Colo, Bray-Dunes 1999Dav Guedin-Craoman2012

B ray-Dunes 1999. David, étudiant aux beaux-arts, s'est trouvé un boulot d'été dans un camp de vacances pour handicapés mentaux adultes. Annoncées comme dures, les quelques semaines qu'il va passer en compagnie de ces personnes dépendantes vont, tour à tour, le choquer, le malmener et le changer définitivement.

Dix ans après les faits, Dav Guedin se remémore cet été parmi « les fous », comme les touristes les appellent quand ils débarquent sur la plage. De son propre aveu sans grande expérience dans ce domaine, le narrateur entre avec le lecteur dans ce qui paraît être, au premier abord, un enfer digne des descriptions des asiles d'aliénés du XIXe siècle. Incapables de se prendre en charge même pour les plus simples actes de la vie courante, les patients, tous très lourdement atteints, nécessitent une attention permanente, du lever au coucher. Malgré le choc initial, David apprend à dompter ses répulsions et arrive à encadrer avec un succès certain les quatre valétudinaires dont il a la charge. Les jours passant, le chaos va se transformer en une espèce de routine chancelante plus ou moins fonctionnelle.

Ce témoignage, raconté de manière frontale, sans pincette ni aucune pudeur, peut paraître brutal. Le scénariste ne s'est permis aucune censure, aussi bien dans ses propos que dans ses propres réactions face à la réalité de l'accompagnement de ces personnes dépendantes. Au-delà de l'expérience personnelle, le fond du sujet réside bel et bien là : comment nous, la société, prenons en charge ces êtres humains totalement tributaires de notre prévenance ? Cet ouvrage n'a pas la volonté de répondre à cette question, néanmoins, il apporte une vision intelligible de la situation.

Aux pinceaux, Craoman illustre cet album de la meilleure façon qu'il soit : sans concession. Il prend bien soin de souligner par la caricature, par la déformation, les différents états d'esprit des protagonistes. Si cette approche renforce le côté « monstrueux » de cet univers, il s'agit toutefois d'un monstrueux à la manière de Tod Browning dans Freaks. Une représentation qui révèle l'humanité des acteurs au-delà de leurs différences.