ArchéogenèsePatrice Verry2014

Nue comme un ver, Vergaï roula dans la meule en réprimant un cri. Ça pique ! Dire qu’il y en a qui s’ébattent dans le foin ! Tu parles d’un plaisir ! Elle se redressa avec précaution pour s’assurer que personne ne l’avait repérée. Des paysans travaillaient à l’autre bout du champ. C’est parti pour l’opération caméléon. Elle ouvrit la coque d’eka-larvinium qu’elle portait sur le dos. « Le jour où ils inventeront des vêtements dans cette matière, ça m’évitera de me balader à poil dans une époque d’arriérés », bougonna-t-elle à voix basse. À l’exception de l’eka-larvinium, et par extension, de ce qu’il protégeait, les substances non vivantes ne traversaient pas le temps. Avant d’enfiler les vêtements grossiers qui lui permettraient de se fondre dans la population locale, Vergaï comprima sa poitrine dans une chemise de toile ajustée. Ainsi vêtue, elle assurerait la première partie de sa mission dans la peau d’un homme. M’ont-ils choisie en fonction de la petitesse de mes seins ? ironisât-elle in petto. Toujours à l’abri de la meule, elle rangea la coque d’eka-larvinium dans une sacoche de toile, puis tenta de s’orienter. Le soleil lui donna le nord et l’heure approximative, mais pas la position géographique exacte. Mon empire pour un vieux GPS du XXIe siècle ! Elle ne put s’empêcher de pouffer. De toute façon je n’ai pas d’empire. La carte détaillée de la région qui avait été directement imprégnée dans son cerveau avant son départ devrait lui suffire. Le bruit d’une canonnade lointaine interrompit ses pensées vagabondes. Comprenant la signification de ce vacarme, elle abattit ses poings de toutes ses forces dans le foin en hurlant : « Les cons ! Ils m’ont envoyée trop tard ! Le siège de La Rochelle a déjà commencé ! »