PèreChristiane Stoll2000

« Jean m'a annoncé très doucement la nouvelle le dimanche matin à la terrasse d'un café sous les platanes du cours. J'ai acheté des roses blanches et ajouté un lumignon dans la cathédrale. J'ai demandé à la danseuse ouzbèque de prier pour toi. Je joue sur une scène de théâtre pendant que tu attends. Chaque soir je dédie mon rôle à toi jeune et beau.

» Je t'ai enterré dans l'odeur des lilas, ton pays rayonnant dans l'été. J'ai vu ton visage que j'ai recouvert du drap.
...

» Tu t'es endormi dans ton sommeil et tu reposes après une vie solaire et effroyable. Dans ta lutte avec ton épouse, (...) tu as été vaincu. »

...

Par touches légères, impalpables, irrespirables et déchirantes par moments, Christiane Stoll dessine le père adoré de son enfance, qui disparaît un jour pour réapparaître trente années plus tard, épave éthylique « à l'hospice des débiles et des pauvres »..., flanqué d'une « sorcière ».

Christiane Stoll est née à Marseille d'un père alsacien, incorporé de force dans la Wehrmacht sur le front de l'Est par un décret du 25 août 1942, et d'une mère d'origine italienne. De Marseille, elle disait: « Marseille n'a que la beauté de sa lumière à donner, somptueuse (nul lieu de promenade dans la ville). » Écrivaine, peintre, en mars 1999 elle nous écrivait, quatre mois avant sa mort tragique à Paris : « en ce moment, c'est l'écriture que j'ai dans le sang, qui me tient. J'aime les pages qui concluent Père, je les trouve fortes sachez-le, ce qui me rend fière de mon père, c'est que, au sein de la chute, il est demeuré irréductible... » Il reste quelques manuscrits que Christiane Stoll ne pourra pas relire.