane n’aime pas les surprises. Quand son père fantasque vient s’installer chez elle, à la suite de l’incendie de sa maison, son quotidien parfaitement huilé connaît quelques turbulences.
    Jean dépense sa retraite au téléachat, écoute du hard rock à fond, tapisse les murs de posters d'Indiens, égare ses affaires, cherche son chemin.
    Juliane veut croire que l’originalité de son père s’est épanouie avec l’âge, mais elle doit se rendre à l’évidence : il déraille.
    Face aux lendemains qui s'évaporent, elle va apprendre à découvrir l'homme sous le costume de père, ses valeurs, ses failles, et surtout ses rêves.
    Tant que la partie n'est pas finie, il est encore l'heure de tous les possibles.


    Mon avis :
    Alors, oui, l’histoire est belle et touchante ; oui, aussi, la plume est agréable et facile à lire, sans être exceptionnelle pour autant… mais tout au long de ma lecture je n’ai pu m’empêcher de me demander : les gens ont-ils à ce point besoin de feel good facile, pour ainsi propulser cette autrice et ce livre au firmament des ventes et des appréciations ? Ou bien c’est juste un effet de mode : le nom Virginie Grimaldi est désormais tellement vendeur qu’il suffit qu’elle sorte un nouveau livre, quelle qu’en soit la qualité, pour qu’aussitôt il atteigne des sommets, tant des ventes que des critiques ? Oh, je n’ai rien contre les auteurs « à best-sellers », je suis même ultra-fan d’un Michel Bussi par exemple – ou d’un Bernard Minier, qui a désormais peu à peu le même succès dans un autre genre.
    Mais franchement, pour moi qui n’avais encore rien lu de Virginie Grimaldi, mais qui ai été attiré par ce livre à cause de sa jolie couverture toute gentille, son thème et son titre, j’ai trouvé cette lecture relativement mièvre, trop pleine de clichés, et incapable de susciter une vraie émotion.

    Pour commencer, je n’ai trouvé aucun des personnages particulièrement attachant, la narratrice m’a même passablement irritée. Elle a quelque chose d’insipide, d’ailleurs elle se définit elle-même dans cet esprit : études sans gloire, boulot qu’elle fait sans réel intérêt ni enthousiasme mais qui lui suffit, mariage avec un homme qu’elle présente comme parfait mais sans passion, et son hyperphagie dans laquelle elle s’enfonce, pour ne citer que quelques exemples… Certes, tous ces éléments la rendent aussi humaine que crédible, mais en même temps on a envie de la secouer un bon coup, de lui dire : mais vis ta vie, bordel ! (désolée…) tu es mère de famille, ok (moi aussi), mais comment peux-tu prétendre aimer/aider (à une lettre près c’était facile !) tout ton entourage quand tu te complais toi-même dans une certaine non-existence ?!…
    Pour bien accentuer la portée dramatique de l’histoire (je suppose), on a aussi le fils en difficulté à l’école : dysphasie… Bon, pourquoi pas, sauf que : non seulement je ne vois absolument pas ce que ça apporte à l’histoire, mais en plus ça m’agace. Allez voir sur les forums et autres réseaux sociaux, dans les divers groupes de (jeunes) mamans – j’ai fait partie de plusieurs groupes du genre pendant plusieurs années : à les lire, il y a un tel nombre d’enfants dys-quelque-chose et/ou HP et/ou TDA(H), pour ne citer que les plus courants, qu’on se demande s’il restera un seul adulte « normal », banal et sans histoire, dans la France de demain !? Je clarifie néanmoins tout de suite ma pensée : c’est évidemment une grande avancée pour tous ces enfants atteints de ce qu’on appelle « les handicaps invisibles », d’être de plus en plus reconnus, appuyés, aidés. Mais leur nombre croissant de façon exponentielle fait finalement douter du sérieux, et dès lors du réel intérêt (pour l’enfant en premier lieu), de ces diagnostics. Et quand ça devient une revendication à la limite de l’agressivité de la part des parents, une forme de distinction parce que ça fait bien sur les réseaux, ça devient tout de suite moins acceptable. Dès lors, retrouver ça dans ce livre, alors que ça ne sert à rien pour l’histoire même et qu’on a déjà bien assez à faire avec le père, pour moi c’est tout simplement « trop » ! et pourtant ça revient encore et encore, comme si l’autrice n’avait pas pu tout à fait décider si elle voulait raconter l’histoire du père et du fils (de la narratrice) ; comme si elle voulait accentuer le côté malheureux et terrible de sa situation…

    Et le père ! Le trait de son originalité, de son excentricité assumée, de son égoïsme aussi malgré son amour pour ses filles, est tellement forcé, exagéré, qu’on se demande si un tel père a vraiment existé : si l’autrice a pris l’exemple dans sa propre enfance, si elle s’est inspirée d’un quelconque père d’une femme-amie de son entourage, et/ou dans quelle mesure elle en a rajouté pour sa fiction… Comme si le fait d’être ainsi « différent », et de tomber malade d’un truc tellement courant (pas Alzheimer, mais des symptômes tellement proches qu’on patauge pour donner un nom à la maladie) et dur tout à la fois, rendait les choses encore plus graves. Mais avec tout ça, lui non plus n’est pas tellement sympathique finalement et, pire encore, sa dégénérescence semble bien un peu tristounette et touchante, mais surtout irréaliste, et en tout cas on n’est pas remué aux tripes, ça non, or c’était bien ce que l’autrice visait, il me semble. Pour ma part, à la limite, je me suis ennuyée par moments…

    Pour tout dire, si j’ai choisi ce livre, c’est aussi parce que le 4e de couverture, que j’avais pourtant à peine survolé, parle d’un « père qui déraille ». Je ne pouvais qu’être tentée d’avoir le regard d’une autrice tellement célébrée ! car mon père à moi aussi a déraillé, les dernières années… Mon père à moi aussi a eu des troubles divers et variés qui ont fait penser à un Alzheimer, certes moins précoce que le Jean de l’histoire (mon père avait déjà plus de 70 ans quand sa maladie est devenue évidente), mais qui n’en était pas un, et qui s’est retrouvé catalogué « démence vasculaire »… car mon père à moi aussi a fumé toute sa vie (il a goûté à sa première cigarette à la Libération, « distribuées » par les soldats américains, il n’avait pas 10 ans !), au point d’avoir les artères complètement bouchées… Mon père à moi aussi, sans être aussi original que celui qu’on décrit ici, était anticonformiste et l’assumait tout à fait…
    Et pour être complète : moi aussi j’ai toujours eu des envies d’écrire, pas entièrement réalisées jusqu’à présent, mais en tout cas mon père à moi m’y a toujours encouragée…

    Or, malgré toutes ces similitudes, pas un seul instant je ne me suis « retrouvée » dans ces lignes, et n’y ai pas davantage retrouvé mon père à moi, pas même dans la description de la maladie ! Pour rappel : on parle bien de la même maladie, j’ai même tout à coup senti un nœud se former dans le creux de mon estomac quand j’ai lu ces mots tellement définitifs de « démence vasculaire » ! Certes, je peux concevoir que la perception et l’évolution de cette maladie puissent être différentes d’une personne à l’autre, mais il y a une différence marquante qui m’a choquée, et pour moi c’est un élément majeur: Jean, le père de l’histoire, est tellement enfoncé dans un certain égoïsme, qu’il est parfaitement inconscient de sa maladie, et quand il s’en rend compte peu à peu, c’est essentiellement pour la nier. Quant à sa fille, elle est tellement centrée sur ce père qu’elle va « perdre », on la sent pleurer surtout sa douleur à elle. Tout au contraire, mon père à moi, dès les premiers symptômes, a été conscient de son état, du moins dans les moments (qui allaient en se raréfiant) de lucidité. Et il en souffrait, véritablement, et cette conscience aiguë de sa dégénérescence progressive était presque plus poignante que la maladie même. On avait mal pour lui, et pas pour sa perte qu’on savait de toute façon inéluctable, et qu’il ne semblait pas redouter. Surtout quand il s’est mis à parler d’euthanasie (légale en Belgique) : il ne voulait plus être une charge pour maman... Or, dans ce livre, jamais Jean n’a eu un tel souci, exprimé de quelque façon que ce soit, pour sa famille ! Pourtant, mon père à moi n’était pas un être aussi exceptionnel que Jean, c’était juste mon père. Et la Faucheuse est finalement venue toute seule, plus tôt que prévu, mais de toute façon c’est toujours trop tôt…
    Je ne souhaite pas approfondir davantage dans cette voie, car ça reste un épisode douloureux… mais justement : toute cette douleur que l’autrice décrit ne faisait aucun éco à la mienne, et je ne me suis pas retrouvée dans la sienne, comme un rendez-vous manqué alors que tous les ingrédients de base étaient pourtant bien là.

    Ainsi, outre tous les éléments déjà exposés, pourquoi donc est-ce que ça n’a pas fonctionné ?
    J’ai envie de dire : c’est aussi l’écriture qui ne marche pas ! Cette plume est reconnue, certes pas pour ses qualités littéraires exceptionnelles, ce n’est pas ça qu’on entend quand on parle de Virginie Grimaldi, mais bien davantage le fait qu’elle est parmi les auteurs les plus lus… on peut donc supposer que, pour le moins, elle écrit bien ?
    Alors, soyons sérieux : ce n’est pas mauvais non plus ! L’écriture est plutôt agréable et légère, sans prise de tête, fluide et facile. Mais justement : l’écriture est trop facile. Au point d’en devenir insipide et sans relief, comme l’image que donne la narratrice – pour le coup, si cette impression de platitude est voulue, c’est très réussi ; sinon, c’est très malheureux…

    En outre elle use et abuse de procédés que j’ai retrouvés dans divers autres romans du genre (je pense aux « Oubliés du dimanche » de Valérie Perrin). Je ne vais pas tout décrire, mais on a par exemple ces trop nombreuses « listes à virgules » : ce sont ces phrases qui font à près une page, alors qu’elles ne sont rien d’autres qu’une énumération de divers mots et mini-phrases à peine séparés d’une virgule, donnant ainsi l’impression que le narrateur porte le poids du monde sur son dos. Pour le coup, le lecteur aussi… Ou bien, dans un chapitre qui parle d’un thème / d’un épisode bien précis de la maladie du père, glisser tout à coup un élément qui n’a rien à voir et qui est sensé faire rebondir les choses, mais qui tombe complètement à plat – comme ici, où le chapitre entier parle (entre autres) de l’hyperphagie de la narratrice, « maladie » qui a tendance à ressortir depuis qu’elle héberge son père déficient, et paf tout à la fin alors qu’elle décide de chercher à s’en sortir peut-être, elle ajoute à sa liste de rendez-vous à prendre « Réfléchir frère ou sœur Charlie ». Gni ??? mais qu’est-ce que ça vient faire, quel est l’intérêt de cette phrase perdue, qui n’a été amenée en aucune façon, et qui ne ressortira pas davantage par la suite !?… Oh oui c’est une bonne intention, ça ferait presque sourire… mais en choisissant ce livre, je n’avais pas envie de sourire face à des facilités du genre ; j’avais envie –peut-être- de retrouver quelque chose de mon père, un petit rien qui me rapproche de lui, une douleur partagée comme on peut retrouver dans les groupes de parole qu’elle évoque… mais je n’ai rien ressenti de tout ça !

    Bref, il y a plein d’éléments en commun (même s’ils sont toujours un peu différents quand même) entre ma vie réelle et ce livre au sujet touchant. Et pourtant, pas un seul instant je n’ai vibré, pas un seul instant je ne me suis sentie concernée, pas un seul instant je n’ai été seulement un peu émue !
    Le rendez-vous de l’émotion a été manqué alors qu’il était plus que possible. En effet, hélas, outre la rencontre manquée avec des personnages exagérément stéréotypés, la forme ne marche pas non plus. Ce livre est un concentré ahurissant de clichés, de poncifs, d’idées reçues, de pseudo-solutions, de jolies phrases plus ou moins moralisantes. C’est trop connu, trop attendu, sans relief. Les recettes de mes livres de cuisine sont parfois plus pétillantes que cette écriture pleine de bons sentiments certes, mais qui laisse un goût vaguement amer d’une platitude désolante et sans limite.





    Virage à 180°: voici maintenant une lecture "coup de poing", un livre aux antipodes des gentilles platitudes relevées ci-dessus, un livre qui dérange et bouleverse tout au long de ses moins de 200 pages... 17/20

    Utopia d'Ahmed Khaled Towfik

    <image>

    Synopsis : Dans un monde arabe en ébullition, Utopia est un cri d’alarme sur les clivages sociaux et la disparition des couches moyennes en Égypte.
    Le Caire, 2023. À l’abri de hauts murs barbelés, la jeunesse oisive de la colonie d’Utopia s’ennuie. Seule la « Chasse » procure le grand frisson et a valeur de rite initiatique. Le but: s’introduire dans les bidonvilles du Caire, tuer un pauvre et ramener un trophée. Un jeune homme et sa petite amie ont décidé de goûter à la poussée d’adrénaline. mais leur immersion dans les bas-fonds du Caire, véritable cour des miracles post-apocalyptique, se révèle plus dangereuse que prévu. Démasqués, traqués par une population haineuse, ils vont à leur tour devenir la proie des chasseurs. Parviendront-ils à sauver leur peau?


    Mon avis :
    Roman extrêmement sombre et dérangeant, qui bouscule et bouleverse. On est dans une Égypte du futur, mais un futur pas tellement lointain. Les riches très riches se sont retranchés dans les endroits les plus agréables (en bord de mer), isolés du reste du pays par de hauts murs barbelés protégés par d’anciens marines américains, et vivent dans une surabondance de biens (y compris de nouvelles drogues chimiques dont ils ne peuvent se passer) et de sexe facile, dans la paix avec les anciens ennemis (dont Israël qui est évoqué au passage) et surtout, dans un incommensurable ennui de jours qui se suivent sans surprise. Plus rien n’amuse cette jeunesse dorée et complètement désabusée ; plus rien ne les occupe plus de quelques minutes, plus rien ne les intéresse. Le maquillage à la mode est devenu celui qui imite des blessures les plus sanguinolentes possibles. Dans ce monde complètement désenchanté, ultra-capitaliste mais sans plus aucune place pour le rêve ou l’espoir (de quoi ? quand on a tout…), le divertissement ultime consiste à passer (illégalement) de l’autre côté des murs, pour y kidnapper n’importe qui et le ramener dans leur paradis pour organiser une chasse à l’homme en plein désert, et revenir ensuite auprès des autres jeunes de leur clan, avec un trophée : un bras ou une main de leur victime…

    C’est ce que va tenter l’un des deux personnages principaux de ce court roman, dont le nom n’est jamais cité il me semble, qui se rend vers ce monde des « Autres » avec sa petite amie du moment, appelée (bien ironiquement !) Germinal. Ces Autres vivent dans une misère et une crasse extrêmes ; depuis longtemps les services publics ont cessé de fonctionner, il n’y a plus de métro, de salaires, d’écoles, d’hôpitaux, de médicaments, rien ! Il n’y a même plus de chiens ou de rats, car leur chair est trop précieuse et le moindre animal qui parviendrait à survivre dans ce cloaque se fait bien vite attraper pour fournir un peu de nourriture à ces êtres qui n’ont plus rien, même plus vraiment d’humanité. Certains arrivent à survivre en effectuant les travaux sales que leur laissent les nantis d’Utopia, mais c’est surtout une criminalité de survie et devenue normale qui s’est développée : proxénétisme et prostitution, trafics divers et variés (et notamment cette fameuse drogue à la mode mais alors coupée), dans un climat de guerre des gangs où les armes sont faites de vieux objets communs recyclés.

    C’est ainsi que, trop téméraires, le narrateur « chasseur » et Germinal se retrouvent en bien mauvaise posture, avant d’être sauvés par Gaber, l’un de ces Autres, qui va les prendre sous son aile jusqu’à les ramener dans leur monde, sans qu’on comprenne trop pourquoi. Ils ont tous deux plusieurs points communs bien au-delà de leur terrible différence d’origine : tous deux ont beaucoup lu, dans ce monde où les livres n’ont plus cours quel que soit le côté du mur ; ces lectures devenues inutiles dans leurs mondes respectifs les ont tous deux rendus cyniques ; et aussi, tous deux sont animés d’une haine infinie envers l’autre. Mais, tandis que le narrateur nanti recherche sans répit le « frisson » qu’il n’a jamais ressenti dans sa courte vie de 16 ans à peine, Gaber tient plus que tout à rester digne quoi qu’il arrive, et protéger à tout prix son plus précieux trésor, sa sœur trop jolie, malgré la saleté et la tuberculose qui la condamnent à très court terme…

    Bon, là j’en ai déjà beaucoup dit, presque plus qu’un résumé, et je n’ai même pas encore vraiment commencé mon commentaire. Mais le synopsis présent sur les différentes plateformes n’est pas tout à fait explicite (et pour cause !), et dès lors il est difficile de deviner à quel point l’auteur nous décrit deux populations issues des mêmes racines, mais devenues étrangères et même haineuses l’une envers l’autre. S’il se penche au départ sur le narrateur venu d’Utopia, dans plusieurs chapitres Gaber devient à son tour narrateur à la 1re personne du singulier, ce qui accentue le profond antagonisme qui existe entre les deux. Mais, clairement, et sans jamais voiler les côtés sombres de son « vrai héros », l’auteur a pris le parti de Gaber, car lui seul semble avoir gardé une vacillante flamme d’humanité, dans ce monde partagé entre nantis trop désabusés ou pauvres ayant depuis longtemps plongé dans une certaine bestialité, mais des deux côtés tellement sans illusion, au point de ne plus ressentir aucun de ces sentiments, de ces émotions qui font d’un homme ou d’une femme, un être humain.

    L’auteur expose ainsi, avec un réalisme empreint d’une certaine cruauté même, ce qui pourrait arriver dans une société où la classe moyenne (composée de ces professions que certains ont tellement tendance à considérer comme « inutiles », entre fonctionnaires, enseignants, personnel soignant, petits commerçants, etc.) aurait disparu, et où les deux extrêmes se seraient développées de façon exponentielle, entre opulence scandaleuse qui semble pourtant ne plus choquer personne, et pauvreté sans nom assortie d’une telle résignation que cette population n’a même plus la force de se révolter.
    Il place son histoire en Égypte dans un futur proche, dénonçant ainsi certaines tendances sociétales qui existeraient déjà dans son pays, et notamment ce fossé divisant nantis et miséreux qui ne cesserait de s’élargir, dans la méconnaissance les uns des autres, une indifférence de la part des riches et un certain fatalisme, un renoncement de la part des « Autres ».

    Mais ce qui est particulièrement glaçant dans ce livre, entre les mains de la lectrice occidentale que je suis, c’est que cette histoire terriblement dystopique pourrait arriver de la même façon, avec à peine quelques subtiles différences géographiques, dans nos pays aussi. Il suffit de gommer les quelques passages qui parlent explicitement de l’Égypte, passages relativement peu nombreux en plus, et les replacer dans un contexte européen (et je suppose qu’un contexte nord-américain marcherait tout aussi bien, si l’on peut dire), et ça devient tout à coup terriblement réaliste, de l’ordre du possible, de l’ordre de l’horrible !

    L’auteur nous livre ce récit dans un  plume langue proche d’une mélopée parfois, avec ses aspects répétitifs – juste assez pour qu’il en ressorte une certaine mélancolie, juste pas trop pour que ça ne soit pas lassant. Il est assez difficile de dire, pour moi qui n’y connais rien, si c’est une caractéristique propre à cet auteur en particulier, ou si c’est un artifice récurrent dans la littérature arable, mais en tout cas, ça donne une force indéniable à cette histoire. En outre, le récit est ponctué de citations ; or, si certaines sont issues d’un imaginaire groupe de rock (d’une forme de rock pas encore connue aujourd’hui, mais tellement extrême que le hard rock ou le heavy metal sembleraient « gentils » en comparaison, explique-t-on) qui s’appelle de façon bien trouvée « Orgasm », d’autres sont de vraies citations, dont la plus touchante que de nombreux commentaires ont reprise, est de cet auteur égyptien connu semble-t-il, mais illustre inconnu dans notre monde occidental (d’ailleurs il semble bien qu’il n’ait quasi pas été traduit en français), Abderrahman El-Abnoudi, que Wiki présente comme Abdel Rahmane al-Abnoudi, et que je ne peux m’empêcher de citer ici tant il illustre bien tout le paradoxe de ce livre :
    « On est deux peuples. Deux peuples, deux peuples !
    Regarde où est le premier, regarde où est l'autre,
    Et là, c'est la ligne qui passe entre eux deux.
    Vous avez vendu la terre et avec elle ses outils et ses gens
    Devant tout le monde vous l'avez déshabillée
    On l'a vue tout entière, de la tête aux pieds
    Elle est morte et son odeur a précédé son dernier souffle
    Et nous, les fils de chien, nous, le peuple
    A nous le plus beau et son chemin difficile
    A nous les coups de botte et les coups de talon
    Et le droit de mourir à la guerre.

    Abderrahman El-Abnoudi, "Tristesses ordinaires" »

    Ainsi donc, lisez-le, ce livre terrible, en plus il se lit vite et facilement car la langue même est très accessible. Mais laissez ensuite votre cœur se reposer, et digérer ces scènes devenues banales dans un certain monde, et pourtant d’une horreur sans nom… qui n’est pas si loin de nous !





    Et un petit dernier pour la route... ;) encore en forme de virage total, mais je préfère terminer sur une note positive quand même! 17/20 pour un conte qui a beaucoup séduit, et cette fois je suis d'accord! 17/20

    D'or et d'oreillers de Flore Vesco

    <image>

    Synopsis : C'est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, sans parent, ni chaperon, dans ce lit d'une hauteur invraisemblable. Pour l'heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication.
    Mais voici que lord Handerson propose à Sadima de passer l'épreuve. Robuste et vaillante, simple femme de chambre, Sadima n'a pourtant rien d'une princesse au petit pois ! Et c'est tant mieux, car nous ne sommes pas dans un conte de fées mais dans une histoire d'amour et de sorcellerie où l'on apprend ce que les jeunes filles font en secret, la nuit, dans leur lit...


    Mon avis :
    Depuis le temps que j’entendais parler de ce livre ! J’avais fini par me l’offrir, en partie parce qu’il était proposé en LC sur l’un de mes challenges préférés ;) , mais aussi à cause de la belle couverture – pas la plus belle que j’aie dans ma PAL selon mes goûts, mais elle a ce côté onirique qui séduit aussitôt. Cela dit, à part la synopsis qui annonce sans le dire explicitement une probable réécriture de la Princesse au petit pois, avec en plus un côté magique, je ne savais pas trop à quoi m’attendre…
    À noter aussi que, même si on a à la maison l’un ou l’autre livre de Flore Vesco, et notamment l’inévitable « Louis Pasteur etc. » (inévitable car mari chimiste et passage touristique par la maison Pasteur à Arbois dans le Jura il y a quelques années), je n’avais encore rien lu de sa plume.

    Et d’emblée on est mis dans le bain, dès le prologue : non ce n’est pas que la réécriture d’un conte connu, c’est autre chose que ça, c’est plus que ça ! L’autrice manie les mots avec une virtuosité remarquable, une véritable recherche du mot juste et de la tournure parfaite, sans jamais paraître pédante ou assommante pour autant ; chaque mot est « à sa place » de façon extrêmement maîtrisée, mais le tout reste léger, agréable, fluide – bref, c’est une écriture vraiment extraordinaire qui séduit… tout autant que la couverture !

    Ainsi donc, on entre dans ce conte qui revisite en effet la célébrissime Princesse au petit pois, et on retrouve les éléments de base qui font tout bon conte : les riches sœurs avec leur mère arriviste quelle que soit sa fortune, à la recherche du meilleur parti possible, la famille étant affublée de la servante plus jolie que tout le monde réuni - même si, ici, sa beauté tient surtout à sa différence d’avec les beautés diaphanes classiques et fragiles, et au fait qu’elle est moins gnangnan que les prétendantes habituelles ; est-ce l’un des éléments pour lesquels tant de commentaires lus çà et là parlent de « féminisme » ?...
    On s’enfonce ensuite dans une histoire de plus en plus surprenante qu’on n’arrive plus à lâcher (j’ai lu ce livre vraiment hyper-vite !), avec rebondissements et une certaine noirceur qui se développe de plus en plus, tout en se baladant de référence en souvenir de ces contes qui ont bercé notre enfance – si j’en ai identifié l’un ou l’autre au passage, je n’ai pas non plus essayé de les reconnaître à tout prix, mais on a indéniablement des relents d’autres univers « contesques » à de nombreux endroits, tous adaptés à la sauce des aventures de Sadima et d’Adrian. Et donc, comme je disais, on est complètement envoûté ! Je me suis arrêtée plusieurs fois au bout de l’un ou l’autre chapitre, décidée à « faire quelque chose de ma journée »… mais l’instant d’après je reprenais le livre car je ne pouvais réellement pas faire autrement !

    Cela dit, plusieurs heures après avoir terminé, je me demande encore quel message l’autrice a réellement voulu faire passer ? Il est évident qu’il y a une « morale »… mais c’est peut-être aussi un autre tour de force de l’autrice : chaque lecteur peut se faire sa propre morale de l’histoire, avec les éléments qui l’ont le plus touché !
    Pour moi, c’est une ode à l’amour - que ce soit l’amour maternel qui peut aller jusqu’à une extrême dérangeante ou au contraire faire fi de tous les obstacles, ou cet amour qui unit deux êtres au-delà de leurs différences (sociales notamment) et les rend réellement complets. C’est aussi, dans cette langue tellement extraordinaire, parfois sensuelle, que l’autrice développe ce que j’appellerais de « l’érotisme poétique » - c’est bien au-delà de la seule sensualité, car c’est vraiment explicite, mais en même temps c’est presque « codé ». Je veux dire : le jeune de 13-14 ans qui lirait ce livre (ou même plus âgé selon sa maturité amoureuse, mais là je pense à mon fils de presque 14 ans, qui en est encore très loin) n’y verra que du feu, tout au plus il comprendra qu’il se passe quelque chose et en sera enchanté, mais il passera à côté de la dose d’érotisme bien présente, pour ne garder que cette ambiance sensuelle et très poétique.

    Bref, c’est un coup de cœur, pas « absolu » comme certaines lectures qui m’ont fait vibrer à un point que j’ai tenté d’expliquer avec mes mots. Ici on est davantage dans l’enchantement, l’envoûtement, la séduction aussi, et c’est tout aussi prenant, un excellent moment de lecture !

  • GOUPILPM

    Lecteur professionnel

    Hors ligne

    #128 26 Juillet 2021 13:11:44

    Coucou
    J'avais noté La Machine mais vu ton avis je vais m'abstenir
    Pour Cadaver Sancti je l'avais trouvé pour ma part plutôt moyen
    a+
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #129 31 Juillet 2021 18:57:49

    Bonjour,

    GOUPILPM a écrit

    Coucou
    J'avais noté La Machine mais vu ton avis je vais m'abstenir
    Pour Cadaver Sancti je l'avais trouvé pour ma part plutôt moyen
    a+


    Ça vaut peut-être la peine de l'essayer quand même?
    J'ai souvent un avis différent de la majorité... comme vont le prouver quelques-uns des livres à suivre ici:

    Les sept soeurs de Lucinda Riley
    Ce livre dont tout le monde parle, qui est ultra-mis à l'honneur (si ça se dit) notamment dans les librairies, à l'occasion de la sortie du 7e et dernier tome en français. Pour ma part, à moins d'avoir un moment "creux" sur mes listes à lire (c'est-à-dire jamais, ah ah!), je ne pense pas poursuivre... 13/20

    <image>

    Synopsis : À la mort de leur père, énigmatique milliardaire qui les a adoptées aux quatre coins du monde lorsqu'elles étaient bébés, Maia d'Aplièse et ses soeurs se retrouvent dans la maison de leur enfance, Atlantis, un magnifique château sur les bords du lac de Genève.
    Pour héritage, elles reçoivent chacune un mystérieux indice qui leur permettra peut-être de percer le secret de leurs origines. La piste de Maia la conduit au-delà des océans, dans un manoir en ruines sur les collines de Rio de Janeiro, au Brésil. C'est là que son histoire a commencé… Secrets enfouis et destins brisés : ce que Maia découvre va bouleverser sa vie.


    Mon avis :
    Décidément, je ne suis pas bonne lectrice pour ces best-sellers qui séduisent les foules et qui, en plus, comme dans le cas présent, se déclinent en plusieurs exemplaires ! L’idée de base était pourtant sympa : sept sœurs adoptées dans tous les coins du monde, rassemblées par un père aussi riche qu’énigmatique, dans sa magnifique résidence sur les bords du Léman (qui est toujours appelé ici à l’allemande, « lac de Genève »), et qui reçoivent à la mort de cet homme quelques indices leur permettant de retrouver leurs racines si elles le souhaitent. Les sept sœurs portent les noms des sept étoiles de la constellation homonyme, les fameuses Pléiades… et en toute logique on va suivre l’histoire de chacune des sœurs au fil des 7 tomes de la saga.

    Mais alors, que c’est long ! et beaucoup trop d’incohérences – selon mon regard du moins.
    D’abord, le passage sur la nouvelle du décès de ce père mystérieux, le retour des sept sœurs au foyer (car, à part l’aînée, elles sont toutes ici ou là à vivre leur vie) et le début de leur deuil, c’est interminable ! Oh, certes, un deuil prend bien plus de temps que les quelques jours qu’elles vont toutes passer là-bas ensemble, et c’est un deuil d’autant plus difficile qu’il n’y a pas eu d’enterrement ni une quelconque cérémonie – et je sais ô combien ce que ça représente, mon propre père ayant décidé, des années avant son décès, de « donner son corps à la science » et ayant exprimé régulièrement qu’il ne voulait aucune cérémonie… Plus de 3 ans après son décès, j’ai parfois l’impression que je n’ai jamais vraiment pu faire ce deuil.
    Cela dit, durant cette très longue introduction qui fait près d’un tiers du livre, je n’ai pas ressenti cette douleur de ne pas vraiment pouvoir « tourner la page », tout au plus par bribes, et ça n’en finissait pas, dans un mélo de tristesse et d’énigmes tout à coup tellement passionnantes pour les filles… un peu moins pour moi car (au risque de me répéter), on faisait du surplace et j’attendais désespérément qu’il se passe enfin quelque chose de concret.

    Et enfin ça bouge : on part vers le Brésil en compagnie de Maia, la sœur aînée.
    D’emblée elle m’a profondément agacée : elle est présentée comme une fille calme et douce, aimante avec toutes les autres, mais aussi un peu retirée du monde, c’est d’ailleurs la seule qui soit restée sur le domaine du père mais dans son propre pavillon, et elle vit là comme une presque-nonne après ce qu’on comprend une relation qui s’est mal terminée, et dont on n’aura la clé que beaucoup plus tard. Mais cet effacement volontaire de la vraie vie, sans qu’on comprenne pourquoi et autour de quoi elle fait tout un mystère pendant presque tout le livre, c’est frustrant au début puis peu à peu ça devient lassant, on a juste envie de la secouer un bon coup et qu’elle réapprenne à vivre !

    Et paf on l’a à peine vue prendre quelques décisions un peu « osées » de sa part (aller au Brésil ! rencontrer l’auteur brésilien dont elle a traduit un roman en français !), nous voilà plongés dans l’histoire de son arrière-grand-mère d’origine italienne mais bien brésilienne, et dont la vie va être une succession de mauvais choix tels qu’une jeune fille « nouvelle riche » désireuse de percer dans la haute société luso-brésilienne de l’époque pouvait faire par obéissance envers ses parents, et malgré l’illusion qu’elle avait le choix.

    Alors, oui, je le reconnais : à partir de ce moment-là (on est quand même à plus du premier tiers du livre !), l’écriture est devenue fluide et agréable, et on accroche vraiment à cette histoire de la vie d’Izabela appelée Bel, jeune femme passionnée mais trop bridée du Brésil du début du XXe siècle. D’ailleurs, l’histoire de cette Bel élude tout à coup complètement Maia, dont on ne parle plus du tout, car on entre vraiment dans l’histoire aux côtés de Bel, et durant un tel temps qu’on en oublie presque Maia. Avec toutefois la bizarre analogie que Bel ressemble étrangement à Maia, tant physiquement que dans toute une série de comportements – et c’est bien là qu’est le hic : si tout est plausible au niveau de Bel, vu l’époque et le contexte, ça devient carrément « gnangnan » quand il s’agit de Maia…

    Mais on a aussi plusieurs autres éléments qui font que l’histoire manque de cohérence sur son ensemble.
    D’abord, le titre est « les sept sœurs », et l’interminable début nous les présente une à une, en insistant sur leurs différences, les liens entre elles, les petites dissensions aussi mais pour Maia en tout cas, c’est l’aînée et celle qui est conciliante avec tout le monde, et dès lors plutôt appréciée par toutes. Or, pendant toute son aventure brésilienne, à part un bref passage vers la fin où elle se rend tout à coup compte qu’elle n’a donné aucune nouvelle à personne, il n’y a pas la moindre allusion à cette relation entre sœurs. Elles ne se contactent pas – alors, que Maia soit tout à coup tellement obnubilée par sa quête personnelle qu'elle en oublie ses soeurs, c’est peu crédible après qu’on l’a présentée comme tellement altruiste et « responsable » envers toutes les autres, mais soit, elle est accaparée par son passé, pourquoi pas ? mais qu’on n’ait pas non plus le moindre signe de la part des autres, un coup de fil, un sms, un petit mail prenant des nouvelles et en donnant des leurs d’une façon ou d’une autre, ça ne passe pas !
    Je ne demande pas des histoires inter-croisées des différentes sœurs, ce n’est clairement pas le but de ce 1er tome, mais de là à n’avoir que du néant, ce n’est pas naturel, ça ne sonne pas « juste » par rapport à ce que l’autrice laissait pourtant entrevoir au début, j’en suis encore frustrée plusieurs jours après avoir tourné la dernière page !

    Ensuite, j’ai du mal à comprendre pourquoi l’autrice a fait le choix de raconter la vie de l’arrière-grand-mère de Maia… Certes c’est romantique, certes c’est sympa et ça permet en plus d’explorer de plus ou moins loin des événements historiques tels que la création du Cristo Redentor de Rio de Janeiro, ou le krach boursier de 1929, ok. Mais… on parle bien d’une jeune femme adoptée à la naissance, qui décide tout à coup de partir à la découverte de ses racines. Mais alors ce sont des racines bien profondes !! Je ne sais comment dire, mais moi, si j’étais une enfant adoptée qui se décidait tout à coup, à plus de 30 ans, de partir à la recherche de mes « racines », ce n’est certainement pas la vie de mon arrière-grand-mère qui m’intéresserait, aussi passionnante qu’elle soit, mais bien la vie de ma mère, de celle qui m’a mise au monde et abandonnée, de quelque façon que ce soit ! Or, la vie de cette mère est bien évoquée… mais comme une parenthèse tout à la fin du livre, et ça semble normal même pour Maia.

    Par ailleurs, la rencontre « en vrai » avec Floriano, le jeune auteur brésilien, et comme par hasard carioca, que Maia a traduit… cet homme tellement providentiel intervient encore et encore comme un chevalier servant incroyablement beau, gentil, agréable etc. etc. On sent venir la romance à l’eau de rose comme on voit le nez au milieu du visage, il n’y a même pas le moindre rebondissement qui amènerait un peu de tension, un peu d’attente ! et tant de pages lui sont consacrées pourtant, et les hésitations encore et encore de Maia, en fait elle a passé sa vie à hésiter sur tout et sur rien…

    Enfin, l’autrice soulève tout un tas de questions – dans le chef de Maia notamment, de ces questions qui naissent au cours de la narration, et notamment l’origine de la fortune de son père adoptif… et puis soit on n’a pas de réponse et on peut vaguement espérer que ça viendra dans un tome ultérieur, ou bien on doit se contenter d’être sans, comme le dit très explicitement cette phrase à 93% du livre, en parlant de je ne sais même plus quoi mais peu importe, car c’est révélateur même hors contexte : « C’était là encore une énigme à laquelle je n’obtiendrais jamais de réponse. J’ai décidé que je devais cesser de demander « pourquoi ». » Sérieusement ??

    Bref, oui, c’est une belle histoire, ou plutôt deux histoires en une, après une vague mais longue introduction, dans une écriture fluide et agréable. Mais tout cela aurait pu être raconté en moitié moins de pages, car certains passages sont inutilement interminables, et l’ensemble manque de cohérence – les liens entre les sœurs sont mal exploités, la recherche des origines de Maia est prenante mais pas crédible, et trop de questions restent sans réponse. Un avis très mitigé donc, et je ne suis pas certaine de lire les tomes suivants, si ce n’est dans le vague intérêt d’en savoir plus sur les autres sœurs, mais je crains bien davantage que ce soit du même acabit que ce premier tome qui ne m’a pas convaincue !





    On reste dans le soft-gentil, apparemment gnangnan, et pourtant j'ai ressenti cette lecture assez différemment (15/20):
    La petite librairie des coeurs brisés d'Annie Darling

    <image>

    Synopsis : Amoureuse des livres depuis toujours, Posy travaille dans une vieille librairie londonienne et passe son temps à lire des romans d'amour. À la mort de l'excentrique propriétaire des lieux, elle hérite de cette institution qui périclite à vue d'oeil. Posy remue ciel et terre pour éviter la faillite et fonder la librairie de ses rêves, spécialisée dans les romans d'amour, Au bonheur des tendres. Mais Sebastian, le petit-fils de la défunte propriétaire - et accessoirement le plus grossier des Londoniens - est bien décidé à faire de sa vie un enfer : ses goûts littéraires et ses intérêts sont opposés aux siens. Alors que Posy se démène pour sauver la librairie, elle tombe bien malgré elle sous le charme de son ennemi juré...

    Mon avis :
    Je vais finir par croire que je suis dans une période d’avis contraires ! J’ai été mitigée sur mes dernières lectures qui avaient pourtant l’adhésion d’une grande majorité de lecteurs, et voici ce livre-ci, que j’avais repéré il y a un moment déjà, et puis que j’ai décidé de lire pour une LC… et j’ai plutôt bien aimé, alors que les avis sont moyens à mauvais sur les plateformes de lecteurs (et à peine plus enthousiastes sur les sites de vente) !

    Oh, je suis bien d’accord avec les commentaires les plus souvent lus : ce n’est pas (du tout) de la grande littérature, l’histoire d’amour est amenée sur un plateau tellement gros qu’on ne voit que ça malgré toutes les entourloupes que déploie l’autrice pour tenter de faire croire autre chose, avec en plus des personnages tellement caricaturaux qu’on lève les yeux au ciel très souvent – bref, c’est de la chick lit dans toute sa splendeur !
    Et pourtant…
    Je pense, très sérieusement, qu’on peut aussi aborder ce livre à un second degré, un peu comme c’est parfois le cas avec certains livres pour enfants, que l’on peut lire « autrement » et alors ça devient autrement intéressant.

    Oui, les personnages sont ultra-stéréotypés et passablement agaçants : Posy est désespérante de naïveté et de manque d’ambition ; pleine de bonne volonté, elle semble incapable de mener le moindre projet à bien et se laisse porter par les événements… pourtant elle a élevé seule son jeune frère, que l’on nous présente comme un ado plutôt sympa et intelligent, mais pensez-y : si le décès de leurs parents date de 7 ans plus tôt, il avait donc 8 ans le gamin, ce n’est franchement pas l’âge le plus facile (je sais de quoi je parle : mon petit dernier a pile 8 ans ! =D ) et elle a clairement mené cette tâche à bien ! Mais elle a ce constant réflexe de se sous-estimer… et alors, qu’est-ce qu’elle devient nunuche dès qu’elle est en présence de Sebastian ! Ce dernier est décrit comme l’homme le plus grossier de Londres, ce que lui permet sa grande fortune amassée par sa réussite dans son travail – pour ma part, je ne l’ai pas trouvé vraiment « grossier » au sens strict du terme, tout au plus (et c’est déjà pas mal !) extrêmement arrogant, ça oui ! mais quand l’autrice nous répète tant et plus que cet homme est incapable d’entendre quand on lui dit « non », et fait passer ses idées sans trop respecter les autres, il faut bien reconnaître que Posy, de son côté, ne fait absolument rien pour s’imposer, et joue le jeu de l’autre de façon tout à fait stupide… à croire presque qu’elle apprécie de se laisser marcher sur les pieds !

    Et pourtant, disais-je donc, tout cela donne lieu à des dialogues très dynamiques, que je ne qualifierais pas de « joutes verbales » car cela demanderait un niveau de langue plus élevé, c’est plutôt comme une soirée autour d’un faux champagne : on  n’est pas dans le grand millésime, mais on a néanmoins un petit goût agréable et, surtout, tout le pétillant nécessaire qui fait briller les yeux, et on se retrouve plus d’une fois à sourire !

    Mais alors, pour moi le plus intéressant de ce livre, c’est que Posy (et je suppose donc l’autrice) est passionnée et convaincue par ses romances, et malgré tout ce qu’on peut en penser, elle fait passer cette passion tant elle est convaincante, si on gratte un peu au-delà de la couche de niaiserie qu’elle expose presque en permanence.
    Pour rappel : je suis moi-même lectrice de romances ou, plus exactement, j’ai eu une « période romances », c’est-à-dire plusieurs mois pendant lesquels je ne lisais quasi que ça, et sans me lasser. Période importante, car elle a amorcé mon retour à la lecture (et depuis lors à d’autres genres) après une très longue panne. Autant dire que, même si je n’ai pas une connaissance encyclopédique du genre, comme certaines autres lectrices rencontrées sur l’un ou l’autre forum à l’époque, j’ai quand même pu explorer différentes facettes de cette littérature trop souvent décriée… Et c’est donc en toute connaissance de cause que je peux affirmer que cette romance-ci, sans être la plus extraordinaire que j’aie jamais lu, est quand même tout à fait intéressante.

    Et donc, Posy nous partage toute sa connaissance en ce domaine, avec une maîtrise qui n’est jamais feinte, et qui donne même envie de connaître l’un ou l’autre classique, comme les fameux romans « Régence » de Georgette Heyer, si peu connus (car peu sont traduits) en français ! Elle n’hésite pas à reconnaître que les auteur.e.s de ce genre, qui semble si « facile », ont pourtant un réel don pour nous faire rêver – ce qu’elle prouve notamment à travers la pseudo-romance qu’elle prétend écrire elle-même, qui est absolument atterrante (et clairement c’est délibéré), mais à travers laquelle elle insiste pour dire que n’importe qui ne peut pas écrire de romance, même les passionnées grandes lectrices de cette littérature !
    Enfin, si son histoire est très prévisible de bout en bout, on voit venir d’avance à peu près tous les événements, avec peut-être ici ou là quelques rebondissements qui ne sont pour autant jamais follement surprenants, elle semble aussi suivre un schéma tout à fait cohérent dont elle ne déroge jamais, et se conclut en toute beauté : le très court, dernier chapitre m’a vraiment enchantée, on n’aurait pu trouver mieux ! J’ai donc passé un très bon moment de lecture, tout en  légèreté et pétillance (si ça peut se dire), sans prise de tête ni grande révélation intellectuelle ; le plaisir n’en était pas moins présent !





    On passe à tout autre chose: je demande un cosy mystery! J'en ai acheté plusieurs ces derniers temps et j'ai très envie de les lire - mais des tas d'autres lectures se glissent ici ou là, ce qui n'est pas pour me déplaire... d'autant plus que, pour le coup, ce nouveau livre ne m'a pas convaincue: 14/20

    Bal tragique à Windsor de S.J. Bennett

    <image>

    Synopsis : " Sa Majesté mène l'enquête " : une nouvelle série de cosy crimes dont l'héroïne est Elizabeth II, reine d'Angleterre. Quand Miss Marple rencontre The Crown ! Windsor, printemps 2016. La reine Elizabeth II s'apprête à célébrer ses 90 ans et attend avec impatience la visite du couple Obama. Mais au lendemain d'une soirée dansante au château, un pianiste russe est découvert pendu dans le placard de sa chambre, quasiment nu.
    Shocking ! Quel scandale si la presse l'apprenait ! Lorsque les enquêteurs commencent à soupçonner son fidèle personnel d'être impliqué dans cette sordide affaire, Sa Majesté, persuadée qu'ils font fausse route, décide de prendre les choses en main. Mais être reine a ses inconvénients, et notamment celui de ne pas passer inaperçue. C'est donc Rozie Oshodi, sa secrétaire particulière adjointe, une brillante jeune femme d'origine nigériane, qui va l'aider à démêler ce sac de noeuds en toute discrétion...
    God save the Queen du cosy crime !


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre parmi une foule d’autres cosy mysteries tout à coup mis à l’honneur dans ma librairie habituelle. J’avoue : je n’ai même pas trop cherché à décrypter le 4e de couverture ! je suis dans une période « j’ai envie de lire du cosy mystery » (même si au final j’en lis assez peu), si bien que je l’ai acheté sans hésitation, même si je n’étais pas tout à fait convaincue d’apprécier vraiment un roman ayant pour personnage principal... rien moins que la Reine du Royaume-Uni (et des autres royaumes du Commonwealth, on nous le rappellera quelquefois).

    Et finalement je reste assez mitigée… Ce n’est pas que je n’aie pas aimé, mais je ne suis pas emballée non plus. Ce livre est très britannique – et pour cause ! -, tel qu’on peut se représenter cet anglo-centrisme depuis le continent. L’Angleterre (et sans doute le reste du Royaume-Uni aussi, même si ses autres composantes sont assez peu présentes, tout au plus l’Écosse qui est présentée presque comme un pays lointain en passant) est le centre du monde, tandis que le reste de la planète se divise en amis (les États-Unis, dont « les Obama » dont il sera question à plusieurs reprises, bien sûr tous les États du Commonwealth, et quelques autres qui sont évoqués sans être trop explicitement cités) ou ennemis (la Russie et la Chine en tête). On ne s’en rend pas compte tout de suite, mais ça devient de plus en plus évident au fil des pages, et cette vision très « simpliste » du monde est vraiment caricaturale ! même si elle est sans doute très réaliste du point de vue d’une autrice britannique…
    Ce livre est aussi empreint de cet humour pince-sans-rire typiquement britannique. Certes, j’aime bien, mais pour le coup j’ai eu parfois du mal à accrocher.

    Mais entrons un peu plus dans les détails…
    D’abord, il y a énormément de personnages en jeu, parmi le personnel autour du couple royal en premier lieu, et pour moi c’est vraiment déconcertant. Quand on me parle « d’écuyer » par exemple, moi je vois encore le jeune apprenti plus ou moins maltraité qui sert de serviteur au chevalier, jusqu’à ce qu’il puisse prétendre à son tour à un adoubement… Mais qu’est-ce donc aujourd’hui, auprès la Reine ? Ce personnage semble avoir un rôle bien particulier, que je n’ai pas réussi à cerner, et qui n’est expliqué en aucune façon ! certes, ce n’est pas du fait de l’auteur, qui écrit en premier lieu pour un public britannique (qui sait donc de quoi on parle ?...), mais de la traduction française. Il aurait pourtant été bien utile de donner un petit lexique ou une « cartographie » des fonctions auprès la Reine – on a bien un arbre généalogique en fin de volume, que l’on aurait pu trouver tellement facilement sur Internet et qui sert assez peu pour l’histoire en plus, mais aucune explication sur ce genre de détail au sein de la Cour, et pour moi ça manquait.

    Cela dit, parmi ces nombreux personnages, dont certains sont bien réels, il y a de jolis (petits) moments. On apprécie par exemple la complicité, ici vraiment bien rendue, entre la Reine et le Prince Philip ; l’attachement de la Reine à sa famille et particulièrement à ses petits-enfants ; ou encore, de façon beaucoup plus brève mais tout aussi agréable, l’entente spontanée et mutuelle entre le couple royal britannique et le couple Obama en visite à Londres. Cela donne quelques moments bien sympathiques, certes un peu cliché peut-être, mais qui rendent la Reine plus « abordable », d’une certaine façon.

    Outre ces nombreux personnages de la Cour, il y avait aussi une multiplicité de personnages dans l’histoire, entre les différents policiers, les spécialistes et autres invités à la fameuse soirée qui a vu le jeune pianiste russe se faire tuer, et même certains anciens membres du personnel que Rozie va rencontrer. Ils n’ont certes pas tous la même importance, mais par moments je  ne m’y retrouvais plus dans ces très nombreux personnages secondaires, si bien que l’ensemble m’a semblé parfois un peu décousu - tout comme la dimension finalement très politique de l’affaire lui donne un goût alambique, et me ramène à cet anglo-centrisme excessif qui m’a parfois dérangée.

    Ensuite, je n’ai pas toujours compris le rôle exact de la Reine dans l’histoire. Elle est décrite comme une enquêtrice hors pair depuis l’âge de 12-13 ans, mais elle reste constamment « en chambre », se contentant de tirer ses renseignements de ses (nombreuses) relations grâce à son titre, et c’est surtout sa secrétaire, la jeune Rozie, personnage très typé et par ailleurs bien sympathique, qui mène l’enquête sur le terrain. Certes Rozie fait tout cela sur ordre de et pour la Reine, et au début sans trop comprendre le pourquoi du comment, mais peu à peu elle croit davantage en sa mission et prend même des initiatives. Mais avec tous ces intervenants, alors que la Reine reste constamment en arrière-plan à « penser », on finit par ne plus très bien savoir qui mène l’enquête, et encore moins qui la résout vraiment.
    À noter aussi que le personnage, ou plus exactement la fonction de Rozie m’a turlupinée, car une petite voix en moi faisait de temps en temps des parallèles avec l’entourage du Roi (ou de la Reine) des Belges, pensées que je ne cherchais pas à provoquer d’ailleurs, ça me venait tout spontanément : pour autant que je sache (mais je peux me tromper), pour exercer un quelconque rôle / métier auprès nos souverains, il faut avoir au moins un peu de sang bleu… ce qui n’est donc absolument pas le cas d’une Rozie par exemple. La dynastie britannique serait-elle donc plus libérale à ce sujet ? Je n’ai pas de réponse…

    On le voit donc : ce livre a un certain nombre de qualités, mais qui n’ont pas suffi à m’enthousiasmer…
    Mais ce qui m’a le plus dérangée au final, et qui fait que malgré ses points positifs, ce livre ne m’a finalement pas emballée, c’est la notion de « confiance » de l’autrice. Elle insiste encore et encore sur l’importance de la confiance réciproque entre la Reine et son entourage, qui permet d’avoir le sentiment de faire partie d’une grande famille, et sans laquelle rien ne serait vraiment possible. On la croit volontiers.
    Mais alors, pourquoi ce livre baigne-t-il dans un climat constant d’hypocrisie politique et de petits mensonges entre amis ? La Reine ment par omission à Philip, en lui disant juste le minimum de ses histoires, malgré toute la complicité qu’ils ont. Elle demande explicitement à Rozie de mentir à son supérieur hiérarchique et lui confie ses « missions » à elle en catimini et avec la consigne absolue de ne rien révéler à personne si ce n’est à elle-même. Elle se moque (gentiment ?) en permanence du chef du Renseignement, le pauvre Humphreys qui est la principale cible de cet humour larvé et qui est toujours présenté comme un parfait crétin, tandis qu’elle mène sa propre enquête dans son dos, pourtant elle finira par l’honorer du titre de chevalier !
    Et ce ne sont là que quelques exemples… mais ma notion de confiance est définitivement bien éloignée de toutes ces petites manœuvres de Cour ! Peut-être sont-elles vraiment indispensables pour garantir la cohésion de tout cet appareil, ça je ne le nie pas (et surtout je n’en sais rien)… mais qu’on ne parle pas de confiance !

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

    Hors ligne

    #130 02 Août 2021 18:00:42

    Bonjour à tous!

    Je suis trop "excitée" depuis que les titres du Prix Livraddict 2021 ont été publiés hier!
    L'année dernière, comme je n'avais rejoint LA qu'en novembre, je n'avais pas vraiment eu le temps de participer... j'avais réussi à lire 2-3 livres dans au moins une (et une seule) catégorie, mais in extremis, et au final j'avais oublié de voter! :O
    Cette fois, je compte bien participer plus sérieusement!
    Dans les catégories suivantes:

    En policier
    Sans étonnement, j'ai déjà lu deux des 5 livres sélectionnés: Le silence de la ville blanche (mon avis se trouve ici) et Alabama 1963... dont je devrais mettre l'avis en ligne encore aujourd'hui! :pompom:
    J'espère trouver le temps de lire les 3 autres pour avoir un panorama complet, en tout cas j'ai Le bureau du mariage idéal en PAL, et les deux autres ont rejoint ma WL dès hier!

    En fantastique
    Ce n'est pas un genre dans lequel j'aurais imaginé voter, mais il se trouve que j'y ai déjà un livre lu: Les miracles du bazar Namiya - ce livre lu en BC il y a quelque temps, et pour lequel je n'ai jamais écrit d'avis en tant que tel, j'ai "juste" tout une littérature que j'avais préparée pour le BC donc, mais qui est bien trop spoilante...
    Mais le "pire", c'est qu'il y a au moins deux autres livres qui m'intéressent dans la liste, et qui sont dans ma PAL depuis un moment: La mer sans étoiles et Que la mort soit douce, du coup je crois bien que je vais m'y lancer aussi!

    Pour le reste, il y a au moins un ou deux titres qui m'intéresse.nt dans d'autres catégories:
    => presque toute la sélection Young Adult me plaît beaucoup, et j'en profite au passage pour vous encourager à participer avec nous à la LC de Vers les étoiles , et je vois qu'il y aura aussi Les enfants des feuillantines (qui a été en BC aussi il me semble, mais je peux me tromper), et en tout cas c'est l'un des titres qui m'attire le moins, du coup j'hésite encore... Les deux auront lieu en septembre, donc ça nous laisse le temps de nous organiser! ;)

    => j'ai American dirt de la sélection contemporaine en WL depuis bien longtemps, ça va être l'occasion de le lire! Par contre je suis mitigée sur les 4 autres, que je ne connais pas du tout, mais qui ont l'air de tendre vers le feel-good, sous-genre dont je me méfie beaucoup depuis mes dernières lectures du style...

    => Les sélections Historique, Thriller, Fantasy et SF sont à explorer, ça commence à faire beaucoup en plus de tous mes challenges! mais je sens que je vais craquer pour l'un ou l'autre titre, j'espère assez pour pouvoir voter dans l'une ou l'autre de ces catégories-là aussi.

    En revanche, vous ne me verrez pas dans les diverses catégories des illustrés: je n'en lis quasi jamais, je ne vais pas m'y mettre tout à coup, ça me donnerait presque le sentiment d'être malhonnête, si je votais pour l'un ou l'autre livre dans des catégories qui ne m'attirent pas spontanément, que je ne connais que très mal, et qui ne me donnent pas particulièrement envie même après publication des titres...

    Et grosse perplexité face à la catégorie Romance! Aucun des titres ne m'intéresse, et ce n'est même pas en réaction à un titre aussi peu sexy que "Serial fucker" (j'ai lu bien pire...), mais vraiment je passe mon tour, alors que c'est un genre que je continue d'affectionner!

    Et vous ?
    Allez-vous participer ? Dans quelle.s catégorie.s ?






    Mais passons maintenant à mes lectures!

    On commence par une petite pépite inattendue, sur laquelle je suis tombée presque par hasard, alors que je cherchais un livre pour mon challenge "Je voyage", le pays à l'honneur en juillet étant le Mexique. Plus précisément: le pays mis en avant était les États-Unis... mais on pouvait changer 3 pays de la liste au moment de l'inscription, et moi, sans rien y connaître mais avec l'envie de découvrir autre chose, j'avais signalé le Mexique donc, et puis j'ai galéré à trouver des titres qui puissent m'intéresser!
    Voici donc:

    Ni de jour ni de nuit d'Orfa Alarcón
    Un bon 16/20!

    <image>

    Synopsis : Monterrey, au nord du Mexique. Fernanda, vingt ans, rencontre Julio. Une passion dévastatrice les lie immédiatement. Mais la jeune femme prend rapidement conscience qu’elle ne sait pas grand-chose de son petit ami, qui est en permanence escorté par des hommes de main. Isolée dans une luxueuse villa, Fernanda se coupe bientôt de sa famille, de ses amis, de ses études – d’une existence normale, en somme – et découvre un nouveau quotidien fait d’argent facile, de fêtes bling-bling, d’épouses potiches, de passe-droits et de violence. Certes, tant qu’elle sera avec Julio et lui restera soumise, rien ne pourra lui arriver. Mais viendra le jour où Fernanda perdra ses illusions et découvrira qui elle est vraiment. Ni de jour ni de nuit est un roman sauvage, énergique, porté par sa jeune et bouillonnante narratrice.

    Mon avis :
    Un roman nerveux, traversé par une grande violence omniprésente même si elle est surtout sous-jacente, très noir et au final bouleversant. La traduction française du titre est d’ailleurs toute gentillette, par rapport à l’original en espagnol du Mexique : « perra brava », ce qui veut dire « brave (ou gentille) chienne » - et qui en plus fait référence à la playlist que l’autrice cite à plusieurs reprises au cours du roman et rassemble à la fin, de ces chansons elles aussi très violentes et machistes, d’un groupe proche des cartels du nord du Mexique.

    Car, oui, c’est bien de cela qu’il s’agit… et quand je lis le synopsis et/ou les critiques sur l’une ou l’autre plateforme de lecteurs, je me demande si j’ai vraiment lu le même livre !
    Oui, l’héroïne et narratrice de ce livre est une jeune femme prénommée Fernanda. Très sûre d’elle en apparence, sous des dehors souvent capricieux, voire provocateurs avec son entourage, elle est surtout fragile et même complètement paumée à l’intérieur. Elle est très attachée à sa sœur qui l’a élevée et qui lui sert de modèle, malgré le fait qu’elle méprise le mode de vie terne et pauvre de cette dernière (simple infirmière qui trime au jour le jour sans espoir d’ascension sociale), et elle ferait n’importe quoi pour protéger cette unique sœur et sa nièce qu’elle adore.
    Mais aussi, Fernanda est traumatisée par le souvenir du meurtre de sa mère par son père, un soir d’ivresse des années auparavant. On en parle relativement peu, pourtant cette image plane de façon récurrente, et détermine un certain nombre de décisions que Fernanda va prendre, pour le meilleur ou pour le pire…

    Évidemment, si c’est là la « base » même du roman, qui va définir la suite de l’histoire d’une certaine façon, ce n’est absolument pas présenté de façon classique, ni même au travers de flashes back bien structurés ! Non : on a une écriture ultra-nerveuse, parfois même à la limite du décousu, qui donne l’impression d’aller dans tous les sens, voire même de raconter du n’importe quoi. Cette écriture est ponctuée de nombreux dialogues entre Fernanda et ses proches, et notamment son ami de toujours – et surtout très homosexuel, ce qui est pour lui une véritable protection – un certain Dante qui lui sert aussi de véritable ange gardien… bien un peu inutile ! Et ainsi, c’est le lecteur qui doit reconstruire l’histoire au fil des événements, qui n’ont pas forcément l’air de se tenir, et qui suintent de cette violence déjà évoquée, du fric facile et d’une espèce de danger omniprésent.

    C’est que Fernanda, plutôt jolie et de caractère, a rencontré Julio. Elle présente elle-même plusieurs versions de cette rencontre, plus ou moins contradictoires, impossible de dire laquelle est la bonne, mais quelques éléments en ressortent : elle connaissait déjà ledit Julio au temps du lycée, mais ils se sont retrouvés alors qu’il est devenu « quelqu’un ». Pas une seule fois le mot « drogue » n’est cité dans ce livre, et pourtant il est plus qu’évident, et les synopsis ou critiques qui disent que Fernanda ne sait rien des activités de son amant n’ont visiblement pas lu cette page en particulier, aux 65% du roman : « J’ai imaginé ma carte de visite : « Étudiante de l’UNI, bras droit du chef du cartel local. ». » Quel autre cartel sinon celui de la drogue ? dans cette région du nord du Mexique, si proche de la frontière américaine, où Fernanda et son ami Dante passent d’ailleurs régulièrement sans aucun problème pour aller faire du shopping dans la petite ville la plus proche, usant là comme dans d’autres situations de ces passe-droits qu’offre l’argent facile de cette drogue – ce qui, au passage, sans que ce soit dit pourtant, pose sérieusement question sur cette « passoire » qu’est la frontière mexico-américaine, plutôt connue pour être strictement fermée, pourtant…

    Mais voilà : Fernanda n’est pas exactement le bras droit de ce chef de cartel, elle est sa femme, son amante, sa propriété, son objet que l’on exhibe au même titre que ses voitures de luxe, notamment dans des fêtes où les différents gangs paradent, tandis que les femmes s’ennuient… On comprend très vite qu’elle est complètement sous l’emprise de son Julio, elle ne peut pas vivre sans lui, mais l’aime-t-elle vraiment ? Ce synopsis qui parle de « passion dévastatrice »… je ne suis pas d’accord ! Il n’y a pas de passion, on est bien davantage dans quelque chose qui ressemble à une addiction, et quand la source de cette addiction s’éloigne – pour ses affaires, ou par « punition » après qu’elle a fait une quelconque bêtise qui a dérangé ce caïd de Julio – elle est carrément en manque ! mais ce n’est pas de la passion… Jusqu’au jour où il s’avère que Julio, malgré sa collection de maîtresses (alors que Fernanda, elle, est condamnée à une certaine chasteté en-dehors de sa relation avec lui), semble bien être réellement tombé amoureux d’elle…

    On notera aussi la brochette de rôles secondaires bien intéressants. J’ai déjà parlé du meilleur ami Dante, ou de la sœur Sofía et de la nièce Cynthia. Mais on a aussi toute la bande des hommes de mains de Julio, qui sont présentés, en tant que groupe, à la mexicaine, sous l’appellation de « cabrones », ce mot dont les Mexicains usent et abusent autant pour injurier quelqu’un que pour s’adresser à un ami ! J’ai bien apprécié que la traductrice ne cherche pas à traduire cette expression typique, intraduisible justement, mais se contente de l’expliciter en note de bas de page au début de l’ouvrage.
    Et donc, ce sont ces « cabrones » qui participent à créer une certaine ambiance. Toujours très présents autour du Fernanda, car ils lui servent autant de gardes du corps que de gardiens de sa vertu, on rencontre à travers eux ce peuple mexicain qui s’est rallié aux cartels de la drogue. Ils portent tous un surnom, leur vraie identité étant effacée à jamais. Mais surtout, ils sont d’origines bien différentes – entre celui qu’on décrit comme un peu bête mais ultra-fidèle, ou le taiseux qui lit Chomsky pendant son tour de garde auprès de Fernanda – et montrent ainsi, à nouveau sans que ce soit dit autrement, à quel point n’importe qui peut glisser vers ce monde sans retour, quelle que soient ses raisons. Seule Sofía, la sœur de Fernanda donc, ne cesse de mettre celle-ci en garde contre les cartels, mais on l’a compris : c’est constamment en vain !

    Un livre nerveux (je l’ai répété souvent, mais c’est vraiment mon impression) et fort, une véritable dénonciation de l’embrigadement dans les cartels de la drogue au nord du Mexique. Lecture qui m’a d’autant plus impactée que j’ai été autrefois, il y a plus de 20 ans, à Monterrey, dans cette ville où se passe l’action… Je n’ai guère de souvenirs précis, et certainement pas d’un tel milieu : j’y étais juste de passage avec mon ami de l’époque, mexicain (mais du D.F.), et ensemble nous visitions les musées et autres lieux hautement touristiques, sans nous attarder en aucune façon dans les quartiers déconseillés par les guides touristiques que j’avais emportés depuis mon lointaine Europe bien tranquille ! Je n’ai donc même pas d’image particulière qui me vient en lisant tout cela, tout au plus un vague malaise qui ne s’apaise pas…

    Oui, ce livre est dur et bouleversant, très déconcertant dans sa structure très peu classique, cette plume qui suggère bien davantage qu’elle ne dit, sous le couvert d’un langage à la limite de l’oral, et qui ne l’empêche pas de plonger par moments dans une véritable introspection, au cœur même des pensées de cette fille capricieuse, hautaine parfois, pourtant aimante et attachante, et surtout très paumée – en un mot : inoubliable ! - qu’est Fernanda.
    On aime ou on n’aime pas, pour ma part je suis vraiment bouleversée. L’histoire est terrible en fait, et l’écriture déconcertante ne prête pas au coup de cœur, mais il faut avoir lu ce livre pour appréhender un petit quelque chose du drame mexicain actuel.




    Les onze orphelins de Mme Li de Pascal Vatinel
    Un honnête 15/20

    <image>

    Synopsis : « Charly remonta dans l’Aston Martin et démarra, abandonnant le corps sans vie de Chao dans le caniveau. Le doux feulement du moteur se substitua à celui plus sec, mais pas moins excitant, du craquement des vertèbres entre ses mains ; un craquement qui lui rappelait ces pétards, enveloppés dans leur joli tortillon de papier coloré, et qu’on trouvait sur les tables lors des fêtes du Nouvel An. »
    Tandis qu’une nouvelle drogue aux effets dévastateurs se répand sur le marché chinois, des cadavres d’enfants transforment peu à peu Pékin en un véritable cimetière. Wen, un ancien de la brigade criminelle, se retrouve malgré lui associé à Mme Li, une singulière directrice d’orphelinats, pour tenter de mettre fin à l’hécatombe.
    Au fil d’une enquête palpitante, Les Onze orphelins de Mme Li dévoile les terrifiantes zones d’ombre d’une nation qui, pour retrouver sa puissance passée, s’est vue contrainte « d’ouvrir ses fenêtres, au risque de laisser aussi entrer les mouches ».


    Mon avis :
    Comment donc suis-je arrivée à ce livre, d’un auteur qui m’était tout à fait inconnu, et qui ne semble pas avoir attiré les foules (0 critiques sur les différentes plateformes que je fréquente !) ? Aurait-il été en promo sur Kindle, comme on a en quelques-unes chaque jour, et que j’aurais craqué ce jour-là, juste le temps d’oublier ensuite complètement que j’avais choisi ce livre ? En tout cas, si le moment même de son achat ne m’a laissé aucun souvenir, l’histoire même ne m’en laissera guère davantage.

    En fait, on a là un « bon policier, mais sans plus », qui décidément ne casse pas trois pattes à un canard. On a tous les ingrédients qui font un polar classique : des cadavres et disparitions d’enfants, quelques prostituées, de la drogue, des malfrats plus ou moins fréquentables, des bons et des mauvais policiers – dont l’inévitable flic un peu usé un peu alcoolique et beaucoup désabusé, ici en plus affublé d’un chien collant et apparemment sans caractère, mais même ça c’est du déjà-vu. Et, pour la touche particulière couleur locale, on a une vieille dame dynamique, ex-gardienne de prison (fonction qui, à ce que j’en ai compris, fait partie de la police, en Chine) qui a ouvert toute une série d’orphelinats pour ces enfants dont la société chinoise ne veut pas : les malheureux rejetons des condamnés à mort exécutés. Tous ces ingrédients sont cuisinés dans une intrigue intéressante et même assez prenante, mais aussi très linéaire et sans vraie surprise, jusqu’à une résolution que l’on soupçonnait déjà en partie bien avant… mais pour cela, et malgré le fait que je lis tant et tant de policiers, je reste toujours très hésitante quant à mes propres déductions ! (même si elles s’avèrent ensuite correctes)

    Les personnages sont assez typés mais guère travaillés : on les reconnaît, on a eu vent de leur histoire dans les grandes lignes, on voit leurs réactions au fil de l’histoire et on les suit avec un certain intérêt… mais ça s’arrête là ! Chez moi en tout cas, ils n’ont suscité aucune sympathie particulière, pas plus que de rejet d’ailleurs… ce n’est pas insipide, mais à aucun moment on n’entre dans leurs sentiments si ce n’est en superficie, et ça manque !
    Pour donner un exemple concret de ce qui m’aurait fait résonner avec ces personnages, prenons Mme Li : elle est sans doute géniale et pleine d’énergie, c’est dit et redit, mais on ne la voit pas (j’invente au fur et à mesure) en train de s’énerver au téléphone contre les turpitudes de l’administration de son pays ; on ne la voit pas (ou trop peu) aller d’un enfant à l’autre, les encourager, se fâcher sur ceux qui font des bêtises aussi, suivre leurs résultats scolaires, s’émouvoir quand un jeune enfant a appris un nouveau caractère et parvient à le reproduire correctement, etc. ; on ne la voit pas pleurer le soir toute seule dans sa chambre parce que la charge est tellement lourde et qu’elle a le droit d’avoir des moments de découragement. Ce genre de choses, même un seul élément, aurait donné un côté plus humain à cette Mme Li, une vraie consistance, qui manque donc en l’état.

    Mais le plus problématique, à mes yeux, est le vrai personnage principal, celui qui mène l’enquête : le superintendant de 2e échelon Wen. On sent assez bien son mal-être, ses désillusions, et sa tendance à tout masquer dans l’alcool… le tout est montré à travers plusieurs scènes de gueule de bois, tellement récurrentes dans tant et tant de polars et même certaines romances plus ou moins bas de gamme, que ça suscite tout au plus une vague irritation due à la répétition de ce type de description inintéressante. C’est d’autant plus irréaliste que Wen s’avère peu à peu, et sans transition à part un petit encouragement de Mme Li, assez redoutable et très actif, pour un policier mis sur une voie de garage ! ça a un petit côté incohérent en somme.

    Mais cette incohérence va bien plus loin que ça… et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est gênant, car ça touche au postulat de départ sur lequel tout le livre est bâti - et qui fait aussi toute l’originalité de ce livre : comme je l’ai déjà évoqué plus haut, et comme on peut le comprendre à travers le synopsis, l’histoire se passe en Chine, et plus particulièrement à Pékin et dans ses environs. À travers quelques descriptions (de l’une des grandes gares, où officie Wen ; des embouteillages ; des environs tout de suite plus agréables où se trouve l’orphelinat principal), l’auteur démontre une très grande connaissance de ce pays ! Ça a vraiment un petit goût dépaysant, bien agréable.

    Mais voilà : ce n’est pas un romancier chinois qui écrit, mais un romancier français, avec toute sa connaissance d’un pays fabuleux… et tous ses a priori, sa culture et sa façon d’écrire d’un citoyen occidental ! Revenons à Wen et à sa déchéance au sein de la police : jeune officier de police prometteur à l’époque, il aurait refusé de tirer sur les manifestants lors des émeutes de la place Tian’anmen en 1989. Et l’auteur veut nous faire croire que cela aurait conduit Wen à une voie de garage, sans boulot vraiment passionnant, sans plus aucun espoir de carrière... Sérieusement ?
    Déjà, il faut accepter le principe qu’un jeune officier de police brillant, chinois donc, bien imbibé de la doctrine du parti unique auquel il adhère forcément (sinon, pourquoi serait-il devenu policier, et gradé en plus ?), ait tout à coup eu un sursaut de conscience « à l’occidentale », à une époque où la Chine était encore plus fermée qu’aujourd’hui, son économie s’ouvrant peu à peu mais pas sa politique, et les réseaux sociaux étant encore inexistants !? bon, admettons…
    Mais alors, il faut accepter, en plus, la possibilité que ce policier gradé, qui aurait commis un acte aussi grave que désobéir à l’ordre de tirer dans un contexte aussi explosif, soit simplement stoppé dans sa carrière… et pas jeté en prison, voire pire !? Quand on sait que la Chine a fait venir plusieurs corps de son armée pour mater les contestataires cette année-là à Pékin et ailleurs, car la police seule ne parvenait pas à contenir les manifestants, comment peut-on imaginer que cette police « idéologisée » mais débordée et mise à mal, se serait suffisamment inquiétée d’un petit policier désobéissant pour le recaser à un poste tranquille, au lieu de s’en « débarrasser » directement ?...
    Vraiment, je n’y crois pas une seule seconde !

    Outre ces incohérences autour du personnage central, on trouve bien quelque chose d’une Chine géographique, voire touristique un peu cliché dans ce livre… mais on ne trouve pas « l’âme » chinoise ! J’ai assez peu lu d’auteurs chinois ou autres extrême-orientaux, mais je ne retrouve ici aucun des éléments qu’on imagine (à tort ou à raison) typiques de cette littérature tellement éloignée de la nôtre. Un José Frèches par exemple, dont j’ai lu l’un ou l’autre livre il y a des années, donnait bien davantage l’impression de s’immerger au sein du peuple, auprès des gens et de leur façon de penser. Ici, rien de tout cela : le style ici est clairement celui d’un auteur occidental, direct, parfois nerveux, efficace, qui affiche sa façon de penser car il n’a de toute façon rien à craindre (son livre est destiné à un lectorat vivant en démocratie !) et, au final, il suffirait de supprimer les quelques références à Pékin et à la Chine, les transplanter dans n’importe quel autre contexte (même occidental), et ça marcherait sans doute de la même façon, avec à peine quelques adaptations mineures. Et c’est dommage, car l’auteur a manifestement toutes les compétences requises pour produire un réel « effet sinoïsant », mais il est passé à côté…

    En résumé, j’ai donc lu un bon policier, dans un contexte bien typé mais présentant des incohérences capitales. L’intrigue est bien menée et assez prenante, mais tellement classique dans sa forme qu’elle ne maintient que difficilement l’intérêt jusqu’au bout. D’ailleurs, je me suis arrêtée aux 45% du livre pendant plus d’une semaine, car j’avais tout à coup d’autres lectures plus urgentes pour les besoins de mes autres challenges =D … or je n’ai pas ressenti le moindre regret à devoir mettre ce livre en pause, et quand je l’ai repris, ça a été sans aucune difficulté – ce qui prouve tout autant que ce livre est très abordable, mais aussi sans grande originalité, et certainement pas inoubliable.





    Le voici le voilà

    Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian NIemiec
    20/20, eh oui!

    <image>

    Synopsis : Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…
    Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime.
    Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… »
    Deux êtres que tout oppose. A priori.
    Sous des airs de polar américain, "Alabama 1963" est avant tout une plongée captivante dans les États-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d'assassinat de Kennedy.


    Mon avis :
    Extraordinaire ! Un énorme coup de cœur !
    Ceux et celles qui me suivent, savent à quel point je suis sensible à la ségrégation raciale, aux États-Unis ou ailleurs. Ce livre est une petite pépite de dénonciation « l’air de rien », mais aussi porteur de l’immense espoir que les choses peuvent changer, à petits pas, quand de simples citoyens osent aller l’un vers l’autre malgré tous les on-dit.

    Certes, ce livre n’est pas « parfait ». Le reproche que j’ai lu le plus souvent est qu’il n’y a pas d’enquête… Bah c’est tout à fait vrai ! Enfin, si : il y a une vague enquête, qui est en réalité un prétexte à l’histoire de cette petite communauté au sein de la ville de Birmingham, Alabama, en cette année 1963, mais pour sûr il n’y a pas de vraie intrigue policière ! Cela dit, ça ne m’a pas gênée, car je ne m’attendais pas du tout à lire un Policier : j’avais choisi ce livre presque au hasard, un de ces nombreux samedis où je me perdais en librairie l’année scolaire passée, à attendre la fin du cours de danse de mon fils. Ce roman y était présenté au rayon « littérature contemporaine ». De plus, à part le dos et le 4e de couverture qui sont bien en noir, sa couverture ne répond pas aux codes habituels des polars, elle présente au contraire un paysage presque bucolique avec un couple qui semble se promener…

    Bref, je n’ai pas du tout été gênée par l’absence d’ambiance policière, puisque je ne l’attendais pas, et ai donc pu me concentrer sur « tout le reste », et c’est beaucoup. On ne peut s’empêcher de relever que les auteurs sont traducteurs de scénarios, de profession – un article assez sympa leur est d’ailleurs consacré dans le dernier catalogue de Belgique Loisirs. Et ça se sent à travers tout le livre : le style est clairement cinématographique. La part belle est faite aux dialogues, qui sont très nombreux, mais aussi toujours percutants, dans un style tour à tour nerveux ou presque indolent, remuants parfois, émouvants d’autres fois, mais toujours très réalistes, naturels, on les « entend » réellement… et ils sonnent juste, il n’y a jamais un seul mot inutile, tout se tient et fait sens au premier coup d’œil.

    Et c’est ainsi que, à travers une galerie de personnages très typés, que certains ont trouvé stéréotypés à ce que j’ai lu, alors que moi je les ai juste trouvés tout à fait plausibles et très humains, tout simplement, on fait la connaissance de quelques-uns des habitants de cette petite ville qui voit les fillettes noires disparaître les unes après les autres, sans que la police (exclusivement blanche) ne bouge le petit doigt. Ces policiers font surtout preuve d’un racisme basique mais tellement ancré dans leur mode de pensée, tous leurs préjugés à l’encontre de « l’autre », que personne ne semble jamais vraiment choqué, au point que les premiers parents, désespérés, finissent par faire appel à un détective (blanc) pour tenter de retrouver leur fille. Les noirs quant à eux, vivent dans leur quartier, par obligation – cette interdiction qu’ils ont d’entrer dans certaines boutiques, certaines parties du parc de la ville ; tandis qu’ils ont leurs laveries spécifiques etc.

    Certes, le bonne noire qui va de maison blanche en maison blanche à faire des ménages pour (sur)vivre, sa fille déscolarisée à tout juste 14 ans car elle aussi doit subvenir aux besoin de la famille ; ou, de l’autre côté, l’ancien flic devenu prétendument détective à la suite d’une terrible erreur, mais qui passe surtout ses journées dans l’alcool à ruminer ses regrets, ses espoirs, en compagnie de l’inactivité de ses ex-collègues – oui, ils ont un petit côté cliché. Mais ils sont présentés d’une manière tellement visuelle et vivante qu’on se retrouve réellement à leurs côtés : on voit Bud mettre son stetson sur la tête, on le voit s’écrouler dans son salon, on le voit nourrir sa chienne, on est devenu son voisin ; de même, on accompagne Adela auprès de ses diverses patronnes, on déteste avec elle la première (celle à la rampe en cuivre dont j’ai oublié le nom), on a envie de la voir s’assoir aux côtés de Gloria la vieille un peu dérangée en apparence mais tellement avisée au fond, on est devenu sa copine quand elle fait son linge avec ses copines à la laverie le samedi matin. Cela donne en plus lieu à quelques scènes absolument savoureuses, comme l’arrivée de la jeune Shirley dans ladite laverie… (mais chut, je ne veux pas spoiler) Cela me permet de dire, au passage, que les personnages secondaires assurent une certaine présence – une présence certaine, dirais-je même – ils sont eux aussi tout autant attachants que le duo principal, chacun dans leur genre.

    Oui c’est vraiment cela : grâce à ces dialogues précis qui visent au plus juste, et ces personnages peut-être un peu « trop » mais qui semblent tellement proches de nous, comme des voisins de la maison d’à côté, qu’on voit toute une société évoluer. Parce qu’ils n’ont plus le choix, ni d’un côté ni de l’autre ; parce qu’un pasteur a eu un rêve et un président a voulu l’égalité pour tous les habitants de son pays (les deux sont bien mentionnés dans l’histoire, bien sûr, sans que ce soit jamais pesant) ; et aussi parce que des simples citoyens se sont pris à y croire à leur tour, et à faire l’un ou l’autre petit pas l’un vers l’autre, parfois par conviction pour que ça bouge, malgré les menaces d’un certain KKK lui aussi bien dénoncé ; parfois bien plus innocemment, sans même vraiment s’en rendre compte, parce que les événements, la vie de tous les jours, les y poussent d’une façon ou d’une autre.

    Ainsi, tandis qu’une école blanche ouvre pour la première fois ses portes à quelques (rares) enfants noirs, provoquant des réactions houleuses dans les deux communautés, Bud et Adela apprennent à se connaître l’un l’autre, de façon superficielle et tendue au début. Ils se sont rencontrés presque par hasard, et se mettent à enquêter ensemble, car cette collaboration semble la meilleure manière d’arriver à une solution. Ainsi, au fil des jours et de leur pseudo-enquête, on peut véritablement parler d’apprivoisement mutuel. Ils se rendent compte que leurs problèmes ne sont pas vraiment différents, et qu’ils sont capables de partager des joies simples de la vie, malgré une méfiance réciproque toujours latente, et les réactions plutôt négatives (surtout au début) de leur entourage – Bud moqué par ses ex-collègues tout autant piliers de bar que lui, Adela isolée au sein même de sa communauté et même de son église… Mais parce que la cause commune est plus importante que leurs dissensions ancestrales, ils continuent malgré tout… jusqu’à un final vraiment bouleversant, j’ai versé ma petite larme. Bud et Adela resteront encore longtemps dans mes pensées, et on ne peut qu’espérer que bien d’autres les imiteront encore et encore : aller l’un vers l’autre quelle qu’en soit la raison, et découvrir que finalement, on n’est guère différents, juste tous humains…





    Pour terminer ce coup-ci (on fait 4/4, il me restera 4 avis "en retard" pour un prochain post ;) ):

    Comment vendre sa famille aux extraterrestres de Paul Noth
    Un autre "gentil" 15/20

    <image>

    Synopsis : AVERTISSEMENT LÉGAL :CE LIVRE CONTIENT DES INFORMATIONS POTENTIELLEMENT DANGEREUSES - EN PARTICULIER CELLES QUI INDIQUENT COMMENT VENDRE SA FAMILLE À DES EXTRATERRESTRES. L'AUTEUR, HAPPY CONKLIN JUNIOR, LES A CONSERVÉES À TOUTES FINS UTILES. L'AUTEUR NE CONDAMNE NI N'ENCOURAGE L'UTILISATION DE CES INFORMATIONS DANS LE BUT DE VENDRE SA PROPRE FAMILLE AUX EXTRATERRESTRES.
    Hap en a marre. Marre d'avoir dix ans et d'être barbu. Marre d'être le fils d'un inventeur fou. Marre de s'entasser avec ses quatre soeurs dans une pièce tandis que leur horrible grand-mère vit dans un immense manoir.Alors, quand il a l'occasion de se vendre sa grand-mère aux extraterrestres, il n'hésite pas une seconde. Mais il s'avère que ce n'est pas aussi simple...Découvre enfin pourquoi, même si on te le propose, il ne faut JAMAIS vendre sa grand-mère aux extraterrestres.


    Mon avis :
    J’avais repéré ce livre au titre original et à la couverture sympathique, dans la revue Okapi de mon grand lecteur de presque 14 ans. Je ne veux pas forcément faire la publicité des éditions Bayard, qui ont publié ce livre en fait, mais je suis grande lectrice de leurs périodiques (ah les J’aime lire de mon enfance ! et ensuite Je bouquine, que je pique encore régulièrement à mon grand). Okapi, donc, s’adresse aux 10-15 ans ; plus généraliste que Je bouquine, il aborde néanmoins aussi la lecture, et en général ce sont des conseils plutôt avisés pour nos jeunes, donc j’ai acheté ce livre les yeux fermés, avec l’idée – comme pour beaucoup d’autres livres jeunesse que j’ai commandés récemment – de le lire d’abord, et de le refiler ensuite à mon grand, et peut-être aussi à ma fille, 12 ans, mais nettement moins enthousiaste face aux livres !

    Venons-en donc à ce livre…
    En vrai, la couverture confirme qu’elle est très sympa, avec le titre en caractères de différentes tailles et couleurs mais tous en relief, et légèrement brillant, qui donne une vague idée « dégoûtante » qui ne peut que réjouir les plus jeunes. L’intérieur est tout autant attrayant : outre le texte même, qui prend quand même la majorité de l’espace (on est bien dans un roman, pas dans une bande dessinée ou assimilé !), on a toute une série d’illustrations, qui ponctuent ou explicitent certains passages, ou parfois on a quelques mini-cases façon BD justement, qui participent carrément à l’histoire et remplacent donc le texte en tant que tel. Le tout donne l’impression générale que c’est abordable, chouette, et en même temps c’est indéniablement dynamique.

    Passons ensuite à l’histoire même… et là, certes je ne peux pas dire que je sois déçue comme je le serais face à une histoire qui ne m’aurait pas plu. Mon sentiment s’apparente davantage à de la stupéfaction ! La première pensée que j’ai eue en refermant ce livre a été, en pensant à l’auteur : « Il a fumé ou quoi ? » Cette histoire est absolument, complètement, terriblement, définitivement loufoque et déjantée ! Du début à la fin, on est emporté dans un profond délire, dans un tourbillon démentiel d’inventions plus débilo-intéressantes les unes que les autres (dont certaines font sourire cela dit, et on se dit que certaines seraient bien utiles dans notre quotidien !), dans un contexte familial complètement farfelu, et on atteint des sommets dans l’invraisemblable quand on rencontre les extraterrestres du titre !

    Pourtant, tout se tient de bout en bout, tout est crédible dans son absurdité. De plus, l’ensemble est traversé par un humour constant, qui ne m’a pas fait vraiment rire – pourtant c’est sans doute drôle, et même très drôle, mais c’est tellement « trop », aussi, que très vite je ne savais plus si je devais rire à gorge déployée ou rester atterrée ! Cependant, j’ai quand même vraiment souri quelquefois. Et je souligne que, contrairement à quelques livres lus plus ou moins récemment, qui jouaient aussi sur ce créneau de l’aventure fabuleuse en loufoquerie (je pense très clairement à « Dis au revoir à ton poisson rouge »), ici au moins l’auteur ne s’est pas senti obligé de se moquer d’autrui, et notamment d’autres nationalités que la sienne, pour avoir l’air marrant.

    Certes, il se moque çà et là de certaines « institutions », en parodiant par exemple le FBI (ou du moins l’image qu’on s’en fait) ou les émissions télévisées violentes. Il aborde certaines thématiques sensibles, mais en les entourant tellement de cette ambiance burlesque, qu’on n’y fait pas trop attention, et pourtant elles sont bien là : le harcèlement scolaire, le besoin parfois maladif de s’identifier aux autres au point de s’y perdre et ne plus savoir qui on est soi-même, l’importance de la famille malgré tout, etc. Je n’irais pas jusqu’à dire que l’auteur fait passer un message, ou alors de façon bien subtile par-dessus toute cette cocasserie, mais moi en tout cas je n’ai pas trop saisi de morale. Je ne crois pas, en tout cas, que ça ait été son but en écrivant ce livre complètement déjanté ! Il faut pouvoir dépasser cette première impression de « n’importe quoi », se laisser entraîner dans ce monde farfelu, et alors on passe un agréable moment de lecture – pas exceptionnel, pas révélateur, mais vraiment sympathique et profondément décalé. Il me reste maintenant à avoir l’avis de ma fille – qui, à ma grande surprise, m’a demandé de lui passer ce livre avant son frère ! mais son avis à elle, ce sera pour une autre fois !