Le petit roman de Shanghai
Bernard Debré2005

Aéroport Charles-de-Gaulle, le 30 septembre 2004.
Il est six heures du matin. Par le hublot du Boeing 747 d'Air France, où ma femme Véronique et nos deux fils, Grégoire et Édouard, viennent de prendre place à mes côtés, j'observe le gigantesque tarmac embouteillé d'avions immobiles.
Combien de fois ai-je ainsi pris l'avion ? Plusieurs centaines, mille, peut-être... Ma profession, mes missions humanitaires et mon insatiable curiosité m'ont conduit à parcourir le monde depuis trente ans. Mais ce 30 septembre n'est pas un départ comme les autres : dans douze heures, nous serons à Shanghai, où je dois signer la première convention de coopération entre mon service d'urologie de l'hôpital Cochin, à Paris, et l'hôpital Est de la ville.
J'aime cette ville. Intensément. Impatiemment. Et c'est là, à cet instant, en ce petit matin humide à Roissy, que j'ai décidé d'écrire ce livre sur Shanghai.
Shanghai ? Cette forêt de contrastes se regarde comme une gigantesque fresque dont chacun des détails aurait son importance. Shanghai s'écoute aussi : le bruit de ses artères bourdonnantes, le chuchotement du parc Fuxing, le son du héru. Shanghai se respire : parfum de mystères, odeur de soufre. Shanghai, enfin, se raconte : à travers l'histoire de ce petit port de pêche boueux et insalubre devenu capitale économique de la Chine nouvelle, se dessine en filigrane le destin incroyablement riche et tourmenté de ce «pays grand comme le monde», berceau d'une civilisation trimillénaire.
Toujours observée avec méfiance par le reste de l'empire du Milieu, mais surdouée, Shanghai, si misérable autrefois, si riche aujourd'hui, est une héroïne de roman : on s'attache à elle comme à une personne vivante. Comment expliquer autrement la fascination physique, presque charnelle, qu'elle exerce ?