Citations 2021

L'Iliade / Iliade (Iliáda) de Homère

Ce texte fondateur est un récit guerrier contant les événements survenus après l enlèvement d Hélène par Paris.
Les hommes y sont guidés par l honneur et la recherche de la gloire. Rien ne peut les en détourner: ni les attachements les plus profonds (comme celui d Hector pour sa femme et son fils) ni la colère la plus grande comme celle d Achille. Dès lors, le Destin est inéluctablement en marche, Destin derrière lequel se cachent en fait les Dieux qui tirent les ficelles.
C est intéressant .... mais pas plaisant. Même malgré des passages pleins d émotions comme les adieux d Hector à sa femme ou la supplique de Priam à Achille. Oui même malgré le merveilleux Hector. Peut être est ce dû à la traduction ou à mon niveau de lectrice... mais je crois que rien ne rendrait digeste le name dropping qui parcourt le récit.

La génération des hommes est semblable à celle des feuilles. Le vent répand les feuilles sur la terre, et la forêt germe et en produit de nouvelles, et le temps du printemps arrive. C est ainsi que la
génération des hommes naît et s éteint.

Hector, la ferveur de ton âme va causer ta perte.

Genre : Classique - Mythes/Mythologie

Circé (Circe) de Madeline Miller

Genre : Mythes/Mythologie

The Crow de James O'Barr

Ce comics sulfureux traîne un parfum de malédiction. Sa genèse est une tragédie personnelle de l auteur et Brandon Lee qui interprète le héros dans l adaptation cinématographique a perdu la vie pendant le tournage.
C est dire si le sujet s annonce gai...
Un justicier torturé et sombre fomente sa vengeance après le meurtre de sa fiancée.
On assiste alors à un déchaînement de violence, une violence trash mais aussi cathartique pour le héros comme pour l auteur dont il est un double.
Non dénué de moments d émotions et de qualités littéraires (notamment par les références appréciables aux poètes maudits), un très bon comics à l esthétique gothique !

Souffrance
Il y a 1 an... par une froide nuit d octobre... un véhicule en panne sur une route défoncée... un homme... une fille... folie... souffrance... et les ombres... Mon Dieu, les ombres...

Une âme perdue. Mortier
Le désespoir. Briques...
Eriger un temple voué au culte de la tristesse

Dans cette ville où les anges n osent plus se montrer tandis que les démons font la loi, une lune opiacée jette un voile hypnotique sur toute chose. Et voici que l ombre d une ombre, le coeur battant malgré tout, peu affolé par la fraîcheur d octobre, erre comme une âme en peine à la recherche de quelque chose d érotique. Il a dit à son amoureuse, morte depuis: " on n aurait jamais dû venir ici, le coeur inconscient et la chair faible, mais, comme des tigres perdus dans les hautes herbes, comme le Christ au jardin de Gethsemani, nous sommes venus." Là, les atrocités ont commencé. "On est venu mais on n aurait pas dû rester. Seulement ... la force de l inertie... on n a pas pris le bon wagon et la mort est arrivée." The Crow s enfonce dans ses rêves et le seul son qui sort de sa bouche est un... hurlement nocturne.

Tu te rappelles quand je t ai dit : "pour toujours "?
Tu m as répondu : "seulement ?"
C est pour toujours désormais.

Genre : Fantastique

Piranèse (Piranesi) de Susanna Clarke

J ai lu Piranèse de Susanna Clarke qu on m a offert à Noël.
Et waouh !!!! je regrette presque de ne pas terminer l année sur ce livre !
Piranèse vit dans un Palais. Un Palais labyrinthique aux multiples corridors, escaliers, statuts, mers intérieures ... Piranèse vit seul dans ce Palais, si ce n est l Autre. Et bientôt, dans cette vie hors du temps pourtant bien réglée, Piranèse observe de curieux événements ...
L atmosphère envoûtante donne d abord un air mythologique au récit.
Etrange, onirique, puis prenant un tour psychologique avec une pointe de dark academia, le roman surprend dans sa forme et son intrigue.
Fascinant autant que surprenant, je me suis volontiers laissée happer par ce Palais énigmatique. Une lecture vraiment unique qui rejoint mes tops de 2021!
Un petit conseil : n hésitez pas à accompagner votre lecture d une découverte de l oeuvre de Giovanni Battista Piranesi, tout aussi singulière !

Quand la Lune se leva dans la 3e Salle Nord, je me rendis dans le 9e vestibule pour assister à la jonction des 3 Marées. C est un phénomène qui survient seulement tous les 8 ans.

La Beauté du Palais est incommensurable, sa Bonté infinie.

Je n ai jamais vu le moindre signe que le Monde avait une Fin, seulement une enfilade régulière de Salles et de Corridors dans le Lointain.

Le Palais comporte 3 Niveaux. Les Salles inférieures sont le domaine des Marées; leurs Fenêtres-vues depuis l autre côté de la Cour- sont glauques avec les flots agités, et blanches sous les giclées de mousse. Les Salles Inférieures offrent pitance sous forme de poissons, crustacés et algues de mer.
Les Salles Supérieures sont, comme je l ai dit, le Domaine des Nuées; leurs Fenêtres sont d un gris blanc vaporeux.Parfois, on aperçoit toute une rangée de Fenêtres soudain illuminées par un éclair. Les Salles Supérieures fournissent de l Eau Douce, qui se déverse dans les Vestibules sous forme de Pluie et ruisselle le long des Murs et des Escaliers.
Entre ces 2 Niveaux (en grande partie inhabitables) se trouvent les Salles du Milieu, domaine des oiseaux et des hommes. Le Bel Ordre du Palais est ce qui nous donne la vie.

Il poursuivait toujours sa route, droit vers moi, et la plus étrange des pensées me vint: peut être que l albatros et moi étions destinés à nous fondre et que nous deviendrions à nous 2 un ordre d êtres entièrement autre: un Ange!

Le savoir que nous recherchons n a rien de neuf. Il est ancien, très ancien. Jadis, les gens qui le possédaient s en servaient pour réaliser de grandes choses, des miracles. Ils auraient dû le conserver, ils auraient dû le respecter. Mais non, ils l ont abandonné pour l amour de quelque chose qu ils appelaient le "progrès ". Et il nous revient de le retrouver. Nous ne le faisons pas pour nous, nous le faisons pour l humanité. Pour retrouver quelque chose que l humanité a sottement perdu...

Je voyais l étrangeté avec mes yeux sans pouvoir le penser avec mon esprit.

Le Monde est redevenu la lumière du Coeur.

La Beauté du Palais est incommensurable, sa Bienveillance infinie.

Genre : Fantasy

L'attrape-coeurs (The Catcher in the Rye) de Jerome David Salinger

Holden Caulfield, 16 ans, est renvoyé de son lycée et décide de ne pas affronter de suite ses parents. Il déambule dans New York pendant quelques jours avant Noël.
Cette errance, c est la fuite en avant d un gosse paumé devant ses parents, ses responsabilités, la vie d adulte qui l attend peut être.
Un gosse paumé terriblement seul, qui ne cesse de demander de l aide sans que personne (y compris lui) ne s en rende compte. Un gosse qu on hésite entre secouer et rassurer.
Malgré la déprime et les mésaventures du personnage central, le livre est parcouru de quelques éclairs touchants quand on entrevoit la part d enfance encore présente derrière le côté fanfarron, ou encore sa tendresse pour ses frères et soeurs, seules personnes trouvant grâce à ses yeux.
Raconté à la 1e personne, dans un style familier (auquel je n ai pas accroché), un roman plutôt juste sur les tourments de l adolescence (certes nantie) avec toutes ses ambivalences.
Son cynisme de principe et sa naïveté qui affleure encore, son dédain envers autrui et son besoin de connexion.
Certainement lu 20 ans trop tard !

Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la 1e chose que vous allez demander c est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j ai pas envie de raconter ça et tout.

Mon rêve, c est un livre qu on arrive pas à lâcher et quand on l a fini on voudrait que l auteur soit un copain, un super-copain et on lui téléphonerait chaque fois qu on en aurait envie. Mais ça n arrive pas souvent.

Brusquement je me sentais très seul. J avais presque envie d être mort.

Je me représente tous ces petits mômes et personne avec eux je veux dire pas de grandes personnes - rien que moi. Et moi je suis planté au bord d une saleté de falaise. Ce que j ai à faire c est attraper les mômes s ils approchent trop près du bord. Je veux dire s ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C est ce que je ferais toute la journée. Je serais juste l attrape-coeurs et tout.

C est drôle. Faut jamais rien raconter à personne. Si on le fait, tout le monde se met à vous manquer.

Genre : Contemporaine

La séquestrée / Le Papier peint jaune (The Yellow Wallpaper) de Charlotte Perkins Gilman

Une jeune femme souffrant de dépression est contrainte au confinement et à l oisiveté en guise de traitements. Elle focalise de plus en plus sur les murs au papier jaune qui l entourent.
On pourrait croire à un récit fantastique avec tout ce qui se trame autour de ce papier peint (ou plutôt dessous). Mais en fait, il est à la fois le symbole de l enfermement, la cristallisation de la folie grandissante de l héroïne pour finir par devenir la mise en abime de la condition des femmes au début du XXe siecle. Il ne s agit que d une courte nouvelle mais qui arrive à traiter des aliénations mentale et féminine de manière percutante.
On ne peut qu être révolté par l indifférence médicale face aux troubles mentaux et l infantilisation des femmes qui sévissait alors. J en ressors impressionnée!

Genre : Classique

Les Suprêmes, tome 2 : Les Suprêmes chantent le blues (The Supremes Sing the Happy Heartache Blues) de Edward Kelsey Moore

Les Suprêmes, ce sont 3 amies sexagénaires afro-américaines vivant à Plainview, une petite ville typique avec ses commérages et ses scandales. J ai pris beaucoup de plaisir à les retrouver : Clarice réalisant son rêve, Barbara Jean toujours émouvante et la truculence d Odette! Cette fois, il est question de la figure paternelle, de la filiation et de la tolérance. J aime beaucoup le parti pris de l'auteur sur le 3e âge (voir le 4e) en évoquant la sexualité, les rapports de couples et les liens à leurs propres parents. L approche de la question de l'identité voire du genre à travers le personnage de Terry, naturelle et fluide, était rafraîchissante. Une lecture une peu doudou en somme !

Genre : Historique

Lady Helen, tome 3 : L'ombre des mauvais jours (Lady Helen, book 3: The dark days deceit) de Alison Goodman

On retrouve cette fois nos personnages au début du mois de décembre 1812 ce qui a achevé de m immerger dans cette histoire. La lutte finale entre nos héros du Club des Mauvais Jours et leur ennemi le plus redoutable approche. Mais la clandestinité nécessaire à leurs démarches continue de compliquer leurs missions. Voilà pour le plot!
Sur la forme, les objets livres restent le résultat d un travail éditorial appréciable.
Le genre entre fantasy et Regency est maîtrisé avec une reconstitution historique soignée et des éléments fantastiques entraînants.
L'intrigue trouve sa conclusion de manière réjouissante avec des combats et des révélations, sans oublier une touche romantique qui, je dois l avouer, a ravi la minuscule part de midinette en moi.
Bref un bon moment de lecture !

Genre : Historique - Fantasy

Lady Helen, tome 2 : Le pacte des mauvais jours (The Dark Days Pact) de Alison Goodman

Le 1er tome se passait au printemps 1812. Nous retrouvons donc nos personnages à l été 1812.
Lady Helen découvre les enjeux du Club des Mauvais Jours, le rôle qu elle a à jouer. Elle finit enfin par s imposer aussi.
Cette suite dans la veine du tome précédent, entre Régence et fantasy, approfondit l univers, les personnages et leurs relations. Le tout prend une tournure plus sombre et violente ce qui permet de révéler ce dont chacun est capable. J ai été irritée par certains personnages comme le duc, je me suis attachée à d autres. Bref je me suis prêtée volontiers au jeu de cette trilogie très plaisante qui, sans être révolutionnaire, se suit avec engouement.

En fait, je crois que tout le monde est convaincu que le monde d une femme est toujours plus pauvre et limité que celui d un homme. Peut être est ce vrai. C\'est ce que nous enseigne l Eglise, après tout. Mais vous milady, vous ne pouvez pas vous en tenir à cette vision. Vous devez vivre une vie de femme qui n a encore jamais existé.

Genre : Historique - Fantasy

Lady Helen, tome 1 : Le club des mauvais jours (The Dark Days Club) de Alison Goodman

1812, en Angleterre, Lady Helen, 18ans, s apprête à faire son entrée dans le monde. Son entourage s agite, on découvre sa famille et ses proches, ceux qui s annoncent comme des alliés et ceux qui semblent plus troubles comme le mystérieux Lord Carston.
Ça commence comme un regency novel sympathique mais pas révolutionnaire, pour prendre petit à petit un ton plus fantastique avec la découverte d\'une société secrète de lutte contre des créatures démoniaques, le fameux Club des Mauvais Jours.
Ce mariage improbable entre des codes austeniens et SFFF est vraiment plaisant.
Le duo principal est accrocheur, leur dynamique sans être très originale fonctionne très bien. La reconstitution historique est recherchée et soignée.
Et sur un plan subsidiaire, si le roman aurait mérité un meilleur titre et une édition plus floppy , l objet livre est superbe, j ai adoré le travail sur la couverture.
Une entame de série avec quelques longueurs au début mais dont la fin incite à poursuivre. Je pense donc essayer de lire les 2 tomes restants pour ce mois de décembre, l ambiance so british/fantasy collant plutôt bien à cette période de l Avent.

Il est parfois impossible de choisir pour le mieux. Il faut simplement choisir.

Genre : Historique - Fantasy

Miniaturiste (The Miniaturist) de Jessie Burton

À travers Nella, jeune mariée hollandaise du XVIIe siècle, on intègre la famille de notables amstellodamois, les Brandt.
Une famille abritant bon nombre de mystères qui vont se révéler progressivement, autour d une étrange maison de poupée.
Dans cette atmosphère feutrée mais aussi oppressante qui n est pas sans rappeler Rebecca ou La jeune fille à la perle, Jessie Burton a réussi à me tenir en haleine. Les thématiques, les personnages m ont surpris. J ai également beaucoup aimé la construction du roman. Mais je regrette la fin un peu frustrante.

Ces funérailles devaient être discrètes, car la personne décédée n avait pas d amis, mais on est à Amsterdam, où les mots s écoulent comme l eau, inondent les oreilles, nourrissent la pourriture, et le coin est de l église est bondé.

Toute femme est l architecte de son propre destin.

Les mots sont comme de l eau, dans cette ville, Nella. Une goutte de rumeur pourrait tous nous noyer.

Mon monde se rétrécit, alors qu il me semble plus encombrant que jamais.

"La liberté est glorieuse. Libère toi, Marin! C est toi qui forges les barreaux de ta cage." C est très bien de se libérer, mais quelqu un en paie toujours le prix.

Nous formons ensemble une trame tissée d espoir dont la confection ne revient qu à nous.

Elle vole un dernier regard vers le ciel et rentre chez elle.

Genre : Historique - Drame

L'Étrange Vie de Nobody Owens (The Graveyard Book) de Neil Gaiman

Un petit garçon orphelin est recueilli par les habitants d un cimetierre alors que l assassin de sa famille le recherche.
J ai eu du mal à me passionner pour cette petite histoire, au demeurant sympathique. Je ne me suis pas assez attachée aux personnages. J aurai aimé un univers plus approfondi, plus d explications. Mais c est peut être lié au fait que c est un roman jeunesse.

Il y avait une main dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau.

Un cimetière en principe n est pas une démocratie, cependant la mort est la démocratie suprême; chacun des morts disposait d une voix et d une opinion sur le bien fondé ou non de la présence de l enfant vivant, et tous étaient bien décidés à se faire entendre cette nuit-là.

Si tu ne risques rien, à la tombée du jour tu n auras rien conquis.

Mais d ici là, il y avait la Vie; et Bod y entra les yeux et le coeur grands ouverts.

Genre : Fantastique

Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, tome 1 (My Favorite Thing Is Monsters, book 1) de Emil Ferris

Comme le résumé Emil Ferris en fin d ouvrage, voilà "42% de mystère, 18% de fiction historique, 6% de romance, 21% de souvenirs, 5% de réalisme urbain, 6% de critique sociale mordante, 10% d humour et 3% de thriller surnaturel". Se rajoute un choix graphique complètement fou. C est la recette de ce chef d oeuvre du 9e art !!!

J ai monté le son pour qu on ne sache pas ce que je faisais, parce que... ça serait vraiment la cata... si Maman se pointait et me trouvait comme ça.

Dans le gris de ses yeux, on voit à la fois le brouillard de Dublin et la fumée des calumets.

Si en général, les sous-sols sentent le surréalisme, les cuisines et les jardins, eux, sentent toujours l impressionnisme.

J imagine que c est comme dans "pierre-feuille-ciseaux". Balle d argent, pieu, feu battent monstre. Mais monstre bat TOUJOURS cancer...

Encore une raison pour dire qu être un monstre, c est bien plus facile qu être une fille.

Une femme ne se définit pas par ce qu elle a entre les jambes, mais par ce qu elle a dans le coeur.

Pour les enfants, les adultes semblent toujours libres. Mais, en vérité, il y en a beaucoup qui sont comme prisonniers. Et si on se demande qui les retient, 9 fois sur 10 d après ce que je sais, ce sont les fantômes qui les hantent.

Ne laisse jamais la noirceur des autres faire tomber la nuit en toi...
Mais honnêtement j aime cette idée... de mes propres ténèbres.

Je ne pouvais m empêcher de penser aux secrets que désormais, je connaissais, mais aussi aux mystères encore là et à tout ce que j avais perdu...

Genre : Policier

À la croisée des mondes, tome 3 : Le Miroir d'ambre (His Dark Materials, book 3: The Amber Spyglass) de Philip Pullman

Ce dernier tome est plutôt dense. Le monde est plus abouti que dans les précédents; toujours original avec ses daemons, ses artefacts, l auteur y rajoutent en plus une cosmogonie peu courante avec les anges et les Spectres. Surtout, l oeuvre prend de l ampleur en abordant plusieurs thèmes comme la mort, la perte de foi, le fanatisme religieux, Dieu.
J ai apprécié le traitement des personnages principaux. L évolution de l enfance à l adolescence est décrite avec justesse. J ai notamment beaucoup aimé l évocation du 1er amour.
Une excellente fin pour cette trilogie porteuses de messages qui m ont touché!

Dans une vallée à l ombre des rhododendrons, non loin de la limite des neiges éternelles, là où coulait un petit torrent nacré par l eau de fonte, où des colombes et des linottes voletaient au milieu des sapins gigantesques, se trouvait une grotte, en partie dissimulée par le rocher escarpé qui la surplombait et le feuillage dense qui s étendait au-dessous.

Ils disaient que le ciel était un lieu de bonheur et de gloire, et que nous passerions l éternité en compagnie des saints et des anges à prier le Tout-Puissant, dans un état de béatitude. Voilà ce qu ils disaient. Et c est ce qui a conduit certains d entre nous à donner nos vies, et d autres à passer des années dans l isolement et la prière, pendant que toutes les joies de l existence nous tendaient les bras, sans que nous le sachions.
Mais le pays des morts n est pas un lieu de récompense, ni un lieu de châtiments. C est un lieu de néant.

...nous devons bâtir la République des Cieux là où nous sommes, car pour nous, il n y a pas d ailleurs.

Tu as dit que j étais un guerrier. Tu as dit que c était ma nature, et que je ne pouvais pas m y opposer. Père, tu avais tort. Je me suis battu parce que j y étais obligé. Je ne peux pas choisir ma nature, mais je peux choisir mes actes. Et désormais, je choisirai, car je suis libre.

Du temps où elle était chrétienne, elle aussi se sentait reliée à quelque chose mais, après avoir quitté l Église, elle s était sentie libérée, légère et à la dérive, dans un univers sans but.

A son regard, elle vit qu il avait compris immédiatement son intention, et qu il était trop heureux pour parler. Les doigts de Lyra s étaient posés sur ses lèvres; il les sentait trembler. Il leva la main à son tour pour prendre ses doigts. Ils n osaient plus se regarder, ils étaient désorientés et ivres de bonheur.
Tels 2 papillons de nuit qui se heurtent maladroitement, avec la même légèreté, leurs lèvres entrèrent en contact. Et avant même qu ils comprennent ce qui leur arrivait, ils s enlacèrent et leurs visages se pressèrent l un contre l autre, aveuglément.

Elle n avait pas besoin de cet instrument, elle savait ce qu elle verrait: ils donneraient l impression d être faits d or. Ils apparaitraient comme l image authentique de ce que pourraient être les humains en permanence, après avoir reçu leur héritage.
La Poussière qui se déversait des étoiles avait retrouvé un foyer vivant, et ces enfants qui n étaient plus des enfants, débordants d amour, étaient à l origine de tout cela.

Ce qui mérite d être possédé mérite qu on travaille pour l obtenir.

- Et après? demanda son daemon d une voix endormie. Qu est ce qu on construira?
- La République des Cieux, répondit Lyra.

Genre : Fantasy - Aventure

À la croisée des mondes, tome 2 : La Tour des anges (His Dark Materials, book 2: The Subtle Knife) de Philip Pullman

Le début de ce 2e tome m a désarçonné avec de nouveaux personnages, le fil de l intrigue un peu distendu en apparence...Des longueurs et un peu d ennui jusqu à ce que les éléments s imbriquent et fassent sens... et là l aventure m a à emportée, ma lecture s est fluidifiée. Mais que de noirceur! Ce n est pas parce que les héros sont des enfants que le livre leur est destiné.

Will tira sa mère par la main, en disant :
- Allez, viens. Viens...

Il existe 2 grandes forces, qui s affrontent depuis la nuit des temps. Chaque avancée de l histoire humaine, chaque morceau de savoir et de respect que nous possédons a été arraché par un camp à l autre. Chaque pouce de liberté supplémentaire a été gagné de haute lutte, après un combat féroce, entre ceux qui veulent que nous soyons plus instruits, plus avisés et plus forts, et ceux qui voudraient nous voir obéissants, humbles et soumis.
Aujourd hui, ces 2 forces opposées fourbissent leurs armes en vue de la bataille.

Will regarda les 2 anges, il regarda le sac à dos de Lyra, puis de nouveau les anges; il n entendait pas un mot de ce qu ils disaient.

Genre : Fantasy - Aventure

La Place de Annie Ernaux

Alors que son père meurt, Annie Ernaux dresse son portrait tout en revenant sur son propre parcours personnel.
Ce récit suit une double ascension, l ascension matérielle du père et l ascension socioculturelle d Annie Ernaux qui s accompagne d un éloignement de ses parents au fur et à mesure qu elle prend ses distances avec son milieu.
Le style volontairement neutre laisse le devant au fond. Le texte n en est que plus percutant. Pas de pathos, de mièvre. Les faits et les ressentis au plus près de cette réalité assez terne que reflète ce style dépouillé. Malgré la force du propos, ce roman me laissera une empreinte moins marquante que L événement.

J ai passé les épreuves pratiques du Capes dans un lycée de Lyon, à la Croix-Rousse.

Au retour, il n a plus voulu retourner dans la culture. Il a toujours appelé ainsi le travail de la terre, l autre sens de culture, le spirituel, lui était inutile.

En m efforçant de révéler la trame significative d une vie dans un ensemble de faits et de choix, j ai l impression de perdre au fur et à mesure la figure particulière de mon père. L épure tend à prendre toute la place, l idée à courir toute seule. Si au contraire je laisse glisser les images du souvenir, je le revois tel qu il était, son rire, sa démarche, il me conduit par la main à la foire et les manèges me terrifient, tous les signes d une condition partagée avec d autres me deviennent indifférents. A chaque fois, je m arrache du piège de l individuel.

Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d un mode de vie considéré comme inférieur, et la dénonciation de l aliénation qui l accompagne. Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que "ce n est pas assez bien chez nous"), je voudrais dire à la fois le bonheur et l aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d un bord à l autre de cette contradiction.

Sous le bonheur, la crispation de l aisance gagnée à l arraché.

Je me suis pliée au désir du monde où je vis, qui s efforce de vous faire oublier les souvenirs du monde d en bas comme si c était quelque chose de mauvais goût.

L univers pour moi s est retourné.

Les livres, la musique, c est bon pour toi. Moi je n en ai pas besoin pour vivre.

J ai glissé dans cette moitié du monde pour laquelle l autre n est qu un décor.

J ai fini de mettre au jour l héritage que j ai dû déposer au seuil du monde bourgeois et cultivé quand j y suis entrée.

Peut être sa plus grande fierté ou même, la justification de son existence: que j appartienne au monde qui l avait dédaigné.

Elle prenait déjà les courses suivantes de la main gauche et tapait sans regarder de la main droite.

Genre : Histoire vraie

Blankets, Manteau de neige (Blankets) de Craig Thompson

Il s agit d un vrai roman graphique (presque 600 pages) autobiographique. Craig Thompson alterne entre des épisodes de son enfance et de son adolescence, chaque période se centrant sur une relation marquante avec son frère et sa petite amie.
Autant ne pas faire traîner: j ai été conquise aussi bien par la forme que par le fond.
Le ton est authentique et pudique, le trait expressif sert au mieux le propos. Les histoires d enfance entre adversité et fraternité révèlent comment et pourquoi l\'auteur percevait le monde des adultes comme un univers à fuir, cette fuite se traduisant dans le dessin.
Son 1er amour est conté de manière touchante et réaliste, entre tendresse et retenue.
C\'est un roman graphique de très grande qualité, plein d\'émotions.

Quand nous étions jeunes, Phil, mon petit frère, et moi partagions le même lit.

Je voulais le ciel.Et j ai grandi en m efforçant d obtenir de ce monde ... un monde éternel... qui me laverait de ma misère temporaire.

Quelle belle affaire, si je profite du monde entier, mais que j y perds mon âme?

J ai agi comme si j offrais un sacrifice à Dieu... Un nouveau pacte spirituel.
Mais en fait, je voulais brûler ces choses de l enfance, car ces dessins, plutôt que de servir d échappatoire, servaient de mémoire.

Quel plaisir que de pouvoir laisser des traces sur une surface immaculée. De tracer une carte de mes pas...
... peu importe si c est temporaire.

Genre : Histoire vraie

22/11/63 (11/22/63) de Stephen King

J ai fini 22/11/63 de Stephen King que j avais prévu de terminer pour Halloween mais que j ai dévoré^^
Jake Epping, prof d anglais un brin désabusé des années 2010, prend connaissance d un passage permettant de se propulser dans le passé. Il se voit alors charger d une mission : empêcher l assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963.
Baigné d une nostalgie qui n occulte pas les réalités du début des années 60 américaines, surfant sur la fascination qui entoure aujourd hui encore l assassinat de JFK, ce roman condense ce que Stephen King sait faire de mieux.
Il plante un décor marquant entre la ville tellement cozy de Jodie et les bas fonds de Dallas.
Il campe également des personnages (attachants ou révoltants) qu on n oublie pas tant ils sont justes.
Et last but not least, il se sert du fantastique pour aborder des sujets de société (les violences conjugales par exemple, le racisme).
Le style est accrocheur comme souvent. La narration est très "cinématographique". Pas étonnant que le livre ait fait l objet d une adaptatation tv.
La fin est pertinente, on n est pas déçu (du voyage^^) comme ça peut parfois être le cas pour les oeuvres de King.
Et puis j ai savouré les caméos de mon roman favori du King, au point de frôler le fangirling!
Un excellent King sans horreur, mais prenant et touchant !

J ai jamais eu "la larme facile", comme on dit.

Mais quand il s agit du fleuve de l Histoire, les lignes de partage des eaux les plus susceptibles d entraîner des changements sont les assassinats- ceux qui ont réussi et ceux qui ont échoué. L archiduc François-Ferdinand d Autriche se fait tirer dessus par un freluquet mentalement dérangé nommé Gavrilo Princip, et c est le coup d envoi de la 1e Guerre Mondiale. En revanche, lorsque Claus von Stauffenberg a échoué à assassiner Hitler en 1944 - pas de beaucoup, mais tintin - la guerre a continué et ça a fait encore des millions de morts.

Je me sentais bien.
Jusqu à ce que je vois Derry.

"Richie Tozier, pour vous servir. Mes amis disent "Richie-Richie, N entrave-Que-T chi", mais qu est ce qu ils en savent ?

"Tout ça, c est fini maintenant, m a dit Bevvie. Elle était aussi sérieuse qu un représentant de chambre de commerce. Ils le savent pas encore, c est tout.
- "Ils" : les habitants de Derry ou seulement les adultes? Elle a haussé les épaules comme pour dire quelle différence. Mais vous, vous savez?
- Oui, on sait. a confirmé Richie.

Parfois, la vie nous sert des coïncidences qu aucun écrivain de fiction n oserait copier.

Comment expliquait-il qu il avait quitté son foyer et les siens aux gens qui prenaient l air du soir sous le porche d Edna Price? Avait il une histoire toute prête, une histoire dans laquelle sa femme était soit un petit peu cinglée, soit carrément une mégère? A mon avis, oui. Et les gens le croyaient-ils ? La réponse à cette question est simple. Peu importe que vous soyez en 1958, 1985 ou 2011. En Amérique, où l apparence passe toujours pour la substance, les gens croient toujours des types comme Franck Dunning.

Même les gens capables de vivre dans le passé n ont aucune idée de ce que l avenir leur réserve.

Mais la bêtise est l une des 2 choses dont on s avise le mieux rétrospectivement. L autre, ce sont les occasions manquées.

Un instant, tout fut clair, et lorsque ce genre de phénomène se produit, on s avise que c est à peine si le monde est présent. Le savons-nous tous secrètement? Le monde est un mécanisme parfaitement équilibré d appels et d échos de couleur rouge qui se font passer pour un système d engrenages et de roues dentées, une horlogerie de rêve carillonnant sous la vitre d un mystère que nous appelons la vie. Et au delà de la vitre? Et tout autour d elle? Du chaos, des tempêtes. Des hommes armés de marteaux, des hommes armés de fusils. Des femmes qui pervertissent ce qu elles ne peuvent dominer et dénigrent ce qu elles ne peuvent comprendre. Un univers d horreur et de perte encerclant cette scène illuminée où dansent des mortels, comme un défi à l obscurité.

Elle parle d une voix presque trop faible pour que je l entende pardessus la musique, mais je l entends - je l ai toujours entendue.
" Qui es tu Georges?
- Quelqu un que tu as connu dans une autre vie, chérie."
Alors la musique nous prend, la musique abolit les ans et nous dansons.

Genre : Science-Fiction - Fantastique

Jane Eyre de Charlotte Brontë

Jane Eyre est donc une jeune fille anglaise du XIXe siècle qu on voit devenir une héroïne.
Petite fille réservée mais déterminée, elle dévoile sa force de caractère en grandissant. Comme le roseau, elle plie mais ne rompt pas. Elle n est en rien passive, elle prend des décisions. Loin de se laisser porter par les événements ou son entourage, elle choisit sa vie en accord avec ses principes. Cette force de caractère n est pas amoindrie par la force de ses sentiments. Et l introspection du départ laisse place aux débats internes engendrés par cette confrontation. Elle arrive à conserver cette lucidité, cette finesse, sa droiture, sa loyauté envers les autres mais aussi (surtout) envers elle-même.
La puissance de ses principes ne minimise pas l amour qu elle peut éprouver. Au contraire.
Car ce livre est le roman des sentiments, porté par un style que certains traiteront d ampoulé et que les fans qualifieront de magnifique.
Ce style qui se fait lyrique pour décrire les émois des personnages ou dépeindre soigneusement la nature au point que çe décor de landes embrumés est devenu emblématique du roman.
Certains pourront regretter les nombreuses références religieuses. Elles contribuent à mon sens à donner une portée quasi mystique à l\'histoire qui sans être surnaturelle, empreinte des éléments au fantastique.
La fin peut paraître précipitée, voir téléphonée surtout après l\'atmosphère sombre posée dans les chapitres précédents. Pour moi, c\'est le reflet de la résolutions des débats qui agitent l héroïne.
Cette relecture a été une confirmation de mes ressentis lors de la 1e. Un plaisir renouvelé !

Il n était pas possible de faire une promenade ce jour-là.

Mon habituelle disposition d esprit à m humilier, à douter de moi-même, à être déprimée jusqu à désespérer tomba comme quelque chose d humide sur les cendres ardentes de ma colère qui diminuait.

Je n arrivai pas à comprendre comment les pauvres pouvaient avoir les moyens de faire preuve de bonté. Et puis, il faudrait apprendre à parler comme eux, adopter leurs manières, être sans éducation, devenir semblable à l une de ces malheureuses femmes que je voyais quelquefois allaiter leurs enfants ou laver leur linge à la porte de leurs cottages dans le village de Gateshead; non, je n étais pas assez héroïque pour acheter la liberté au prix de la caste.

Sa tombe est dans le cimetière de Brocklebridge. Pendant 15 ans, elle ne fut recouverte que d un gazon; à présent, une dalle de marbre gris, où son nom est gravé avec le mot Resurgam, en marque l endroit.

En un après midi, la lassitude me vint de la routine de 8 années. Je désirais la liberté, je soupirais après elle; pour obtenir cette liberté je murmurai une prière qui sembla s évanouir dans le vent qui soufflait alors faiblement. Sans la poursuivre, je fis une supplication plus humble: celle d être gratifiée d un changement, d un stimulant; mais elle aussi parut se perdre dans le vaporeux éther. Alors, m écriai-je à demi désespérée: "Que me soit au moins accordée une autre servitude!"
J abandonnais mon coeur à l émotion qui le faisait exulter et l emplissait de trouble en le faisant s épanouir à la vie. Mieux encore, j écoutais intérieurement un récit sans fin que créait mon imagination et qu elle me contait sans l interrompre, l animant d événements, de vie, d ardeur, de passion, toute chose que je désirais et dont mon existence réelle était dépourvue.

En principe, je vénérais la beauté, l élégance, l esprit chevaleresque, le charme, et je leur rendais hommage; mais si j avais rencontré ces qualités incarnées en un homme, j aurais instinctivement éprouvé qu elles n avaient ni ne pouvaient avoir aucune correspondance en moi et je les aurais fuies par antinomie, comme on fuit la flamme, l éclair, ou tout ce qui éblouit.

Redoutez le remords lorsque vous serez sur le point de succomber, Miss Eyre; le remords est le poison de la vie.
- On dit que le repentir le guérit, Monsieur.

En ce moment je pave l enfer avec énergie.

Vous n avez jamais éprouvé la jalousie, n est ce pas, Miss Eyre? Non, bien entendu; je n ai pas besoin de vous le demander, puisque vous n avez jamais connu l amour. Il vous reste encore à faire l expérience de ces 2 sentiments, à recevoir le choc qui éveillera votre âme en sommeil. Vous croyez que l existence entière s écoule comme le courant paisible sur lequel vous avez glissé durant toute votre jeunesse. Emportée par ce flot, les yeux fermés, les oreilles bouchées, vous ne voyez pas les récifs se hérisser à fleur d eau, vous n entendez pas les vagues déferler et bouillonner à leur base. Mais, je vous le dis, et retenez bien mes paroles, vous arriverez un jour dans une passe semée d écueils, où tout le cours de votre vie sera brisé, transformé en tourbillons tumultueux, en écume, en fracas; et alors, ou bien vous serez réduite en poussière sur les piintes des roches, ou bien vous serez soulevée, portée par quelque lame de fond dans un courant plus calme, comme je le suis à présent.

Je regagnai mon lit, sans jamais songer à dormir. Je fus ballottée jusqu à l aube sur une mer agitée, où des lames de fond redoutables roulaient sous des déferlements de joie.

Il n est pas pour elles ce qu il est pour moi, pensai je, il n est pas de leur espèce. Je crois qu il est de la mienne; j en suis sûre; je sens que nous avons des affinités, je comprends le langage de sa physionomie, de ses gestes, bien que le rang et la fortune nous séparent infiniment. Il y a dans mon cerveau, dans mon coeur, dans mon sang, dans mes nerfs, quelque chose qui décèle entre nous une parité d esprit.

La sensibilité sans la raison est vraiment un insipide breuvage, mais la raison que ne tempère la sensibilité est, pour l homme, une bouchée trop coriace et amère à déglutir.

Ce sourire était le vrai soleil de la tendresse, et en cet instant, Mr Rochester m inondait de ses rayons.

C est que, dit il, vous me faites éprouver parfois une curieuse sensation, surtout lorsque vous êtes près de moi, comme en ce moment; il me semble avoir là, à gauche, quelque part sous les côtes, un lien étroitement et inextricablement noué à un lien identique qui part d un même point de votre petite personne. Si un tumultueux détroit, et peut être 200 milles de terre viennent s interposer entre nous, j ai bien peur que ce lien qui nous unit ne se brise, et alors mon coeur saignera, j en ai la douloureuse perception.

Je ne suis pas un oiseau, je ne suis prise en aucun filet; je suis un être humain, libre, avec une volonté indépendante, qui se manifeste dans ma décision de vous quitter.

"Voilà ma femme, dit il. Telles sont les seules étreintes conjugales que je connaîtrai jamais; telles sont les caresses qui seront la joie de mes heures de loisir! Et voici ce que j ai désiré posséder, dit il (me posant la main sur l épaule): cette jeune fille, qui demeure si grave, si calme au seuil de l enfer, qui garde sa sérénité devant les contorsions d un démon. Je la voulais précisément pour me changer de ce ragoût trop épicé. Wood et Briggs voyez la différence! Comparez ces yeux limpides à ces prunelles rougies, ce visage, à ce masque, ces formes, à cette masse; puis, jugez moi, ministre de l Evangile et vous, homme de la loi, et rappelez vous que vous serez jugés sur votre jugement. A présent, hors d ici, il faut que j enferme mon trophée."

"C est à moi de me soucier de moi. Plus je suis isolée, privée d amis, sans soutien, plus je dois me respecter. Je suivrai la loi que Dieu a dictée et à laquelle l homme est assujetti. Je serai fidèle aux principes que j ai reçus quand j avais ma raison, quand je n étais pas folle comme je le suis maintenant. Les lois, les principes ne servent à rien dans les périodes où la tentation ne nous assaille pas, ils sont faits pour des instants tels que celui ci: lorsque le corps et l âme se révoltent contre les exigences. Si rigoureux soient il, je ne les violerai pas. Si je pouvais les enfreindre au gré de mes désirs, quelle serait leur valeur ? Or, ils ont une valeur, je l ai toujours cru; si je ne puis le croire en ce moment, c est que j ai perdu la raison, oui, complètement, c est que du feu coule dans mes veines, que mon coeur bat si vite qu il m est impossible d en compter les pulsations.

Je n ai d autre parent que la nature, notre mère commune: c est sur son sein que je chercherai le repos.

Et d heure en heure, je réponds avec plus de ferveur: "Amen; viens donc, Seigneur Jésus."

Genre : Classique

Marina de Carlos Ruiz Zafón

Oscar, un adolescent des années 80, se lie d amitié avec Marina. Les 2 jeunes gens partagent un goût pour les énigmes et se mettent en tête de découvrir les secrets d une mystérieuse visiteuse de cimetierre.
C est donc une petite histoire halloweenesque, générant frissons et émotion, dans laquelle la frontière entre le réel et le fantastique est ténue... Ce roman des débuts de CRZ annonce ce qui sera sa marque de fabrique : une Barcelone envoûtante, une atmosphère gothique, une plume très agréable.

Nous ne nous souvenons que de ce qui n est jamais arrivé, m a dit un jour Marina. Il aura fallu que s écoule une éternité pour que je puisse comprendre le sens de ces mots. Mais mieux vaut commencer par le début, qui, dans cette histoire, se trouve être la fin.

Nous étions arrivés dans la Barceline magique, le labyrinthe des esprits, où les rues avaient des noms de légende et où les farfadets du temps marchaient dans notre dos.

Alors le vieil homme leva les yeux. Il me suffit de voir ceux-ci pour comprendre la vérité. Et je la compris avec toute la brutale clarté qui vous réveille d un rêve. Comme un poignard glacé et empoisonné qui se plante sans remède dans l âme.

Le temps ne nous rend pas plus sages, seulement plus lâches.

Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

Genre : Fantastique

Outlander (éd. J'ai lu, intégrale), tome 04 : Les tambours de l'automne (Drums of Autumn) de Diana Gabaldon

J ai lu le tome 4 d Outlander, Les tambours de l automne.
C est compliqué de faire un petit pitch au risque de spoiler les tomes précédents.
Ce qui ressort de cette lecture, c est que ça reste une saga toujours captivante, qui sait se renouveler en introduisant de nouveaux personnages,en nous faisant découvrir de nouvelles contrées dépaysantes et de nouveaux peuples.
On suit toujours avec plaisir nos héros, notamment au sein de ce clan qui prend forme. J ai aimé les voir enfin mener cette vie familiale qui les a longtemps fui. En cela c est un tome plus "doux".
Cette impression de plus de calme, est renforcée par la place de la nature. Les descriptions soignées de la flore et la faune nous immergent dans cet univers.
Les rebondissements sont toujours bien présents sans que le rythme soit aussi échevelé que dans les tomes précédents qui étaient parfois éprouvants pour mes nerfs de fan ^^
Pour conclure, c est un bon page turner qui ne m a fait ressentir aucun ennui malgré sa longueur.

Je n ai jamais eu peur des fantômes.

Rien ne se perd, Sassenach. Tout se transforme.
- Je sais, c est le 1er principe de la thermodynamique, dis-je en m essuyant le nez.
- Non, répondit-il. C est la foi.

- Va! Dis leur que les MacKenzie sont là.

Genre : Romance - Historique

De grandes espérances / Les Grandes Espérances (Great Expectations) de Charles Dickens

Au XIXe siècle en Angleterre, un tout jeune garçon surnommé Pip se découvre un bienfaiteur anonyme à l aube de son entrée en apprentissage de forgeron. Ce bienfaiteur offre de le subventionner afin d en faire un "Monsieur".
C est un roman d apprentissage qui suit le destin d un transfuge de classe, notamment à travers ses rapports avec son entourage. L amitié y a une place centrale (celles d origine, celles dans son nouveau milieu).
Dickens souligne d ailleurs les cassures avec le milieu d origine qu entraîne l ascension sociale de son héros, tour à tour attachant dans son enfance puis irritant.
Des personnages secondaires marquants gravitent autour de Pip. Je pense à Joe et Biddy qui incarnent la bonté, à Estella qui est sans cesse objectifiée (objet d affection superficielle pour les hommes et marionnette pour sa mère adoptive), mais surtout à la saisissante Miss Havisham, figure du ressentiment.
Enfin, c est aussi un roman sur le remords, l injustice sociale voir une forme de déterminisme à travers le destin d un des personnages.
L ensemble est abordé dans un style élégant dont les touches d humour régulières allègent la gravité du sujet.
J ai vraiment aimé cet humour distillé tout au long de ce récit.
Sans être un coup de coeur, une chouette découverte!

Le nom de famille de mon père étant Pirrip, et mon nom de baptême Philip, de ces 2 mots ma langue enfantine ne sut rien faire de plus long ni de plus explicite que Pip.

Ne pose pas de questions, et on ne te dira pas de mensonges.

En un mot, je fus trop lâche pour faire ce que je savais être bien, comme j avais été trop lâche pour éviter de faire ce que je savais être mal. Je n avais eu encore aucun commerce avec le monde et je ne savais pas qu un grand nombre de ses habitants agissent de cette façon. J eus le génie de découvrir tout seul ma ligne de conduite.

Ce fut là un jour mémorable, car il apporta de grands changements en moi. Mais il en est ainsi de toute destinée. Retranchez-en un certain jour, et songez combien son cours eût été différent. Vous qui lisez ceci, arrêtez-vous, et songez un moment à la longue chaîne de feu ou d or, d épines ou de fleurs qui ne vous eût jamais lié, si le 1er maillon ne s en fut formé pendant un jour unique et mémorable.

Dieu sait qu il ne faut jamais avoir honte de ses larmes, car elles rabattent comme une pluie la poussière aveuglante qui enveloppe nos coeurs endurcis.

Quoiqu il en soit, il avait élevé Mrs Pocket dès le berceau comme une femme qui, c était dans l ordre des choses, devait épouser un titre, et qu il fallait protéger contre l acquisition de toutes plébéiennes connaissances domestiques.
Si vigilante avait été la surveillance de la jeune dame par ce judicieux père, qu elle était devenue une créature hautement décorative, mais parfaitement incapable de se débrouiller ou de faire quoi que ce fût.

- Vous devriez le savoir, dit Estella. Je suis ce que vous m avez faite. Prenez toute la louange comme tout le blâme; prenez tout le succès comme tout l échec; en un mot, prenez moi telle que je suis.

Maintenant que la souffrance, plus forte que tout autre enseignement, m a appris à comprendre ce qu était votre coeur. J ai été ployée, brisée, mais - je l espère - pour prendre une forme meilleure.

Je pris sa main dans la mienne et nous quittâmes ce lieu ruiné ; comme les brumes du matin s étaient dissipées jadis, la 1e fois que j avais quitté la forge, de même les brumes du soir se dissipaient à présent et, dans la vaste étendue de clarté sereine qu elles me dévoilèrent, je ne vis point l ombre d une autre séparation.

Genre : Classique

Vivre dans le feu de Marina Tsvetaeva

Il s agit d un assemblage de lettres et de notes tirés de carnets intimes de M.Tsvetaeva et organisées par Tzvetan Todorov.
Ces Confessions de la poétesse russe constituent une (auto)biographie révélant le talent et le destin tragique d une artiste singulière.
En arrière plan, c est l histoire (russe) du XXe siècle qui défile: la Révolution d Octobre, la guerre civile qui s ensuit, l exil, l émigration, les prémices de la 2e Guerre Mondiale qui précipitent un retour redouté en Russie...
C est aussi un témoignage sans concession sur l équilibre précaire entre travail créatif et vie familiale. Ce qu elle dévoile de son rapport à la maternité est saisissant dans sa sincérité quasi malaisante : entre les sentiments extrêmes que lui inspirent sa fille aînée et son fils (adoration/opposition) et la neutralité envers sa fille cadette.
Son lien avec son mari est tout aussi intrigant. Elle le suivra en exil, puis en URSS. Cette dévotion ne la quittera jamais, pas même à l occasion de ses nombreux crush (envers des hommes comme des femmes). Tous connaîtront une fin violente.
On découvre la prose de cette polyglotte parlant allemand et français. Y percent son goût du lyrisme, son sens de la formule, mais aussi sa nature ardente.
Marina Tsvetaeva était décidément une femme intense et fascinante.

A 47 ans, je dirais que tout ce que j étais vouée à connaître je l ai connu avant 7 ans, les 40 années suivantes j en prenais conscience.

C est dur et froid, la vie; ce qui réchauffe et éclaire, c est l amour.

Aller contre- voilà ma devise!

Il n est rien de réel qui vaille la peine qu on se batte, vaille la peine qu on meure. L utilité! Quelle vulgarité! L utile et l agréable, le pédantisme allemand, la communion avec le peuple... Quelle horreur, quelle misère, quelle nullité!
Mourir pour... la constitution russe. Ha ha ha! Certes oui cela sonne magnifiquement. Qu elle aille au diable la constitution, quand c est au feu prométhéen que j aspire.

Chaque livre est un cambriolage dans votre vie! Plus on lit, moins on sait et on veut vivre soi même.
C est horrible! Les livres sont notre perte. Celui qui a beaucoup lu ne peut pas être heureux. Le bonheur en effet est toujours inconscient, le bonheur n est qu inconscience.

A l heure qu il est, la faucille éclatante de la lune, de pur argent, - argent brûlant, se découpe dans le ciel sombre.

Les salamandres dansent
Et Marina pense
- Comme c est bien de vivre dans le feu !

Tout mon credo politique tient dans ce seul mot : frondeuse, je peux, pour la précision, en ajouter un second: essentiellement.

Sténographe de la Vie. - C est tout ce que je veux que l on inscrive sur mon monument (ma croix!) - Seulement, Vie avec majuscule, impérativement.

En moi - tout est incendie !

Bâtir son bonheur sur la carcasse d autrui, - je ne peux pas. Je ne suis pas un vainqueur.

La prose, c est la vie passée par l étamine du mot.

Je suis pour chacun et contre tous.

L école française est une totale idiotie, c est à dire un péché capital. Tout - par coeur : même l Histoire Sainte. Le pire c est que, sans le vouloir, j apprends moi aussi tout pêle - mêle: la table de multiplication (qu ils mettent à l envers), la grammaire, la géographie, les Gaulois, Adam et Eve, rien que des fragments sans rime ni raison. C est un pur délire. Face à cela, nos gymnases sont un paradis.

On a blessé, ensanglanté en moi ma passion la plus forte : la justice.

Et ma cendre sera plus chaude que leur vie.

Genre : Histoire vraie

Les archives de Roshar, tome 2 : Le livre des radieux, partie 2 (The Stormlight Archive, book 2: Words of Radiance, part 2) de Brandon Sanderson

Dans cette 2e partie du tome 2, les personnages principaux embrassent leur destinée et c est réjouissant (Dalinar, ça valait le coup d attendre ). Les héros se révèlent donc.
Les alliances deviennent plus franches qu elles soient politiques, romantiques ou amicales (une bromance se profile pour mon plus grand plaisir). Les persos n en nous surprennent tout en restant cohérents.
La guerre entre Parshendis et Alethis prend aussi une nouvelle direction avec des rivaux qui n ont pas fini de nous étonner.
Mais au sein même des Alethis, les luttes intestines se multiplient par rapport au pouvoir ou aux prophéties, ce qui augure peut être une tournure plus stratégique pour la suite.
Alors que des questions trouvent leurs réponses, de nouveaux mystères se dévoilent, encore plus intrigants.
La saga des archives de Roshar n\'a pas fini de m épater.
Encore un rollercoaster, un grand spectacle littéraire !


Kaladin traversait les Plaines brisées sans se presser dans l obscurité du soir, longeant des touffes de schiste-écorce et de lianes, autour desquelles les sprènes de vie tournoyaient comme des grains de poussière.

Que nous est il arrivé? demanda Dalinar. Où est notre honneur ?
- L honneur est mort, chuchota une voix près de lui.

Ce qui m importe, ce ne sont pas les lois; c est ce qui est juste.

Viser la gloire la plus ardente, vivre la plus intense des vies, dépasser ses propres limites et relever les plus grands défis. Tel est, comprit le vent, ce que vivent les hommes. Telles sont leurs gageures, leurs aspirations.

Si je ne protège que les gens que j aime, ça signifie que je ne me soucie pas de faire ce qui est juste.
Si c était le cas, il ne se souciait que de ce qui était pratique pour lui.

- Je protégerai même ceux que je déteste, chuchota Kaladin à travers ses lèvres ensanglantées. Du moment que c est juste.

Si on brise une pierre, elle est toujours là. Si on brise un sprène, il est toujours là. Plus ou moins. Si on brise une personne, quelque chose s en va. Quelque chose change. Ce qui reste n est que de la viande.

Alors nous sommes 3. Marchevent, Forgelien, Tisseflamme.
- 4, lança une voix depuis les ombres de l escalier.
(...) Je croyais que c était moi, murmura Renarin. Mon esprit. Mais Glys, il m a dit... Veristigateur.

- La vie avant la mort, Radieux.

Quoi qu on puisse dire par ailleurs, au moins le monde a-t-il choisi une belle nuit pour connaître sa fin.

Genre : Fantasy

Les archives de Roshar, tome 2 : Le livre des radieux, partie 1 (The Stormlight Archive, book 2: Words of Radiance, part 1) de Brandon Sanderson

Dans ce début de tome, les personnages, surtout Shallan et certains persos secondaires, gagnent en profondeur. On en apprend plus sur leur passé ce qui éclaire leurs personnalités. Je regrette que Dalinar soit un peu mis de côté (je l adore) mais vu la couverture de la 2e partie, j imagine qu\'il retrouve une place plus centrale dans la 2e partie de ce tome.
Le monde, surtout, se dévoile progressivement ainsi que la "mythologie", les forces en présence. Cet approfondissement s effectue au prix d un ralentissement des rebondissements. Mais personnellement, j ai trouvé ça passionnant d\'en découvrir plus, de sentir que l auteur a pris soin de développer la géographie et les peuples, que ce n\'est pas superficiel. Et puis j ai beaucoup aimé également les dialogues qui amusent ou attisent la tension, qui servent l intrigue. Mention particulière à l humour qui allège cette tension qui monte .... vers un point culminant qui sera atteint dans la partie 2? Je m en vais de ce pas poursuivre ma lecture pour le découvrir.

Jasnah Kholin feignait de profiter de la fête sans laisser transparaître qu elle comptait faire assassiner l un des convives.

Il existe 10 Flux fondamentaux ou 10 forces sur lesquels repose le fonctionnement du monde. La gravitation, la pression, la transformation, ce genre de choses. Vous m avez dit que les sprènes étaient des fragments du Royaume cognitif qui ont, d une manière ou d une autre, acquis la conscience grâce à l attention humaine. Dans ce cas, il va sans dire qu ils étaient autre chose auparavant. (...)
Du pouvoir, de l énergie. (...) Des sprènes de gravitation - des fragments du pouvoir ou de la force qui nous fait tomber vers le sol. Il va sans dire que chaque sprène était un pouvoir avant de devenir un sprène. On peut les séparer en 2 catégories générales: ceux qui réagissent aux émotions et ceux qui réagissent à des forces comme le feu ou la pression du vent.

Sur le champ de bataille, après la trahison de Sadeas, quand les hommes etaient pris au piège, abandonnés... Ce jour-là, j ai vu un héros.

Ne laisse pas tes suppositions sur une culture entraver ta capacité à percevoir les individus, sinon tu échoueras.

-Vous vouliez quelque chose ? poursuivit Kaladin.
- Est ce que je fais vraiment partie du Pont 4 ? interrogea Shen.
- Bien entendu.
- Où est ma lance?
Kaladin regarda Shen droit dans les yeux :
- Qu en dites vous ?
- J en dis que je ne fais pas partie du Pont 4, répliqua Shen, qui prit le temps de refléchir à chaque mot. Je suis son esclave.
Kaladin reçut ces mots comme un coup de poing à l estomac. Il n avait pas entendu cet homme prononcer 10 mots depuis qu ils étaient ensemble, et voilà ce qu il lui disait maintenant?
Ces mots le blessèrent dans tous les cas. Voilà un homme qui contrairement aux autres, n avait pas tout loisir de partir où bon lui semblait. Dalinar avait libéré le reste du Pont 4, mais un Parshe...il serait esclave quoiqu il fasse et où qu il aille.
Que pouvait dire Kaladin ? Saintes bourrasques...
- J ai apprécié votre aide quand nous étions partis faire de la récupération. Je sais que c était parfois difficile pour vous de voir ce que nous faisions là bas, dans les gouffres.
Sjen attendit toujours accroupi l oreille tendue. Il scrutait Kaladin avec ses yeux impénétrable de Parshe, d un noir uniforme.
- Je ne peux pas commencer à armer des Parshes, Shen, poursuivit Kaladin. Les pâles-iris nous acceptent déjà à peine. Si je vous donnais une lance, imaginez la tempête que ça susciterait.
Shen hocha la tête, totalement inexpressif. Il se redressa.
- Alors je suis bien un esclave.
Il se retira.

Les sprènes sont ...le pouvoir...le pouvoir brisé en éclats. Le pouvoir auquel les perceptions des hommes ont accordés la pensée. Honneur, Culture et ...un autre. Des fragments détachés.
- Un autre? insista Shallan.
Le bourdonnement de Motif se changea en une plainte stridente, si aiguë qu elle ne l entendait presque plus.
- Abjection.

- Parfois la vérité est plus surprenante qu un mensonge.

L amour, dit Shallan, en partie dans le seul but de les distraire, ressemble à un tas de crottin de chull.
- Parce qu il sent mauvais ? lança Balat.
- Non, répondit Shallan, parce que même quand on cherche à l éviter, on marche dedans.
(...)
- L amour ressemble au soleil, déclara Balat en soupirant.
- Parce qu il est aveuglant ? le questionna Shallan. Blanc, chaud, puissant - mais aussi capable de te brûler?
- L amour ressemble à un chirurgien herdazien, dit Wikim en la regardant.
- Dans quel sens ? l interrogea Shallan.
- A toi de me le dire, répliqua Wikim. Je cherche à voir ce que tu peux en tirer.
- Hum... les 2 te mettent mal à l aise ? suggéra Shallan. Non. Ooh! La seule raison pour laquelle on puisse en vouloir, c est si on a reçu un coup puissant à la tête.
- Ha! L amour ressemble à de la nourriture gâtée.
- D un côté, nécessaire pour vivre, répondit Shallan, mais aussi expressément ecoeurant.
- Les ronflements de Papa.
Elle frémit.
- Il faut l avoir vécu pour savoir à quel point c est perturbant.
Wikim gloussa de rire. Nom des foudres que c était agréable de voir ça.
- Arrêtez vous 2, leur lança Balat. C est irrespectueux, ce genre de discussions. L amour... l amour ressemble à une mélodie classique.
Shallan sourit.
- Si ta performance prend fin trop vite, ton public est déçu?

l unité est le chemin vers la grandeur aléthie.
Adolin hocha la tête.
- Ce sera chose faite.

Genre : Fantasy

Ma cousine Rachel (My cousin Rachel) de Daphné du Maurier

Au XIXe siècle, en Cornouailles, 2 cousins très proches cohabitent. Le plus âgé part en Italie. Son séjour se prolonge, il se marie puis meurt brutalement dans des circonstances douteuses. Le plus jeune, Philip, reçoit alors la visite de sa veuve. L hostilité de départ vacille, mais les doutes initiaux reviennent vite au 1ers plan.
On retrouve le talent de Daphne du Maurier pour camper des atmosphères mystérieuses. Elle a l art de créer des femmes énigmatiques, des personnages troubles et de nous surprendre avec des twists finaux... Mais ... Ce 3e livre m a moins emballé que les 2 autres. J y ai trouvé quelques longueurs, notamment dans la 1e moitié.

Dans l ancien temps, l on pendait les gens au carrefour des Quatre-Chemins.

Mais un homme solitaire est un être anormal et tombe bientôt dans l anxiété. De l anxiété dans la divagation. De la divagation dans la folie.

Etre vaincu par un être comme elle est, en un sens, une victoire.

La chose dite, j éprouvai une espèce de soulagement. Peut être, me dis-je, était-ce cela que les catholiques cherchaient au confessionnal. Un poids de moins et le vide à la place.

Rainaldi -qu il détestait, comme vous sans doute- me dit un jour qu Ambroise s était éveillé à moi comme certains hommes s éveillent à la religion. Il en devint obsédé de la même façon. Mais un homme touché par la religion peut entrer en monastère et passer ses journées en prière devant Notre-Dame sur un autel. Elle au moins est en plâtre et ne change pas. Les femmes sont autrement faites, Philip. Leurs humeurs varient selon les jours et les nuits, parfois même selon les heures, tout comme celles d un homme. Nous sommes humaines, voilà notre défaut.

Ce qui s est passé en ces 1es heures de mon anniversaire demeurera. Si ce fut de la passion, je l ai oubliée. Si ce fut de la tendresse, elle m habite encore. Je reste à jamais émerveillé d avoir compris à quel point une femme qui accepte l amour est sans défense. Peut être est-ce leur secret pour nous lier et le réservent-elles jusqu à la fin.
Je ne pus savoir, ne possédant aucun terme de comparaison. Elle fut pour moi la 1e et la dernière.

Il fallait, pour le repos de son esprit, qu elle me crût heureux. J avais quitté le pays imaginaire afin qu elle y entrât. Ainsi, 2 êtres ne pouvaient partager un rêve. Sauf dans l obscurité, comme une feinte, où chacun n était plus pour l autre qu une ombre.

Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde.

On pendait les gens aux Quatre-Chemins, dans l ancien temps.
Plus maintenant.

Genre : Classique - Drame

Expiation (Atonement) de Ian McEwan

Eté 1935, Briony, jeune adolescente de 13ans à l imagination débordante, est témoin d une situation sans en comprendre la teneur. A partir d extrapolations naïves mais criminelles, le malentendu deviendra erreur judiciaire et bouleversera la vie des personnes concernées.
Il s agit d une réflexion sur la fonction de l écrivain, les regrets, la rédemption et le pardon.
L auteur livre à la fois un roman de guerre convaincant par l évocation de la déroute de Dunkerque et un roman d amour dont l idylle centrale m a emporté.
C est le style qui a malheureusement empêché le coup de coeur : entre sublime et alambiqué par moment, je l ai trouvé inégal.

La pièce de théâtre - dont Briony avait conçu affiches, programmes, billets, construit la caisse à l aide d un paravent renversé et garni la boîte à monnaie de papier crépon rouge -, elle l avait écrite en 2 jours de furie créatrice, au point de sauter un petit déjeuner et un déjeuner.

Enfin, il prononça ces 3 mots simples que nul art médiocre, nulle mauvaise foi ne réussiront jamais à déprécier tout à fait. Elle les répéta, avec exactement la même légère insistance sur le dernier mot, comme si elle était la 1e à les dire. Il n avait pas de conviction religieuse, mais il lui fut impossible d écarter l idée d une présence invisible ou d un témoin dans la pièce, de ne pas penser que ces mots prononcés tout haut étaient des signatures au bas d un contrat virtuel.

A quel point la culpabilité raffinait elle les façons de se torturer, enfilant les perles du détail en une boucle sans fin, un chapelet à égrener pour la vie!

Il y avait de la majesté dans cette journée, dans ces hêtres et ces chênes colossaux qui bougeaient à peine, et dans cette lumière qui tombait à travers le feuillage neuf en formant des flaques de pierres précieuses parmi les feuilles mortes de l an passé. Cette magnificence, telle qu il la ressentait dans sa juvénile suffisance, reflétait l élan glorieux de sa vie.

La tranquillité s achète au prix de la neutralité et de l obscurité.

comment un écrivain peut il se racheter, alors que, doué du pouvoir absolu de décider de la fin, il est également Dieu? Il n a personne, ni entité ni forme supérieure à qui en appeler, avec qui se réconcilier ou qui puisse lui pardonner. Il n existe rien en dehors de lui. En imagination, il a fixé les limites et les termes. Pas d expiation pour Dieu ni pour les écrivains, même s ils sont athées. Cela a toujours été une tâche impossible, et là résidait justement l intérêt. L entreprendre, voilà l enjeu.

Si j avais le pouvoir de les faire apparaître à ma fête d anniversaire... Robbie et Cecilia, toujours en vie, toujours amoureux, côteà côte dans la bibliothèque, souriant aux Tribulations d Arabella ? Ce n est pas impossible.
Mais maintenant, je dois dormir.

Genre : Historique

Bonjour tristesse de Françoise Sagan

Au bord de la Méditerranée, un père frivole et sa fille adolescente passent un été placé sous le signe de la dolce vita entre amourettes respectives et farniente. L arrivée d une femme va bouleverser cet équilibre. Les élements du drame sont alors en place.
Par une plume ciselée, Françoise Sagan croque ses personnages avec une pertinence étonnante, notamment Cécile qui oscille entre versatilité et indolence, férocité et insouciance confinant à l égoïsme. Elle dresse un portrait assez terrible d adolescente mais justement cohérent en révélant l ambivalence propre à cet âge.
Un conte cruel qui signe légitimement l avènement précoce de F.Sagan! Je suis très curieuse de lire ses oeuvres de maturité.

Sur ce sentiment inconnu dont l ennui, la douceur m obsèdent, j hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.

Certaines phrases dégagent pour moi un climat intellectuel, subtil, qui me subjugue, même si je ne les pénètre pas absolument. Cela me donne envie de posséder un petit carnet et un crayon.

Puis ce fut la ronde de l amour : la peur qui donne la main au désir, la tendresse et la rage, et cette souffrance brutale que suivait, triomphant, le plaisir. J eus la chance - et Cyril la douceur nécessaire - de le découvrir dès ce jour-là.

on s habitue aux défauts des autres quand on ne croit pas de son devoir de les corriger.

Quelque chose monte alors en moi que j accueille par son nom, les yeux fermés : Bonjour Tristesse.

Genre : Contemporaine

Le labyrinthe des esprits (El laberinto de los espíritus) de Carlos Ruiz Zafón

Dans ce dernier tome, on retrouve les ingrédients qui ont fait le succès de cette saga : l atmosphère gothique d une Barcelone fantasmagorique et l amour des livres, toujours.

Les secrets de la famille Sempere, si attachante, se dévoilent. Les énigmes des tomes précédents sont éclaircies, le tout sur fond d Espagne franquiste.
Une conclusion à la hauteur dont on lit la dernière ligne avec émotion

Cette nuit j ai rêvé que je retournais au Cimetierre des livres oubliés.

Les souvenirs que l on enterre dans le silence sont ceux qui ne cessent jamais de nous persécuter.

Les certitudes réconfortent, mais c est en doutant qu on apprend.

Les légendes sont des mensonges ébauchés pour expliquer des vérités universelles. Les endroits où le mensonge et les mirages empoisonnent la terre sont particulièrement fertiles pour sa culture.

Tu seras surprise de constater à quel point on cherche toujours dans le présent, ou le futur, des réponses qui se trouvent dans le passé.

La politique est souvent le refuge d artistes médiocres et ratés. Là, ils peuvent fructifier, acquérir un pouvoir grâce auquel ils se donnent des airs. Surtout, ils se vengent de tous ceux qui ont obtenu par leur travail et leur talent ce qu ils n ont même jamais approché, tout en déclarant d un air pieux et martyr qu ils n agissent que pour le bien de la patrie.

Le bonheur, ou ce qui y ressemble le plus pour toute créature pensante, à savoir la paix de l esprit, est ce qui s évanouit sur le chemin qui conduit de la croyance au savoir.

Le taux de reunionite d une société est inversement proportionnel à celui de sa solvabilité intellectuelle: à parler pour ne rien dire, on pense peu, et on agit encore moins.

Une histoire n a ni début ni fin, seulement des portes d entrée. Une histoire est un labyrinthe sans fin de mots, d images et de pensées réunis pour nous révéler la vérité invisible sur nous-mêmes. En définitive, une histoire est une conversation entre une personne qui raconte et une personne qui écoute. Or un narrateur ne peut conter que dans la mesure de ses capacités, et un lecteur ne lit que ce qui est déjà écrit dans son âme.

Le père et la fille, statues de vapeur, se fondent bientôt dans la foule qui inonde les Ramblas, leurs pas à jamais perdus dans le labyrinthe des esprits.

Genre : Contemporaine - Fantastique

Le Conseiller, tome 1 : Dans l'ombre des Tudors (Wolf Hall) de Hilary Mantel

Dans l ombre des Tudors d Hilary Mantel est le 1er tome de sa trilogie Wolf Hall.
On y suit l ascension sociale de Cromwell, qui, fils de forgeron, deviendra 1er conseiller du roi Henry VIII et sera, entre autre, l artisan du schisme de l Angleterre avec le Vatican.
H.Mantel mêle avec habileté les grands événements aux introspections de son héros dans ce roman historique au style assez unique parfois contemplatif, dur, voir confus.
En bonne fan d histoire de transfuge social, j ai évidemment adoré suivre le parcours de cet outsider. Sans édulcorer les "faits d armes" de son héros pour le rendre plus sympathique, elle imagine ses motivations. C est passionnant de suivre l envers du décor, les stratégies politiques et juridiques de ce pragmatique. Mention particulière pour son parti pris concernant les relations de Cromwell avec ses proches surtout ses rivaux (More et Gardiner). Je recommande quand même d être un peu familier de la période au risque de trouver l oeuvre un peu hermétique. Personnellement, j ai en plus visionné en parallèle la série adaptée du roman.

"Maintenant, lève toi."

Il se souviendra de la 1e fois qu il a vu le large: une immensité grise et ridée, comme le vestige d un rêve.

1 h après sa naissance, Cromwell avait tiré du berceau l enfant qui hurlait et se débattait avec force, il avait embrassé son crâne duveteux et lui avait dit, je serai aussi tendre avec toi que mon père ne l a pas été avec moi. Car à quoi bon élever des enfants si chaque génération n est pas meilleure que la précédente?

Sous chaque histoire, une autre histoire.

La moitié du monde s appelle Thomas.

Le nom que nous choisissons est important, de même que le nom que nous nous faisons. Ceux qui perdent leur nom gisent morts sur le champ de bataille, les cadavres ordinaires sans lignée, sans personne pour les chercher, sans chant ni prière perpétuelle.

Vous voyez ce conseiller? Je vous avertis, ne jouez jamais à aucun jeu avec lui. Car il ne respectera pas votre naissance. Il n a ni armoiries ni nom, mais il se croit né pour gagner.

La passion dévorante de Wolsey pour Wolsey était assez brûlante pour consumer l Angleterre.

Voici comment se décide le destin des peuples, 2 hommes dans une petite pièce. Oubliez les couronnements, les conclaves de cardinaux, la pompe et les processions. Voici comment le monde change : un jeton poussé en travers d une table, un coup de plume qui altère la force d une phrase, le soupir d une femme qui passe et laisse derrière elle un parfum de fleur d oranger et d eau de rose, sa main refermant les rideaux de lit, le murmure discret de la chair contre la chair.

Début septembre. 5 jours. Wolf Hall.

Genre : Historique

Franck Sharko et Lucie Henebelle, tome 3 : Atomka de Franck Thilliez

Là bas il y a 26 ans
Il faisait bon vivre dans cette ville d Europe de l Est où le printemps était doux.

Andreï n était plus un homme , mais un réacteur nucléaire destiné, lui aussi, à exploser.

Plus personne n a le temps de rien, de nos jours. Même les morts sont pressés, il faut les traiter immédiatement. On ne s en sort plus.

Une affaire inexpliquée datant de 10 ans. Une journaliste d investigation qui ne donne pas signe de vie et dont l appartement est retourné. Un autre qui déterre le dossier de ces fausses noyades et meurt assassiné au fond d un congélateur. Un gamin errant traumatisé. Quel était le lien entre tous ces faits ?

Il avait toujours imaginé la Russie comme un territoire austère, gris, aux terres plates qui s étalaient telles des coulées de ciment. Mais, en réalité, c était tout l inverse. Le front collé au petit hublot circulaire, il avait l impression d assister à la genèse d un diamant. Les steppes avaient cette capacité à transformer la lumière rasante du soleil en une pluie d étincelles. La nature buvait l eau des lacs aux formes douces, les torrents rageaient, les forêts de pins et de bouleaux s accrochaient aux flancs des montagnes prisonnières du givre. Des bleus stellaires, des verts de jungle, des blancs furieux bataillaient dans ces arènes de silence et donnaient envie de se coucher là, à regarder le ciel indéfiniment.

Il ignorait encore de quoi serait fait leur futur, s il réussirait un jour à s arracher à ce métier qui lui avait tant apporté, mais pour la 1e fois depuis des années, il se sentait enfin en paix avec lui-même.
En paix, et presque heureux.

Genre : Policier - Thriller

Hamnet de Maggie O'Farrell

XVIe siècle en Angleterre, un petit garçon, Hamnet, cherche de l aide pour sa soeur brusquement malade.
Maggie O Farrell entrelace cette quête avec des flashbacks sur les origines de cette famille, pour en appréhender chaque membre.
Sauf que la famille en question est celle de William Shakespeare et que le deuil qui la frappera inspirera un chef d oeuvre littéraire, Hamlet.
Le style est ciselé avec une extrême délicatesse qui confine à la poésie ce qui permet d aborder avec beaucoup de finesse des thèmes très sensibles comme le deuil d un enfant, les répercussions sur chacun (culpabilité, dépression...) .
Un petit bijou d émotions qui me confirme mon appétence pour les genèses spéculatives/romancées d oeuvre d art initiée par La jeune fille à la perle !

Un petit garçon descend un escalier.

Une crainte le tenaille, omniprésente, celle de ne plus pouvoir remonter sur cette roue en mouvement s il en descend. De perdre sa place; cela se produit , parfois. Mais la magnitude, la profondeur du chagrin de sa femme exerce sur lui une attraction invincible, pareille à un violent courant duquel il ne doit pas s approcher, car il l aspirerait, le plongerait sous l eau. Se tenir à distance est le seul moyen de survivre.

Son mari l a ramené à la vie, de la seule manière qu il pouvait. Tandis que le fantôme parle, Agnes voit que son mari, en écrivant ces mots, en s attribuant le rôle du fantôme, a pris la place de son fils. A pris la mort de son fils, la fait sienne; s est placé entre les griffes de la mort pour faire ressusciter son fils. "Ô horrible! Ô horrible! Très horrible!" Murmure son mari d une voix macabre, rappelant l agonie de ses dernières heures. Son mari a fait ce que n importe quel père aurait fait, a échangé sa place, a pris pour lui la souffrance de son fils, s est offert pour que son petit garçon puisse vivre.

Souviens toi de moi.

Genre : Historique

Les Annales du Disque-Monde, tome 08 : Au guet ! (Guards! Guards!) de Terry Pratchett

La retraite des dragons.
Ils sont couchés...
Ils ne sont pas morts ni endormis. Ni en attente parce que l attente suppose une espérance. L expression que nous cherchons dans leur cas c est peut être...
... en sommeil.

Les visions horribles ne manquent pas dans le multivers. Mais d une certaine façon, pour une âme en harmonie avec les rythmes subtils d une bibliothèque, il existe peu de spectacles pires qu un espace que devrait occuper un bouquin.
On avait volé un livre.

Si les clichés deviennent des clichés, c est qu ils sont les marteaux et les tournevis dans la boîte à outils de la communication.

A mon avis, l existence vous pose un problème parce que vous croyez que l humanité se divise entre les bons et les méchants. Vous vous trompez bien entendu. Il n y a toujours que les méchants... mais certains sont dans des camps adverses.

Là bas, reprit il, on trouve des gens prêts à suivre n importe quel dragon, à vénérer n importe quel dieu, à ignorer n importe quelle iniquité. Ils témoignent d une méchanceté banale, ordinaire. Rien à voir avec l ignominie vraiment élevée et créative des grands pêcheurs, ça me ferait plutôt penser à une noirceur d âme fabriquée en série. Des pêcheurs, pourrait on, dire sans originalité. Ils acceptent le mal non seulement parce qu ils disent "oui", mais parce qu ils ne disent pas "non".

Peut être la magie durera-t-elle. Peut être pas. Mais sait on ce qui dure?

Genre : Fantasy - Humour

Tu seras un homme féministe mon fils ! de Aurélia Blanc

Un essai sur comment élever un garçon de manière antisexiste.
C est le pendant de Chère Ijeawele de Chimamanda Ngozie Adichie, mais à destination des parents de garçons. L ouvrage n évite pas toujours l écueil des injonctions (on peut s y attendre pour un "manuel") que le ton positif et bienveillant tempère.
Si on est tous d accord pour que les filles cessent de devoir être élevées en potentielle victime, il faut revoir l éducation des garçons pour éviter qu ils deviennent de potentiels agresseurs/prédateurs.
Ce que je souhaite transmettre quant au relations hommes-femmes est clair.
L ambivalence pour moi porte plus sur l approche de la masculinité, le fait de ne pas faire de mon fils de 6ans un étendard de nos convictions au détriment de ses goûts et aspirations. Ne pas tomber dans l excès inverse, en somme. Par exemple, mon fils doit pouvoir porter du rose s il en a envie et fuck à qui ça défrise, mais il a aussi le droit d aimer le bleu même si c est cliché. Il a reçu un poupon pour son 1er Noël et ne s y est jamais intéressé : je ne vais pas le forcer, mais l option est là, et au final c est ce qui compte.
Bref un essai juste et pertinent sur les questionnements de parents de garçons du XXIe siècle, en tout cas sur les miens, avec en prime, pleins de pistes et de ressources.

Ce livre est né d une interrogation: celle d une femme qui, avant de devenir mère, a d abord été une fille féministe.

L égalité, ce n est pas la similarité : c est au contraire refuser que nos différences-réelles ou supposées- ne servent de prétexte aux inégalités, aux discriminations et aux violences.

Comme elle, nous sommes nombreux à être pris entre 2 feux: d un côté nous voulons que nos garçons se sentent les plus libres possible, mais de l autre nous voulons qu ils soient socialement intégrés. (...) Tiraillés entre ces 2 impératifs, nous tentons de trouver ne juste équilibre entre nos valeurs progressistes et le désir de notre progéniture d être accepté par ses pairs.

Soyons pragmatiques, pas dogmatiques.

Notre objectif n est pas de faire de la lutte contre le sexisme un sujet de crispation quotidien, mais d essayer d ouvrir et de maintenir le dialogue sur la question.

Ce qui est problématique, ce n est pas tant que nos enfants adhèrent à un moment donné a une norme sexiste : c est qu ils n aient que celle ci pour repère.

En éduquant nos fils dans une perspective antisexiste, nous leur donnons la possibilité de questionner et de se libérer des diktats du genre. Nous leur montrons qu un autre monde est possible. Mais nous ne sommes pas là pour penser à leur place: c est à eux qu il revient de s approprier (ou pas ) ces principes égalitaires. En tant que parents, nous posons les fondements d une vraie liberté et d une possible égalité. Nous semons des graines émancipatrices. A eux ensuite de les cultiver.

Des garçons qui peut être feront leurs les valeurs féministes. C est sans doute la meilleure chose que nous pouvons leur souhaiter. Dans l intérêt des femmes... et dans celui des hommes.

Genre : Sciences humaines et sociales

Roland furieux, tome 2 (Orlando furioso) de L'Arioste

Le récit se poursuit avec l événement déclencheur de la rage folle de Roland qu on nous annonce depuis le début et dès le titre. Si j ai beaucoup aimé la description de ce basculement psychologique et de ses conséquences, j ai regretté qu on ne s y attarde pas encore plus, le titre laissant penser qu il s agit du thème central. Or, en fait, il s agit plus pour L arioste de profiter de ce contexte pour nous narrer les destins illustres (romancés) du couple à l origine de la famille d Este, famille de son mécène. A la croisée des légendes arthuriennes et de la chanson de geste, il livre un poème épique peuplé de fées, de mages, de chevaliers (hommes et femmes), de paladins, avec de la baston, de l honneur et de l Amour.... Toujours aussi moderne dans son approche des femmes et des personnages féminins, L arioste comme son récit mériteraient une plus grande renommée.
Il faut s accrocher, ce n est pas une lecture aisée, mais c est très éclairant.

Qu on s efforce à autrui d être agréable:
Il est rare qu un bien reste impayé;
Et, quand serait ce, au moins ne souffre-t-on
Ni mort, ni dam, ni cruelle infamie.
Qui fait le mal, tôt ou tard doit payer
Ce qu il devait, car point on ne l oublie.

Et lors le vent de ses soupirs et l onde
De ses pleurs faisaient pluie de sa douleur.

Je ne suis plus, je ne suis plus moi-même:
Orlando est bien mort: il est sous terre;
Sa dame, ingratissime, l a tué,
Tant, en manquant de foi, lui a fait guerre.
Je suis de lui son esprit divisé,
Qui erre tourmenté dans cet enfer,
Afin qu avec son ombre, seul vestige,
Il soit exemple à qui d Amour est lige.

Et quel est de folie signe plus droit
Que, pour trouver autrui, se perdre soi?

Avec ces plaintes et d autres infinies
Rodomont, roi de Sarse, s en allait
Parlant, tantôt dans un chuchotement,
Tantôt si fort qu on l entendait au loin,
Pour réprouverle sexe féminin,
Et certes s éloignait de la raison,
Car, s il en est une ou deux de coupables,
Il faut penser que 100 sont bien aimables.

L assaut dura plus d une heure et demie :
Déjà le soleil était entré dans l onde
Et le froid ténébreux se répandait
De l horizon jusqu aux confins du monde.
N avaient interrompu un seul instant
Ces 2 guerriers leurs bottes furibondes,
Eux qui luttaient, non par ire ou rancoeur,
Mais simplement par un désir d honneur.

Finis. Pro bono malum

Genre : Classique

Apprendre, si par bonheur (To Be Taught, If Fortunate) de Becky Chambers

4 astronautes partent en mission vers 4 planètes. On suit leurs découvertes, leurs explorations. C est surtout le récit de tranches de vies et c\'est ce qui en fait une SF originale car intimiste et réflexive. J étais émue plusieurs fois. Le format nouvelle m a frustré car empêche l approfondissement de thèmes comme la somaformation, la chiralité. Cependant ça donne aussi une grande accessibilité au récit sans le départir de sa profondeur. Une lecture plaisante a contrepied de ce que j ai pu lire en SF.

Si vous ne lisez qu un document parmi ceux que nous avons envoyés, que ce soit celui-ci.

Si je ne pose ma question qu à ceux qui partagent mon point de vue fondamental, mes rêves, mon langage, il ne sert à rien que je la pose.

Avez vous déjà vu l histoire se faire tangible ? Ces instants où, immobile, on sent la présence du temps avec une solennité palpable qui nous imprègne?

Nous admirons l arbre qui atteint le ciel, mais c est le sol qu il nous faudrait remercier.

Il faut accepter que tout mouvement crée une onde et que, si on n accepte pas ce risque, on reste au lit sans rien apprendre.

Nous n avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n avons rien trouvé d utile. Nous n avons trouvé aucune planète qu on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c est un objectif important. Nous n avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir.

Nous sommes prêts à mourir sans revoir la Terre. Nous en serions heureux. C est la fin la plus naturelle que je parvienne à imaginer, la meilleure mort possible. Mais nous n accepterons pas ce sort si nul n est là pour reprendre le flambeau. Si nous mourons ici avec votre bénédiction, vous serez notre famille. Si nous mourons sans, nous mourrons seuls. Alors, nous préférerions rentrer. Dans ce scénario, nous trouvons mieux de passer nos dernières années en votre compagnie afin de partager notre expérience pour rallumer l étincelle. Dans tous les cas, ce flambeau, nous le portons. Notre question est celle-ci: où brûlera-t-il le mieux ?
C est à vous d y répondre.

Nous nous lançons dans l univers animés d intentions pacifiques et amicales - pour enseigner, si on nous le demande; pour apprendre, si par bonheur on nous en donne l occasion.

Genre : Science-Fiction

Roland furieux, tome 1 (Orlando furioso) de L'Arioste

Il s agit d un poème épique italien de 1516 dont la traduction que j ai choisie respecte la découpe en vers rimés. Et le moins que l on puisse dire, c est que ça demande une adaptation. On y retrouve le lyrisme, la forme en vers rimés, les récits enchassés, les fées/sorcières et autres chevaliers. L originalité de ce texte tient a sa façon de revisiter certains poncifs de manière très moderne pour un écrit du XVIe siècle comme l amour avec une pointe licencieuse et surtout Bradamante cette femme chevalier, tout en critiquant la violence domestique ou les différences de traitement hommes/femmes.
Après avoir lu L Odyssée et Beowulf qui m ont permis de me familiariser avec le genre du poème épique sans vraiment en apprécier l expérience de lecture, lire Roland furieux reste exigeant mais c est instructif et beau et puissant.

Les dames, les chevaliers, l amour, les armes,
Les courtoisies, je chante, les hauts faits,
Qu on vit du temps où les Maures, passant
La mer d Espagne, abîmèrent la France,
En suivant l ire et les jeunes fureurs
De leur prince Agramant, qui prétendaient
Venger la mort de son père Trojan,
Sur l empereur romain Charles le Grand.

Je dirai de Roland, d un même coup,
Ce qu on ne dit jamais, en prose ou en vers:
Qu il devint, par amour, furieux et fou,
Lui qu on tenait pour si sage naguère;
Si, tout du moins, celle qui m a jeté
Dans un état pareil et d heure en heure
Me limite le génie, m en laisse assez
Pour achever ce que j ai commencé.

Si même ardeur, si semblable désir
Incline et force l un et l autre sexe
A cette fin suave de l amour
Que le peuple ignorant juge un pêché
Pourquoi punir ou blâmer une femme
Qui a commis, avec un ou plusieurs,
Ce que, selon son appétit, fait l homme -
Et, loin de le punir, on l en renomme!

Mais pour nous ne serait aucun destin
Si chacun, du futur, était devin.

Angélique à Médor laissa cueillir
La prime rose, intacte jusque là;
Et jamais nul ne fut plus fortuné
Que qui dans ce jardin posa le pas!
Pour adombrer, pour dignifier la chose,
On célébra par des rites sacrés
L hymen qui eut pour auspice l Amour
Et pour mère la femme du pastour.

J attends, pour écouter le prochain chant,
Qui prend à mon histoire son amusement.

Genre : Classique

L'Elégance des veuves de Alice Ferney

On suit les femmes d\'une même famille sur plusieurs générations à partir de la fin du XIXe siècle.
Fiançailles, mariages, grossesses, enfants, deuils; ce tourbillon de la vie est conté avec un style poétique et doux qui retranscrit la grâce de ces épouses et mères et tranche d\'autant plus avec les épreuves surmontées.
AFerney focalise (volontairement ?) sur leurs vies familiales peut être pour retranscrire les limitations de la vie de ces femmes. L\'absence totale de profondeur des personnages qui existent uniquement à travers leurs mariages colle à ce qui était attendu d\'elles. L\'absence de soif d\'autres choses, la façon d\'embrasser totalement ces destins déstabilise encore plus tant le style est beau, élégant.

Arthur et Julie Bourgeois eurent 5 filles.

Un élan vital (qu ils avaient canalisé), un instinct pur (dont ils ne voulaient pas entendre parler), une évidence (que jamais ils ne bousculaient), les poussaient les uns après les autres, à rougir, s épouser, enfanter, mourir. Puis recommencer.

Ainsi les couples étaient féconds, comme si la terre avait été si belle qu il fallait enfanter des êtres capables de s émerveiller. Ou si cruelle qu il fallait apprendre à compter, parmi ceux qui naissaient, lesquels survivraient.

Une femme qui n a pas d enfants manque ce qu il y a de plus ravageur dans la vie.

Plus tard elle sera l épouse dans l harmonie de cet homme. Et la mère dans la douceur d un très jeune enfant.

Genre : Contemporaine

À la ligne de Joseph Ponthus

Ce livre est une expérience pour son auteur et pour le lecteur. La forme d\'abord : c est un roman en vers sans ponctuation. Mais n est pas Pouchkine qui veut! Ici, la forme n est pas qu une recherche stylistique, elle permet l immersion. Comme l\'absence de ponctuation reflet du rythme saccadé mais interminable du travail à l usine. La prose est percutante, alternant les références littéraires mais aussi le style cru pour mieux retranscrire une réalité qu\'on nous vend édulcorée. Sur le fond enfin : c\'est donc un témoignage du travail en usine agroalimentaire puis en abattoir, avec les conditions éreintantes, la déshumanisation par l épuisement du corps mais paradoxalement le concentré d\'humanité voire d humanisme qui y règne entre compagnons de galère. C est l envers du décor de la société de consommation (le traitement à la chaîne de ce qu on mange mis en parallèle avec le traitement guère plus reluisant des travailleurs ouvriers et précaires). Bref c est à lire.

En entrant à l usine
Bien sûr j imaginais
L odeur
Le froid
Le transport de charges lourdes
La pénibilité
Les conditions de travail
La chaîne
L esclavage moderne

J ecris comme je pense sur ma ligne de production divaguant dans mes pensées seul déterminé
J écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne

Je ne connais que quelques types de lieux qui me fassent ce genre d effet
Absolu existentiel radical
Les sanctuaires grecs
La prison
Les îles
Et l usine
Quand tu en sors
Tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes
Même si nous savons qu il n y a pas de vrai monde
Mais peu importe
Apollon a choisi Delphes comme centre du monde et ce n est pas un hasard
Athènes a choisi l Agora comme naissance du monde et c est une nécessité
La prison a choisi la prison que Foucault a choisie
La lumière la pluie et le vent ont choisi les îles
Marx et les prolétaires ont choisi l usine
Des mondes clos
Où l on ne va que par choix
Délibéré
Et d où l on ne sort
Comment dire
On ne quitte pas un sanctuaire indemne
On ne quitte jamais vraiment la taule
On ne quitte pas une île sans un soupir
On ne quitte pas l usine sans regarder le ciel

Il y a ce cadeau d anniversaire que je finis de t écrire
Il y a qu il n y aura jamais
Même si je trouve un vrai travail
Si tant est que l usine en soit un faux
Ce dont je doute
Il y a qu il n y aura jamais
De
Point final
A la ligne

Genre : Contemporaine

La Jeune fille à la perle (Girl with a Pearl Earring) de Tracy Chevalier

Pays bas XVIIe siècle, Griet se fait engager comme servante dans la demeure de Vermeer. Au fil du temps et de quelques échanges, ils vont se rapprocher.

J ai été très emballée par l idée de départ, à savoir imaginer les dessous de la création d un tableau célèbre. L exécution est à la hauteur du projet avec cette ambiance de non-dits, ce scénario à la tension sensuelle mais platonique. L héroïne est attachante et les autres personnages crédibles, plutôt finement présentés. J ai aussi apprécié la fin, cohérente avec l histoire et les personnages. Une bonne lecture !

Ma mère ne m avait pas dit qu ils allaient venir: elle ne voulait pas que j aie l air inquiet, m expliqua-t-elle plus tard.

Je jetai un dernier coup d oeil au tableau, mais à force de l étudier aussi intensément je sentis que quelque chose m échappait. Cela revenait à regarder une étoile dans un ciel nocturne. Pour peu que je la fixe du regard, j avais peine à la voir, mais sitôt que je la regardais du coin de l oeil, elle se mettait à briller de tous ses feux.

Un tableau dans une église est comme une chandelle dans une pièce obscure, on s en sert pour mieux voir. Elle est un pont entre Dieu et nous-mêmes, mais ce n est pas une chandelle protestante ou catholique, c est juste une chandelle.

La dette désormais réglée, je ne lui aurais rien coûté. Une servante, ça ne coûtait rien.

Genre : Historique

Richard III (The tragedy of King Richard the Third) de William Shakespeare

Déjà familière de ses tragédies, je voulais me frotter à ses pièces historiques. On assiste à l ascension fulgurante et au règne éphémère de cet homme qui n était que le 3e fils du roi. Il est décrit comme le vilain de l histoire: manipulateur, menteur, diablement intelligent, tellement assoiffé de pouvoir qu\'il est prêt à toutes les bassesses (fratricides et incestueuses). Un portrait biaisé à l origine de l image d Epinal de ce personnage historique. C est dire la puissance de ce récit qui m a également conquise.

Donc, voici l hiver de notre déplaisir changé en glorieux été par ce soleil d York; voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison ensevelis dans le sein profond de l Océan!

Le monde est si dégénéré, que des roitelets viennent piller là où l aigle n oserait percher! Depuis que tous les Jeannots sont devenus gentilhommes, bien des gentilhommes sont devenus des Jeannots.

Moi je suis né si haut que mon aire, bâtie sur la cime du cèdre, joue avec l ouragan et brave le soleil.

La conscience n est qu un mot à l usage des lâches, inventé tout d abord pour tenir les forts en respect. Ayons nos bras forts pour conscience, nos épées pour loi.

Maraud! J ai mis ma vie sur un coup de dé, et je veux en supporter la chance. Je crois qu il y a 6 Richmond sur le champ de bataille. J en ai tué 5 pour 1 aujourd hui. Un cheval! Un cheval! Mon royaume pour un cheval!

Enfin nos plaies civiles sont fermées, et la paix renaît. Dieu veuille qu elle vive ici longtemps !

Genre : Classique

Chez soi de Mona Chollet

J ai lu Chez soi de Mona Chollet dont j avais déjà lu l an dernier Beauté fatale. C est une "odyssée de l espace domestique" pour reprendre les termes du sous titre.
Le thème est donc très pertinent pendant ce confinement 3.0 !
Y est abordé l habitat de manière assez complète, tour à tour du point de vue:
- psychologique avec entre autres la réhabilitation des casaniers,
- social comme à travers l analyse des dominations qui s y jouent (la domesticité, les employés à domicile, les rapports hommes-femmes)
- politique notamment en ce qui concerne la salubrité et le droit au logement,
- économique par l accession à la propriété et plus globalement l impact du capitalisme dans la situation immobilière de nos sociétés et dans nos aspirations
- écologique à travers le logement collaboratif...
- et architectural en donnant des références originales que je me suis empressée de rechercher et qui peuplent dorénavant mon imaginaire "domestique".
On retrouve les caractéristiques de l écriture de Mona Chollet : un peu fouillis, virant parfois au témoignage, mais informatif, accessible et ayant le mérite d aborder des pistes de réflexion.

En 2006, Patrick Bouchain, invité à représenter la France à la Biennale d architecture de Venise, avait pris tout le monde de court en décidant de transformer le pavillon d exposition en lieu d habitation durant les 3 mois que durerait la manifestation.

A l écart d un univers social saturé d impuissance, de simulacre et d animosité, parfois de violence, dans un monde à l horizon bouché, la maison desserre l étau. Elle permet de respirer, de se laisser exister, d explorer ses désirs.

Celui qui a grandi dans un logement ouvrier étriqué, encombré, sait combien il est difficile de maîtriser son corps dans une situation publique où l on se trouve exposé aux regards. Ces expériences, qui peuvent paraître mineures, sont fondatrices de l aisance ou du malaise en public.

Un logement digne de ce nom ne devrait pas représenter un but, une finalité, mais un point de départ- vers des destinations inconnues et imprévisibles. Car il n est pas seulement un abri : il est aussi un tremplin.

Un jour, la sorcière derrière la fenêtre, ce sera moi.

Genre : Sciences humaines et sociales

Correspondance : 1944-1959 de Albert Camus et Maria Casarès

Chère Maria,
J ai un rendez-vous d affaires à 18 heures 30 à la NRF avec un éditeur de Monte Carlo.

Toi et moi nous nous sommes jusqu ici rencontrés et aimés dans la fièvre, l impatience ou le péril. Je n en regrette rien et les jours que je viens de vivre me semblent suffisants pour justifier une vie. Mais il y a une autre manière de s aimer, une plénitude plus secrète et plus harmonieuse, qui n est pas moins belle et dont je sais aussi que nous sommes capables.

Tu ne t es pas rendue compte que tout d un coup j ai concentré sur un seul être une force de passion qu auparavant je déversais un peu partout, au hasard, et à toutes les occasions.
Et ce que ça a donné, c est une sorte de monstrueux amour qui veut tout et l impossible et qui est en train de te dépasser.

Parce qu aimer un être, ce n est pas seulement le dire ni même le sentir, c est faire les mouvements que cela commande.

Genre :

Le Maître et Marguerite (Mistrz i Malgorzata) de Mikhaïl Boulgakov

Sous l apparence d un joyeux bordel, l auteur tisse un puzzle romanesque où se cotoient les membres d\'un cercle littéraire moscovite des années 30, le Diable et sa troupe, Ponce Pilate, Marguerite et le fameux Maître.
C est une lecture au contexte fort, indissociable (notes de bas de pages vivement conseillées) car ce contexte offre plusieurs niveaux de lecture (autobiographique/historique concernant l\'auteur et son entourage). En plus des divers plans de lectures, Boulgakov mêle les genres tantôt satire politique, absurde, fantastique, voir romantique, avec une multitude de références littéraires (les plus évidentes étant Faust et Pouchkine) et culturelles (la vie en Russie stalinienne).
J ai trouvé cette densité enrichissante mais exigeante, au détriment de la fluidité de ma lecture. Un OVNI assez inclassable faussement décousu mais vraiment maîtrisé.

Par un torride crépuscule de printemps, au bord des étangs du Patriarche, parurent 2 citoyens.

Un bonhomme qui a connu personnellement Ponce Pilate, qu est ce que vous voulez trouver de plus intéressant ? Au lieu de faire ce pataquès stupide aux Patriarches, ça n aurait pas été plus malin de lui demander poliment ce qui s était passé ensuite avec Pilate et ce Ha-Notzri qu ils avaient arrêté? Et moi, le diable sait dans quoi je me suis lancé!

Ma foi, répondit pensivement celui-ci, ce sont des gens normaux. Ils aiment l argent, mais ça, c est depuis toujours... L humanité aime l argent, sous toutes ses formes, le parchemin, le papier, le bronze ou l or. Mais bon, ils sont inconséquents... ma foi... ils sont même parfois un petit peu charitables... des gens normaux... Dans l ensemble, ils me rappellent ceux d avant... c est la question du logement qui les a abîmés...

L amour a surgi devant nous comme un assassin peut surgir de sous terre dans une ruelle et il nous a frappé tous les 2. Comme on peut être frappé par la foudre, comme on peut être frappé par un poignard!

Elle enfonçait dans ses cheveux ses doigts fins aux ongles taillés en amande, et elle relisait sans fin ce qu il avait écrit, et puis, quand elle l avait relu, elle brodait ce petit chapeau, là. (...)Elle lui prédisait la gloire, elle l encourageait et c est là qu elle s est mise à l appeler le "maître ".

J ai sorti du tiroir du bureau les lourdes liasses du roman et les cahiers de brouillon et je me suis mis à les brûler. C est affreux ce que c est dur, parce que le papier ne se laisse pas brûler comme ça. Je me cassais les ongles, je déchirais les cahiers, je les plaçais debout, entre les bûches et je remuais les feuilles avec le tisonnier. Par moments, la cendre me dominait, elle éteignait la flamme, mais je me battais contre elle, et le roman, qui résistait obstinément, finissait par mourir. Ces mots que j avais porté jaillissaient devant moi, le jaune remontait irrésistiblement du bas des pages vers le haut, mais, même là, les mots se laissaient distinguer. Ils ne disparaissaient qu au moment où le papier devenait noir et où, moi, à coup de tisonnier, frénétiquement, je finissais de les achever.

"Viens de me faire écraser par tramway aux Patriarches. Obsèques vendredi, 15heures. Viens. Berlioz"

Sa mémoire, percée par des dizaines d aiguilles, s apaise et plus personne ne troublera le professeur jusqu à la pleine lune suivante : ni l assassin sans nez de Hestas, ni le 5e et cruel procurateur de Judée, le chevalier Ponce Pilate.
1929-1940

Genre : Classique - Fantastique

L'autre moitié de soi (The vanishing half) de Brit Bennett

Dans les années 50, des jumelles fuguent. Pendant cette disparition, elles se séparent, l une continuant sa vie en tant que noire à la peau claire et l autre décidant de vivre en tant que blanche.
Grâce à un style fuide et des personnages très bien conçus, ce roman nous questionne sur la famille (celle d où on vient et celle qu on crée), le mensonge et son poids sur les générations suivantes... tout cela au regard de son identité. Car c est l identité (raciale et sexuelle) qui en est le thème majeur. Est elle innée ? Ou plutôt une construction consciente voir méticuleuse ? Laquelle des 2 est la plus authentique version de soi ?
C est donc un page turner plein de finesse psychologique qui a le mérite d aborder entre autres les questions de colorisme, de genre, de relations mère-filles, de relations entre soeurs aussi ...

Le matin où l une des jumelles disparues revint à Mallard, Lou LeBon se precipita au Diner pour annoncer la nouvelle et, aujourd hui encore, des années plus tard, tout le monde se souvient du tollé qu il provoqua lorsqu il franchit les portes vitrées, en nage, la poitrine palpitante et le cou assombri par l effort.

A l adolescence, elles ne semblaient pas tant un corps unique divisé en 2 que 2 corps distincts réunis en 1, chacun tirant dans son sens.

Il n y a pas pire tue-l amour qu un garçon approuvé par sa mère.

Une ville est une gelée mouvante qui épouse la forme de nos souvenirs.

On croit qu être unique, ça fait de soi quelqu un d exceptionnel. Non, ça fait juste quelqu un de seul. Ce qui est exceptionnel, c est d être reconnu et accepté.

En réalité, il s était toujours senti Reese. A Tucson, c était Thérèse qui lui faisait l effet d un déguisement. Est ce qu une personne était authentique, si on pouvait s en dépouiller comme d une vieille peau en 1500 kilomètres?

Mais les riches n éprouvaient pas nécessairement le besoin de se cacher. C était peut être ça, la richesse: être libre de se révéler.

Puis un jour, on se réveillait adulte, les choix qu on avait faits se cristallisaient et on réalisait qu on avait mis en place les fondements de la personne qu on était devenue des années plus tôt. Le reste n était que conséquences.

Il y avait peut être un déséquilibre en Kennedy, provenant du fait qu une part d elle sentait que sa vie était bâtie sur un mensonge. Comme si, un beau matin, elle avait touché les arbres autour d elle seulement pour réaliser que c était un décor en carton.

Eux flottaient sous la voûte feuillue des arbres, priant pour oublier.

Genre : Contemporaine

Les Yeux d'Elsa de Louis Aragon

J avais a l âge ou l on apprend à aimer les poèmes, été singulièrement frappé par ces vers de Rimbaud
Mais des chansons spirituelles
Voltigent partout les groseilles
Tels qu ils figuraient sous le titre Patience (D un été) dans l édition Vanier.

Ma place de l Etoile à moi est dans mon coeur et si vous voulez connaître le nom de l étoile, mes poèmes suffisamment le livrent. On dira qu un homme se doit de ne pas exposer son amour sur la place publique. Je répondrai qu un homme n a rien de meilleur, de plus pur, rt de plus digne d être perpétué que son amour, qui est cette musique même dont parle Portia, et que c est lâcheté et faiblesse de craindre porter son amour au pavois. Je veux qu un jour vienne où, regardant notre nuit, les gens y voient pourtant briller une flamme, et quelle flamme puis je aviver sinon celle qui est en moi ? Mon amour, tu es ma seule famille avouée, et je vois par tes yeux le monde, c est toi qui me rends cet univers sensible et qui donnes sens en moi aux sentiments humains. Tous ceux qui d un même blasphème nient et l amour et ce que j aime, fussent ils puissants à écraser la dernière étincelle de ce feu de France, j élève devant eux ce petit livre de papier, cette misère des mots, ce grimoire perdu; et qu importe ce qu il en adviendra si, a l heure de la plus grande haine, j ai un instant montré à ce pays déchiré le visage resplendissant de l amour. Nice, février 1942

Nous peuplions à 2 l infini de nos bras

Mais je n aborderai pas ici la question de la liberté des poètes en face des définitions: il faudrait prendre garde quand on parle de liberté.

Genre : Classique

La promenade au phare / Voyage au phare / Au phare / Vers le phare (To the lighthouse) de Virginia Woolf

C\'est le 2e roman d elle que je lis après Mrs Dalloway et ça ne fonctionne toujours pas vraiment avec moi.
Je suis un peu plus à l aise avec le flux de conscience, il faut presque le lire comme de la poésie. Mais, malgré des images très évocatrices et sensorielles dans la 2e partie qui m ont beaucoup plu, je suis restée à quai, jamais totalement synchrone au rythme que V.Woolf imprime à la lecture. Dommage

Oui bien sûr s il fait beau demain, dit Mrs Ramsay.

C était là tout autour d eux. Cela participait, sentait elle, tout en servant avec soin un morceau particulièrement tendre à Mr Bankes, de l éternité; comme ce qu elle avait ressenti à propos de quelque chose de différent un peu plus tôt dans l après midi; il y avait là une cohérence dans les choses, une stabilité; quelque chose, voulait elle dire, est à l abri du changement et brille (elle regarda vers la fenêtre et le reflet ondulé des lumières) face au fugitif, à l éphémère, au spectral, comme un rubis; si bien qu à nouveau, ce soir, elle éprouvait ce sentiment qu elle avait déjà ressenti aujourd hui, de paix, de repos. A partir de tels moments, pensa t elle, se fait ce qui demeure à tout jamais.

Comme l été approcait, que les soirées se faisaient plus longues, vinrent aux veilleurs, aux optimistes, qui arpentaient la plage, agitaient les flaques, des images de la plus étrange espèce- de chair devenue atome roulant sous le vent, d étoiles brillant dans leurs coeurs, des images de falaise, de mer, de nuage et de ciel, fondues délibérément ensemble pour former à l extérieur les fragments éparpillés de la vision intérieure. Dans ces miroirs, les esprits des hommes, dans ces flaques d eau trouble, dans lesquelles les nuages ne cessent de tourner et kes ombres de se former, les rêves persistaient, et il était impossible de résister à l étrange annonce que chaque mouette, chaque fleur, chaque arbre, chaque homme et chaque femme, tout comme la terre blanche elle même, semblaient exprimer (mais pour se rétracter immédiatement s ils étaient interrogés), selon laquelle le bien triomphe, le bonheur règne et l ordre prévaut; ou de résister à la tentation extraordinaire de partir ici ou là en quête d un bien absolu, de quelque cristal d intensité, loin des plaisirs connus et des vertus familières, quelque chose d étranger aux processus de la vie domestique, quelque chose de solitaire, de dur, de lumineux, comme un diamant dans le sable, qui rendrait confiance et sentiment de sécurité à celui qui le posséderait.

Oui se dit elle, en reposant son pinceau avec une extrême fatigue, j ai eu ma vision.

Genre : Classique

L'éveil (The Awakening) de Kate Chopin

On suit Edna Pontellier en Louisiane à la fin du XIXe siècle. Elle découvre son goût pour la peinture. Elle rencontre des hommes qui feront naître désir et/ou passion. J ai d ailleurs beaucoup apprécié que Kate Chopin s\'attache à distinguer les 2 tout en montrant son héroïne répondre à ses 2 élans.
A travers cette découverte de l art et ses relations adultères, Edna se révèle et tente de se libérer des carcans des conventions sociales, du mariage et de la maternité, jusqu à cette fin, cynique, un peu défaitiste qui sonne comme une abdication.
Kate Chopin aimait beaucoup la littérature française et on sent l\'influence de Madame Bovary de Flaubert et d Une vie de Maupassant (2 oeuvres que j adore) dans ce roman langoureux, même si le ton est un peu plus sensuel et l héroïne moins agaçante par son réalisme.

Dans une cage suspendue à côté de la porte, un perroquet vert et jaune n arrêtait pas de répéter : - Allez vous en ! Allez vous en ! Sapristi ! Tout va bien !

Bref, madame Pontellier n était pas une mère avant tout. Elles étaient nombreuse, les mères avant tout cet été-là à Grand Isle. On les reconnaissait facilement, voletant de ci de là, déployant des ailes protectrices quand des dangers réels ou imaginaires menaçaient leur précieuse nichée. Ces femmes idolatraient leurs enfants, vénéraient leurs maris et tenaient pour un privilège sacré de nier leur individualité et de se laisser pousser des ailes d ange gardien.

Enfin, madame Pontellier commençait à comprendre sa position dans l univers, et à éprouver ses relations d invidu avec le monde qui l entourait et celui qu elle portait en elle. Cela peut paraître un fardeau bien lourd, cette sagesse descendue sur l âme d une jeune femme de 28 ans -peut être plus de sagesse que le Saint Esprit ne se plaît d habitude à en accorder aux femmes quelles qu elles soient.
Mais le commencement des choses, celui d un monde surtout, est forcément vague, embrouillé, chaotique, extrêmement troublant. Combien peu d entre nous parviennent à émerger d une telle genèse! Combien d âmes périssent dans ce tumulte!

De très bonne heure elle avait appréhendé instinctivement la dualité de la vie : la vie extérieure où l on s adapte, la vie intérieure où l on s interroge.

Le passé n était rien pour elle; il ne lui offrait aucune leçon qu elle fut prête à suivre. L avenir était un mystère qu elle n essayait jamais de percer. Seul le présent avait du sens; il lui appartenait, pour la torturer comme il le faisait à cet instant de la certitude cruelle qu elle avait perdu ce qu elle possédait et qu on l avait privée de tout ce qu exigeait son être passionné, qui venait de s éveiller.

Je céderais tout ce qui n est pas essentiel; je donnerais mon argent, je donnerais ma vie pour mes enfants; mais je ne me donnerais pas moi-même.

Quelquefois monsieur Pontellier se demandait si sa femme ne devenait pas un peu déséquilibrée. Il voyait clairement qu elle n était pas elle même. C est à dire qu il ne voyait pas qu elle devenait elle même, et que chaque jour elle rejetait davantage cette personnalité factice dont nous nous affublons comme d un vêtement pour paraître aux yeux du monde.

Les années écoulées sont pareilles a des rêves... si l on pouvait continuer à dormir et à rêver... mais se réveiller et découvrir... enfin! Peut être est il préférable de se réveiller après tout, même pour souffrir, au lieu de rester dupe de ses illusions toute sa vie.

Les enfants lui apparaissaient comme des forces contraires qui l avaient vaincue; ils l avaient dominée et avaient cherché à réduire son âme en esclavage pour le restant de ses jours. Mais elle connaissait un moyen de leur échapper.

Les abeilles bourdonnaient et le parfum musqué des oeillets emplissait l air.

Genre : Classique

Victor Hugo vient de mourir de Judith Perrignon

C est un roman historique sur l agonie, la mort et les funérailles de l auteur. Il décortique les manoeuvres de récupération politique, notamment celles destinées à écarter le peuple en trahissant le message d Hugo sous prétexte de lui rendre hommage. Dans une langue agréable voir lyrique, ce roman s adresse surtout aux fans d Hugo (comme moi), à ceux qui s intéressent à la politique du XIXe et à la Commune.

Ils ont peur déjà, le désordre vient si vite.

Ils sont venus écouter le récit de l agonie. Ils lèvent les yeux vers les fenêtres fermées où ils l ont aperçu, déjà, debout, saluant, ils palpent l absence, le silence, la mort qui oeuvre à l intérieur et laisse les vivants, vaguement effarés, avec ou sans chapeau, avec ou sans rang, comme des personnages en quête d auteur.

Bien sûr il est vieux et la vie n a jamais rien promis d autre que de s en aller. La sienne a duré 83 ans, mais si longtemps, si intense, si vibrante, si enroulée sur son temps, son siècle, ce XIXe qui a cru au progrès mécanique de l Histoire, qu on dirait qu un astre va s éteindre dans le ciel. La foule pressent le vide. Elle voudrait laisser planer encore la présence du poète, sa voix par dessus et entre les hommes. Le poète a charge d âmes. C est lui qui l a dit, et quelque chose d électrique dans l air montre qu il y est parvenu.

Paris est un corps fiévreux tandis que le poète lutte contre l attraction de la terre. On dirait qu en mourrant, qu en glissant vers l abîme, il creuse un grand trou et y aspire son temps, sa ville. Comme dans ses livres.

Paris s épanche tous les 10 ou 20 ans, s offre de grandes émotions, politique, funéraire, littéraire, révolutionnaire. Paris se prend pour le centre du monde, le cerveau de l Europe, Paris se prépare à une longue nuit de veille qui sera suivie d un grand jour, Paris enterre celui qui l a aimé et réciproquement,alors il y a de la peine, mais aussi la joie secrète d avoir aimé. Paris offre au poète le culte d ordinaire dévolu aux despotes, aux empereurs et aux rois, il était le souverain des mots, de l imaginaire. Il leur a inoculé un vaccin, un espoir, alors aussi dure soit la perte, le fond des coeurs semble tranquille.

Tous les coeurs sont en deuil,
Paris la grande ville couvre d un crêpe noir ses murs et ses drapeaux,
Tout le monde a souffert avec tes Misérables,
Les tyrans ont tremblé devant tes Châtiments,
Tu fis pleurer Ruy Blas en strophes admirables,
Et ton bel Hernani fit pâlir les amants. Jette un dernier regard,
Le peuple t environne,
Petits, grands, jeunes vieux, ensemble nous pleurons,
Parmi tous les lauriers tressés pour ta couronne,
Nos regrets vont former le plus beaux des fleurons.

Alors doucement les hommes sont retournés prier dans les églises, ils ont fait le chemin inverse, le contre défilé. Qui répudie la foi est condamné au rêve, prédisaient certains sceptiques au siècle du poète. C était vrai. La boucle s est refermée. Et le présent ressemble étrangement à ce qu Hugo appelait le passé.

Elle est la seule prière qu il m ait apprise.

Genre : Historique

Les archives de Roshar, tome 1 : La voie des rois, partie 2 (The Stormlight Archive, book 1: The Way of Kings, part 2) de Brandon Sanderson

Cette 2e partie du tome 1 des Archives de Roshar confirme l impression de la 1e partie : voilà une très grande saga de fantasy ! La construction du récit y est pour beaucoup à travers:
- la trame narrative entre alternance des points de vues/flashbacks/visions
- les arcs narratifs de nos principaux personnages auxquels on s\'attache de plus en plus.
La combinaison de ces éléments permet l\' approfondissement de l intrigue qui se complexifie et prend de l ampleur.La fin du tome est une apothéose à la manière de Sanderson avec scènes de bataille épiques et révélations stupéfiantes... La meilleure manière de nous donner envie de lire la suite !

Kaladin, tu as vu cette pierre? Demanda Tien. Elle change de couleur quand on l observe sous différents angles.

La vie avant la mort. La force avant la faiblesse. Le voyage avant la destination.

Les Néantifères étaient une incarnation du mal. Nous les avons repoussés 99 fois, guidés par les Hérauts et leurs chevaliers élus, les 10 ordres que nous appelons les Chevaliers Radieux. Puis est survenue Aharietiam, l Ultime Désolation. Les Néantifères ont été repoussés vers la Cité Sérénide. Les Hérauts les ont suivis pour les chasser ensuite du paradis, et les Âges Héraldiques de Roshar ont pris fin. L humanité est entrée dans l Ere de Solitude. L ère moderne.

Mais tous les hommes ont la même destination ultime. Que nous trouvions notre fin dans un tombeau sacré ou dans le fossé des pauvres, tous à l exception des Hérauts eux- mêmes doivent dîner avec la Veillenuit.
Par conséquent, la destination importe-t-elle? Ou seulement le chemin que nous empruntons ? Je déclare qu aucune réussite ne possède de substance aussi grande que la route qui mène à elle. Nous ne sommes pas des créatures de destination. C est le voyage qui nous façonne.

Mais les mourants voient quelque chose. Tout a commencé il y a 7 ans, à peu près à l époque où le roi Gavilar commençait à enquêter sur les Plaines Brisées (Son regard se fit lointain). Quelque chose approche, et ces gens le voient. Sur ce pont séparant la vie de l océan infini de la mort, ils voient quelque chose. Leurs mots nous sauveront peut-être.
- Vous êtes un monstre.
- Oui, répondit Taravangian. Mais je suis le monstre qui sauvera le monde.

- Unissez les. Le soleil approche de l horizon. La Tempête Éternelle approche. La Grande Désolation. La Nuit des Tourments. Vous devez vous préparer. Faites de votre peuple une forteresse de puissance et de paix, un mur capable de résister au vent.

- Je suis... j étais ... Dieu. Celui que vous appelez Tout-Puissant, créateur de l humanité. (La slhouette ferma les yeux.) Et à présent, je suis mort. Abjection m a tué. Je suis désolé.

- Vite, dit il d une voix épuisée, parlant un alethi parfait sans trace d accent. Courez! Appelez les tous! Donnez l alerte!
- Qui êtes vous? Se força à demander l un des gardes. Quelle alerte? Qui nous attaque?
L homme marqua un temps d arrêt. Il leva la main vers sa tête en un geste hésitant.
- Qui je suis? Je... je suis Talenel Elkn, Muscle-de-pierre, Héraut du Tout-Puissant. La Désolation arrive. Oh mon Dieu... elle arrive. Et j ai échoué.
(...)
Que est ce que nous considérons comme ayant de la valeur ? Murmura Malice. L innovation. L originalité. La nouveauté. Mais plus important encore... la ponctualité. Je crains que vous n arriviez trop tard, mon malheureux ami désorienté.

Genre : Fantasy

Les archives de Roshar, tome 1 : La voie des rois, partie 1 (The Stormlight Archive, book 1: The Way of Kings, part 1) de Brandon Sanderson

On suit les événements qui se déroulent à Roshar en alternant entre ceux qui impliquent :
- Dalinar un haut prince chef de guerre
- Shallan une princesse pupille pour devenir érudite
- Kaladin un ancien guerrier devenu esclave transportant des ponts.
A travers leurs destins de rebelles qui se questionnent sur le sens des événements et leurs moyens pour changer le cours des choses, Sanderson imbrique des flashbacks de leurs vies passées mais aussi des intermèdes avec d autres personnages dont le lien avec l histoire n\'est pas encore clair.
Il s agit donc d une mise en place consciencieuse de ce qui s annonce comme une grande saga de fantasy avec ce qui fait le succès des livres du Cosmere: de l action, un univers original (nourri des cartes et des croquis de Shallan etc), des personnages charismatiques profonds, des intrigues politiques, de la tactique militaire... C\'est l oeuvre la moins accessible de Sanderson (notammant par cette trame narrative) qui apparaît la plus aboutie, la plus ambitieuse. A confirmer par la suite...

Contournant une arête rocheuse, Kalak s arrêta en chancelant devant le corps d un foudreclaste agonisant.

Je n ai pas dit que Tvlakv n était pas un salopard. Simplement c est un salopard sympathique (Il hésita puis grimaça) Ceux- là sont les pires. Quand on les tue, on finit par se sentir coupable.

Une page blanche n était rien d autre qu un potentiel, inutile jusqu à ce que l on s en serve.

Le corps a besoin d une grande variété de nourriture pour rester en bonne santé. Et l esprit a besoin d une grande variété d idées pour rester vif.

Parfois, répondit Dalinar, le trophée ne mérite pas ce qu il a coûté. Les moyens par lesquels nous atteignons la victoire sont aussi importants que la victoire elle- même.

Je désigne les vérités là où je les vois, clarissime Sadeas. Chacun son rôle. Le mien consiste à chercher dispute. Le vôtre à chercher des putes.

Les émotions d un homme sont ce qui le définit, et le contrôle est la marque de la force véritable. Ne rien éprouver revient à être mort, mais se laisser dicter sa conduite par tout ce qu on ressent revient à être un enfant.

Shallan quitta la pièce hébétée, en proie à un trouble extrême. Epuisée, écoeurée, perdue.
Mais en toute impunité.

Genre : Fantasy

Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale de Simone Weil

La période présente est de celles où tout ce qui semble normalement constituer une raison de vivre s évanouit, où l on doit, sous peine de sombrer dans le désarroi ou l inconscience, tout remettre en question.

La science est un monopole, non pas à cause d une mauvaise organisation de l instruction publique, mais par sa nature même; les profanes n ont accès qu aux résultats, non aux méthodes, c est à dire qu ils ne peuvent que croire non assimiler.

Le mot de révolution est un mot pour lequel on tue, pour lequel on meurt, pour lequel on envoie les masses populaires à la mort, mais qui n a aucun contenu.

Et pourtant rien au monde ne peut empêcher l homme de se sentir né pour la liberté. Jamais, quoiqu il advienne, il ne peut accepter la servitude; car il pense. Il n a jamais cessé de rêver une liberté sans limites, soit comme un bonheur passé dont un châtiment l aurait privé, soit comme un bonheur à venir qui lui serait dû par une sorte de pacte avec une providence mystérieuse.

Les termes d oppresseurs et d opprimés, la notion de classes, tout cela est bien près de perdre toute signification, tant sont évidentes l impuissance et l angoisse de tous les hommes devant la machine sociale, devenue une machine à briser les coeurs, à écraser les esprits, une machine à fabriquer de l inconscience, de la sottise, de la corruption, de la veulerie, et surtout du vertige.

Pour se déterminer à un pareil effort d analyse critique, il suffit de comprendre qu il permettrait à celui qui l entreprendrait d échapper à la contagion de la folie et du vertige collectif en renouant pour son compte, par dessus l idole sociale, le pacte originel de l esprit avec l univers. 1934

Genre : Philosophie

L'Événement de Annie Ernaux

Lors d un dépistage du SIDA, Annie Ernaux se remémore un autre événement, celui de son avortement dans les années 60. Partageant ses réflexions sur l écriture (ses motivations pour raconter ce passage de sa vie), elle décrit aussi minutieusement que possible cette période par des allers et retours entre présent et passé, entre retranscription des faits et des ressentis de l époque et interprétation a posteriori. Elle aborde aussi brièvement les questions de déterminisme social/transfuge et de mépris de classe ce qui me donne énormément envie de lire d autres de ses oeuvres sur ces thématiques. J ai tout aimé: le ton franc voir cru, le style pour autant soigné, la recherche de l authenticité tout en sachant que l auto-fiction implique le parti pris et la subjectivité. Un coup de coeur!

Je suis descendue à Barbès.

Ma vie se situe donc entre la methode Ogino et le préservatif à 1 franc dans les distributeurs. C est une bonne façon de la mesurer, plus sûre que d autres, même.

Si seulement je n avais pas cette REALITE dans mes reins.

Que la forme sous laquelle j ai vécu cette expérience de l avortement -la clandestinité- relève d une histoire revolue ne me semble pas un motif valable pour la laisser enfouie -même si le paradoxe d une loi juste est presque toujours d obliger les anciennes victimes à se taire, au nom de "c est fini tout ça", si bien que le même silence qu avant recouvre ce qui a eu lieu. C est justement parce que aucune interdiction ne pèse plus sur l avortement que je peux, écartant le sens collectif et les formules nécessairement simplifiées, imposées par la lutte des années 70 -"violence faite aux femmes" etc- affronter, dans sa réalité, cet événement inoubliable.

Pour penser ma situation, je n employais aucun des termes qui la désignent, ni "j attends un enfant", ni "enceinte", encore moins "grossesse", voisin de "grotesque". Ils contenaient l acceptation d un futur qui n aurait pas lieu. Ce n était pas la peine de nommer ce que j avais décidé de faire disparaître.

Mais ni le bac, ni la licence de lettres n avaient réussi à détourner la fatalité de la transmission d une pauvreté dont la fille enceinte était, au même titre que l alcoolique, l emblème. J étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c était, d une certaine manière, l échec social.

Sur le quai de la station Malesherbes, je me suis dit que j étais revenue passage Cardinet en croyant qu il allait m arriver quelque chose.
De février à octobre 1999.

Genre : Contemporaine - Histoire vraie

Le bouc émissaire (The scapegoat) de Daphné du Maurier

Dans les années 50, John rencontre son exact sosie Jean de Gué au Mans. Après une soirée de confidences alcoolisées, John se réveille le lendemain dans la peau de son double qui a disparu en lui laissant sa vie et ses ennuis.
Daphné du Maurier crée encore une fois une atmosphère singulière autour de personnages intrigants. On découvre en même temps que John les secrets qui entourent cette famille de châtelains après la 2e Guerre Mondiale.
Comme le héros qui endosse le costume de son sosie, on se prend au jeu (de dupes) et on en redemande encore.
En effet, ce roman psychologique ingénieux sur le thème de la dualité et de l\'identité captive jusqu\'à la fin, frustrante mais inévitable.

Je laissais ma voiture près de la cathédrale et descendis les marches de la place des Jacobins.

Je ne connaissais que trop cette mélancolie inséparable des derniers jours de vacances, mais j éprouvais cette fois plus que jamais l angoisse du temps trop vite enfui, non parce que trop rempli mais parce que je n y avais rien accompli.

Leur conversation ne tarissait pas, et, tandis que je l écoutais- car ces choses étaient ma seule distraction quand mes préoccupations historiques me laissaient un répit - mon chagrin un instant oublié revint me tourmenter: j étais un étranger, je n étais pas un des leurs. Des années d études, des années d exercice, l aisance avec laquelle je parlais leur langue, ensignais leur histoire, expliquais leur culture, ne m avaient pas rapproché de ces gens. J étais trop timide, trop conscient de nos différences. Mon savoir était une science de bibliothèque et mon expérience quotidienne n allait pas plus loin que celle d un touriste. J éprouvais un désir douloureux de connaître ce pays et ce peuple. L odeur de la terre, les reflets sur les routes mouillées, la peinture déteinte des persiennes masquant des fenêtres où mon regard ne pénétrerait jamais, les façades grises des maisons dont je ne franchirais jamais le seuil, étaient pour moi un constant reproche, la marque de mon exclusion, de ma nationalité étrangère. D autres pouvaient passer la barrière, forcer l entrée: pas moi. Je ne serai jamais français, je ne serai jamais l un d entre eux.

Même si on ne peut pas me fournir la réponse, on pourra me dire de quel côté la chercher, car bien qu il doive y avoir une réponse individuelle à nos problèmes individuels, tout comme chaque serrure a sa clef propre, pourquoi cette réponse ne serait elle pas universelle à la manière d un passe partout qui ouvre toutes les portes?

C est parfois céder à une sorte d indulgence que de penser de soi le pire. On dit : Maintenant que je suis au fond du trou, je ne tomberai pas plus bas, et on éprouve une espèce de plaisir à se vautrer dans les ténèbres. Oui mais voilà ce n est pas vrai : On peut toujours tomber plus bas. Le mal en nous est infini, comme le bien. C est une question de choix. On s efforce de s élever ou l on s efforce de tomber. L important est de découvrir dans quelle direction l on va.

Je gagnai le carrefour au sortir de la ville, tournai à gauche et pris la route qui menait vers Bellême et Mortagne

Genre : Contemporaine

Le coeur est un chasseur solitaire (The heart is a lonely hunter) de Carson McCullers

Autour d un muet énigmatique gravitent une jeune fille mélomane, un tenancier débonnaire sous ses airs d ours, un vieux médecin noir et un jeune communiste. Dans ce Sud ségrégationniste d avant 2e guerre mondiale, chacun mû par ses révoltes trouve en lui un réceptacle à leurs aspirations, une solution à leur solitude. J ai aimé le fait que le livre s attache à suivre ces marginaux, donnent la 1e place à des gens de seconde zone pour l époque : un infirme dont le traitement un peu en surface reflète le rapport à sens quasi unique avec les autres personnages, la jeune fille qui n est plus une enfant mais pas encore une adolescente, le gérant de bar spectateur de la société, le docteur noir à la doctrine ascétique qui essaie en vain d exorter son peuple vers l émancipation et son "double" qu est ce jeune communiste trop exalté qui tente d éveiller les consciences.
C est un livre touchant sur le besoin de connexion aux autres, sur la solitude et l isolement mais aussi sur la réalisation de soi et de ses projets dans une réalité adverse.

Il y avait dans la ville 2 muets qui ne se quittaient jamais.

Mais imagine un homme qui sait. Il voit le monde comme il est et il se reporte a des milliers d années en arrière pour comprendre comment c est arrivé. Il observe la lente accumulation du capital et du pouvoir la voit aujourd hui à son apogée. L Amérique lui apparaît comme une maison de fous. Il voit des hommes obligés de voler leurs frères pour vivre. Il voit les enfants crever de faim et les femmes travailler 60 heures par semaine pour gagner de quoi manger. Il voit une année entière de chômeurs et des milliards de dollars gaspillés, des milliers de kilomètres de terres à l abandon. Il voit venir la guerre. Il voit comment, à force de souffrir, les gens deviennent méchants et laids, et quelque chose meurt en eux. Mais surtout il voit que le système entier est bâti sur un mensonge. Et, bien que ça soit clair comme le jour, les ignorants vivent avec ce mensonge depuis si longtemps qu ils ne peuvent pas s en apercevoir.

Tout ce qu ils nous ont fait! Les vérités qu ils ont muées en mensonge. Les idéaux qu ils ont sali et avilis. Jésus, par exemple. Il était des nôtres. Il savait. Quand il a dit qu il était plus facile a un chameau de passer par le chas d une aiguille qu à un riche d entrer dans le royaume de Dieu, il savait fichtrement bien ce qu il disait. Mais regarde comment l Eglise a traité Jésus depuis 2000 ans. Ce qu elle a fait de lui. Sa manière d utiliser chaque mot qu il a prononcé à leurs ignobles fins. Jésus serait jeté en prison de nos jours. Jésus ferait partie de ceux qui savent vraiment. Moi et Jésus, on serait assis l un en face de l autre à table, je Le regarderais et Il me regarderait et chacun saurait que l autre sait. Moi, Jésus et Karl Marx, on s assoirait à une table et...

Et comment les morts peuvent ils être vraiment morts quand ils continuent à vivre dans l âme de ceux qui restent ?

Biff, cloué sur place, était perdu dans ses réflexions. Puis il éprouva soudain une sorte d excitation. Son coeur se souleva et il s appuya sur le comptoir pour se soutenir. Car, dans une brève illumination, il eut un aperçu de la lutte et de la vaillance humaines. L écoulement ininterrompu de l humanité à travers l infinité du temps. Ceux qui peinent et ceux qui- en un mot - aiment. Son âme se dilata. Mais un instant seulement. Car il perçut en lui un avertissement, une fulguration de terreur. Entre 2 mondes, il était en suspens. Il se vit en train de regarder son propre visage dans le miroir du comptoir. Ses tempes luisaient de sueur et il avait le visage tordu. Un oeil s ouvrait plus grand que l autre. L oeil gauche fouillait étroitement le passé tandis que le droit béait, rempli de frayeur, sur un avenir d obscurité, d erreur et de ruine. Et il était suspendu entre le rayonnement et les ténèbres. Entre l amère ironie et la foi.

Et quand il eut enfin regagné la salle, il se prépara posément à l arrivée du matin.

Genre : Contemporaine

Femmes, race et classe (Women, Race and Class) de Angela Davis

Dans Femme, race et classe, Angela Davis présente une chronologie des combats pour les droits civiques émaillée des portraits de ses figures emblématiques. Elle revient sur les ambivalences des différents mouvements d émancipation des femmes, des Noirs et des classes ouvrières: leurs intrications, oppositions et associations. Ceci pour aboutir à la nécessité d une convergence des luttes contre les oppressions sexiste, raciste et économique. Documenté, percutant et étonnament abordable!

Lorsque Ulrich B Phillips déclara en 1918 que l esclavage dans les vieux États du Sud avait marqué les sauvages d Afrique et leurs descendants américains du sceau illustre de la civilisation, cet éminent universitaire entama un débat interminable et passionné.

Dans les limites de la famille et de la vie communautaire, les Noirs ont réussi une chose prodigieuse. Ils ont transformé l égalité "négative", née d une égalité dans l oppression, en égalitarisme positif dans leurs rapports sociaux.

Le racisme trouve son pouvoir de mystification dans l irrationalisme et l incohérence. L idéologie dominante prétend que l homme noir est incapable de progrès intellectuel, car il a toujours été du bétail, par nature inférieur aux Blancs, modèle de l humanité. Pourtant, si cette faiblesse biologique avait été réelle, il n aurait manifesté aucune prétention, aucune aptitude au savoir, si bien qu il n y aurait eu aucune raison de le lui interdire.

Le racisme a toujours profité de sa faculté à encourager la violence sexuelle. Les femmes noires et leurs soeurs de couleur sont depuis toujours les principales cibles de ces agressions racistes, mais les femmes blanches les ont également subies. Lorsque les Blancs furent persuadés qu ils pouvaient violer les femmes noires en toute impunité, leur attitude à l égard des femmes de leur race ne pouvait que s en trouver modifiée. Le racisme est une provocation au viol, et les Américaines blanches en ont nécessairement subi le contrecoup. Voilà un des nombreux exemples où le sexisme se nourrit du racisme, faisant indirectement des Blanches les victimes d oppression spécifique réservée à leurs soeurs de couleur.

... car l idéologie raciste compte une incitation directe au viol. De même que le pouvoir économique donnait aux esclavagistes toute liberté pour violer les femmes noires, la structure de classe de la société capitaliste porte en elle l encouragement au viol. Il semble, en fait, que les capitalistes et leurs alliés des classes moyennes puissent agir en toute impunité parce qu ils commettent des violences sexuelles avec cette même autorité incontestée qui préside à l exploitation quotidienne du travail de la classe ouvrière.

Le seuil critique de la violence sexuelle constitue l une des facettes de la crise profonde que subit actuellement le capitalisme. Expression violente du sexisme, le viol restera une menace tant que l oppression subie par les femmes demeurera un support essentiel du capitalisme. Le mouvement contre le viol et les activités importantes qui s y rattachent, depuis l aide affective et l assistance juridique jusqu aux campagnes pour l éducation et l autodéfense doivent se situer dans une stratégie de lutte menant à la défaite finale du capitalisme monopoliste.

Les pénibles obligations domestiques de toutes les femmes trahissentla force évidente du sexisme.

En fait les seuls efforts d abolition de l esclavage domestique ont été accomplis par les pays vivant actuellement sous le régime socialiste. Les femmes sont donc particulièrement concernées par le combat du socialisme. En outre, les campagnes en faveur des conditions égalitaires de travail entre les sexes assorties d une demande de prise en charge des enfants représentent une menace révolutionnaire pour le capitalisme. Cette stratégie remet en cause la validité du capitalisme de monopole et tracera le chemin du socialisme

Genre : Sciences humaines et sociales

Elle et lui de George Sand

Laurent et Thérèse, 2 amis artistes peintres, tombent amoureux, se déchirent sur fond de revirements/instabilité sentimentale et de jalousie...
Faisant écho à la relation tumutueuse entre Sand et Musset, la liaison amoureuse au coeur du récit apparaît toxique entre un homme génial mais (pervers?)narcissique et versatile, et une femme maternante au syndrome de l infirmière. Le style est élégant et l approche est apparemment plus près de la vérité que la version de Musset dans La confession d un enfant du siècle. Mais un joli style et du réalisme ne suffisent pas à ce texte pour soutenir la comparaison avec le chef d oeuvre (à mon sens) qu est La confession d un enfant du siècle. Un bon moment de lecture sans plus

Ma chère Thérèse puisque vous me permettez de ne pas vous appeler mademoiselle, apprenez une nouvelle importante dans le monde des arts comme dit notre ami Bernard.

Entre 2 êtres dont l un est idéaliste et l autre matérialiste, il y a la mer Baltique.

Je ne demande pas si votre amour serait pour moi le bonheur. Je sais seulement qu il serait la vie, et que, bonne ou mauvaise, c est cette vie-là ou la mort qu il me faut.

Les femmes de l avenir, celles qui contempleront ton oeuvre de siècle en siècle, voilà tes soeurs et tes amantes.

Genre : Classique - Romance

Lonesome dove, tome 2 (Lonesome dove, book 2) de Larry McMurtry

Je me suis finalement attachée à ces ex Texas Rangers. La lenteur du 1er volet correspond au soin que l auteur apporte à faire le portrait :
-de chaque protagoniste (ses enjeux, ses ambitions, ses démons),
-de ses contrées.
C est une fresque sur cette Amérique naissante, un récit sur la période de transition des cow boys nomades et aventuriers sur des terres sauvages aux pionniers fermiers qui souhaitent dompter ces terres pour les rendre cultivables. Un genre de chant du cygne d une époque fondatrice des USA, celle du Far west. Sans être un coup de coeur, je me suis laissée emporter par cette 2e partie, par la profondeur des personnages (autant masculins que féminins) et leur péripéties, par leur quête des grands espaces.

Bien avant que la barge de whisky n arrive au terme de son voyage, Elmira comprit qu elle aurait des ennuis avec Big Zwey.

On peut pas éviter d avoir tort, mais on peut apprendre à y faire face, dit Augustus. Si tu te confrontes à tes erreurs seulement 1 ou 2 fois dans ta vie, ça risque de te faire terriblement mal. Moi, je fais un examen de conscience chaque jour - comme ça c est pas plus douloureux qu un rasage à sec.

Il paraît que la putain lui manquait.

Genre : Aventure

Lonesome dove, tome 1 (Lonesome Dove, book 1) de Larry McMurtry

Ça sent la fin de partie pour les cow-boys : les territoires sont pacifiés, les Indiens et les Mexicains ne sont que des menaces ponctuelles. Mais un convoi de bétail du Sud vers le Nord permet à 2 ex Texas rangers sur le déclin d effectuer un baroud d\'honneur avec leur recrues hétéroclites. L occasion de recroiser d anciennes connaissances, de renouer avec leur vie nomade d aventures. Le rythme est vraiment lent/long jusqu\'au départ après ça s emballe enfin entre éléments naturels déchainés, morts accidentelles, enlévement, récits croisés avec les péripéties des poursuivants de ce convoi... On sent que ce livre a été écrit en one shot et pas en 2 : sur un total de 1200 pages, en gros les 350 1es pages (soit 1/3 du total mais plus 2/3 de ce 1er tome) constituent une phase introductive. Bref je suis pas fan-fan de ces choix éditoriaux qui se retrouvent beaucoup en SFFF notamment, même si c\'est moins effrayant d\'entamer un tome de 570 pages plutôt que 1200 et que c\'est aussi plus pratique à lire.

Lorsque Augustus sortit sous le porche, les cochons bleus étaient en train de manger un serpent à sonnette-un specimen de taille modeste.

- T aurais dû mourir au champ d honneur, Woodrow. Ça, c est une chose que t aurais su faire. Le problème, c est que tu sais pas vivre.

Il existe plus d un million d insectes et une seule espèce humaine, répondit l homme. Lorsqu on aura disparu de cette planète, les insectes en seront maîtres. Je ne sais pas si vous y pensez quand vous contemplez ce beau pays, mais les jours de la race humaine sont comptés. Les insectes attendent leur heure.

Je crois pas que l endroit où on meurt a beaucoup d importance, mais celui où on vit, lui, en a.

Mais ils ne tardèrent pas à s enfoncer dans les plaines et il fut évident pour chacun d eux que Janey était du voyage.

Genre : Aventure

Ce que l'on sème (The Travelers) de Regina Porter

A travers le destin de 2 familles américaines, l une noire, l autre blanche, qui se côtoient, se frôlent avant de se mêler, c\\\'est l Histoire des USA, des années 60 à l ère Obama, qui se déploit : guerre du Vietnam, PTSD, violences policières/envers les femmes, racisme, homosexualité, émancipation féminine, métissage... Autant de thèmes auxquels se rajoutent secrets de famille et démons intérieurs... Les personnages sont entrevus en tant que figures centrales puis en tant que personnages secondaires dans les passages où d autres sont au coeur de l histoire ce qui permet de les percevoir sous plusieurs perspectives. Des photos d archives illustrent ponctuellement le texte.
Devant un style narratif aussi exigeant et la multitude des thèmes abordés, on peut regretter le traitement parfois un peu superficiel de certains sujets mais c est un roman si foisonnant et ambitieux! J ai beaucoup aimé, notamment parce que ça m a parlé sur pas mal de points.

Quand le garçon eut 4 ans, il demanda à son père pourquoi les gens avaient besoin de dormir. Son père répondit: "Pour que Dieu puisse refoutre à l endroit ce que les gens foutent à l envers".

Mais je ne suis jamais allée là-bas, moi. Personne n a prélevé ma salive à l aide d un coton tige, ni analysé mon ADN pour m indiquer un vague point cardinal. Aucun élément de l Afrique ne s est encore solidifié en moi.

"Il y a toujours un ceux-là, dit Eddie. A chaque décennie, de nouveaux ceux-là. Tes grands-parents ont été ceux-là, dans le passé."

S ils avaient connu le coin, ou si Jeb avait pensé à feuilleter le Green Book, ils auraient pu se rendre dans le quartier noir de Dorchester, au sud de Boston. Là-bas, bien sûr, la situation aurait pu s inverser et c est peut être la présence de Seamus qui aurait été fâcheuse. Comme nombre de villes américaines en 1971, Boston était divisée selon des limites raciales, géographiques et morales. 3 ans après qu on eut refusé de servir Jeb dans le restaurant, la crise des bus et le scandale de la déségrégation des écoles publiques à Boston feraient la une des journaux nationaux. Et plus d un habitant du Sud ricanerait devant l hypocrisie du Nord.
Ils allaient sortir du parking quand la serveuse a queue de cheval et aux yeux verts émergea en courant du restaurant en serrant un sac en papier taché de graisse. Elle s approcha de la cabine, du côté de Jeb : Ce n est pas grand chose. Un burger et des frites à partager.
Merci, dit Jeb.
Elle se hâta vers le restaurant et s arrêta à la porte : Mon petit frère se bat là bas, lui aussi.

Ce fut un de ses rares moments, et j en ai connu quelques uns, en homme blanc marié à une Noire, où j ai pris conscience de mes privilèges. On peut parler de privilèges à en perdre haleine, mais on les comprend véritablement quand on a vécu en compagnie de quelqu un qui a dû apprendre à faire davantage avec moins.

On est ici. Servez vous

Genre : Contemporaine

Trilogie romanesque, tome 1 : Entre ciel et terre (Himnaríki og helvíti) de Jón Kalman Stefansson

Au XIXe siècle en Islande, dans une communauté de pêcheurs un jeune homme a un accident à cause d\'un livre que son meilleur ami décide de partir rendre à son propriétaire.
La nature islandaise à la fois hostile et envoûtante est au coeur de cette histoire d amitié, de deuil et d amour (des livres notamment). La poésie du style ne m\'a pas autant séduite que ce que je pensais. Je le classe un peu dans la même veine de contemporains poétiques que Alessandro Barricco qui m avait plus plu.

Nous sommes presque uniquement constitués de ténèbres.

Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut être ni vivants ni morts.

Je suis en train de la perdre, pense t il, non, il ne le pense pas, il le sent, il le perçoit car d invisibles liens relient les humains et nous le sentons au moment où ils cèdent.

Les sanglots naissent quand les mots ne sont plus que des pierres inutiles.

Les rêves nous liberent parfois des amarres de la vie. Ils sont tel un soleil dans les coulisses du monde.

Le gamin est assis, immobile; dehors, des ailes d ange tourbillonnent, il regarde Bárdur se dissoudre lentement et n être bientôt plus qu un souffle d air froid, un frisson.

Genre : Historique

La Garden-Party et autres nouvelles (The Garden Party and Other Stories) de Katherine Mansfield

A travers des scènes de la vie quotidienne où transparait l esthétique des lieux ou des gens en opposition aux petites cruautés et bassesses, l\'auteur en profite pour présenter des personnages isolés, marginaux, des outsiders ordinaires comme la jeune fille révoltée par la poursuite d une fête malgré un drame dans le voisinage, le mari délaissé par son épouse au profit de son nouveau cercle d amis, les vieilles filles à la mort de leur père... Le style de celle qui fut la rivale de Virginia Woolf (dont j avais moyennement aimé Mrs Dalloway...) est subtil et fin mais je ne suis pas sûre que ce soit une lecture inoubliable pour autant.

Montaigne dit que les hommes vont béant aux choses futures; j ai la manie de béer aux choses passées.

Elle ne savait pas ce qu elle faisait. Elle était comme ses gens si hébétés par l horreur de ce qui vient d arriver qu ils partent - n importe où, comme si partir permettait de s échapper...

Cela semblait horriblement vrai. Ce 1er bal n était il après tout, que le commencement de son dernier bal ? A cette pensée, la musique lui parut changer : elle se fit triste, triste, s éleva sur un grand soupir. Oh les choses changeaient si vite! Pourquoi le bonheur ne durait il pas ? Toujours ne serait vraiment pas trop long.

Comme si tu n avais rien de mieux à faire que de te mettre à penser!...

Genre : Classique

Wild de Cheryl Strayed

Cheryl Strayed, une jeune femme de 26ans, se lance seule, dans les années 90, sur le PCT, un chemin américain de très grande randonnée. Récit de voyage, c est aussi un récit de cheminement intérieur. À travers ce périple tout aussi beau qu éprouvant, allégorie de la Vie en quelque sorte, il est question de deuil, de résilience aussi. Un roman très inspirant qui a répondu à mon besoin d évasion de ce début d\'année et qui m a permis de vivre par procuration une expérience que je n aurai jamais le courage de tenter. Quelle femme coriace !

Les arbres étaient hauts, mais je me trouvais encore plus haute qu eux, accrochée au flanc d une montagne du nord de la Californie.

Et si je me pardonnais mes erreurs? Si je reconnaissais être une menteuse adultère, sans autre excuse que le fait d en avoir eu envie ou besoin ? Si malgré mes remords je savais que j agirai de la même façon dans l hypothèse où je pourrai remonter le temps? Si j avais réellement voulu couché avec tous ces hommes? Et si l héroïne m avait appris quelque chose ? Si la réponse était oui au lieu de non ? Si ce qui m avait poussé à commettre toutes ces erreurs m avait également conduite jusqu ici ? Et si je n atteignais jamais la rédemption? Et si c était déjà fait ?

J aimais me perdre dans le rythme de mes pas, bercée par le cliquetis de mon bâton, le silence et les chansons qui résonnaient dans ma tête. J aimais les montagnes, les rochers, les biches et les lapins qui détalaient entre les arbres, les scarabées et les grenouilles qui se trainaient sur le chemin. Mais chaque jour, je finissais par atteindre un stade où ça ne m amusait plus, où la marche devenait monotone, pénible et où mon esprit passait en mode primal, vide de toute pensée à l exception d une seule : aller de l avant.

J ai marché, marché, l esprit en mode primal, vide de toute pensée à l exception d une seule : aller de l avant. J ai continué jusqu a ce que mon corps se rebelle et que je ne puisse plus mettre un pied devant l autre.
Alors, j ai couru

C était tellement bon de lâcher prise.

Genre : Histoire vraie - Voyages

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo

Comme avec Les Misérables, Hugo nous conte les Parisiens et Paris à travers les événements prenant place à Notre Dame, un de ses monuments les plus emblématiques...
Encore une fois, il livre une histoire époustouflante, avec des personnages incroyables et en même temps tellement vrais. La jeune ingénue dont la beauté est une malédiction, le monstre physique et le monstre moral, le jeune vaniteux inconséquent, le poète philosophe...
C est aussi le roman de l Amour: le 1er amour naïf et pur, le coup de coeur superficiel et éphémère, l amour sacrificiel-le dévouement, l amour maternel inconditionnel, l amour passion destructeur.
C est d ailleurs lorsque Frollo, ce personnage froid et désincarné, se trouve dépassé par ses passions que Hugo démontre l étendue de son talent en faisant de cet être douteux un personnage ambivalent voir contre toute attente touchant.
On retrouve alors ce style que j adore, lyrique et flamboyant au service de ce déferlement d émotions.
Magistral!

Il y a quelques années qu en visitant ou pour mieux dire, en furetant Notre Dame, l auteur de ce livre trouva, dans un recoin obscur de l une des tours ce mot gravé à la main sur le mur :
ANATKH

C est une idée consolante, disons le en passant, de songer que la peine de mort, qui, il y a 300ans, encombrait encore de ses roues de fer, de ses gibiers de pierre, de tout son attirail de supplices permanents et scellé dans le pavé, la Grève, les Halles, la place Dauphine, la Croix du Trahoir, le Marché aux Pourceaux, ce hideux Montfaucon, la barrière des Sergents, la Place aux Chats, la porte St Denis, Champeaux, la porte Baudets, la porte St Jacques, sans compter les noyades juridiques en rivière de Seine; il est consolant qu aujourd hui, après avoir perdu successivement toutes les pièces de son armure, son luxe de supplices, sa pénalité d imagination et de fantaisie, sa torture à laquelle elle refaisait tous les 5 ans un lit de cuir au Grand Chatelet, cette vieille suzeraine de la société féodale, presque mise hors de nos lois et de nos villes, traquée de code en code, chassée de place en place, n ait plus dans notre immense Paris qu un coin déshonoré de la Grève, qu une misérable guillotine, furtive, inquiète, honteuse, qui semble toujours craindre d être prise en flagrant délit, tant elle disparaît vite après avoir fait son coup!

Où suis je ? Dit le poète terrifié.
-Dans la cour des miracles, répondit un 4e spectre qui les avait accostés.
- Sur mon âme, reprit Gringoire, je vois bien les aveugles qui regardent et les boiteux qui courent, mais où est le Sauveur?
Ils répondirent par un éclat de rire sinistre.
Le pauvre poète jeta les yeux autour de lui. Il était en effet dans cette redoutable Cour des Miracles, où jamais honnête homme n avait pénétré à pareille heure; cercle magique où les officiers du Châtelet et les sergents de la prévoté qui s y aventuraient disparaissaient en miette; cité des voleurs, hideuse verrue à la face de Paris; égout d où s échappait chaque matin, et où revenait croupir chaque nuit ce ruisseau de vices, de mendicité et de vagabondage toujours débordé dans les rues des capitales; ruche monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l ordre social; hôpital menteur où le bohémien, le moine défroqué, l écolier perdu, les vauriensde toutes les nations, espagnols, italiens, allemands, de toutes les religions, juifs, chrétiens, mahométans, idolatres, couverts de plaies fardées, mendiants le jour, se transfiguraient la nuit en brigands; immense vestiaire, en un mot, où s habillaient et se déshabillaient à cette époque tous les acteurs de cette comédie éternelle que le vol, la prostitution et le meurtre jouent sur le pavé de Paris.

Savez vous ce que c est que l amitié? Demanda t il.
Oui, répondit l egyptienne. C est être frère et soeur, 2 âmes qui se touchent sans se confondre, les 2 doigts de la main.
Et l amour ? Poursuivit Gringoire.
Oh l amour ! Dit elle, et sa voix tremblait et son oeil rayonnait. C est être 2 et n être qu 1. Un homme et une femme qui se fondent en un ange. C est le ciel.

Toute civilisation commence par la théocratie et finit par la démocratie.

Le grand poème, le grand édifice, le grand oeuvre de l humanité ne se bâtira plus, il s imprimera.

- Oh misérable! Qui êtes vous? Que vous ai je fait? Vous me haissez donc bien ? Hélas! Qu avez vous contre moi ?
- Je t aime! Cria le prêtre.
Ses larmes s arrêtèrent subitement. Elle le regarda avec un regard d idiot. Lui était tombé à genoux et la couvait d un oeil de flamme.
- Entends tu? Je t aime! Cria t il encore.
- Quel amour ! Dit la malheureuse en frémissant.
Il reprit : - L amour d un damné.

Oh! Aimer une femme! Etre prêtre! Etre haï! L aimer de toutes les fureurs de son âme, sentir qu on donnerait pour le moindre de ses sourires son sang, ses entrailles, sa renommée, son salut, l immortalité et l éternité, cette vie et l autre; regretter de ne pas être roi, génie, empereur, archange, dieu, pour lui mettre un plus grand esclave sous les pieds; l étreindre nuit et jour de ses rêves et de ses pensées; et la voir amoureuse d une livrée de soldat!

Si tu viens de l enfer, j y vais avec toi. J ai tout fait pour cela. L enfer où tu seras, c est mon paradis, ta vue est plus charmante que celle de Dieu!

- qu est devenu Phoebus? Repeta t elle froidement
- il est mort cria le prêtre.
- Mort! Dit elle toujours glaciale et immobile; alors que me parlez vous de vivre?

La malheureuse s était jetée sur ce soulier, sa consolation et son désespoir depuis tant d années, et ses entrailles se déchiraient comme le 1er jour. Car pour une mère qui a perdu son enfant, c est toujours le 1er jour. Cette douleur-là ne vieillit pas. Les habits de deuil ont beau s user et blanchir: le coeur reste noir.

Et en creusant ainsi son âme, quand il vit quelle large place la nature y avait préparée aux passions, il ricana plus amèrement encore. Il remua au fond de son coeur toute sa haine, toute sa méchanceté, et il reconnut, avec le froid coup d oeil d un médecin qui examine un malade, que cette haine, que cette méchanceté n étaient que de l amour vicié; que l amour, cette source de toute vertu chez l homme, tournait en choses horribles dans un coeur de prêtre et qu un homme constitué comme lui, en se faisant prêtre, se faisait démon. Alors il rit affreusement, et tout à coup, il redevint pâle en considérant le côté le plus sinistre de sa fatale passion, de cet amour corrosif, venimeux, haineux, implacable, qui n avait abouti qu au gibet pour l une, à l enfer pour l autre: elle condamnée, lui damné.

-Moi, je vous aime. Oh! Cela est pourtant bien vrai. Il ne sort donc rien au dehors de ce feu qui me brûle le coeur! Hélas! Jeune fille, nuit et jour, oui nuit et jour, cela ne mérite t il aucune pitié? C est un amour de la nuit et du jour, vous dis je, c est une torture. Oh je souffre trop ma pauvre enfant! C est une chose digne de compassion je vous assure.(...) Je voudrais bien que vous n eussiez plus cette horreur de moi. Enfin un homme qui aime une femme ce n est pas sa faute! Oh mon Dieu! Comment! Vous ne me pardonnerez donc jamais? Vous me hairez toujours! C est donc fini! C est là ce qui me rend mauvais, voyez vous, et horrible à moi même! Vous ne me regardez seulement pas! Vous pensez à autre chose peut être tandis que je vous parle debout et frémissant sur la limite de notre eternité à tous 2! Surtout ne me parlez pas de l officier! Quoi je me jetterai à vos genoux, quoi! Je baiserai non vos pieds, vous ne voudriez pas, mais la terre qui est sous vos pieds, quoi! Je sangloterai comme un enfant, j arracherai de la poitrine, non des paroles mais mon coeur et mes entrailles, pour vous dire que je vous aime, tout serait inutile, tout! Et cependant vous n avez rien dans l âme que de tendre et de clément, vous êtes rayonnante de la plus belle douceur, vous êtes toute entière suave, bonne, miséricordieuse et charmante. Hélas! Vous n avez de méchanceté que pour moi seul! Oh quelle fatalité!

Oh je vais tomber sur le pavé si vous ne prenez pas pitié de moi, pitié de vous. Ne nous condamnez pas tout 2. Si vous saviez combien je vous aime! Quel coeur c est que mon coeur! Oh! Quelle désertion de la vertu! Quel abandon désespéré de moi même! Docteur je bafoue la science, gentilhomme je dechire mon nom, prêtre je fais du missel un oreiller de luxure, je crache au visage de mon Dieu! Tout cela pour toi, enchanteresse!pour être plus digne de ton enfer! Et tu ne veux pas du damné!

Quand on voulut le détacher du squelette qu il embrassait, il tomba en poussière.

Genre : Classique

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates (The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society) de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

C est un petit livre qui se savoure. Joyeux (quand sont présentés les protagonistes à travers leurs lettres), sensible aussi (quand il aborde la 2e Guerre mondiale, les camps, l Occupation, l après guerre), il est moins futile qu on pourrait le craindre. Un livre sur des amateurs de livres pour des amateurs de livres qui fait passer un bon moment de lecture!

Cher Sidney,
Susan Scott est une perle.

Peut être les livres possèdent ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu à leur lecteur idéal.

C est ce que j aime dans la lecture. Un détail minuscule attire votre attention et vous mène à un autre livre, dans lequel vous trouverez un petit passage qui vous pousse vers un 3e livre. Cela fonctionne de manière géométrique à l infini et c est du plaisir pur.

Cette obsession de la dignité peut ruiner ta vie si tu n y prends pas garde.

J ai entendu dire que vous et cet éleveur de porcs alliez régulariser votre situation. Le Seigneur soit loué!

Genre : Historique

Vingt ans après de Alexandre Dumas

Malgré les touches d humour, malgré la fougue toujours présente, malgré le côté truculent mais noble de nos héros, il n est pas à la hauteur du 1er pour moi. Certes plus profond par des thématiques comme la vengeance, les dilemmes moraux ou les ambitions, ce tome pêche par ses longueurs dans le récit.
On a parfois l\'impression que Dumas étire son histoire... C est dommage car quand ça s emballe, c est toujours aussi entraînant et divertissant.
Cela dit j ai quand même apprécié retrouver nos héros plus âgés, avec des fortunes diverses.
Je ne compte pas poursuivre avec le dernier volume pour l instant et je me demande si ça vaut le coup que j entame la trilogie des Valois...

Dans une chambre du palais Cardinal que nous connaissons déjà, près d une table à coins de vermeil, chargée de papiers et de livres, un homme était assis la tête appuyée dans ses 2 mains.

-Monseigneur, j ai été si longtemps enfermé que je ne suis que d un parti : c est du parti du grand air.

(...) croyez moi, ne marchandons pas, on fait mal les grandes choses avec de petits moyens.

Planchet qui n était pas encore bien rassuré à l endroit de son escapade, déclara qu il suivrait D Artagnan jusqu au bout du monde, prît il tout droit, ou prît il à gauche. Seulement il supplia son ancien maître de partir le soir, l obscurité présentant plus de garanties. D Artagnan lui proposa alors de prévenir sa femme pour la rassurer au moins sur son sort : mais Planchet répondit avec beaucoup de sagacité qu il était bien certain que sa femme ne mourrait point d inquiétude de ne pas savoir où il était, tandis que, connaissant l incontinence de langue dont elle était atteinte, lui, Planchet, mourrait d inquiétude si elle le savait.

Eh! Mon cher, ce ne sont pas les guerres civiles qui nous désunissent; c est que nous n avons plus 20 ans chacun, c est que les loyaux élans de la jeunesse ont disparu pour faire place au murmure des intérêts, au souffle des ambitions, aux conseils de l égoïsme.

(...)jamais je le jure devant Dieu qui nous voit et nous écoute pendant la solennité de la nuit, jamais mon épée ne touchera les vôtres, jamais mon oeil n aura pour vous un regard de colère, jamais mon coeur un battement de haine. Nous avons vécu ensemble, haï et aimé ensemble; nous avons versé et confondu notre sang; et peut être, ajouterai je, y a t il le pacte du crime; car tous 4, nous avons condamné, jugé, exécuté un être humain que nous n avions peut être pas le droit de retrancher de ce monde quoique plutôt qu à ce monde il parût appartenir à l enfer.

-Madeleine, dit le Gascon, donnez moi l appartement du 1er; je suis obligé de représenter maintenant que je suis capitaine des mousquetaires. Mais gardez moi toujours la chambre du 5e; on ne sait ce qui peut arriver.

Genre : Classique - Aventure

La Boîte en os de Antoinette Peské

Voilà un texte singulier injustement négligé!
Il s agit d une histoire d amour fou au sens littéral en pleine lande écossaise. Cette nouvelle un peu glauque emprunte à la fois au gothique, au romantisme à l allemande et même au fantastique. Le style vibrant sert au mieux les émotions à fleur de peau. Surprenant...

De passage à Londres cette année de 1893, prodigue pour moi en événements singuliers, j attendais une personne de ma connaissance dans un club du West End.

Prier pour moi, c était m agenouiller devant un soleil couchant, un simple tronc d arbre ou une humble fleur, et sentir s exalter en moi un sentiment de grandeur et de noblesse qui me vivifiait tout en m apaisant et me donnait envie de le sacrifier a quelqu un, à quelque chose, d accomplir un acte héroïque.

Je me demandais parfois jusqu à quel point l amour de Dieu n allait pas à l encontre de l amour de son semblable.

Pour l homme, Katheleen Mac Corjeag était étendue dans la tombe, amas poussiéreux qui n avait plus de nom; pour le poète, elle était couchée dans le cerveau d Alen toute pareille à ce qu elle était le jour où elle mourut, ou bien elle dansait sur son vieux coeur.

Amitié, amour, pour celui qui donne tout et qui entend tout recevoir en échange, la différence n est pas telle. L amitié est alors l amour à l état de sainteté.
Mais qu il s agisse de l un ou de l autre, amour ou amitié, ce mouvement d un être vers un autre n est il pas quelque chose de profondément émouvant qui mérite qu on s y arrête? ... ces tentatives toujours vaines de rapprochement de 2 âmes prisonnières de leur chair m ont toujours paru des plus tragiques et, en amour, elles m ont exaspéré au point de... Mais tu verras bientôt.
Je m imaginais que l amour permettait l union la plus complète des âmes et des coeurs, union que ne pouvait réaliser à elle seule l amitié. Je me suis aperçu, quand j aimais, que la prétendue fusion des corps était cause souvent, sinon toujours, de l éloignement des coeurs et des âmes. Toutefois, avant cette époque, aimer et être aimé c était pour moi atteindre la plus haute cime du contentement humain, et puis, ne pouvant redescendre, mourir aspiré par le vide.

Je ne soupçonnais pas que notre chair pût renfermer de tels trésors de sensations, de jouissances terribles et douces à saveur d infini, qui font douter que le paradis soit ailleurs qu en nous. Car peut il exister délices plus profondes que délices d amour ?...Quand le corps vaincu flotte sur l âme, bras tombant, yeux mi clos, peut on désirer autre chose que mourir d une mort complète et subite ?

Mais peu à peu la raison se fit jour à travers tant d opacité et je connus que je souffrais de ce que je ne me sentais jamais assez près de ma femme. J avais beau la tenirdans mes bras, la serre sur ma poitrine à l écraser, son corps était toujours un corps à côté de mon corps, son cerveau, un cerveau à côté de mon cerveau, son coeur, à côté de mon coeur. Et cela ne laissait pas de m étonner. Ne pouvoir être un avec ce que l on aime.

Que sont auprès de nos amours les plus belles amours de la terre ? Des joyaux dans des boîtes en os, dont seul le Seigneur a la clef.

Genre : Contemporaine

Une prière pour Owen (A Prayer for Owen Meany) de John Irving

Le narrateur raconte sa vie de jeune garçon bourgeois de la Côte Est, du début des années 50 à la fin des années 60. Son récit est émaillé de sauts dans le "présent" en 1987. C\'est l occasion pour lui d aborder sa ville à travers des personnages amusants ou pas et sa famille comme sa grand mère qui m a fait un peu pensé à Lady Violet, sa mère (cette image sublimée de la Femme et de la mère) et son beau père (une figure paternelle compréhensive moderne).
Il revient évidemment sur les événements qui secouent les USA des années 60 et 80 notamment la guerre du Vietnam et la politique de Reagan. Celle-ci donne d ailleurs lieu à des tirades incisives qui résonnent avec une acuité particulière à la fin de l ère trumpiste.
Mais c est surtout une histoire sur la force du destin, celle de la foi mais surtout celle de l amitié. Le narrateur fait de son amitié avec Owen, personnage minuscule mais haut en couleurs, le centre de son récit, comme il est le centre de sa vie...
C est parfois longuet mais jamais vraiment monotone. C est drôle et émouvant aussi.
Je me suis surprise à rire et à verser une larme dans un même chapitre. Bref une histoire savamment menée! Je ne dirai pas que c est un coup de coeur mais j ai vraiment aimé.

Si je suis condamné à me souvenir d un garçon à la voix déglinguée, ce n est ni à cause de sa voix, ni parce qu il fut l être le plus petit que j ai jamais connu, ni même parce qu il fut l instrument de la mort de ma mère. C est à lui que je dois de croire en Dieu; si je suis chrétien, c est grâce à Owen Meaney.

La mémoire est un monstre: vous oubliez; elle non. Elle se contente de tout enregistrer à jamais. Elle garde les souvenirs a votre disposition ou vous les dissimule, pour vous les soumettre à la demande. Vous croyez posséder une mémoire, mais c est elle qui vous possède!

Quand meurt, de façon inattendue, une personne aimée, on ne la perd pas tout en bloc : on la perd en petits morceaux, et ça peut durer très longtemps. Ses lettres qui n arrivent plus, son parfum qui s efface sur les oreillers et sur les vêtements. Progressivement, on additionne les pièces manquantes. Puis vient le jour où l un de ces petits manques fait déborder la coupe du souvenir; on comprend qu on l a perdue, pour toujours...

Que savent les Américains de la moralité? Ils n admettent pas que leurs présidents aient des pénis, mais se moquent que leurs présidents se débrouillent pour soutenir en secret les rebelles du Nicaragua, malgré l opposition du Congrès; ils refusent que les présidents trompent leurs épouses, mais s en fichent si leurs présidents trompent le Congrès, mentent au peuple et violent la Constitution du peuple!

Oh, quel pays de moralistes est l Amérique! Avec quelle délectation les Americains exposent en pleine lumière leurs turpitudes sexuelles! Dommage qu ils n appliquent pas cette règle de moralité à leur président quand il se met hors la loi; dommage qu ils ne mettent pas un zèle equivalent à purger une administration qui fournit des armes aux terroristes. Mais, bien sûr, le moralisme du plumard nécessite moins d imagination et surtout moins d effort que la surveillance de la politique internationale.

En histoire sainte, il nous fit ouvrir nos bibles sur Isaie, 5,20 : "Malheur à ceux qui appellent bien le mal et mal le bien". En histoire religieuse -sur le thème fastidieux de "religion et littérature"-, il nous demanda d étudier la signification de ce qu écrit Tolstoï dans Anna Karénine: "Il n y a pas d autre solution que la solution universelle que donne la vie à toute mes questions, même les plus complexes et les plus insolubles. Cette réponse est : il faut pourvoir aux besoins quotidiens et s oublier soi même."
Dans ses 2 classes, le pasteur Merrill développait sa philosophie : "Le-doute-est-l-essense-de-la-foi". Ce point de vue intéressa Owen encore plus qu autrefois. Le secret était de "croire sans avoir besoin de miracles": une foi qui avait besoin de miracles n était pas une vraie foi. Ne demandez pas de preuves, tel était le message permanent de Mr Merrill.
"MAIS TOUT LE MONDE A BESOIN D UN DEBUT DE PREUVE!
- La foi en soi est un miracle, Owen. Le 1er miracle en lequel je crois, c est ma propre foi."

Avec la mort de Kennedy, nous assistâmes au triomphe de la télévision; les images de son assassinat, puis de ses funérailles, marquèrent le début de la prédominance de la télévision en tant que phénomène culturel; car la télévision atteint son plus haut niveau, sa véritable grandeur en montrant la mort des grands de ce monde. Elle estcle témoin du massacre des héros en pleine gloire et de tous les innocents anonymes; c est là qu elle démontre sa funeste puissance.

Quand, moins de 5 ans plus tard, Bobby Kennedy fut assassiné, Hester remarqua: "La télévision est toujours bonne pour les catastrophes"; ce n était qu une version idiomatique de l observation de ma grand mère sur les méfaits de la télévision sur les personnes âgées: trop la regarder hâtait leur mort. Si regarder la télévision ne fait pas mourir plus vite, ca finit sûrement par rendre la mort plus attirante; car la télévision sans vergogne présente la mort de façon si sentimentale et si romantique que les vivants ont l impression, rien qu en restant en vie, d avoir manqué quelque chose!

Je ne cesserai jamais de te le demander: O Dieu, par pitié, rends le nous !

Genre : Contemporaine

Kim Jiyoung, née en 1982 (Palsip yi nyeon saeng kim jiyeong) de Nam-Joo Cho

Malgré sa forme (style très simple, récit ponctué de statistiques ultra intéressantes mais pas toujours bien amenées), j ai vraiment apprécié en apprendre plus sur la place des femmes en Corée. Bien que les constats soient propres à la situation coréenne, les anecdotes de l héroïne peuvent raisonner universellement, pour les femmes du XXIe siècle d autres pays en abordant la place des femmes au travail, la balance entre vie perso et pro etc...

Kim Jiyoun a 35 ans.

Sa mère regrettait sa vie manquée et regrettait d être devenue la maman de Kim Jiyoung - une pierre ferme et lourde quoique petite qui pèse contre un pan de sa longue jupe. Kim Jiyoung avait d un coup l impression d être cette pierre et ça la rendait triste.

De nos jours, on guérit des cancers, on transplante des coeurs, et il n existe pas un seul traitement pour la douleur des règles, c est dément. Ils croient que c est la catastrophe si un soin concerne l utérus. C est quoi le problème, c est un territoire sacré, ou quoi ?

Les filles presque inconsciemment, entassaient petit à petit au fond de leur coeur la désillusion et la peur des hommes.

Elle avait grandi de la sorte. Avec ce refrain de tout le temps devoir faire attention, s habiller correctement, se comporter sagement, éviter les quartiers dangereux, les heures dangereuses. La faute était du côté de celle qui n avait pas su percevoir le danger ni l éviter.

Pourtant à chaque étape décisive de la vie, l étiquette femme revenait pour brouiller la vision, retenir la main tendue, faire marche arrière.

Pour l entreprise une femme trop intelligente est un problème. Vous voyez, rien que là, pour nous, vous êtes un problème.

Comment les filles sont elles devenues ainsi, cette part de l humanité qui se charge de tous ces trucs sans qu on ait besoin de leur expliquer quoi que ce soit ?

Quel que soit son talent, une femme qui a encore des enfants à charge cause des soucis. Je prendrai une célibataire pour la remplacer.

Genre : Contemporaine

L'Odyssée / Odyssée (Odusseía) de Homère

Je suis partagée... qu est ce qui compte le plus? L apport d une oeuvre à la littérature ou le plaisir de lecture ressenti ? Ici évidemment, l apport à la culture est incontestable. Texte fondateur, nombre d oeuvres s y réfèrent. C est d ailleurs ce qui m avait motivé à le lire, j\'ai Circé de Madeline Miller en wishlist et ... Ulysse de James Joyce dans un futur très très improbable, quand je serai suffisamment "mature"(si vous l avez lu, je suis preneuse de vos retours).
Les nombreuses péripéties sont distayantes, plusieurs personnages (notamment féminins) intéressants, de manière générale j ai moins de mal avec la littérature antique que médiévale par exemple ... mais...
Mais je crois que je n aime pas Ulysse. C est un héros astucieux et futé, dont les qualités ne sont pas fondées sur la force physique contrairement à d autres héros antiques. Mais s il doit faire preuve de ruse pour se sortir d\'ennuis, c est aussi de son fait qu il se retrouve dans ces situations.
De même, il se lamente beaucoup sur son sort, la longueur de son retour tout en ayant pris le temps de partager la couche de plusieurs déesses et en testant en prime Pénélope à son retour.
Je le trouve un peu gonflé, même si ça le rend aussi très humain. Le style plein de redondances nous rappelle que cette oeuvre était avant tout orale et que ces chants ne sont pas forcément destinés à être lus plusieurs à la suite comme des chapitres.
Bref pas emballée mais admirative.

Quel fut cet homme, Muse, raconte le moi, cet homme aux 1000 astuces, qui si longtemps erra, après avoir renversé de Troade la sainte citadelle ?

(...)un ami que la sagesse inspire ne vaut pas moins qu un frère

La fille de Zeus, porte égide, Pallas Athena, qui avait pris de Mentor et la taille et la voix, établit ensuite, entre les 2 partis, les conventions gagées sur les serments.

Genre : Classique - Historique

Une liste de miss.acacia

Créé le 26 décembre 2020

Edité le 22 janvier 2022

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